Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier : 2008-3796(IT)G

ENTRE :

MICHAEL COVELEY,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de
Solbyung Coveley (2008-3797(IT)G), les 9, 10, 11 et 12 octobre 2012,
à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Johanne D’Auray

Comparutions :

 

Avocate de l’appelant :

Me Leigh Somerville Taylor

Avocates de l’intimée :

Me Samantha Hurst

Me Alisa Apostle

 

 

JUGEMENT

          Les appels interjetés à l’encontre des cotisations établies au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2005 et 2006 sont rejetés. Pour ce qui est de l’année d’imposition 2005, l’appelant n’a pas le droit de déduire une PDTPE, étant donné que les prêts n’ont pas été faits dans le but de tirer un revenu d’entreprise de cStar. Si j’avais conclu que les prêts de M. Coveley portaient intérêt, j’aurais tout de même refusé sa déduction d’une PDTPE pour 2005, car la créance n’est pas devenue irrécouvrable en 2005. De ce fait, l’appelant n’a pas droit au report prospectif d’une perte autre qu’en capital à son année d’imposition 2006.

 

Les dépens sont adjugés à l’intimée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de décembre 2013.

 

« Johanne D’Auray »

Juge D’Auray

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de mai 2014.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 

 


 

 

 

Dossier : 2008-3797(IT)G

ENTRE :

SOLBYUNG COVELEY,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de
Michael Coveley (2008-3796(IT)G), les 9, 10, 11 et 12 octobre 2012,
à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Johanne D’Auray

 

Comparutions :

 

Avocate de l’appelante :

Me Leigh Somerville Taylor

Avocates de l’intimée :

Me Samantha Hurst

Me Alisa Apostle

 

 

JUGEMENT

          Les appels interjetés à l’encontre des cotisations établies au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2005 et 2006 sont rejetés. Pour ce qui est de l’année d’imposition 2005, l’appelante n’a pas le droit de déduire une PDTPE, étant donné que la créance n’est pas devenue irrécouvrable en 2005. De ce fait, l’appelante n’a pas droit au report prospectif d’une perte autre qu’en capital à son année d’imposition 2006.

 

Les dépens sont adjugés à l’intimée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de décembre 2013.

 

« Johanne D’Auray »

Juge D’Auray

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de mai 2014.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


 

 

 

Référence : 2013 CCI 417

Date : 20131220

Dossier : 2008-3796(IT)G

ENTRE :

MICHAEL COVELEY,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

Dossier : 2008-3797(IT)G

ENTRE :

SOLBYUNG COVELEY,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge D’Auray

 

A. Introduction

 

[1]             Les appelants, mari et femme, sont les cofondateurs de cStar Technologies Inc (« cStar »).

 

[2]             cStar a été constituée en société le 30 mars 1998 et elle exploite une entreprise de mise au point d’applications de communication qui permettent à des machines et à des systèmes d’affaires ainsi qu’à des machines et à des personnes de communiquer sans fil.

 

[3]             Mme Solbyung Coveley est l’actionnaire, présidente et directrice générale de cStar. Elle est aussi une employée de cette société.

 

[4]             M. Michael Coveley est le directeur des services technologiques et le vice‑président principal de cStar. Il est lui aussi un employé de cette société.

 

[5]             À partir de 1998, les appelants ont consenti des prêts à cStar, comprenant leur rémunération impayée, des avances en espèces et des dépenses d’entreprise qu’ils ont payées pour le compte de cStar au moyen de leurs cartes de crédit personnelles.

 

[6]             En produisant leurs déclarations de revenus pour l’année d’imposition 2005, les appelants ont tous deux déduit une perte déductible au titre d’un placement d’entreprise (« PDTPE »).

 

[7]             En produisant leurs déclarations de revenus pour l’année d’imposition 2006, les appelants ont tous deux déduit de leur revenu le report prospectif d’une perte autre qu’en capital découlant de leurs déductions d’une PDTPE en 2005.

 

[8]             Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé les PDTPE que les appelants avaient déduites pour leur année d’imposition 2005, de même que le report prospectif de la perte autre qu’en capital pour leur année d’imposition 2006, au motif qu’ils ne satisfaisaient pas aux exigences que prévoit la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour ce qui est de la déduction d’une PDTPE.

 

B. Les questions à trancher

 

[9]             Les questions à trancher dans les présents appels sont les suivantes :

 

a)                 les appelants ont-ils le droit de déduire une PDTPE dans le calcul de leurs revenus pour leur année d’imposition 2005?

 

b)                les appelants ont-ils le droit de reporter prospectivement des pertes autres qu’en capital dans le calcul de leurs revenus pour leur année d’imposition 2006?

 

C. La preuve

 

Les appelants

 

[10]        M. Coveley détient des diplômes en génie mécanique et électrique et il a étudié au MIT. Il a travaillé au Canada, aux États-Unis, au Japon, en Allemagne et en Suisse. Il a déclaré qu’il avait de nombreuses inventions à son crédit, comme le premier terminal de point de vente portatif capable de fonctionner automatiquement et un système d’alarme d’automobile pour la société Rolls‑Royce, et qu’il a créé l’un des premiers cœurs mécaniques hémodynamiques à mesurer les conditions variantes de l’hypertension corporelle. Il est aussi l’inventeur précurseur du papier d’aluminium dont on se sert de nos jours dans la plupart des cuisines. Au début des années 1990, M. Coveley a constitué en société Omega Digital Data Inc. (« Omega »).

 

[11]        Mme Coveley a obtenu un baccalauréat ès arts en Corée et a suivi un programme de MBA pour cadres à l’Université de Toronto pendant qu’elle était au service d’Omega. Elle a été reconnue comme femme chef d’entreprise du Canada en 2004.

 

[12]        Omega a fermé ses portes en 1998, environ six mois après la démission des appelants. Ceux-ci ont déclaré chacun une PDTPE d’un montant de 1 252 000 $ par suite de la dissolution d’Omega, une somme qu’ils ont reportée prospectivement à compter de 1999 jusqu’à l’épuisement des PDTPE en 2004.

 

[13]        Au cours des années en question, les appelants n’ont pas touché leur salaire de cStar; au lieu de cela, ils les ont automatiquement prêtés à la société. cStar leur a remis des feuillets T4 pour ces salaires. Selon le feuillet T4 de M. Coveley, sur un salaire de 135 267,76 $ pour l’année d’imposition 2005, une somme de 2 500 $ a été retenue au titre de l’impôt sur le revenu, mais rien n’a été retenu au titre du Régime de pensions du Canada. Selon le feuillet T4 de Mme Coveley, sur un salaire de 135 555,92 $ pour son année d’imposition 2005, une somme de 2 500 $ a été retenue au titre de l’impôt sur le revenu, ainsi qu’une somme de 1 861,20 $ au titre du Régime de pensions du Canada. Le même type de retenues minimales a eu lieu dans les autres années d’imposition. Sans les déductions pour pertes autres qu’en capital qui compensaient leurs revenus, les appelants auraient dû nettement plus en impôts[1].

 

[14]        Les salaires des appelants ont été déterminés par Mme Coveley, avec l’aide du comptable de cStar, M. Draganjac. Ces salaires étaient fondés sur le crédit pour activités de recherche scientifique et de développement expérimental (« RSDE ») qui était disponible pour chaque année. Les sommes que cStar a reçues à titre de crédit pour activités de RSDE reposaient en partie sur les salaires payés par cStar au titre de la recherche scientifique.

 

[15]        Les appelants étaient fermement convaincus que, grâce à la technologie novatrice de cStar, cette société connaîtrait un jour le succès et serait rentable. C’est la raison pour laquelle ils ont décidé d’en poursuivre les activités.

 

cStar

 

[16]        Au cours des années d’imposition visées par l’appel, Mme Coveley a été la présidente, la directrice générale et l’unique actionnaire de cStar.

 

[17]        Au cours des années d’imposition visées par l’appel, M. Coveley a été le directeur des services technologiques et le vice‑président principal de cStar, mais il n’en a jamais été actionnaire. Il n’était pas nécessaire qu’il le soit, a-t-il déclaré, parce que son épouse et lui étaient de bons associés et qu’il avait confiance en elle.

 

[18]        M. Draganjac était le comptable externe de cStar. Il a commencé à agir comme comptable externe peu après la fondation de cStar et, pendant les années d’imposition visées par l’appel, c’était lui qui exerçait les fonctions de comptable externe.

 

[19]        Mme Coveley était chargée des affaires financières de cStar, et elle procédait à l’examen final de ses livres et d’autres registres comptables avant de les transmettre à M. Draganjac.

 

[20]        M. Coveley ne s’occupait pas des affaires financières de cStar. Il confiait à son épouse la totalité de ses affaires financières ainsi que de celles de cStar. Son salaire était déterminé par son épouse, Mme Coveley, ainsi que par M. Draganjac. Il ne passait pas en revue ses déclarations de revenus avant de les signer. Il savait que son salaire était prêté à cStar, mais il n’était pas au courant du montant des prêts.

 

[21]        Au cours des années visées par les appels, le nombre des employés de cStar a varié de 6 à 20.

 

[22]        M. Coveley a déclaré que, par l’entremise de cStar, son équipe technique avait mis au point une passerelle virtuelle ainsi que le premier réseau local sans fil au monde. cStar a conçu de nombreuses applications pour cette passerelle, comme les suivantes :

 

a)              des protocoles et du matériel de distribution automatique sans fil, permettant à des distributeurs automatiques de communiquer avec le service de soutien technique et d’être commandés à distance;

b)             le premier protocole mondial de distribution par téléphones cellulaires et par clés de chambre d’hôtel, permettant à des clients d’utiliser leur téléphone cellulaire ou clé de chambre comme portefeuille électronique;

c)              la « stealth tag » (ou : étiquette furtive), une puce ayant environ le dixième de l’épaisseur d’un cheveu humain, employée dans le cadre de l’inspection d’expéditions de produits; la puce est reliée à un « cheveu » qui court le long du document d’expédition et qui agit comme une antenne; si cette antenne est rompue, par quelqu’un qui, par exemple, ouvre par effraction le contenant d’expédition, la puce qui se trouve dans le document d’expédition le révélera aux inspecteurs de l’État; cette technologie furtive aiderait à faire le suivi des médicaments frauduleux et d’autres substances de cette nature qui sont expédiés aux quatre coins du monde;

d)             un dispositif permettant de faire le suivi de matériel dans les hôpitaux et d’aider ainsi à repérer les vols, et aussi de déterminer à quel endroit les médecins, les patients et même les visiteurs se trouvent dans un hôpital;

e)              une machine distributrice de réactifs, de poisons et de substances dangereuses utilisés dans les centres de recherche des hôpitaux; la machine que cStar a inventée permettrait aux chercheurs d’avoir accès à ces produits à toute heure du jour; le dispositif permettrait également de surveiller l’accès à des médicaments.

 

[23]        Pendant les années visées par les appels, cStar a demandé des crédits au titre de la RSDE. Mme Coveley était chargée des demandes de crédits au titre de la RSDE et des vérifications financières ultérieures, et M. Coveley était chargé de l’aspect scientifique des demandes.

