Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier : 2008-2949(IT)G

 

ENTRE :

MCKESSON CANADA CORPORATION,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de McKesson Canada Corporation 2008-3471(IT)G du 17 au 20 octobre 2011, du 25 au 28 octobre 2011, du 31 octobre au 2 novembre 2011, du 15 au 18 novembre 2011, du 29 novembre au 2 décembre 2011, du 12 au 15 décembre 2011, du 16 au 20 janvier 2012 et du 31 janvier au 3 février 2012, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Patrick Boyle

 

Comparutions :

Avocats de l’appelante :

Me Paul B. Schabas

Me Ryder Gilliland

Me Jeffrey Trossman

Me Ilan Braude

Me Kaley Pulfer

 

Avocats de l’intimée :

Me Guy Laperrière

Me Janie Payette

Me Sylvain Ouimet

Me Chantal Roberge

 

 

JUGEMENT

L’appel interjeté de la nouvelle cotisation établie au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu à l’égard de l’année d’imposition 2003 de l’appelante est rejeté, avec dépens, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

LA COUR ORDONNE :

Les parties sont tenues de présenter des observations écrites sur les dépens dans les 30 jours qui suivent, ou à la date ultérieure dont la Cour pourra convenir au cours de ce délai. Ces observations doivent notamment indiquer à la Cour s’il est demandé de tenir une audience sur les dépens.

Les parties sont tenues de faire part à la Cour, dans les 30 jours qui suivent, du moyen qu’elles proposent pour que l’on traite rapidement de la bonne façon de signaler à la Cour toute information confidentielle qui figure dans le dossier de la Cour avant que l’on rétablisse l’accès public à ce dernier. Cela pourrait prendre la forme d’une conférence de gestion de l’instance.

Les parties sont également tenues d’indiquer par écrit à la Cour, dans les 3 jours qui suivent, si elles croient que les motifs de son jugement contiennent des informations confidentielles dont il faudrait traiter avant que l’on rende ces motifs publics. D’ici là, les motifs du jugement ne sont communiqués qu’aux parties et à leurs avocats, et aucune des parties n’est autorisée à les diffuser à qui que ce soit.

 

Signé à Edmonton (Alberta), ce 13e jour de décembre 2013.

 

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Ce 3e jour de juin 2014.

 

 

François Brunet, réviseur

 


 

Dossier : 2008-3471(IT)G

 

ENTRE :

 

MCKESSON CANADA CORPORATION,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de McKesson Canada Corporation 2008-2949(IT)G du 17 au 20 octobre 2011, du 25 au 28 octobre 2011, du 31 octobre au 2 novembre 2011, du 15 au 18 novembre 2011, du 29 novembre au 2 décembre 2011, du 12 au 15 décembre 2011, du 16 au 20 janvier 2012 et du 31 janvier au 3 février 2012, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Patrick Boyle

 

Comparutions :

Avocats de l’appelante :

Me Paul B. Schabas

Me Ryder Gilliland

Me Jeffrey Trossman

Me Ilan Braude

Me Kaley Pulfer

 

Avocats de l’intimée :

Me Guy Laperrière

Me Janie Payette

Me Sylvain Ouimet

Me Chantal Roberge

 

 

 

JUGEMENT

L’appel interjeté de la nouvelle cotisation établie au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu à l’égard de l’année d’imposition 2003 de l’appelante est rejeté, avec dépens, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

LA COUR ORDONNE :

Les parties sont tenues de présenter des observations écrites sur les dépens dans les 30 jours qui suivent, ou à la date ultérieure dont la Cour pourra convenir au cours de ce délai. Ces observations doivent notamment indiquer à la Cour s’il est demandé de tenir une audience sur les dépens.

Les parties sont tenues de faire part à la Cour, dans les 30 jours qui suivent, du moyen qu’elles proposent pour que l’on traite rapidement de la bonne façon de signaler à la Cour toute information confidentielle qui figure dans le dossier de la Cour avant que l’on rétablisse l’accès public à ce dernier. Cela pourrait prendre la forme d’une conférence de gestion de l’instance.

Les parties sont également tenues d’indiquer par écrit à la Cour, dans les 3 jours qui suivent, si elles croient que les motifs de son jugement contiennent des informations confidentielles dont il faudrait traiter avant que l’on rende ces motifs publics. D’ici là, les motifs du jugement ne sont communiqués qu’aux parties et à leurs avocats, et aucune des parties n’est autorisée à les diffuser à qui que ce soit.

Signé à Edmonton (Alberta), ce 13e jour de décembre 2013.

 

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Ce 3e jour de juin 2014.

 

 

François Brunet, réviseur

 

 

 


 

 

 

Référence : 2013 CCI 404

Date : 20131213

Dossiers : 2008-2949(IT)G

2008-3471(IT)G

ENTRE :

MCKESSON CANADA CORPORATION,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

TABLE DES MATIÈRES

1.    Aperçu

2.    Les opérations de financement

a) La formule de calcul de l’escompte prévu par l’EVCC

(i)     Le taux de rendement

(ii)    L’escompte pour perte

(iii)  L’écart d’escompte

3.    Les opinions de VMTD sur les modalités de pleine concurrence ainsi que sur la fixation des prix

a) Les critères d’admissibilité

b)                                                                                                        Les faits résiliateurs

(i)     Le facteur de déclenchement que constitue le ratio de défaillance

(ii)    Le facteur de déclenchement que constitue le ratio de perte

c) Le taux d’escompte

(i)     Le taux de rendement

(ii)    L’escompte pour perte

1)    Les débiteurs désignés

2)    Les autres débiteurs

(iii)  L’écart d’escompte

1)    L’escompte pour services d’agent

2)    L’escompte pour dilutions dues aux règlements rapides

3)    L’escompte pour dilutions dues aux remises accumulées

4)    L’escompte pour intérêt

4.    Le rapport supplémentaire de VMTD sur les frais de service

5.    Les dispositions législatives applicables

a) GlaxoSmithKline

b)                                                                                              Le caractère raisonnable

c) Les séries d’opérations pertinentes

d)              La portée des redressements permis en vertu de l’alinéa 247(2)c)

e) Les facteurs qui existent uniquement à cause de la relation avec lien de dépendance

f) La jurisprudence Browne v. Dunn et les opinions relevant de l’expertise d’un témoin

g) La démarche analytique que doit suivre la Cour en l’espèce

6.    La thèse de l’appelante

7.    La thèse de l’intimée

8.    Les témoins, les rapports d’expert et le rapport de PwC

a) M. Brennan

b)                                                                   Mme Hooper et les rapports de VMTD

c) Le rapport de PricewaterhouseCoopers

d)                                                                             Le rapport d’expert de M. Frisch

e) Le rapport d’expert de M. Reifsnyder

(i)     Les facteurs nos 1 et 2 – Les escomptes pour frais de service et règlement rapide

(ii)    Le facteur no 3 – Le risque de crédit

(iii)  Le facteur no 4 – L’engagement de 900 M$ envers les finances

f) Le rapport d’expert de M. Becker

La méthode de constitution

La méthode des opérations comparables

g) Le rapport de M. Finard

La méthode du financement structuré

La méthode de l’analyse des attributs

h)                                                                  Le rapport d’expert de M. Glucksman

i)  Les autres rapports d’expert

9.    La méthode appropriée

10.  L’analyse de la question des prix de transfert

a) Le taux d’escompte

(i)     Le taux de rendement

(ii)    L’escompte pour perte

(iii)  L’écart d’escompte

1)    L’escompte pour service d’agent

2)    L’escompte pour dilutions dues aux règlements rapides

3)    L’escompte pour dilutions dues aux remises accumulées

4)    L’escompte pour intérêt

b)              Sommaire de l’estimation des fourchettes d’escompte de la Cour

11.  La conclusion sur le redressement des prix de transfert

12.  L’opportunité de la cotisation établie au titre de la partie XIII à l’endroit de McKesson Canada

a) La question en litige

b) Les dispositions applicables de la Loi de l’impôt sur le revenu et de la Convention fiscale

c) Les positions des parties

d)                                                              L’interprétation des conventions fiscales

e) L’analyse

f) La conclusion concernant la partie XIII et la Convention fiscale

13.  Le rejet des appels

 

 

Le juge Boyle

[1]             Le principal appel de McKesson Canada (« McKesson Canada ») vise le montant du redressement du prix de transfert que l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») a apporté à son revenu en application des alinéas 247(2)a) et c) de la Loi de l’impôt sur le revenu[1] (la « Loi »), relativement à des opérations financières mettant en cause McKesson Canada et plusieurs de ses sociétés affiliées non-canadiennes apparentées avec lesquelles elle avait un lien de dépendance, au cours de son année d’imposition 2003. L’appel connexe vise une question secondaire : la responsabilité de McKesson Canada aux termes de la Loi pour avoir omis, d’une part, de retenir un montant égal à la retenue d’impôt des non-résidents de la partie XIII sur les montants refusés que sa société mère non résidente lui a payés et, d’autre part, de verser ce montant à l’ARC.

[2]             Comme il est exposé plus en détail ci-après, en 2002, le Groupe McKesson a décidé que McKesson Canada vendrait à escompte ses comptes clients à une entité non résidente apparentée, membre du Groupe McKesson. Un mécanisme a été mis en place pour permettre à McKesson Canada de transférer quotidiennement ces comptes, et ce, à un prix escompté par rapport au montant nominal de chacun des comptes clients transférés.

1.                 Aperçu

[3]             McKesson Canada est la principale société active canadienne faisant partie du groupe d’entreprises McKesson, propriété de la multinationale américaine McKesson Corporation (« McKesson É.-U. »). McKesson É.-U. est une société publique des États-Unis, classée par Fortune au 15e rang des vingt plus grandes entreprises du monde. Ses revenus annuels sont de plus de 100 milliards de dollars US, et il s’agit de la plus importante entreprise de soins de santé aux États‑Unis. Elle compte plus de 32 000 employés dans le monde entier. Il a été dit de McKesson É.-U. qu’elle est la plus grande entreprise dont on n’entend jamais parler.

[4]             À l’échelle mondiale, de même qu’au Canada, l’activité de base du groupe d’entreprises McKesson (le « Groupe McKesson ») est la distribution en gros de produits pharmaceutiques d’ordonnance et en vente libre. Cette activité constitue environ 97 % de ses revenus. Son autre activité connexe est celle des technologies logicielles destinées aux hôpitaux.

[5]             L’entreprise de vente de produits pharmaceutiques en gros du Groupe McKesson a une part de marché impressionnante. Il livre au public le tiers des produits visés par le régime Medicare sur le territoire des États-Unis. Au cours des années en question, McKesson Canada détenait environ le tiers du marché canadien. Elle distribue les produits d’un vaste éventail d’entreprises pharmaceutiques et les vend à des chaînes de pharmacies de toutes tailles, à de grandes chaînes de magasins d’alimentation et de magasins à rayons dotés d’une pharmacie ou vendant des produits médicinaux en vente libre, à des pharmacies indépendantes, à des hôpitaux de même qu’à des établissements de soins de longue durée.

[6]             Au cours de l’année de mise en place du mécanisme de transfert des comptes clients, soit 2002, McKesson Canada avait un chiffre d’affaires de 3 milliards de dollars, des bénéfices de 40 millions de dollars ainsi que 2 400 employés, et elle détenait la part la plus importante du marché canadien. Ses clients canadiens comprenaient un certain nombre des plus grandes chaînes de magasins d’alimentation au détail et de pharmacies. Elle disposait de facilités de crédit de l’ordre de plusieurs centaines de millions de dollars auprès d’importantes institutions financières. Sa société mère ultime publique, McKesson É.-U., bénéficiait d’une solide cote de crédit dans la catégorie « investissement », et les taux d’intérêt sur les marges disponibles en faisaient foi[2]. Le Groupe McKesson détenait, au sein de sa société affiliée irlandaise, un excédent de trésorerie fort élevé.

[7]             À cette époque, et dans les années antérieures, McKesson Canada avait son propre service de crédit, efficace et de grande taille, qui gérait ses politiques et ses pratiques en matière de crédit et de recouvrement. Les résultats obtenus sur le plan du crédit et du recouvrement avaient une tendance favorable. Les comptes clients de McKesson Canada étaient gérés avec beaucoup de succès : la moyenne des paiements était de 30 jours environ[3], et le taux de mauvaises créances[4] était de 0,043 % en général. C’est-à-dire que 99,96 % de ses comptes clients se révélaient bons et étaient payés lorsqu’ils étaient gérés par le Service du crédit de McKesson Canada, qui appliquait les politiques en matière de crédit et de recouvrement des comptes clients de McKesson Canada. Il s’agissait là d’une activité fort importante pour le succès de McKesson Canada, car le secteur de la vente de médicaments en gros était à faible marge – de l’ordre de 2 % – sur des volumes élevés.