 

[24]        Pendant les années visées par les appels, cStar n’a pas généré de revenus importants. Elle a obtenu ses fonds d’exploitation des crédits au titre de la RSDE ainsi qu’auprès d’investisseurs tiers.

 

[25]        M. Coveley détenait de nombreux brevets. Certains d’entre eux ne correspondaient pas au modèle d’entreprise de cStar. Il a déclaré qu’il cédait des brevets à cStar une fois qu’ils correspondaient au modèle d’entreprise de la société.

 

Les investissements effectués et les prêts consentis par les appelants en faveur de cStar

 

[26]        M. Coveley n’a pas pu se souvenir de la quantité de fonds de démarrage qu’il a investis dans cStar au moment de sa constitution en société. Il a déclaré qu’avec ses économies, il avait payé le matériel et, avant la constitution en société de cStar, il avait payé les salaires des ingénieurs.

 

          a) Les prêts consentis par les appelants à cStar

         

i) Les salaires

 

[27]        Les salaires impayés des appelants ont constitué la majeure partie des sommes que ces derniers ont prêtées à cStar. Les salaires des appelants ont été, au fil des ans, les suivants :


 

M. Coveley

Mme Coveley

1999

s.o.

s.o.

2000

304 000,00 $

200 000,00 $ 

2001

200 311,00 $

200 000,00 $

2002

200 000,00 $

200 000,00 $

2003

135 418,00 $

135 485,00 $

2004

80 317,00 $

140 589,00 $

2005

135 267,76 $

135 555,92 $

2006

140 274,56 $

140 572,64 $

 

                   ii) Les dépenses de cStar payées par les Coveley

 

[28]        Les appelants ont également prêté de l’argent à cStar pour couvrir ses dépenses. Ils se sont servis à cette fin de leurs cartes de crédit personnelles. Mme Coveley a déclaré qu’étant donné que cStar n’avait aucun revenu, celle-ci ne pouvait pas demander de carte de crédit.

 

[29]        Par conséquent, outre les salaires impayés, cStar devait aux Coveley la totalité des dépenses que ceux-ci avaient engagées pour son compte. Les frais annuels et d’intérêt relatifs aux cartes de crédit des appelants ont été eux aussi imputés à cStar dans leur intégralité et ils faisaient partie des comptes de prêt des appelants auprès de cStar.

 

[30]        Les deux appelants ont déclaré à maintes reprises qu’aucun des montants portés au crédit des comptes de prêt de cStar n’était de nature personnelle. Mme Coveley a dit que les appelants ne se servaient qu’exceptionnellement de leurs cartes de crédit pour régler des dépenses personnelles. Ces fois-là, les dépenses étaient inscrites sur les relevés des cartes de crédit comme des dépenses personnelles et n’étaient pas incluses dans les comptes de prêt de cStar.

 

[31]        Toutefois, d’après l’intimée, au cours des années 1998 à 2005 les deux appelants ont imputé des dépenses personnelles à cStar et ont inscrit ces dépenses comme des prêts que cStar leur devait. Dans le cas de Mme Coveley, ces dépenses personnelles totalisaient la somme de 209 185,28 $, tandis que dans le cas de M. Coveley elles totalisaient la somme de 19 405,47 $.

 

                  


iii) L’hypothèque de deuxième rang de Mme Coveley

 

[32]        Mme Coveley a grevé la maison familiale d’une hypothèque de deuxième rang en contrepartie d’un prêt de 77 000 $, somme qu’elle a prêtée à cStar.

 

                   iv) La famille de Mme Coveley

 

[33]        En 1998, la famille de Mme Coveley, qui vivait en Corée et au Japon, lui a consenti des prêts personnels d’un montant total de 126 900 $, plus les intérêts. Aucun document n’a confirmé les prêts que la famille lui a faits. Mme Coveley a prêté cet argent à cStar, où il a été ajouté à son compte de prêt.

       

        b) Les intérêts sur les prêts des appelants

 

[34]        La question de savoir si les prêts que les appelants ont consentis à cStar portaient intérêt ou non est l’objet d’éléments de preuve contradictoires. Mme Coveley a produit en preuve deux billets à ordre, l’un pour M. Coveley et l’autre pour elle‑même. Ces deux billets portent la signature de Mme Coveley. Ils sont datés du 7 avril 1998, et il y est mentionné ceci : [traduction] « La soussignée promet par la présente de rembourser sur demande la totalité des avances, tant passées que futures, faites par [les appelants] à 1288145 Ontario Limited [aujourd’hui cStar], plus des intérêts simples à dix pour cent (10 %). »

 

[35]        M. Coveley s’est fondé sur son billet à ordre pour étayer la prétention relative aux intérêts, mais son témoignage sur ce point manquait de clarté. En contre‑interrogatoire, il a déclaré que des intérêts s’étaient accumulés sur ses prêts durant les deux ou trois premières années. À ce moment-là, a-t-il ajouté, le comptable de cStar, M. Draganjac, lui a dit qu’il était inutile de réclamer des intérêts, parce que les prêts ne seraient pas remboursés avant un bon bout de temps; il ne servait donc à rien d’en ajouter. Étant donné que Mme Coveley souscrivait à la décision de M. Draganjac et que c’était elle qui contrôlait la gestion et les affaires financières de cStar, M. Coveley s’est rangé à la décision de ne pas accumuler d’intérêts sur ses prêts.

 

[36]        La preuve documentaire n’a pas confirmé la prétention selon laquelle les prêts des appelants portaient intérêt. Dans leurs déclarations relatives à l’année d’imposition 2005, que M. Draganjac a établies, il a été indiqué qu’une PDTPE était déduite pour des [traduction] « fonds avancés de 1998 au 31 mars 2005 – sans intérêts ». De plus, aucun revenu d’intérêt n’a été inclus dans le revenu des appelants. cStar n’a jamais payé d’intérêts aux appelants, et les intérêts sur leurs prêts n’ont pas été comptabilisés dans les états financiers de cStar. Mme Coveley a toutefois déclaré que cStar tenait un relevé comptable distinct au sujet des intérêts accumulés.

 

[37]        Par ailleurs, dans une lettre envoyée par télécopieur le 11 décembre 2003 à M. Waters, un important investisseur de cStar, Mme Coveley a écrit ceci : [traduction] « Aucun intérêt n’a été accumulé sur les salaires impayés et les fonds de démarrage que M Coveley et S Coveley ont injectés. »

 

[38]        Le 12 juillet 2006, M. Draganjac, agissant pour le compte des appelants, a écrit de la même façon dans le questionnaire sur la PDTPE envoyé par télécopieur à l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») que l’intérêt sur les prêts était de « 0 ».

 

[39]        Lors de son témoignage, M. Draganjac a déclaré que la réponse indiquée sur le questionnaire était une erreur de son cabinet comptable et que les prêts portaient intérêt. Répondant à une lettre datée du 16 août 2007 de Mme Paajanen, agente des appels à l’ARC, M. Draganjac a indiqué que le prêt de M. Coveley portait intérêt au taux de 10 %. À ce moment‑là, M. Draganjac n’a fourni aucun document justificatif à Mme Paajanen.

 

Les prêts et les investissements faits par des tiers

 

a) Victor Chen

 

[40]        M. Victor Chen, un confrère de classe et ami de Mme Coveley à l’époque où celle‑ci suivait son programme de MBA pour cadres, lui a consenti deux prêts pour cStar : le premier, le 14 octobre 1998, d’un montant de 20 000 $; le second, le 11 octobre 2000, d’un montant de 15 000 $. Ces prêts ont été remboursés à M. Chen le 18 août 2005, avec intérêts composés.

 

b) M. William Robert Waters

 

[41]        M. William Robert Waters, qui avait enseigné à Mme Coveley à l’époque où celle-ci suivait son programme de MBA pour cadres, a commencé à investir dans cStar le 26 octobre 1998, en souscrivant 200 000 actions ordinaires au prix de 10 $ l’action.

 

[42]        À compter du 31 octobre 2000, M. Waters a prêté des fonds à cStar par versements mensuels de 100 000 $. La dernière avance de M. Waters a été faite le 31 octobre 2003. À cette date‑là, le montant du prêt s’élevait à 3,7 millions de dollars. M. Waters a tenté de rendre officiel son achat initial d’actions et le prêt, mais il n’est pas parvenu à s’entendre avec Mme Coveley. De ce fait, il n’existait aucune entente écrite entre cStar et M. Waters.

 

[43]        cStar s’est servie des crédits pour activités de RSDE qu’elle avait reçus pour rembourser à M. Waters la somme de 1,4 million de dollars. Elle a cessé de rembourser M. Waters après le 31 janvier 2003.

 

[44]        Une société du nom de XDL s’est montrée intéressée à acheter la part que M. Waters détenait dans cStar, et elle a procédé à un contrôle préalable. L’opération a échoué, parce que XDL voulait exercer plus de contrôle sur la gestion de cStar. Selon M. Waters, les dirigeants de XDL ne [traduction] « se sont pas sentis à l’aise une fois que tout a été dit et fait à propos de l’arrangement qu’ils pouvaient conclure avec M. et Mme Coveley. Je crois qu’il est juste de dire qu’ils avaient le sentiment que ce qu’ils devaient m’offrir n’était pas assez solide, car l’arrangement, quel qu’il soit, qu’ils avaient conclu ne consistait pas simplement à prendre mes actions, mais, de leur point de vue, il consistait à prendre part dans une très grande mesure à la gestion de l’organisation ».

 

[45]        M. Waters a décidé de vendre son investissement dans cStar et la créance que cStar lui devait, car Mme Coveley ne voulait pas signer une convention de sécurité générale qui affermirait sa position à lui quant à son investissement. Mme Coveley ne voulait pas perdre son emprise sur la technologie de cStar. M. Waters a aussi exprimé l’avis que [traduction] « l’entreprise n’allait pas pouvoir continuer de façon efficace ».

 

[46]        M. Waters a vendu ses actions (qu’il avait payées 2 millions de dollars) à Toris Investment (« Toris ») contre la somme de 20 000 $; quant à la créance de 2,3 millions de dollars qui lui était due, il l’a vendue à Toris pour 130 000 $.

 

[47]        En juillet 2006, le président de Toris est entré en contact avec M. Waters et lui a dit qu’il y avait de nouveau de l’espoir pour cStar. C’est ainsi que, par l’entremise de Toris, M. Waters a prêté la somme de 105 000 $ à cStar le 31 juillet 2006. M. Waters a fait de multiples avances à cStar au cours des mois suivants, par l’entremise de Toris. Il a déclaré qu’au 21 décembre 2007, cStar devait à Toris une somme de 2 015 000 $.

 

c) 2060845 Ontario Inc.

 

[48]        Après que M. Waters eut cessé de financer cStar en 2003, cette dernière a poursuivi ses activités avec le concours d’un autre investisseur : 2060845 Ontario Inc. (« 206 »). Les âmes dirigeantes de cette société étaient des personnes que M. Draganjac avait présentées aux Coveley. Dans le cadre d’un accord de coentreprise, 206 a convenu d’avancer la somme de 3 300 000 $ à cStar, à raison de 75 000 $ par mois. Mme Coveley a déclaré que cet accord était subordonné au fait que cStar génère des revenus. Elle a ajouté que 206 a fait savoir, presque aussitôt après avoir signé l’accord, que les prêts prendraient fin en décembre 2005. 206 a investi une somme de 900 000 $ dans cStar.

 

d) M. Joseph Draganjac

 

[49]        M. Joseph Draganjac a personnellement prêté des fonds à Mme Coveley pour cStar. Cela est assez inusité, car il était à la fois le comptable de cStar et celui des appelants. Il a déclaré avoir avancé cet argent parce qu’ils étaient [traduction] « amis » et que Mme Coveley était [traduction] « désespérée ». Le premier prêt de 50 000 $ a été fait le 25 novembre 2004 et il a été remboursé le 29 avril 2005. Le second prêt de 50 000 $ a été fait le 17 août 2005, et Mme Coveley l’a remboursé le 10 novembre 2005. Cette dernière a déclaré qu’elle s’est servie du second prêt personnel de M. Draganjac pour rembourser M. Chen.

 

e) La famille de Mme Coveley

 

[50]        Comme je l’ai mentionné plus tôt, en 1998 la famille de Mme Coveley, qui vivait en Corée et au Japon, lui a prêté une somme de 126 900 $, plus des intérêts. Mme Coveley a ensuite prêté cette somme à cStar. Au 31 décembre 2005, cStar devait encore 116 000 $ à Mme Coveley.

 

La détermination de la créance irrécouvrable

 

[51]        Mme et M. Coveley ont déduit des PDTPE de 1 191 757,74 $ et de 1 659 982,92 $, respectivement, dans leurs déclarations de revenus concernant l’année 2005. Ils ont changé leurs déductions au titre d’une PDTPE le 7 octobre 2011, soit la date à laquelle ils ont déposé leurs avis d’appel modifiés. Les nouvelles déductions au titre d’une PDTPE étaient de 766 577,91 $ dans le cas de Mme Coveley et de 1 745 671,02 dans le cas de M. Coveley.

 

[52]        Les deux appelants ont déclaré qu’au 31 décembre 2005, la perspective qu’ils avaient de recouvrer leurs prêts de cStar était inexistante. Selon Mme Coveley, après que 206 a arrêté de financer cStar en novembre 2005, cette dernière n’a plus été en mesure de s’acquitter de ses obligations, qui s’élevaient à un montant d’environ 85 000 $ par mois. De plus, les locaux de cStar ont été frappés par une tornade en août 2005, et M. Coveley est tombé malade en 2004.

 

[53]        Avec des dépenses annuelles d’environ 1 million de dollars en moyenne, cStar a déclaré une perte nette dans chacune de ses années d’activité au cours de la période pertinente. Voici ce qu’indiquent les états financiers annuels de cStar pour ses années d’imposition se terminant le 31 mars :

 

 

Revenus

Dépenses

Crédits RSDE

Perte nette

pour l’année

Déficit accumulé

1999

0 $

1 569 223 $

321 580 $

1 247 643 $

1 247 643 $

2000

49 241 $

1 445 308 $

300 627 $

1 111 218 $

2 358 861 $

2001

76 905 $

1 412 364 $

354 200 $

1 363 559 $

3 368 220 $

2002

215 810 $

1 563 468 $

481 649 $

866 009 $

4 234 229 $

2003

121 379 $

1 357 467 $

427 694 $

929 773 $

5 164 002 $

2004

171 972 $

1 158 280 $

395 068 $

847 620 $

6 011 622 $

2005

82 140 $

891 174 $

335 968 $

709 916 $

6 721 538 $

2006

0 $

1 018 622 $

367 352 $

905 404 $

6 676 942 $

 

[54]        En plus de devoir de l’argent aux appelants, cStar était également endettée envers M. Waters et 206. Par ailleurs, selon Mme Coveley, la situation économique mondiale n’a pas été favorable à cStar en 2005. Elle a invoqué la bulle technologique, les événements tragiques du 11 septembre 2001 ainsi que l’épidémie du syndrome respiratoire aigu sévère (« SRAS »).

 

[55]        Une tornade s’est abattue sur les locaux de cStar le 19 août 2005, soulevant le toit du bâtiment et faisant remonter les eaux usées par les égouts. L’inondation a fait perdre à cStar du matériel et des documents. La compagnie d’assurance l’a dédommagée en partie en 2005 et en 2006.

 

[56]        M. Coveley, qui, chez cStar, était le « numéro 1 », avait effectué de très longues heures de travail en prévision de la démonstration de l’étiquette furtive au département de la Sécurité intérieure des États-Unis. Épuisé par ce travail, il est tombé malade et a été hospitalisé, souffrant d’une double pneumonie, en décembre 2004. En mars 2005, il a fait une rechute et a été envoyé d’urgence à l’hôpital, où il s’est retrouvé aux soins intensifs à cause d’une défaillance cardiopulmonaire; il lui a fallu par la suite réduire ses heures de travail à un maximum de neuf par jour, et il n’était plus en mesure de voyager.

 

[57]        Il est ressorti de la preuve que, malgré ces problèmes, il y avait encore de l’espoir pour cStar en 2005. Un projet‑pilote concernant le distributeur sans fil a été exécuté à l’hôtel Ambassador de Kingston, à partir du 7 mars 2005. Ce projet‑pilote a été un succès et a suscité une couverture médiatique favorable pour cStar. Une proposition de prix a été soumise à Bell Canada le 21 juillet 2005, soit la somme de 2 243 000 $, pour le WLAN Cashless SkyGate Vending Genie System for Hotels ‑ Room Key Card Vending option only (système WLAN Cashless SkyGate Genie pour hôtels – option de distribution – cartes clés de chambre seulement). En août 2005, la société Coca‑Cola Inc. s’est montrée intéressée au distributeur sans fil. Mme Coveley a déclaré ceci dans un courriel envoyé aux ingénieurs de cStar le 5 janvier 2006 :

 

[traduction]

 

[J]’ai la profonde conviction qu’ils [Coca‑Cola] adopteront notre solution pour ces hôtels au Canada […] parce qu’ils manquent de temps (disons merci à l’annonce de Pepsi). Ils veulent damer le pion à Pepsi avec un véritable « déploiement/projet‑pilote ou non » plutôt qu’avec une simple annonce comme Pepsi vient tout juste de faire […] Les amis, nous allons avoir une excellente année! Je peux vraiment le voir! Fin d’un très long compte rendu!!!

 

[58]        En 2006, cStar a conclu une entente de travail avec Lucent Technologies Inc. (« Lucent »), une multinationale américaine spécialisée en technologies des télécommunications. Aux termes de cette entente, Lucent devait distribuer les produits et les solutions de cStar. Celle-ci a envoyé une liste de prix à Lucent le 16 mars 2006, et les deux sociétés ont conclu une entente‑cadre de partenariat le 25 avril 2006.

 

[59]        Après qu’elle eut fait avec succès la démonstration d’un système de triage d’urgence à l’hôpital Sunnybrook à la fin de l’été de 2005, cStar a été appelée à procéder, en mars 2006, à un triage semblable à un autre endroit, aux États‑Unis.

 

[60]        En 2005, cStar était également en pourparlers avec le département de la Sécurité intérieure des États‑Unis, qui, en décembre 2004, lui avait demandé d’organiser une présentation de son étiquette furtive à Washington.

 

[61]        Comme je l’ai déjà mentionné, en juillet 2006, M. Waters, par l’entremise de Toris, a commencé à réinvestir dans cStar. De plus, cette dernière pouvait utiliser ses crédits au titre d’une RSDE pour son année d’imposition 2004 et les années d’imposition suivantes, parce qu’elle avait cessé de les utiliser pour rembourser M. Waters.

 

        Le moment où la créance irrécouvrable a été déterminée

 

[62]        Les deux appelants ont déclaré avoir demandé la déduction d’une PDTPE sur les conseils de M. Draganjac. Dans son témoignage, ce dernier a résumé la recommandation qu’il avait faite à Mme Coveley à propos de cette perte :

 

[traduction]

 

Là encore, si mes souvenirs sont bons, les facteurs qui sont entrés en ligne de compte dans la décision étaient, tout d’abord, que Mme Coveley, pour elle‑même ainsi que pour son époux, voulait quantifier les efforts qu’ils avaient mis dans cette entreprise, les éléments « temps et effort », si vous voulez, et c’était donc là l’une des questions en jeu.

 

Les autres questions ou l’autre question en jeu étaient, je crois, et là encore j’en ignore les détails, mais je crois que l’un des investisseurs, M. Waters, je savais qu’il était un investisseur, une partie de son investissement était sous forme d’actions, et une partie sous forme de prêts. Je crois que l’arrangement conclu avec lui était que, à un certain moment, ces prêts seraient transformés en actions pour lui ainsi que pour M. et Mme Coveley. Le fait qu’ils prenaient un salaire pour refléter les efforts qu’ils mettaient dans l’entreprise aurait fait augmenter leurs prêts, parce qu’ils ne prenaient pas l’argent. Il s’agissait essentiellement de leur contrepartie, la créance de l’entreprise plutôt que des fonds proprement dits.

 

Bien sûr, le troisième aspect de ces salaires de la direction était l’élément RSDE, parce que, comme toutes les entreprises technologiques, ils dépendaient dans une large mesure de ce programme et que le fait de toucher un salaire ou non faisait une grande différence sur le plan du crédit au titre de la RSDE. C’est là, au meilleur de mon souvenir, la discussion que nous avons eue et, ensuite, c’est à ce stade que j’ai avisé Mme Coveley que je croyais que nous pouvions légitimement demander la déduction de cette PDTPE pour, essentiellement, compenser ces salaires.

 

[63]        M. Draganjac a déclaré qu’il n’était au courant d’aucune tentative de la part des appelants pour recouvrer leurs prêts.

 

[64]        Les appelants n’ont produit aucune preuve au sujet des efforts qu’ils avaient pu faire pour recouvrer leurs prêts.

 

[65]        cStar a poursuivi ses activités après que les appelants eurent déterminé que leurs créances étaient devenues irrécouvrables.

 

[66]        Tout au long des années 2005 et 2006, les appelants ont continué de prêter leurs salaires à cStar. En conséquence, leurs comptes de prêt ont augmenté de nouveau après 2005. cStar a continué d’acheter du matériel, comme des ordinateurs et des modems sans fil, et elle a commandé des cartes professionnelles pour six personnes. À la suite de l’inondation survenue en août 2005, cStar a ajouté à son laboratoire de nouvelles installations, ce qui a mené à la création d’un centre opérationnel de réseau.

 

Le montant de la PDTPE

 

[67]        Le solde impayé des prêts consentis par les appelants à cStar le 31 décembre 2005 était de 1 745 671,02 $ dans le cas de M. Coveley et de 766 577,91 $ dans le cas de Mme Coveley. Ces montants sont différents de ceux de la PDTPE que les appelants ont déduits initialement dans leurs déclarations de revenus personnelles de 2005 produites le 24 avril 2006.