[8]             Il n’y avait aucun élément de preuve tendant à établir un changement imminent ou futur attendu, anticipé ou prévu dans la composition, la nature ou la qualité des comptes clients ou des clients de McKesson Canada, hormis, comme toujours, le risque futur d’un changement défavorable imprévu.

[9]             À cette époque, McKesson Canada n’avait pas cerné le besoin, sur le plan commercial, d’une injection ou d’un emprunt de capitaux, pas plus que le Groupe McKesson n’avait besoin que McKesson Canada lève des fonds pour un autre membre du groupe. Il y avait aussi une Société à responsabilité illimitée de la Nouvelle-Écosse dite « à cumul de déductions » dont le financement venait à échéance et qu’il allait falloir recapitaliser d’une manière ou d’une autre; il s’agissait là d’une fraction du montant visé par le nouveau mécanisme de transfert des comptes clients. McKesson Canada n’a pas fait de démarches auprès de ses prêteurs habituels ou d’établissements financiers classiques (ni auprès de personne d’autre) avant de mettre sur pied son propre mécanisme de transfert de comptes clients entre sociétés ayant un lien de dépendance, de même que les opérations connexes. Le Groupe McKesson avait auparavant mis en place une structure organisationnelle internationale et des opérations internes avantageuses sur le plan fiscal qui lui avaient permis d’amasser en Irlande de très grandes quantités de capitaux. Les membres non-canadiens du Groupe McKesson ont pu utiliser cet argent pour financer la totalité des achats des comptes clients de McKesson Canada dans le cadre du mécanisme de transfert.

[10]        Les entreprises non-canadiennes du Groupe McKesson qui ont acheté les comptes clients avaient le droit de restituer à McKesson Canada les comptes clients improductifs à un prix égal à 75 % du montant nominal, plus tard rajusté en fonction du montant que recouvrait concrètement McKesson Canada. À part cela, l’acheteur n’avait pas de possibilité de recours à McKesson Canada pour ce qui était des comptes clients achetés qui demeuraient impayés.

[11]        L’entité non-canadienne du Groupe McKesson qui achetait les comptes clients empruntait tous les fonds dont elle avait besoin auprès d’une autre entité non-canadienne du même groupe. Les obligations de l’emprunteur envers le prêteur, aux termes du prêt, étaient entièrement garanties par une troisième entité non-canadienne du Groupe McKesson, laquelle indemnisait aussi l’emprunteur de tout écart entre ce qu’il tirait des comptes clients de McKesson Canada et ce qu’il avait à payer sur le prêt.

[12]        Comme il est exposé plus loin, la société affiliée non-résidente payait aussi McKesson Canada pour que son Service de crédit et de recouvrement continue de gérer les comptes clients en appliquant ses politiques et ses pratiques en matière de crédit et de recouvrement connexes. Selon les ententes conclues, ces politiques et ces pratiques ne pouvaient pas être changées sans le consentement des parties. De manière similaire, McKesson Canada pouvait uniquement continuer d’accorder d’autres escomptes ou rabais dans le cadre ordinaire de ses activités et d’une manière conforme à ses pratiques habituelles au moment de la conclusion du mécanisme de transfert.

[13]        La majeure partie du produit de la vente initiale des comptes clients, d’une valeur de 460 000 000 $, a été remise par McKesson Canada à sa société affiliée actionnaire non résidente, une partie a été prêtée pendant un certain temps à une autre société canadienne afin de lui permettre d’utiliser ses pertes fiscales, et McKesson Canada s’est servie d’environ 1 % du produit à des fins générales de son entreprise.

[14]        L’ARC a contesté ces opérations entre parties liées pour l’année d’imposition 2003 de McKesson Canada, au motif que les montants payés à l’entité non-canadienne du Groupe McKesson dans le cadre des opérations d’achat de comptes clients différaient de ceux qui auraient été payés entre des personnes sans lien de dépendance qui exécuteraient des opérations selon des modalités de pleine concurrence. L’escompte accordé au moment de l’achat des comptes clients, conformément au mécanisme renouvelable, était de 2,206 % par rapport au montant nominal. Ce taux d’escompte et les opérations générales qui ont eu lieu entre les parties sont examinés plus en détail ci-après, mais ce taux d’escompte, pour des comptes clients qui, en moyenne, seraient vraisemblablement payés dans un délai d’environ 30 jours, peut être reformulé comme un coût de financement annuel à payer par McKesson Canada, pour les droits que lui conférait le mécanisme de transfert, de l’ordre de 27 % par année[5].

[15]        Ces escomptes ont eu pour résultat direct que McKesson Canada a cessé d’être rentable pour son année d’imposition 2003, et elle a déclaré une perte fiscale dans l’année qui est en cause dans le présent appel. Les bénéfices des années suivantes de McKesson Canada ont été, de la même façon, nettement moindres.

[16]        L’année d’imposition de McKesson Canada qui a donné lieu au présent appel et qui a pris fin le 29 mars 2003 était courte, d’une durée d’environ trois mois et demi, ayant débuté au moment de son regroupement dans le cadre d’une restructuration canadienne des intérêts canadiens du Groupe McKesson. Son année d’imposition et son exercice prennent fin le dernier samedi du mois de mars de chaque année. Son exercice est divisé en treize périodes comptables de quatre semaines. Le redressement du prix de transfert que l’ARC a effectué pour l’année 2003 s’élève à environ 26 610 000 $, ce qui constitue un taux d’escompte de 1,013 % pour les comptes clients achetés[6]. Aucune pénalité pour prix de transfert n’a été imposée.

[17]        Le mécanisme de transfert des comptes clients était un mécanisme renouvelable d’une durée de cinq ans. Comme il est exposé en détail ci-après, l’acheteur avait de multiples droits de résilier l’entente en cas de détérioration anticipée de la qualité des comptes clients qui étaient générés dans le cadre des activités de McKesson Canada[7].

[18]        Comme nous le verrons plus en détail ci-après, la principale raison pour laquelle McKesson Canada a conclu ces opérations était la possibilité de réduire l’impôt canadien sur ses bénéfices. Ni l’obtention ou le dégagement de capitaux, ni la réduction du risque de crédit que présentaient ses clients, ni l’amélioration de son bilan n’étaient l’objectif prédominant de McKesson Canada; il s’agissait là de résultats des opérations.