 

[68]        M. Draganjac a reconnu que son cabinet comptable avait commis deux erreurs en rapport avec les montants de la PDTPE que les appelants avaient déduits.

 

[69]        La première erreur avait trait aux montants de la PDTPE : ils étaient fondés sur les chiffres figurant dans les états financiers de cStar pour l’année se terminant le 31 mars 2005, plutôt que sur les chiffres applicables à la période se terminant le 31 décembre 2005. De ce fait, les opérations qui ont eu lieu dans les comptes de prêt des appelants, entre le 31 mars et le 31 décembre 2005, n’ont pas été prises en considération dans la détermination initiale des PDTPE. M. Draganjac n’a pas rectifié le montant des PDTPE que les appelants ont déduit. Lorsqu’il s’est rendu compte que des erreurs avaient été commises, c’était le cabinet d’avocats Thorsteinssons qui s’occupait des questions fiscales des appelants. M. Draganjac a présumé que l’avocat chargé des questions fiscales des appelants aurait fait les corrections nécessaires.

 

[70]        La seconde erreur que M. Draganjac a admise avait trait à la comptabilisation du prêt de Mme Coveley. Il a déclaré avoir conseillé cette dernière d’inclure provisoirement dans son compte de prêt les sommes que cStar avaient reçues de 206, soit 75 000 $ par mois. Il avait l’intention de l’informer plus tard de la manière d’inscrire convenablement ces sommes dans les registres comptables de cStar. Mme Coveley a laissé dans son compte de prêt les montants qu’elle avait reçus de 206. C’est ainsi que le compte de prêt de Mme Coveley et, par conséquent, sa PDTPE ont été surestimés d’un montant de 300 000 $ le 31 mars 2005 et d’un montant de 900 000 $ le 31 décembre 2005. Les sommes reçues de 206 auraient dû être capitalisées dans cStar, plutôt que d’apparaître dans le compte de prêt de Mme Coveley.

 

[71]        M. Draganjac a déclaré avoir rectifié l’erreur commise dans la déclaration de revenus de 2006 de cStar, mais n’avoir fait aucun rajustement au compte de prêt de Mme Coveley dans la déclaration de revenus de cette dernière pour l’année d’imposition 2006. Mme Coveley a déclaré qu’elle ne s’était pas rendu compte que sa PDTPE avait été surestimée en 2005, car elle avait signé la déclaration de revenus sans l’examiner.

 

[72]        M. Draganjac a fait savoir qu’il s’était fondé sur les montants que Mme Coveley avait fournis quand il avait déduit sa PDTPE en 2005. De plus, au cours de l’examen de la PDTPE de Mme Coveley, l’ARC a demandé qu’on lui fournisse une preuve au sujet de la somme de 300 000 $. Le 7 janvier 2008, M. Draganjac, agissant pour le compte des appelants, a transmis par télécopieur à l’ARC le verso des quatre bordereaux de dépôt de 75 000 $ en vue de justifier le compte de prêt de Mme Coveley. Les quatre bordereaux lui avaient été transmis par cStar le 3 janvier 2008.

 

[73]        Mme Coveley a admis que le verso des bordereaux de dépôt avait été transmis par télécopieur au bureau de M. Draganjac, mais, a-t-elle dit, elle ignorait que les quatre bordereaux avaient été transmis à l’ARC en vue de justifier le montant de sa PDTPE. Elle a ajouté que c’était là une des raisons pour lesquelles les appelants avaient déposé une déclaration contre M. Draganjac devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario, en février 2012.

 

[74]        Le 25 février 2011, les appelants ont reconnu pour la première fois que la PDTPE de Mme Coveley avait été surestimée d’un montant de 300 000 $, quand leur avocat nouvellement désigné a déposé une liste supplémentaire de documents. Cette liste de documents mise à jour comportait de nouveaux calculs faits par Mme Coveley en vue de rectifier non seulement le fait que les opérations survenues entre la fin de l’exercice de cStar et la fin de l’année civile 2005 n’avaient pas été incluses, mais aussi l’affectation erronée, au compte de prêt de Mme Coveley, de fonds que 206 avait injectés dans cStar. Le 7 octobre 2011, les appelants ont ensuite déposé un avis d’appel modifié faisant état de ces changements.

 

[75]        Le témoignage de Mme Coveley selon lequel elle ignorait que sa PDTPE était surestimée ne m’a pas convaincue. Elle a admis avoir remis à M. Draganjac, à la fin de chaque année, les chiffres concernant les soldes de son compte de prêt et de celui de son époux. Les chiffres qu’elle a fournis à M. Draganjac pour son compte de prêt en 2005 auraient été surestimés d’un montant de 900 000 $ à la fin de décembre 2005. Quand on lui a demandé si elle était responsable des chiffres que cStar avait transmis, elle a répondu qu’il incombait à M. Draganjac de corriger les chiffres s’ils étaient erronés. Cependant, il ressort clairement de la preuve que Mme Coveley s’occupait de très près de ses affaires financières ainsi que de celles de cStar. Elle savait sûrement que son compte de prêt était surestimé.

 

[76]        Mme Coveley est une femme intelligente et instruite. Il m’est difficile d’accepter qu’elle n’ait pas passé en revue sa déclaration de revenus concernant l’année 2005 et constaté que sa PDTPE était surestimée.

 

[77]        Cette preuve n’a pas d’incidence sur le droit qu’a Mme Coveley de demander la déduction d’une PDTPE, mais elle met en doute sa crédibilité, de même que celle de M. Draganjac.

 

D. Le droit applicable et l’analyse

 

[78]        Les deux parties ont invoqué les quatre exigences qu’a établies la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Rich c. Canada, 2003 CAF 38, [2003] 3 CF 493, en vue de pouvoir déduire une PDTPE.

 

[79]        Aux termes de l’alinéa 38c) de la Loi, la perte déductible au titre d’un placement d’entreprise d’un contribuable, pour une année d’imposition, résultant de la disposition d’un bien est égale à la moitié de la perte au titre d’un placement d’entreprise que ce contribuable a subie, pour l’année, à la disposition du bien.

 

[80]        L’expression « perte déductible au titre d’un placement d’entreprise » est définie en partie ainsi, à l’alinéa 39(1)c) : « une perte au titre d’un placement d’entreprise subie par un contribuable, pour une année d’imposition, résultant de la disposition d’un bien quelconque s’entend de l’excédent éventuel de la perte en capital que le contribuable a subie pour l’année résultant d’une disposition, après 1977 […] à laquelle le paragraphe 50(1) s’applique ».

 

[81]        Le paragraphe 50(1) dispose :

 

50. (1) Créances reconnues comme irrécouvrables et actions d’une société en faillitePour l’application de la présente sous-section, lorsque, selon le cas :

 

a) un contribuable établit qu’une créance qui lui est due à la fin d’une année d’imposition (autre qu’une créance qui lui serait due du fait de la disposition d’un bien à usage personnel) s’est révélée être au cours de l’année une créance irrécouvrable;

b) une action du capital-actions d’une société (autre qu’une action reçue par un contribuable en contrepartie de la disposition d’un bien à usage personnel) appartient au contribuable à la fin d’une année d’imposition et :

(i) soit la société est devenue au cours de l’année un failli au sens du paragraphe 128(3),

(ii) soit elle est une personne morale visée à l’article 6 de la Loi sur les liquidations, insolvable au sens de cette loi et au sujet de laquelle une ordonnance de mise en liquidation en vertu de cette loi a été rendue au cours de l’année,

(iii) soit les conditions suivantes sont réunies à la fin de l’année :

(A) la société est insolvable,

(B) ni la société ni une société qu’elle contrôle n’exploite d’entreprise,

(C) la juste valeur marchande de l’action est nulle,

(D) il est raisonnable de s’attendre à ce que la société soit dissoute ou liquidée et ne commence pas à exploiter une entreprise,

le contribuable est réputé avoir disposé de la créance ou de l’action à la fin de l’année pour un produit nul et l’avoir acquise de nouveau immédiatement après la fin de l’année à un coût nul, à condition qu’il fasse un choix, dans sa déclaration de revenu pour l’année, pour que le présent paragraphe s’applique à la créance ou à l’action.

[82]        Selon le sous-alinéa 40(2)g)(ii) :

 

g) est nulle la perte subie par un contribuable et résultant de la disposition d’un bien, dans la mesure où elle est :

[…]

(ii) une perte résultant de la disposition d’une créance ou d’un autre droit de recevoir une somme, sauf si la créance ou le droit a été acquis par le contribuable en vue de tirer un revenu (qui n’est pas un revenu exonéré) d’une entreprise ou d’un bien, ou en contrepartie de la disposition d’une immobilisation en faveur d’une personne avec qui le contribuable n’avait aucun lien de dépendance,

[…]

 

[83]        Conformément à la décision que la Cour d’appel fédérale a rendue dans l’affaire Rich, pour pouvoir demander une PDTPE en vertu de l’alinéa 50(1)a) de la Loi et être ainsi réputés avoir disposé de leurs prêts pour un produit nul, les appelants doivent établir que :

 

1.     cStar leur devait une créance, selon le paragraphe 50(1) de la Loi;

2.     les créances ont été acquises en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien, selon le sous-alinéa 40(2)g)(ii) de la Loi;

3.     en 2005, cStar était une petite entreprise au sens du paragraphe 248(1) de la Loi, selon l’alinéa 39(1)c);

4.     leurs créances sont devenues irrécouvrables en 2005, selon le paragraphe 50(1).

 

[84]        L’intimée ne conteste pas que cStar était une petite entreprise.

 

a)  cStar devait-elle une créance aux appelants?

 

[85]        M. et Mme Coveley soutiennent que cStar leur devait 1 745 671,02 $ et 766 577,91 $, respectivement, le 31 décembre 2005. La majeure partie des créances que cStar devait aux appelants se composait de salaires impayés ainsi que de dépenses que les appelants avaient payées pour le compte de cStar.

 

[86]        L’intimée fait valoir que les appelants n’étaient pas en mesure d’établir le montant des créances, car ils avaient modifié ces montants dans leur avis d’appel modifié et n’avaient produit en preuve aucun document original à l’appui des nouveaux chiffres relatifs à la PDTPE. Je ne suis pas d’accord avec elle. Les nouveaux chiffres corrigés que les appelants ont déclarés me convainquent. Il était clair que la PDTPE avait été calculée en date du 31 mars 2005 plutôt qu’en date du 31 décembre 2005. De plus, il a été établi que la PDTPE déduite par Mme Coveley était surestimée de 300 000 $.

 

[87]        Voyons maintenant si les dépenses que les appelants ont payées pour le compte de cStar et leurs salaires impayés peuvent constituer le fondement de la créance qui leur est due. J’analyserai plus tard si certaines des dépenses que les appelants ont payées étaient des dépenses personnelles propres ou si elles étaient déraisonnables dans les circonstances.