[19]        Le procès a été fort long et âprement débattu, et il s’est étalé sur une durée de 32 jours au cours d’une période de cinq mois s’étendant d’octobre 2011 à février 2012. Tant l’appelante que le ministère public ont été défendus par de solides groupes d’avocats. La Cour a entendu deux témoins importants et cinq témoins experts. Des tonnes de documents ont été produites en preuve, y compris des rapports d’expert additionnels dont les auteurs n’ont pas témoigné. Après les débats, les deux parties ont présenté des observations écrites additionnelles ainsi que des observations complémentaires. À la suite de l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada à l’occasion de l’affaire Canada c. GlaxoSmithKline Inc., 2012 CSC 52, [2012] 3 R.C.S. 3, en octobre 2012, les deux parties ont présenté une autre série d’observations écrites[8].

2.                 Les opérations de financement

[20]        McKesson Canada et sa société mère immédiate (la « SMI »), au Luxembourg, ont conclu une entente de vente de comptes clients (l’« EVCC ») et une entente de services d’agent entrant en vigueur le 16 décembre 2002.

[21]        Aux termes de l’EVCC, la SMI a convenu d’acheter la totalité des comptes clients admissibles de McKesson Canada à cette même date (environ 460 000 000 $) et s’est engagée à acheter quotidiennement la totalité des comptes clients admissibles, au fur et à mesure qu’ils se présentaient, durant les cinq années suivantes, à moins de résiliation antérieure et sous réserve d’un plafond de 900 000 000 $.

[22]        Les comptes clients admissibles étaient en général des comptes à payer par un client sans lien de dépendance, qui n’était pas en défaut pour d’autres comptes clients et dont les comptes clients, sauf dans des cas précis définis ci‑après, ne constituaient pas, dans l’ensemble, plus de 2 % du portefeuille des comptes clients impayés à ce moment-là. La limite de concentration de 2 % imposée aux comptes admissibles ne visait pas la poignée des clients les plus importants - et nommés - de McKesson Canada, qui constituaient environ le tiers des ventes et dont les comptes clients dépassaient déjà, dans chaque cas, 2 % du portefeuille des comptes clients impayés de McKesson Canada (les « débiteurs désignés »). Tous les hôpitaux étaient également définis comme des débiteurs désignés. L’EVCC comportait des stipulations précises, dont des facteurs relatifs au calcul du taux d’escompte, qui s’appliquaient à ces débiteurs désignés. L’EVCC prévoyait la possibilité de faire abstraction de la limite de concentration de 2 % ou de faire des ajouts à la liste des débiteurs désignés avec l’accord de la SMI.

[23]        L’EVCC prévoyait que, s’il survenait un fait déclenchant sa résiliation (appelé ci-après un « fait résiliateur »), la SMI pouvait donner instruction à McKesson Canada d’informer ses clients de la vente. Conformément à l’entente de services d’agent connexe, McKesson Canada continuerait d’assurer le service et le recouvrement des comptes clients d’une manière conforme à ses politiques et à ses pratiques en matière de crédit et de recouvrement, lesquelles ne seraient pas modifiées sans l’accord de la SMI.

[24]        L’entente de services d’agent prévoyait que McKesson Canada serait l’agent serveur initial, mais qu’elle pourrait être remplacée s’il se produisait un fait résiliateur aux termes de l’EVCC. La SMI a convenu de payer à l’agent serveur des frais annuels fixes de 9 600 000 $ afin d’assurer le service des comptes clients transférés et impayés, indépendamment du montant en souffrance[9].

[25]        McKesson Canada ne garantissait pas la recouvrabilité des comptes clients ou de toute partie de ces derniers. La SMI avait le droit de remettre à McKesson Canada un compte client qui était en défaut en échange d’un montant égal au moindre de : (i) 75 % de son montant nominal ou (ii) le montant recouvré en fin de compte. Si ce droit était exercé, McKesson Canada était tenue de payer le montant de 75 % à la SMI, et tout rajustement à la baisse ultime devait être effectué par la suite.

[26]        La SMI pouvait mettre fin à ses obligations d’acheter d’autres comptes clients de McKesson Canada s’il se produisait certains faits résiliateurs définis, généralement conçus pour relever ou prévoir une détérioration de la solvabilité de McKesson Canada ou de son portefeuille de clients générant les comptes clients. Au nombre de ces faits figuraient les manquements de McKesson Canada ou de ses sociétés affiliées à leurs obligations financières, les hausses du ratio de défaillance ou de perte des comptes clients au-delà de certains seuils particuliers, un déclassement de la cote de crédit (ou notation) de McKesson É.-U., le changement de nom de McKesson Canada donnant lieu à la suppression du mot McKesson, la cessation du contrôle de McKesson Canada par McKesson É.-U., la cessation par McKesson É.-U. de la garantie des prêteurs bancaires et des prêts d’effets commerciaux de McKesson Canada, de même que tout fait ayant une incidence défavorable importante sur le caractère exécutoire ou la recouvrabilité des comptes clients ou des droits que les ententes conféraient à la SMI[10]. Il est à noter que les faits résiliateurs ne se limitaient pas aux éléments que contrôlait McKesson Canada et qu’ils englobaient des faits qui relevaient du contrôle de ses actionnaires directs et indirects ou de ses sociétés mères.

[27]        McKesson Canada a continué de recouvrer les comptes clients de la manière habituelle. La propriété des comptes clients n’était pas transférée quotidiennement, mais le règlement (c’est-à-dire, le paiement par l’acheteur – la SMI) se faisait sur une base plus ou moins mensuelle[11]. McKesson Canada n’était pas tenue par l’EVCC ou l’entente de services d’agent de séparer les fonds recouvrés pour le compte de la SMI à mesure qu’elle les recevait, à moins que la SMI l’exige à la suite d’un fait résiliateur. Chaque mois, les fonds recouvrés sur les comptes clients au profit de la SMI servaient en premier à payer à McKesson Canada les comptes clients nouvellement créés, et le solde, le cas échéant, était versé à la SMI. S’il y avait un manque de fonds du fait que des comptes clients nouvellement créés dépassaient les sommes recouvrées, la SMI était tenue d’avancer les fonds nécessaires à McKesson Canada[12].

[28]        L’EVCC avait été établie pour une durée de cinq ans, mais il s’agissait manifestement d’un mécanisme renouvelable. On pouvait s’attendre à ce que la SMI recouvre les comptes clients achetés dans un délai d’environ un mois. On pouvait s’attendre aussi à ce que la SMI sache à bref délai si les antécédents ou les perspectives de paiement de tout débiteur diminuaient ou se détérioraient, ou si le degré de solvabilité de McKesson Canada diminuait ou se détériorait, et elle pouvait intervenir immédiatement pour protéger ses intérêts et ses risques futurs, sans devoir attendre cinq ans.