 

[88]        Dans le Black’s Law Dictionary (7e éd., 1999, à la page 410), le terme anglais « debt » (dette ou créance) est défini de façon générale ainsi : [traduction] « créance; montant d’argent spécifique dû par entente ou autrement ».

 

[89]        Les appelants se sont servis de leurs cartes de crédit pour payer les dépenses d’entreprise de cStar. En portant ces dépenses au crédit des comptes de prêt des appelants, cStar a reconnu qu’elle leur devait ces montants. En conséquence, cStar devait bel et bien une créance aux appelants en ce qui a trait au paiement des dépenses d’entreprise.

 

[90]        De plus, je conviens avec les appelants que leurs salaires accumulés font partie des comptes de prêt de cStar. Cela concorde avec la conclusion que la Cour a tirée dans la décision Sunatori c. La Reine, 2010 CCI 346, 2010 DTC 1234, conf. par 2011 CAF 254, 2011 DTC 5153. Dans cette affaire, l’appelant touchait son salaire au moyen d’un chèque livré par son employeur le 31 décembre de chaque année. Le même jour, l’appelant remettait à son employeur un chèque du même montant à titre de prêt. Ni l’un ni l’autre des chèques n’a été présenté pour paiement à aucun moment. Le juge Hershfield a déclaré que le résultat ultime de cette opération était « essentiellement une écriture comptable de la dette contractée par la société au titre du prêt que l’appelant lui [avait] consenti » (au paragraphe 12). Il a conclu que le salaire impayé de l’appelant constituait un prêt qui pouvait valablement donner lieu à une demande de déduction d’une PDTPE. La Cour d’appel fédérale a confirmé sa décision.

 

[91]        L’intimée soutient que la conclusion tirée dans la décision Sunatori ne s’applique pas en l’espèce, parce que cStar et les appelants n’ont échangé aucun instrument négociable, comme un chèque. Il existe toutefois une preuve non contestée selon laquelle les appelants étaient des employés de cStar et que leurs salaires, bien que cStar ne les ait pas réellement payés, étaient consignés par elle dans ses registres comptables. Les salaires accumulés ont été portés au crédit des comptes de prêt des appelants. À mon avis, cela suffit pour établir l’existence de créances que cStar doit aux appelants.

 

[92]        Cette conclusion concorde également avec la décision du juge Webb dans l’affaire Morrison c. La Reine, 2010 CCI 429, 2010 DTC 1288, où l’absence d’un instrument négociable ne l’a pas empêché de conclure que le montant des salaires accumulés, mais impayés, avait été ajouté à juste titre aux comptes de prêt des appelants. Dans ses observations écrites, l’avocate de l’intimée a tenté de faire une distinction entre la présente affaire et l’affaire Morrison en faisant remarquer que, dans cette dernière, des chèques avaient été échangés entre les appelants et leur employeur en vue d’exécuter à la fois le paiement des salaires et le paiement d’avances à l’employeur pour l’année d’imposition. Cependant, dans l’affaire Morrison, aucun chèque n’avait été émis aux appelants pour l’année d’imposition suivante, et le salaire pour cette année-là avait été porté au crédit des comptes d’actionnaire respectifs des appelants.

 

[93]        Pour ces motifs, je crois que cStar devait une créance aux appelants.

 

b)  La créance a été engagée en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien

 

[94]        Le sous-alinéa 40(2)g)(ii) de la Loi a pour effet de refuser la perte au titre d’une créance lorsque le prêt n’a pas été acquis « en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien ». Comme l’a reconnu l’intimée, il n’est pas nécessaire que le contribuable effectue le prêt dans le but exclusif ou principal de tirer un revenu. Dans l’arrêt Rich, au paragraphe 10, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’un but secondaire était suffisant pour satisfaire au critère du but.

 

[95]        Il incombe aux appelants d’établir qu’ils avaient véritablement l’intention de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien au moyen des avances consenties à cStar : voir la décision Rondeau c. La Reine, 2004 CCI 321, 2008 DTC 3874, aux paragraphes 38 et 39.

 

[96]        À titre d’actionnaire de cStar, Mme Coveley aurait pu gagner un revenu de dividendes. Dans l’arrêt Byram c. Canada, 1999 CANLII 7428 (CAF), 99 DTC 5117, la Cour d’appel fédérale a conclu que la possibilité qu’un actionnaire gagne un revenu de dividendes est susceptible de créer un lien suffisant entre un prêt et un but consistant à tirer un revenu. Le juge McDonald a déclaré, au paragraphe 22 :

 

[…] Lorsqu’un actionnaire fournit une garantie ou un prêt sans intérêt à la société dans le but de lui fournir du capital, il existe assurément un lien entre le contribuable et le revenu futur éventuel. Lorsqu’un prêt est consenti en vue de gagner un revenu sous forme de dividendes, ce lien est suffisant pour que soit remplie la condition liée au but fixée par le sous-alinéa 40(2)g)(ii).

 

[97]        L’arrêt Byram s’applique à Mme Coveley. Cette dernière satisfait à la condition fixée par l’alinéa 40(2)g) de la Loi, car il existe un lien suffisant entre les prêts qu’elle a consentis à cStar et la perspective de gagner des dividendes.

 

[98]        L’intimée a fait valoir que le prêt que Mme Coveley avait consenti à cStar n’avait pas été fait dans le but de tirer un revenu d’entreprise, notamment pour la période du 4 août 2005 (date à laquelle la déclaration de revenus de cStar pour 2005 avait été produite) au 31 décembre 2005, car les fonds avaient été avancés à une époque où il n’y avait aucune perspective raisonnable de recouvrement.

 

[99]        L’intimée invoque la décision que la Cour a rendue dans Kyriazakos c. La Reine, 2007 CCI 66, 2007 DTC 373, pour faire valoir qu’une partie d’une PDTPE peut être refusée si des montants ont continué d’être prêtés au débiteur après qu’il est devenu évident qu’il n’y avait aucune possibilité de tirer un revenu grâce au prêt. Cette affaire n’étaye pas la position de l’intimée. Les raisons pour lesquelles une partie de la PDTPE dont l’appelant avait demandé la déduction dans l’affaire Kyriazakos a été rejetée étaient plutôt que : 1) à l’époque où une partie des fonds avait été injectée dans la société débitrice, l’appelant n’était plus actionnaire; 2) l’appelant n’avait spécifié aucun taux d’intérêt sur la créance.

 

[100]   De plus, la position de l’intimée selon laquelle on ne peut inférer aucun but consistant à tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien si le débiteur se trouvait dans une situation financière difficile à l’époque où les fonds ont été avancés ne concorde pas avec les décisions que la Cour a rendues dans les affaires Daniels c. La Reine, 2007 CCI 179, 207 DTC 883, et Scott c. La Reine, 2010 CCI 401, 2010 DTC 1273.

 

[101]   Dans la décision Daniels, le juge Hershfield s’est fondé sur l’arrêt Rich de la Cour d’appel fédérale pour conclure que même un faible espoir de produire un revenu est suffisant :

 

42        Compte tenu du fait que les PDTPE visent à encourager les placements dans de petites entreprises canadiennes, il est peu étonnant, à mes yeux, qu’un tribunal reconnaisse qu’il suffit d’avoir un faible espoir pour satisfaire au critère relatif au but. Lorsqu’une entreprise familiale fait face à des difficultés financières, la rationalité objective des motifs d’aide pourrait toujours être mise en question après coup. Il semble essentiel de faire preuve d’énormément de tolérance. À mon avis, l’arrêt Rich étaye ce principe.

 

[102]   Dans la décision Scott, le juge Boyle a conclu de la même manière qu’il n’est pas déraisonnable de continuer d’avancer des fonds à une société insolvable, surtout si cette mesure est le seul moyen raisonnable de recouvrer l’investissement initial. Il a donc autorisé l’appelant à déduire une PDTPE.

 

[103]   Contrairement à son épouse, M. Coveley n’est pas actionnaire de cStar. De ce fait, les avances qu’il a faites sous forme de prêts ne pouvaient pas produire de dividendes. Les appelants ont déclaré que les avances de M. Coveley portaient intérêt au taux prescrit de 10 %, comme en faisaient foi les billets à ordre que Mme Coveley avait censément signés le 7 avril 1998.

 

[104]   Les appelants ne m’ont pas convaincue que les prêts qu’ils avaient consentis à cStar portaient intérêt. À part les billets à ordre, la preuve documentaire n’étayait pas cette prétention. J’ai décrit la preuve concernant la question des intérêts aux paragraphes 34 à 39 qui précèdent, sans réitérer la totalité des éléments de preuve – leurs déclarations de revenus pour 2005 ne faisaient état d’aucun intérêt – la lettre transmise par courriel par Mme Coveley à M. Waters en 2003 ne faisait état d’aucun intérêt – le questionnaire sur la PDTPE, daté du 12 juillet 2006, indiquait lui aussi que l’intérêt sur les prêts était de zéro. Je conviens avec l’intimée que les billets à ordre ont vraisemblablement été créés après que l’ARC a commencé sa vérification. En conséquence, les appelants n’ont pas réfuté l’hypothèse de fait que le ministre avait tirée, à savoir que les prêts consentis à cStar ne portaient pas intérêt.

 

[105]   Dans leurs observations écrites, les appelants ont déclaré que les avances de M. Coveley ont été faites [traduction] « non seulement pour gagner des intérêts sur son billet à ordre, mais aussi pour gagner pour lui-même un revenu d’emploi ». Ils ont invoqué les décisions La Reine c. F.H. Jones Tobacco Sales Co., [1973] CF 825, Lomas Development Ltd v. The Queen, 96 DTC 1942, McKissock v. R, [1997] 1 CTC 2182, et MacCallum c. La Reine, 2011 CCI 316, 2011 DTC 1225. Bien que ces décisions étayent la position selon laquelle il ne convient pas d’interpréter de manière stricte et machinale le sous-alinéa 40(2)g)(ii), elles ne portent pas que le fait de gagner un revenu d’emploi suffit pour satisfaire au critère du but. Le sous-alinéa 40(2)g)(ii) l’indique clairement : s’il existe une « perte résultant de la disposition d’une créance », la créance doit avoir été « acquise en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien ».

 

[106]   En conséquence, je suis d’avis que la condition selon laquelle la créance doit avoir été acquise en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien est remplie dans le cas de Mme Coveley, mais pas dans celui de M. Coveley. Il convient donc de rejeter sa demande de déduction d’une PDTPE[2].

 

c)   La créance est-elle devenue irrécouvrable en 2005?

 

[107]   Conformément à l’alinéa 50(1)a), les appelants doivent montrer qu’ils ont déterminé, de manière honnête et raisonnable, que leur créance est devenue irrécouvrable dans l’année d’imposition 2005.

 

[108]   À moins qu’il existe une preuve qu’il était raisonnablement possible de recouvrer le prêt et que des mesures proactives auraient mené au recouvrement de la totalité ou d’une partie du prêt, il n’est pas nécessaire que les appelants prouvent qu’ils ont épuisé tous les moyens possibles de recouvrement. Ce qu’il faut, c’est une appréciation honnête et raisonnable de la part des appelants que leur créance est devenue irrécouvrable (Rich, au paragraphe 15).

 

[109]   Comme l’a décrété le juge Rothstein dans l’arrêt Rich, « [p]our savoir si une créance est irrécouvrable, il faut considérer les faits à une date donnée » (au paragraphe 12). Dans les présents appels, la date pertinente est le dernier jour de l’année d’imposition applicable des contribuables, soit le 31 décembre 2005. Les appelants et l’intimée conviennent qu’il est nécessaire d’apprécier les facteurs que le juge Rothstein a énumérés dans l’arrêt Rich, bien qu’ils ne constituent pas une liste exhaustive, en vue de déterminer si la créance est devenue irrécouvrable à cette date-là :

 

1.     l’historique et l’âge de la créance;

2.     la situation financière du débiteur, ses revenus et ses dépenses, gagne-t-il un revenu ou essuie-t-il des pertes?, sa trésorerie et son actif, son passif et les liquidités dont il dispose;

3.     l’évolution du chiffre d’affaires total par rapport aux années antérieures;

4.     l’encaisse, les comptes clients et autres disponibilités du débiteur à l’époque pertinente et par rapport aux années antérieures;

5.     les comptes fournisseurs et autres exigibilités du débiteur à l’époque pertinente et par rapport aux années antérieures;

6.     les conditions économiques générales ayant cours dans le pays, parmi l’ensemble des débiteurs et dans la branche d’activités du débiteur; et

7.     l’expérience antérieure du contribuable en matière de radiation de créances irrécouvrables.

 

1.  L’historique et l’âge de la créance

 

[110]   Les appelants ont commencé à avancer des fonds à cStar en 1998 et ils ont continué de le faire jusqu’en 2005. Aucune somme n’a été remboursée en rapport avec la partie principale des prêts, c’est-à-dire les salaires.

 

2.  La situation financière de cStar, ses revenus et ses dépenses, gagne-t-elle un revenu ou essuie-t-elle des pertes; sa trésorerie et son actif, son passif et les liquidités dont elle dispose

 

[111]   Depuis sa création, cStar n’a jamais été rentable. Avec des dépenses annuelles s’élevant en moyenne à une somme d’environ 1 million de dollars, elle a déclaré une perte nette dans chacune de ses années d’activités pendant les années visées par les appels. En date du 31 mars 2006, le déficit accumulé de cStar s’élevait à 6 676 942 $. Mme Coveley a dit s’être rendu compte à la fin de 2005 qu’elle ne pouvait pas garantir six mois de financement pour cStar. Cette dernière avait des obligations en matière de paye, des comptes à payer, aucune vente et fort peu d’espèces. L’intérêt sur le prêt de M. Waters continuait de s’accumuler et les appelants devaient des sommes considérables sur leurs cartes de crédit personnelles.

 

[112]   Les appelants ont déclaré que les problèmes de santé de M. Coveley ainsi que la tornade qui s’était abattue sur Toronto le 19 août 2005 ont eu une incidence négative sur la situation financière de cStar. Cette dernière a reçu son dernier paiement mensuel de 75 000 $ de son associé dans la coentreprise le 30 novembre 2005. Les deux appelants ont déclaré qu’en date du 31 décembre 2005, ils ne pouvaient donc pas recouvrer la créance que cStar devait.

 

[113]   En revanche, Mme Coveley a semblé très enthousiaste et positive au sujet des initiatives que cStar a prises et des faits qu’elle a vécus en 2005. Dans un courriel daté du 5 janvier 2006, que Mme Coveley a transmis aux ingénieurs de cStar, elle a déclaré : [traduction] « Les amis, nous allons avoir une excellente année! Je peux vraiment le voir! Fin d’un très long compte rendu!!! »

 

[114]   Son optimisme n’était pas une simple bravade. Un certain nombre de faits sont survenus en 2005 qui s’avéraient prometteurs pour cStar. Le 7 mars 2005, cStar a lancé avec succès un projet-pilote lié à sa solution de distributeurs. Ensuite, le 21 juillet 2005, cStar a proposé à Bell Canada un prix de 2,243 millions de dollars pour le système de distribution de cartes de clé de chambre d’hôtel sans fil. À la fin de l’été de 2005, cStar a procédé à la démonstration d’un système de triage d’urgence à l’Hôpital Sunnybrook. Durant la même période, cStar était en pourparlers avec le département de la Sécurité intérieure des États-Unis, qui lui avait demandé, en décembre 2004, d’organiser une présentation de son « étiquette furtive » à Washington. Mme Coveley a aussi déclaré qu’elle avait repris espoir en apprenant, en août 2005, qu’un dirigeant de Coca-Cola qui s’opposait à l’idée de signer un contrat avec cStar quittait la société. De plus, après la tornade, il avait été décidé non seulement de remettre en état les locaux de cStar, mais aussi d’améliorer leurs caractéristiques technologiques.

 

[115]   Même s’il est bien établi que les circonstances antérieures et présentes sont habituellement les principaux facteurs qui permettent de déterminer si une créance est devenue irrécouvrable, la Cour d’appel fédérale n’a pas exclu la possibilité de prendre en considération les perspectives d’avenir de la société débitrice. Dans l’arrêt Rich, le juge Rothstein a déclaré, au paragraphe 14 :

 

[…] S’il est établi qu’un événement se produira probablement dans l’avenir et que cet événement donne à penser que la créance sera recouvrable lorsqu’il surviendra, alors l’événement en question devra être pris en compte. Si les considérations futures ne sont que des conjectures, elles n’interviendront pas lorsqu’on se demandera si une créance exigible est recouvrable.

 

[116]   Dans le même ordre d’idées, dans la décision Sunatori, le juge Hershfield a déclaré que les perspectives d’avenir sont particulièrement pertinentes si la créance n’est pas encore exigible, par exemple dans les cas où il n’existe pas de conditions de remboursement précises (aux paragraphes 46 à 56). Dans les présents appels, les appelants et cStar n’ont convenu d’aucune condition de remboursement. Je crois donc qu’il est nécessaire de prendre en compte les perspectives de remboursement futures au moment d’apprécier si les avances que les appelants ont consenties à cStar sont devenues irrécouvrables. Comme l’a mentionné le juge Hershfield, le fait de déterminer qu’un prêt n’est pas remboursable à la fin d’une année particulière ne veut pas dire qu’il est raisonnable de considérer qu’il constituait une créance irrécouvrable (au paragraphe 55).

 

[117]   Même si aucune des négociations menées entre cStar et d’éventuels clients n’avait mené à la signature d’un contrat lucratif, les appelants étaient quand même d’avis en 2005 que cStar connaîtrait le succès.

 

[118]   cStar a aussi été assez active en 2006. Une liste de prix et de propositions de prix, dont une concernant un déploiement de systèmes d’une valeur de 6,7 millions de dollars, a été envoyée à Pepsi au début de 2006. Mme Coveley a déclaré qu’à l’époque, elle considérait avec optimisme qu’il allait y avoir un vaste déploiement de distributeurs. Le 25 avril 2006, une entente-cadre de partenariat a été conclue entre Lucent et cStar, aux termes de laquelle Lucent devait distribuer les produits et les solutions de cStar.

 

3.  L’évolution du chiffre d’affaires total par rapport aux années antérieures

 

[119]   Depuis la création de cStar en 1998, jamais son chiffre d’affaires n’a été supérieur à ses dépenses. Comme l’indique le tableau qui suit, cStar n’a gagné aucun revenu au cours de son exercice se terminant le 31 mars 2006. Les ventes que cStar a conclues pendant ces exercices se terminant le 31 mars sont les suivantes :

 

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

0 $

49 241 $

76 905 $

215 810 $

121 379 $

171 792 $

82 140 $

0 $

 

4.  L’encaisse, les comptes clients et autres disponibilités de cStar à l’époque pertinente et par rapport aux années antérieures

 

[120]   Les chiffres suivants, qui représentent les actifs à court terme de cStar, sont tirés de ses bilans annuels concernant les exercices se terminant le 31 mars :

 

 

 

 

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Espèces

6 743 $

147 254 $

150 184

74 838 $

25 159 $

84 663 $

74 792 $

17 353 $

Comptes débiteurs

 

 

38 453

166 809 $

230 375 $

34 387 $

7 475 $

néant

Stocks

12 372 $

42 992 $

45 984

65 031 $

61 576 $

44 859 $

43 353 $

13 353 $

Dépenses prépayées

6 155 $

6 155 $

9 832

11 861 $

6 937 $

6 887 $

6 216 $

6 216 $

Crédits d’impôt RSDE

361 349 $

669 139 $

1 031 653

575 812 $

492 066 $

467 689 $

350 239 $

369 747 $

Prêt à recouvrer

 

 

 

 

 

 

 

50 000 $

TOTAL

386 619 $

865 540 $

1 276 106

894 351 $

816 113 $

638 485 $

482 075 $

456 669 $

 

[121]   En date du 31 mars 2005, les comptes débiteurs et les soldes bancaires de cStar étaient effectivement inférieurs aux chiffres des années antérieures, mais les différences ne sont pas considérables.

 

5.  Les comptes fournisseurs et autres exigibilités de cStar à l’époque pertinente et par rapport aux années antérieures

 

[122]   Les comptes fournisseurs de cStar pour les exercices se terminant le 31 mars sont les suivants :

 

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

155 082 $

229 675 $

196 830 $

150 056 $

45 524 $

48 032 $

67 323 $

85 404 $

 

[123]   Les exigibilités à court terme de cStar ont diminué au fil des ans, mais il y a eu une légère hausse en 2005 et en 2006.

 

6.  Les conditions économiques générales ayant cours dans le pays, parmi l’ensemble des débiteurs et dans la branche d’activités de cStar

 

[124]   Les appelants ont fourni peu d’éléments de preuve au sujet de la situation économique mondiale en 2005. Mme Coveley a déclaré que l’explosion de la bulle technologique, les événements tragiques du 11 septembre 2001 ainsi que l’épidémie de SRAS avaient eu des répercussions négatives sur les activités de cStar. L’explosion de la bulle technologique est survenue en 2000-2001. Les événements du 11 septembre se sont produits en 2001 et l’épidémie de SRAS a eu lieu en 2002‑2003. Je suis consciente que ces événements ont pu avoir eu une incidence sur cStar, mais je ne saisis pas pourquoi l’année 2005 aurait été différente des années antérieures à cet égard.

 

7.  L’expérience antérieure des appelants en matière de radiation de créances irrécouvrables

 

[125]   Les appelants ont demandé chacun la déduction d’une PDTPE d’un montant de 1 252 000 $, par suite de la dissolution d’Omega en 1998. Ils ont reporté prospectivement les pertes autres qu’en capital à compter de 1999, jusqu’à épuisement en 2004.