[29]        L’EVCC prévoyait que McKesson Canada paierait les frais et les dépenses de la SMI relatifs aux opérations, y compris le coût d’une étude sur les prix de transfert intercompagnies[13].

[30]        L’EVCC prévoyait que le prix d’achat que la SMI paierait à McKesson Canada pour chaque compte client bénéficierait d’un escompte, déterminé au moyen d’une formule, au regard de son montant nominal. Ce calcul est défini plus en détail juste après les quelques paragraphes qui suivent.

[31]        Toute dilution ou réduction du montant nominal d’un compte client du fait d’un escompte, d’une remise, d’un différend ou d’un retour, ou par voie de compensation d’après les modalités du compte client ou d’une autre façon, était assimilée à un recouvrement de la part de McKesson Canada à titre d’agent serveur et devait être comptabilisée en faveur de la SMI en tant que telle. Tel n’était pas le cas des escomptes pour règlement rapide, pour des raisons qui n’ont pas été directement expliquées dans les preuves. La portée et la nature de la façon dont le risque de dilution lié aux escomptes pour règlement rapide est visées par les ententes en litige dans le présent appel.

[32]        Pendant la durée de l’EVCC, on a découvert que des intérêts reçus sur les comptes clients transférés n’avaient pas été comptabilisés et que McKesson Canada les avait conservés. Cela ne concordait pas avec les modalités de l’EVCC[14]. Les parties ont convenu de ne pas tenir compte de l’erreur antérieure, ou de la rectifier dorénavant. En 2005, les parties ont convenu par écrit qu’il n’avait jamais été prévu de transférer les obligations en matière d’intérêt et de frais pour paiement tardif qui se rapportaient aux comptes clients transférés – une chose qu’il est difficile de concilier avec le libellé de l’EVCC ou tout fondement d’absence de lien de dépendance.

[33]        Les ententes sont régies par la loi luxembourgeoise.

[34]        Pour acheter les comptes clients, la SMI, la société mère directe de McKesson Canada, a emprunté la totalité des fonds en dollars canadiens auprès d’une société irlandaise membre du Groupe McKesson (il en a été question plus tôt), qui était l’une de ses sociétés mères indirectes. L’achat de comptes clients aux termes de l’EVCC était l’usage des fonds que la SMI a déclaré dans ses conventions de prêt. Les intérêts que la SMI devait payer étaient directement subordonnés à l’escompte dont elle bénéficiait aux termes de l’EVCC. L’obligation de la SMI de rembourser ses emprunts à sa société affiliée irlandaise était entièrement garantie par sa société mère indirecte, une autre entreprise luxembourgeoise apparentée (la « SMI2 »). De plus, la SMI bénéficiait d’une indemnité de la SMI2, aux termes d’un protocole d’entente, pour tout montant à payer dans le cadre de l’EVCC que McKesson Canada ne recevait pas afin de lui permettre de rembourser totalement ce qu’elle avait emprunté à sa société affiliée irlandaise[15]. La SMI, la contrepartie de McKesson Canada pour l’EVCC et l’entente de services d’agent, n’assumait aucun risque financier dans le cadre de ce groupe d’ententes imbriquées et contemporaines, toutes liées entre elles sur le plan financier et juridique. Tous les risques de cette nature étaient assumés par d’autres entités membres du Groupe McKesson. Ces risques, en final, ont été assumés sur le plan économique par McKesson É.-U., la société mère ultime de chacune, tant avant qu’après les opérations menées dans le cadre de l’EVCC.

a)                La formule de calcul de l’escompte prévu par l’EVCC

[35]        Le montant à payer pour un compte client acheté, selon l’EVCC, était le produit que l’on obtient en multipliant : (i) le montant nominal du compte client et (ii) un moins le taux d’escompte exprimé sous la forme de quatre chiffres pertinents[16]. Pour illustrer le fonctionnement de cette formule, si le taux d’escompte (lui-même défini par une autre formule) était de 0,0150, la SMI paierait la somme de 98,50 $ pour chaque tranche de 100 $ de comptes clients[17], les achetant ainsi à un prix escompté de 1,5 % par rapport au montant nominal.

[36]        Le taux d’escompte est ainsi défini par l’EVCC : la somme de : (i) le taux de rendement, (ii) l’escompte pour perte et (iii) l’écart d’escompte.

(i)                Le taux de rendement

[37]        Le taux de rendement était le taux d’acceptation bancaire (AB) en dollars canadiens sur 30 jours, ou taux CDOR[18], qui était en vigueur le premier jour ouvrable de la période de règlement pertinente. Ce taux faisait office de taux de base variable. Cela était destiné à refléter un taux de rendement du marché hors risque et courant. Ce taux n’est pas controversé en tant que taux de base variable approprié pour cette opération concernant des débiteurs canadiens et exécutée en dollars canadiens.

(ii)             L’escompte pour perte

[38]        L’escompte pour perte était destiné à refléter le risque de crédit que constituaient les clients de McKesson Canada, qui étaient les débiteurs des comptes clients. L’escompte pour perte était constitué de deux parties : (i) un élément d’escompte applicable aux débiteurs désignés (dont les comptes clients excédaient dans chaque cas 2 % du portefeuille) et (ii) un élément d’escompte applicable aux autres débiteurs de petite taille, qui constituaient la majorité, plus diversifiée, du portefeuille de comptes clients.

[39]        L’EVCC faisait état d’un escompte pour perte fixe de 0,23 %, applicable à l’achat initial des comptes clients en 2002, jusqu’à la fin de 2003. Ce taux jouait pendant l’année visée par l’appel.

[40]        Pour le reste de la durée de l’EVCC, l’escompte pour perte devait être recalculé chaque année, à partir du 1er janvier 2004. De plus, si à un moment quelconque, la SMI estimait que le rapport entre les comptes clients des débiteurs désignés et ceux d’autres débiteurs que contenait le portefeuille était nettement différent du rapport initialement calculé pour l’année, elle pouvait exiger que l’escompte pour perte soit recalculé ce mois-là. À titre de vendeuse, McKesson Canada ne jouissait d’aucun droit semblable. L’EVCC exigeait donc que l’on recalcule l’escompte pour perte chaque année, et permettait seulement à la SMI d’exiger qu’il soit recalculé aussi souvent qu’une fois par mois s’il se produisait un tel changement important sur le plan du risque.