 

[126]   Il ressort de l’analyse de ces sept facteurs que la situation financière de cStar n’a pas changé au fil des ans. cStar se trouvait dans une position financière difficile, mais celle-ci n’était pas meilleure ou pire au 31 décembre 2005. Par ailleurs, le problème que posent, selon moi, les demandes de déduction d’une PDTPE des appelants est que ces derniers ont continué d’avancer des fonds à cStar durant toute l’année 2005 ainsi qu’après le 31 décembre 2005. Ils ont continué d’avancer des fonds à cStar après 2005 en prêtant leurs salaires à cette dernière et en payant des dépenses d’entreprise.

 

[127]   En 2005, cStar a acheté neuf ordinateurs et un projecteur pour sa technologie de passerelle virtuelle. Trois de ces ordinateurs ont été achetés le 22 novembre 2005 et un autre le 21 décembre 2005. Le 11 novembre 2005, cStar a engagé des frais de 400 $ pour du lettrage de véhicule. Parallèlement, M. Coveley a continué d’ajouter de nouvelles installations au laboratoire de cStar après l’inondation survenue en août 2005, ce qui a donné lieu à la création d’un nouveau centre opérationnel de réseau.

 

[128]   Par ailleurs, les rénovations qui ont été faites aux locaux de cStar après la tornade se sont poursuivies en 2006 et plus tard. cStar a émis des bons de commande pour des ordinateurs et des modems sans fil, ainsi que pour des cartes professionnelles pour six personnes en 2006.

 

[129]   Quand on lui a demandé pourquoi elle avait continué de travailler pour cStar sans être rémunérée après 2005, Mme Coveley a répondu : [traduction] « […] nous avons d’excellents actifs, de la propriété intellectuelle, des solutions, des solutions novatrices, mais nous avons un petit peu trop d’avance sur le marché et nous savons qu’un jour il nous rattrapera. L’espoir est là, mais nous savons clairement que ce montant [de créance], nous ne pouvons pas le recouvrer ».

 

[130]   Dans la décision Giahinejad c. Canada, [2001] ACI no 725 (QL), [2002] 1 CTC 2141, le juge Mogan, de la Cour canadienne de l’impôt, a statué qu’étant donné que l’appelante prêtait des fonds à la société débitrice au moment même où elle avait déterminé que la créance était devenue irrécouvrable, la demande de déduction d’une PDTPE était refusée pour ce seul motif. Au paragraphe 8, le juge Mogan a déclaré :

 

8          En ce qui concerne le fait que l’appelante n’a pu recouvrer les prêts en 1997, selon la preuve qui m’a été présentée, je ne pourrais en aucun cas conclure que ces créances, dues à l’appelante par la compagnie à dénomination numérique, constituaient des créances irrécouvrables en 1997. Même le 1er décembre 1997, l’appelante a émis un chèque de 1 830 $ à la compagnie qui a été déposé le 4 décembre. Puis, encore une fois, le 28 décembre, elle a émis un chèque plus important de 2 975 $ qui a été déposé le 29 décembre 1997. Elle investissait toujours l’argent dans la compagnie au cours du dernier mois de l’année et, en fait, au cours des trois ou quatre derniers jours de l’année. Je ne peux conclure, par conséquent, que la compagnie était insolvable ou incapable de rembourser les prêts alors que l’appelante lui prêtait toujours de l’argent à la fin de l’année. Pour ce motif uniquement, l’appel de l’appelante ne peut être admis.

 

[131]   Au paragraphe 54 de la décision Sunatori, précitée, le juge Hershfield, faisant référence à la décision Giahinejad, a tiré une conclusion semblable :

 

54        De même, dans l’affaire Giahinejad, la perspective d’un recouvrement à l’avenir est implicitement pertinente. Le versement d’avances signifie implicitement la survenance à l’avenir d’un événement positif qui vient contredire une détermination de créance irrécouvrable à la date à laquelle l’avance est consentie. Si l’on adhère à ce raisonnement, un prêt qui ne sera pas exigible avant quelque temps ne peut raisonnablement être reconnu comme étant irrécouvrable aujourd’hui, alors que les perspectives de recouvrement au moment de l’échéance sont prometteuses, ainsi que le démontrent les récents progrès, de même que l’engagement, la motivation et les travaux en cours du débiteur, dont les actions ne montrent aucun signe d’échec imminent de l’entreprise.

 

[132]   La Cour d’appel fédérale, en confirmant la décision du juge Hershfield, a décrété :

 

7          […] L’appelant ne peut déclarer avoir consenti des prêts bona fide à sa société tout en soutenant que les prêts sont devenus des créances irrécouvrables le jour même où ils ont été consentis. Un prêt d’argent, par définition, consiste en l’avancement d’une somme dans l’expectative qu’elle soit remboursée, et la position de l’appelant dans la présente affaire, qu’il a d’ailleurs réitérée devant notre Cour, est qu’il pensait que sa société en tirerait un profit […].

 

[133]   Par conséquent, selon moi, la créance n’est pas devenue irrécouvrable le 31 décembre 2005.

 

E. Les objections formulées

 

[134]   Lors de l’instruction, les appelants ont soulevé deux objections que j’ai mises en délibéré.

 

La première objection

 

[135]   Les appelants se sont opposés à ce que l’intimée mettre en preuve une déclaration qu’ils avaient déposée devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario le 12 février 2012, à l’encontre du comptable de cStar, M. Draganjac, et de son cabinet, Draganjac Pressman, Chartered Accountants, pour manquement à leurs devoirs et obligations envers les appelants. L’une des allégations formulées dans cette déclaration est que M. Draganjac avait manqué à ses devoirs et obligations envers les appelants quand il les avait avisés de se prévaloir de la déduction d’une PDTPE en 2006, dans des circonstances où, savait-il, une telle demande était injustifiée.

 

[136]   La première objection des appelants est rejetée, et la déclaration doit être déposée en tant que pièce R‑1. Mme Coveley a admis les allégations formulées dans la déclaration. Malgré les contradictions, notamment que, devant la présente cour, les appelants ont fait valoir qu’ils avaient le droit de demander la déduction d’une PDTPE, alors que, devant un tribunal différent, ils ont soutenu qu’ils n’auraient pas dû demander cette déduction, et que M. Draganjac et son cabinet devraient payer des dommages-intérêts pour leur avoir conseillé de le faire, je suis disposée à considérer la déclaration comme un appel préventif, au cas où les présents appels auraient été rejetés. Il est clair que la déclaration est peu pertinente pour ce qui est de déterminer le droit des appelants à une PDTPE.

 

La seconde objection

 

[137]   La seconde objection des appelants est qu’il était trop tard pour que l’intimée fasse valoir dans sa réponse à l’avis d’appel modifié que certains des montants imputés à leur compte de prêt dans cStar étaient de nature personnelle et ne devraient pas faire partie des calculs relatifs à la PDTPE. Ils ont fait valoir qu’il était interdit à l’intimée de plaider ce fait, parce que le ministre ne s’était pas basé sur ce fondement factuel pour établir leur nouvelle cotisation. Ils ont soutenu qu’en invoquant ces arguments, l’intimée procédait indirectement à une nouvelle cotisation à l’égard de dépenses qui étaient maintenant frappées de prescription depuis cinq à onze ans. En outre, ils ont fait valoir qu’on leur portait préjudice, parce qu’ils n’avaient plus les documents qui leur permettraient de justifier leurs dépenses, ceux-ci ayant disparu lors de l’inondation d’août 2005.

 

[138]   Dans sa réponse à l’avis d’appel modifié, l’intimée a ajouté à titre d’argument que certaines des dépenses que les appelants avaient déduites lors du calcul de leurs PDTPE étaient de nature personnelle. Les appelants ont fait valoir que l’intimée, en avançant cet argument, avait choisi de leur tendre un piège avec des sommaires incomplets de dossiers de vérification. Ils ont donc soutenu qu’il ne fallait pas tenir compte des nouveaux arguments avancés dans la réponse à l’avis d’appel modifié de l’intimée, car cela revenait à rouvrir les années d’imposition 1998 à 2005 de cStar en ce qui avait trait à la déductibilité de ces dépenses.

 

[139]   L’intimée a fait valoir qu’étant donné que les appelants, par leur avis d’appel modifié, cherchaient à faire modifier les nouvelles cotisations en modifiant les montants qu’ils avaient déclarés pour leurs PDTPE, il fallait qu’ils établissent non seulement leur droit aux PDTPE, mais aussi les montants de ces dernières. Selon l’intimée, les appelants doivent établir que les montants déclarés à titre de PDTPE n’incluaient pas de dépenses personnelles.

 

[140]   De plus, l’intimée a fait valoir qu’en vertu du paragraphe 152(9) de la Loi, elle était en droit de soutenir dans sa réponse que certaines dépenses imputées à cStar étaient de nature personnelle et ne devaient pas être incluses dans le calcul des PDTPE des appelants. Le texte du paragraphe 152(9) est le suivant :

 

152(9) Le ministre peut avancer un nouvel argument à l’appui d’une cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation, sauf si, sur appel interjeté en vertu de la présente loi :

 

a) d’une part, il existe des éléments de preuve que le contribuable n’est plus en mesure de produire sans l’autorisation du tribunal;

 

b) d’autre part, il ne convient pas que le tribunal ordonne la production des éléments de preuve dans les circonstances.

 

[141]   Comme j’ai conclu que les appelants n’ont pas le droit de demander la déduction d’une PDTPE, cette objection est théorique. Cependant, au cas où je me serais trompée en concluant que les appelants n’ont pas prouvé que la créance était irrécouvrable, je me prononcerai néanmoins sur l’objection formulée.

 

[142]   Je ne suis pas d’accord avec l’intimée pour dire que les appelants ont le fardeau d’établir qu’ils n’ont pas inclus de dépenses personnelles dans le calcul de leur demande de déduction d’une PDTPE. Ces faits ne faisaient pas partie de l’hypothèse du ministre. Cela étant, c’est à l’intimée qu’il incombe d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il s’agissait de dépenses personnelles.

 

[143]   Le paragraphe 152(9) autorise le ministre à avancer un nouvel argument à l’appui d’une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation. Les décisions que la Cour a rendues dans les affaires Loewen c. La Reine, 2007 CarswellNat 6381, 2007 CCI 703, et La Banque Toronto-Dominion c. La Reine, 2008 CCI 284, 2008 DTC 3937, portaient sur l’application de ce paragraphe de la Loi.

 

[144]   Dans la décision La Banque Toronto-Dominion, le juge Webb, se fondant sur l’arrêt unanime de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Walsh, a décrété ce qui suit, aux paragraphes 28 et 29, en rapport avec l’application du paragraphe 152(9) :

 

[28] Dans l’arrêt Walsh c. La Reine, 2007 CAF 222, [2007] 4 C.T.C. 73, 2007 DTC 5441, le juge Richard, de la Cour d’appel fédérale, a fait les remarques suivantes au sujet du paragraphe 152(9) de la Loi :

 

     18. Les conditions suivantes sont applicables lorsque le ministre veut invoquer le paragraphe 152(9) de la Loi :

 

1)   Le ministre ne peut pas inclure de transactions non comptées dans la nouvelle cotisation du contribuable.

 

2)   Le droit du ministre de proposer un autre argument à l’appui d’une cotisation est assujetti aux alinéas 152(9)a) et b), qui ont trait au préjudice causé au contribuable.

 

3)   Le ministre ne peut pas invoquer le paragraphe 152(9) pour établir une nouvelle cotisation au‑delà du délai prévu au paragraphe 152(4) de la Loi ou pour percevoir un impôt dépassant le montant de la cotisation contestée.

 

[29] En l’espèce, on ne donne pas à entendre que l’intimée tente de porter le montant du revenu de l’appelante à un montant qui serait plus élevé que le montant mentionné dans la nouvelle cotisation ou de recouvrer un impôt en sus du montant qui a fait l’objet de la nouvelle cotisation.

 

[145]   Quant à l’interprétation à donner aux alinéas 152(9)a) et b), le juge Webb a déclaré que ces deux dispositions ne s’appliquent que dans les cas où un contribuable se trouve devant la Cour d’appel fédérale ou la Cour suprême du Canada, puisqu’il n’est pas nécessaire d’obtenir l’autorisation de produire des éléments de preuve devant la présente cour.

 

[146]   Dans la décision La Banque Toronto-Dominion, le juge Webb a déclaré que la mort des témoins cruciaux ne correspondait pas au type de problème de preuve qu’envisagent les alinéas 152(9)a) et b) de la Loi. Comme il l’a indiqué, au paragraphe 48 :

 

Par conséquent, je ne souscris pas à l’interprétation préconisée par les avocats de l’appelante à l’égard de cette disposition et l’appelante ne peut pas avoir gain de cause dans sa requête fondée sur le paragraphe 152(9) de la Loi, étant donné qu’il ne s’agit pas d’un cas dans lequel l’appelante n’est plus en mesure de produire des éléments de preuve sans l’autorisation du tribunal. Le problème de preuve auquel fait face l’appelante n’est pas qu’elle doit obtenir l’autorisation du tribunal pour produire des éléments de preuve, mais que des témoins cruciaux sont maintenant décédés. Ce type de problème de preuve n’est pas le type de problème prévu aux alinéas a) et b) du paragraphe 152(9) de la Loi.

 

[147]   Dans les présents appels, l’intimée n’ajoute pas une nouvelle transaction. La transaction est la même, c’est-à-dire la PDTPE dont les appelants ont demandé la déduction. À mon avis, si les dépenses étaient de nature personnelle, elles ne peuvent valablement faire partie d’une demande de déduction de PDTPE, car elles n’auraient pas été engagées en vue de tirer un revenu, ainsi que l’exige le sous‑alinéa 40(2)g)(ii) de la Loi. Par ailleurs, l’intimée ne majore pas le montant d’impôt à payer, et le type de problème de preuve qu’envisagent les appelants ne tombe pas sous le coup des alinéas 152(9)a) et b) de la Loi.

 

[148]   En conséquence, la seconde objection des appelants est rejetée.

 

[149]   L’intimée a produit à l’instruction une liste de dépenses qui, selon elle, étaient de nature personnelle. Ces dépenses s’élevaient à 19 405,47 $ dans le cas de M. Coveley et à 209 185,28 $ dans le cas de Mme Coveley.

 

[150]   Interrogés sur la nature de certaines de ces dépenses, les appelants ont été incapables d’expliquer pourquoi il s’agissait de dépenses d’entreprise légitimes. La seule dépense que Mme Coveley a reconnue comme personnelle était des frais de stationnement de 8 $ à l’Université de Toronto, payés à l’époque où elle suivait son programme de MBA.

 

[151]   Je crois cependant que la crédibilité de Mme Coveley a été mise à mal à quelques reprises au cours de son témoignage. Premièrement, elle a déclaré que les dépenses faites au Salon de Cal avaient été engagées avec des clients ou en prévision d’un voyage ou d’une présentation médiatique. Cependant, une de ces dépenses avait été engagée plus d’un mois avant la constitution en société de cStar. Deuxièmement, Mme Coveley a déclaré qu’elle avait imputé à cStar un état de compte de Richmond Hill Hydro qui concernait la maison des appelants, parce que quelque chose avait sauté pendant que M. Coveley exécutait un essai, et qu’il s’agissait du seul état de compte de ce genre imputé à cStar. Cependant, l’avocate de l’intimée a ensuite signalé à Mme Coveley un second état de compte de Richmond Hill Hydro. De plus, même si elle a dit qu’elle n’avait pas le temps de faire la cuisine pour sa famille, elle a mentionné que toutes les dépenses d’épicerie étaient liées à des fournitures de bureau ainsi qu’à des repas cuits à la maison à l’intention du personnel de cStar.

 

[152]   Mme Coveley a également déclaré que les dépenses engagées dans des restaurants avaient toutes trait à des repas pris en compagnie de membres du personnel ou de clients. Elle a ajouté que la totalité des dépenses faites dans des magasins tels que La Baie, Sears, La Vie en Rose, Kiddie Kobbler, Gap Kids et Moores Vêtements pour Hommes, ainsi que les dépenses liées à l’achat de billets de cinéma, avaient trait à des cadeaux qu’elle remettait à des clients et à leurs épouses. Les droits d’abonnement à des clubs privés, comme le Richmond Hill Country Club et le Mayfair Racquet Club, ont aussi été engagés, a-t-elle déclaré, au bénéfice de clients de cStar. À un moment donné, incapable d’expliquer certaines factures de services vétérinaires, elle a déclaré qu’elle n’avait pas d’animaux domestiques à l’époque, mais elle a refusé d’admettre que les dépenses n’avaient aucun lien avec un revenu d’entreprise.

 

[153]   À mon avis, l’intimée est parvenue à montrer que certaines des réponses de Mme Coveley étaient tirées par les cheveux. Il est évident que certaines dépenses étaient de nature personnelle et n’auraient pas dû être incluses dans le calcul des PDTPE. En revanche, il n’y a aucun doute dans mon esprit que d’autres dépenses – les reçus de services de nettoyage à sec pour chemises de laboratoire, les fournitures de bureau et certaines sorties, pour en nommer quelques-unes – ont été légitimement engagées à des fins professionnelles.

 

[154]   Au vu de la preuve, certaines des dépenses que Mme Coveley a déduites étaient de nature personnelle. Cela vaut aussi pour M. Coveley.

 

[155]   Si j’avais décidé que les appelants étaient en droit de demander la déduction d’une PDTPE, j’aurais rouvert le procès ou demandé des observations supplémentaires. Au vu de la preuve produite, il m’est impossible de déterminer quelle proportion des dépenses était de nature personnelle.

 

E. Conclusion

 

[156]   À mon avis, les appelants n’ont pas déterminé de manière honnête et raisonnable que la créance de cStar est devenue irrécouvrable dans l’année d’imposition 2005.

 

[157]   Comme la Cour d’appel fédérale l’a reconnu dans l’arrêt Rich, précité, les propriétaires-gestionnaires sont souvent les mieux placés pour déterminer s’il existe une perspective raisonnable de recouvrer leurs créances. Cependant, une appréciation des facteurs énoncés plus tôt m’amène à conclure que la situation de cStar en 2005 n’était pas différente par rapport aux années antérieures. cStar se trouvait dans une situation financière précaire en 2005, mais cela ne suffit pas pour justifier la conclusion que les prêts consentis étaient devenus irrécouvrables.

 

[158]   cStar a continué d’exploiter ses activités après que les appelants eurent déterminé que leurs créances étaient devenues irrécouvrables et, en fait, elle est toujours active. Les appelants ont raison de dire que la Loi n’exige pas que la société débitrice ait mis fin à ses activités avant que l’on puisse présenter une demande de déduction d’une PDTPE pour une créance irrécouvrable.

 

[159]   Dans les présents appels, la conduite des appelants avant et après la détermination de la créance irrécouvrable ne permet pas de conclure qu’il a été déterminé de manière raisonnable et honnête que les avances qu’ils avaient consenties à cStar étaient devenues des créances irrécouvrables. Bien au contraire, leur conduite dénote qu’ils étaient tous deux confiants que le marché allait se redresser et que cStar deviendrait un jour rentable.

 

[160]   De plus, rien ne prouve que les appelants ont fait des efforts raisonnables pour recouvrer leurs créances. Rien ne prouve qu’ils ont essayé de vendre des éléments d’actifs de cStar, comme des brevets. Rien ne prouve qu’ils ont essayé de vendre des actions de cStar. Il ressortait de la preuve que les appelants n’étaient pas prêts à partager le contrôle de cStar avec d’éventuels investisseurs.

 

[161]   Pour tous ces motifs, je suis d’avis que la créance des appelants n’est pas devenue irrécouvrable en 2005.

 

[162]   Il y a donc lieu de refuser les demandes de déduction d’une PDTPE des appelants pour l’année d’imposition 2005. Par ailleurs, ces derniers n’ont pas le droit de reporter prospectivement une perte autre qu’en capital à l’année d’imposition 2006, et ce, pour les raisons suivantes :

 

a)                 pour ce qui est de M. Coveley, les prêts n’ont pas été faits en vue de tirer un revenu d’entreprise de cStar. Si j’avais conclu que les prêts que M. Coveley avait faits portaient intérêt, j’aurais tout de même refusé sa demande de déduction d’une PDTPE en 2005, car la créance n’est pas devenue irrécouvrable en 2005. De ce fait, il n’a pas le droit de reporter prospectivement une perte autre qu’en capital à son année d’imposition 2006;

 

b)                 pour ce qui est de Mme Coveley, la créance n’est pas devenue irrécouvrable en 2005. De ce fait, elle n’a pas le droit de reporter prospectivement une perte autre qu’en capital à son année d’imposition 2006.

 

[163]   Les appels sont rejetés avec dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de décembre 2013.

 

 

« Johanne D’Auray »

Juge D’Auray

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de mai 2014.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 417

 

No DE DOSSIER DE LA COUR :    2008-3796(IT)G

                                                          2008-3797(IT)G

 

INTITULÉ :                                      MICHAEL COVELEY c. SA MAJESTÉ LA REINE

                                                          SOLBYUNG COVELEY c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Les 9, 10, 11 et 12 octobre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge Johanne D’Auray

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 20 décembre 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Avocate des appelants :

Me Leigh Somerville Taylor

Avocates de l’intimée :

Me Samantha Hurst

Me Alisa Apostle

 

AVOCATS INSCRITS
AU DOSSIER :

 

       Pour les appelants :

 

                             Nom :                   Leigh Somerville Taylor

 

                        Cabinet :                   Leigh Somerville Taylor Professional Corporation
Toronto (Ontario)

 

              Pour l’intimée :                   William F. Pentney
Sous-procureur général du Canada
Ottawa, Canada



[1] Quoique les salaires des appelants n’auraient pas dû être inclus dans leurs revenus étant donné qu’ils ne les ont pas touchés. Paragraphe 5(1) de la Loi.

[2] J’ai décidé que la demande de déduction d’une PDTPE de M. Coveley est à refuser pour cette raison, mais j’examinerai néanmoins sa demande de déduction dans le cadre des autres conditions liées à une PDTPE.

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