[41]        Pour ce qui était des débiteurs désignés de grande envergure, une annexe jointe à l’EVCC fixaient leurs escomptes pour perte individuels pour l’ensemble de la durée de cinq ans. Pour calculer l’escompte pour perte global qui s’appliquait aux débiteurs désignés, on a utilisé la moyenne pondérée des montants fixes calculés selon les escomptes pour perte individuels (pondérés par la part que représentait chaque débiteur désigné au sein du portefeuille des comptes clients à la fin de l’année précédente). Étant donné que les escomptes pour perte individuels visaient à refléter le risque de crédit unique de chaque débiteur désigné, il y avait une variation considérable dans les montants prévus (d’environ 0,04 à 0,35 % – soit jusqu’à neuf fois plus).

[42]        Pour chacun des autres débiteurs (qui constituaient environ les deux tiers du portefeuille), l’EVCC fixait un escompte pour perte individuel de 0,2380 % pour la durée entière de cinq ans. L’EVCC n’indique pas clairement de quelle façon on est arrivé à ce chiffre, car elle prescrivait simplement un chiffre fixe pour la durée tout entière. Pour calculer l’escompte pour perte qui s’appliquait à ces autres débiteurs, on s’est servi de la moyenne pondérée de ce taux fixe de 0,2380 % (pondéré par la part totale du portefeuille des comptes clients que représentaient ces autres débiteurs à la fin de l’année précédente).

[43]        L’escompte pour perte était la somme de l’escompte pour perte individuel pondéré qui s’appliquait à l’ensemble des débiteurs.

[44]        En fait, l’escompte pour perte initial de 0,23 %, que l’on a appliqué pour la première année complète, a été calculé de la même façon. Le montant ainsi obtenu est nettement controversé dans le présent appel.

(iii)           L’écart d’escompte

[45]        L’EVCC a fixé l’écart d’escompte à 1,7305 % pour la durée entière de l’entente. Comme ce taux est fixe, l’entente ne définit pas de quelle manière il a été déterminé. Selon les éléments de preuve, ce taux découle généralement des facteurs suivants : (i) le risque que le degré de solvabilité de McKesson Canada se détériore considérablement, et que, dans un tel cas, les débiteurs des comptes clients exercent leurs droits à un remboursement, (ii) le risque que les clients de McKesson Canada décident de se prévaloir davantage des escomptes pour règlement rapide disponibles, (iii) le risque que la SMI décide de désigner un nouvel agent serveur à la suite d’un fait résiliateur, lequel agent pourrait exiger des frais supérieurs à ceux prévus pour les agents serveurs suivants par l’entente de services d’agent, et (iv) la nécessité que le taux d’escompte couvre entièrement le coût de financement de la SMI.

[46]        Rien de correspondant n’était envisagé quant à la possibilité que le degré de solvabilité de McKesson Canada s’améliore ou que les clients tirent moins avantage des escomptes pour règlement rapide, ou quant à l’effet qu’auraient des paiements plus rapides sur le DMR. Ces déséquilibres n’ont jamais été expliqués.

[47]        Ce montant de 1,7305 %, étant fixe, de même que le degré d’exposition de la SMI au risque de crédit que présentait McKesson Canada, aux termes des ententes, dans les circonstances, sont eux aussi nettement en litige dans le présent appel.

3.                 Les opinions de VMTD sur les modalités de pleine concurrence ainsi que sur la fixation des prix

[48]        L’EVCC et toutes les ententes connexes ont été initialement signées le 16 décembre 2002. Avant cela, le travail de conception, de structuration, de planification et de rédaction se déroulait depuis un temps que l’on ignore. Ce processus semble avoir été mené principalement par le vice-président de la fiscalité de McKesson É.‑U., de concert avec les avocats spécialisés en doit fiscal et bancaire du cabinet Blake, Cassels & Graydon LLP (le « cabinet Blakes »). Quelques conseils généraux en matière de prix de transfert, en rapport avec les méthodes et les problèmes liés à la structuration d’une telle opération, ont été obtenus au cours de l’été de 2002 auprès de Horst Frisch, une société de consultation aux États-Unis qui se spécialise dans les prix de transfert[19]. Le rôle de McKesson Canada s’est borné à assurer des services de soutien et des informations au sujet d’aspects tels que ses clients, son portefeuille de comptes clients, ses projections, ses politiques en matière de crédit et de recouvrement, etc.

[49]        Dans les semaines précédant la signature des ententes, probablement aux alentours du 1er décembre 2002, le cabinet Blakes a retenu les services de Valeurs mobilières TD Inc. (« VMTD ») afin que celle-ci assure des conseils sur quelques aspects « de pleine concurrence » de certaines des modalités de l’EVCC ainsi que de certains éléments du calcul de l’escompte. La lettre de mission a été envoyée à VMTD le 3 décembre suivant. Il ressort clairement des conseils de VMTD que, à l’époque où elle a été consultée, la structure ainsi que la méthode et la formule de fixation des prix étaient établies dans une large mesure. Il n’est pas clair si des changements importants ont été apportés à ces éléments à la suite de conseils ou d’informations de VMTD. Cela concorde avec le témoignage de Mme Hooper, de VMTD.

[50]        Il convient de signaler qu’en 2002, la Loi comportait des exigences en matière d’analyse ou de documentation concernant les prix de transfert de pleine concurrence en vue de défendre les dispositions relatives à l’application de la pénalité de 10 % sur les prix de transfert. En fait, les opinions de VMTD ont été le seul fondement contemporain qui a été utilisé pour contester avec succès la proposition de l’ARC, faite avant l’établissement de la nouvelle cotisation, soit d’imposer des pénalités sur les prix de transfert[20].

[51]        Les conseils de VMTD ont tout d’abord été sollicités au regard des sujets suivants : (i) les critères d’admissibilité des comptes clients, (ii) les déclencheurs/faits résiliateurs et (iii) le caractère approprié du prix d’escompte fixé. Fait quelque peu curieux et inexpliqué, la lettre de mission du cabinet Blakes mentionne et évoque expressément l’éventuelle nécessité de traiter, dans le cadre de l’escompte, de l’effet qu’aurait un éventuel agent serveur de remplacement aux termes de l’entente de services d’agent.

[52]        McKesson Canada entretenait déjà une relation d’affaire avec le groupe de la Banque Toronto‑Dominion. La pleine portée entière de cette relation n’a pas été mise clairement en preuve, mais, plusieurs années plus tôt, McKesson Canada avait réalisé une opération d’affacturage de comptes clients avec TD Factors. Il s’agissait d’une opération de courte durée, de fin d’exercice et visant un objectif entièrement fiscal, qui était conçue pour éviter l’impôt fédéral canadien sur le capital, et les prix semblaient avoir été fixés en ce sens. Il est parfaitement déraisonnable de soutenir qu’il s’agissait là d’une opération tout à fait comparable, en vue de la détermination d’un prix de pleine concurrence, à celle qui est en cause dans le présent appel.

[53]        Barbara Hooper est la personne chez VMTD avec laquelle le cabinet Blakes a décidé de communiquer. Elle était connue comme cadre supérieur du groupe de la titrisation de VMTD. Ses conseils ont été sollicités, même si tous savaient que l’EVCC et les opérations connexes n’étaient pas structurées comme des opérations de titrisation, qu’elles n’étaient pas censées être des opérations de titrisation et que l’objet, l’objectif et les caractéristiques des opérations visées par l’EVCC étaient nettement différents de ceux d’une opération de titrisation. Aucun conseil ou aucune information n’ont été sollicités auprès de quelqu’un d’autre que le groupe de titrisation de VMTD (et les négociateurs d’obligations de TD que le groupe de Mme Hooper consultait brièvement et occasionnellement).

[54]        Barbara Hooper était et est clairement une experte chevronnée et professionnelle reconnue (au sens où une femme ou un homme d’affaires utiliserait ce terme) en matière de titrisation, y compris en titrisation de comptes clients. Elle a témoigné à l’audience à titre de témoin ordinaire, et non de témoin expert reconnu. Comme le rôle qu’elle jouait à titre de témoin ordinaire faisant part des opinions de VMTD l’amenait à exercer son jugement professionnel, elle a été autorisée à expliquer en détail dans son témoignage ces opinions, y compris ses motifs, ainsi que ses informations, ses fondements et ses opinions subsidiaires justificatives.

[55]        À l’évidence, l’expérience que comptait Mme Hooper en matière de titrisation de comptes clients l’habilitait à prodiguer des conseils utiles aux entités du Groupe McKesson ayant pris part à l’opération ainsi qu’à la Cour. Elle est certes très au fait des risques en matière de transferts de comptes clients, de la façon dont ces risques peuvent être cernés, ainsi que de la manière dont il est possible de réduire ces risques dans le cadre d’une opération de titrisation de comptes clients. Toutefois, son expérience et son expertise ne s’étendaient pas à la détermination du prix de ces risques s’il fallait que ceux-ci soient transférés, pas plus qu’aux taux d’escompte sur le marché qui s’appliquaient à la vente ou à l’affacturage inconditionnel, sans recours ou avec droit de recours limité, de comptes clients. Elle n’a pas soutenu le contraire dans les opinions de VMTD ou lors de son témoignage.

[56]        Son témoignage ainsi que le rôle joué par VMTD dans les opérations visées par l’EVCC ont été utiles à la Cour. Les opinions de VMTD ont suivi l’approche conceptuelle dictée par l’EVCC que le Groupe McKesson lui avait présentée. Comme c’est souvent le cas pour les témoignages d’expert et les autres témoignages consistant en des opinions, la Cour a jugé utiles une bonne part des explications et des raisonnements détaillés sur lesquels reposaient les opinions formulées, de même que certaines des données et des informations qui militaient dans le sens de ces opinions, même si, au final, elle ne tire pas tout à fait la même conclusion.

a)                Les critères d’admissibilité

[57]        Les opinions de VMTD discutent cet aspect en un seul petit paragraphe de trois phrases. Elle conclut, sans explication ou analyse, que la définition des comptes clients admissibles que l’on trouve dans l’EVCC se situe dans la fourchette de ce qui est normal dans le cadre d’une opération de pleine concurrence de cette nature. Bien qu’on y emploie les mots [traduction] « opération […] de cette nature », je ne peux que conclure qu’il est question d’une opération de titrisation mettant en cause des comptes clients, vu la description de l’expérience que VMTD a mise à contribution.

[58]        VMTD indique ensuite que l’exposition aux niveaux de concentration du portefeuille des comptes clients qui étaient associés aux débiteurs désignés de McKesson Canada ne serait pas présente dans le cas d’une titrisation, que VMTD devra en traiter lors de l’analyse du taux d’escompte et qu’il faudra que cet élément du taux d’escompte soit dynamique, et reflète d’éventuels changements, de temps à autre, dans le solde pertinent des comptes clients des débiteurs désignés faisant partie du portefeuille.

b)                Les faits résiliateurs

[59]        VMTD a conclu que les facteurs de déclenchement, dans la définition que donne l’EVCC d’un fait donnant lieu à sa résiliation, se situent dans la limite de ce qui est normal dans le cadre d’une opération de pleine concurrence [traduction] « de cette nature ». Je réitère ce que j’ai dit plus tôt au sujet de l’emploi qui est fait de ces mots dans les opinions de VMTD.

[60]        L’opinion de VMTD fait expressément référence au rôle que jouent ces facteurs de déclenchement en tant que mécanisme de protection contre un mauvais rendement des comptes clients ou une diminution de la solvabilité de l’entité vendeuse. Elle signale que la solvabilité de McKesson Canada à titre d’entité vendeuse est pertinente, en partie à cause de son obligation de verser les fonds recouvrés à la SMI. VMTD est expressément d’avis que [traduction] « comme [McKesson Canada] est étroitement liée à [McKesson É.-U.] et importante pour elle, il est raisonnable d’utiliser les cotes de crédit publiques de [McKesson É.-U.] à titre d’indication de la solvabilité de [McKesson Canada] ».

[61]        L’opinion de VMTD examine ensuite expressément : (i) le facteur de déclenchement que constitue le ratio de défaillance du portefeuille des comptes clients prévu par l’EVCC et (ii) le facteur de déclenchement que constitue le ratio de perte du portefeuille des comptes clients prévu par l’EVCC.

(i)                Le facteur de déclenchement que constitue le ratio de défaillance

[62]        VMTD a pris en considération l’amélioration de la tendance historique sur deux ans du ratio de défaillance des comptes clients de McKesson Canada, ainsi que le taux récemment maintenu de 1,0 %. Le taux de déclenchement de 2,5 % que prévoit l’EVCC représenterait, de l’avis de VMTD, un écart défavorable important au regard de l’état actuellement stable de 1 %, et il est donc considéré comme raisonnable. VMTD a souligné l’importance de l’approche dynamique fondée sur une moyenne mobile sur quatre mois pour ce qui était de mesurer le ratio de défaillance prévu par l’EVCC, et elle se sert de cette approche dans son analyse. VMTD a confirmé que cela concorde avec les périodes de trois à six mois que l’on utilise généralement à ces fins.

(ii)             Le facteur de déclenchement que constitue le ratio de perte

[63]        VMTD a examiné l’historique de trois années de résultats en matière de mauvaises créances, dans le portefeuille des comptes clients de McKesson Canada. Elle a signalé la différence qu’il y a entre les radiations comptables et la définition des pertes, fondée sur une défaillance après 90 jours, aux fins du ratio de perte prévu par l’EVCC, avec le résultat que l’on pouvait s’attendre à ce que ce dernier ratio fût supérieur au précédent. Elle a opiné qu’un ratio de perte dynamique, qui mesurait un taux moyen de défaillance après 90 jours sur quatre mois et était assorti d’un facteur de déclenchement de 0,25 %, paraissait raisonnable, car, bien que les radiations par rapport aux ventes, sur une base mensuelle, aient parfois atteint ce niveau, jamais elles n’avaient été supérieures à 0,10 % sur une moyenne mobile sur quatre mois[21].

c)                 Le taux d’escompte

[64]        Dans son rapport, VMTD dit que son évaluation de l’indemnisation appropriée a été établie de la manière suivante : (i) dans la mesure du possible, par l’examen des prix de risques comparables sur le marché et (ii) [traduction] « lorsque nous ne disposions pas de prix comparables, nous avons évalué le coût potentiel du risque [pour la SMI][22] ».

[65]        Dans les paragraphes résumant les questions portant sur l’escompte total qui figurent à la fin de son rapport, VMTD a discuté cet escompte en se conformant à la définition qu’en donne l’EVCC, soit : (i) le taux de rendement, (ii) l’escompte pour perte et (iii) l’écart d’escompte. Pour résumer le rapport de VMTD sur le taux d’escompte, il est plus facile pour la Cour de suivre cet ordre-là dans ses motifs que l’ordre différent que VMTD a plus ou moins suivi dans le corps de son rapport.

(i)                Le taux de rendement

[66]        Selon VMTD, l’EVCC utilisait le taux d’AB/CDOR en dollars canadiens sur 30 jours en tant qu’élément du taux de base variable, et il est nécessaire d’ajuster le taux d’escompte CDOR sur 30 jours, de façon à ce qu’il reflète le DMR des comptes clients.

[67]        Indépendamment de la manière dont l’EVCC définit le taux d’escompte et le taux de rendement (même après les avoir modifiés et reformulés, et après les avoir clarifiés davantage), la Cour remarque que l’élément « taux de rendement » du taux d’escompte doit en fait être ajusté afin qu’il soit indiqué que le taux CDOR sur 30 jours est exprimé sous la forme d’un taux annuel et qu’il faut donc le rajuster pour qu’il reflète le DMR du portefeuille des comptes clients en le multipliant par le DMR et en le divisant ensuite par 365.

[68]        VMTD a opté pour le DMR mensuel moyen sur trois ans du portefeuille des comptes clients, qu’elle a calculé comme étant 32. Il n’a pas été question de la raison pour laquelle elle n’a pas utilisé un DMR mensuel moyen sur une période plus courte, pas plus qu’il n’a été question, dans le rapport de VMTD, d’utiliser une moyenne variable dynamique pour le DMR.

[69]        VMTD a reconnu que, pour l’achat initial d’environ 460 000 000 $ de comptes clients, le DMR surestimerait de beaucoup la durée de paiement prévue de ces comptes clients, car ils constituaient un portefeuille de comptes clients à court terme arrivés à échéance (c’est-à-dire que certains allaient être payés le lendemain, parce qu’ils étaient en souffrance depuis 30 jours ou plus).

[70]        L’approche de VMTD a plutôt consisté en l’utilisation d’un DMR de 16 jours dans le cas de l’achat initial. En fait, cependant, elle n’a pas calculé le taux d’escompte applicable à l’achat initial du 16 décembre 2002 en se servant d’un DMR de 16 jours; elle a plutôt moyenné les 16 jours « manquants » sur les cinq années que durait l’EVCC, et a fixé un DMR de 31,73 jours pour tous les calculs du taux d’escompte concernant la totalité des achats de comptes clients effectués dans le cadre de l’EVCC. Il est évident que cela a eu comme effet de doubler cette partie du taux d’escompte pour l’achat fait en décembre 2002, ce qui procure ainsi un avantage temporel considérable au Groupe McKesson, relativement à la réduction fiscale obtenue par McKesson Canada pour l’année 2003 en cause.

(ii)             L’escompte pour perte

1)                Les débiteurs désignés

[71]        VMTD entame son analyse concernant l’escompte pour perte en déterminant les radiations mensuelles par rapport aux ventes à partir des trois ou quatre années de données que McKesson Canada lui a fournies, de pair avec les mêmes chiffres calculés selon une moyenne variable sur trois et douze mois. Elle conclut que, selon cette perspective dynamique, les radiations par rapport aux ventes de McKesson Canada sont [traduction] « très faibles ».

[72]        VMTD repère un problème de risque de concentration associé aux débiteurs désignés de grande taille, à savoir que les pertes subies à l’égard de leurs comptes clients présentent une probabilité accrue de s’écarter des niveaux historiques (vraisemblablement d’une manière qui n’est pas forcément défavorable). VMTD ne tente pas de quantifier cette probabilité accrue ni, plus important encore, n’analyse-t-elle séparément les données historiques associées aux débiteurs désignés afin d’essayer de valider le risque accru[23].

[73]        VMTD a examiné les débiteurs désignés séparément des autres débiteurs et elle a examiné chaque débiteur désigné individuellement (en traitant tous les hôpitaux comme un débiteur désigné unique), comme l’EVCC le prévoyait.

[74]        VMTD a jugé bon d’examiner la cote de crédit publique de chaque débiteur désigné, ou si un débiteur désigné n’en avait pas une qui lui était propre, celle de sa société mère, sans ajustement. Si aucun des deux n’était coté, VMTD a tenu pour acquis dans son rapport qu’il s’agissait d’une cote de crédit de catégorie spéculative. Elle a ensuite examiné les écarts de crédit en fonction d’un risque de 180 jours au sein du marché de la dette publique. Elle a pensé qu’il était indiqué d’assimiler le risque auquel s’exposait la SMI dans le cadre de l’EVCC du risque de 180 jours, ce qui laisserait place à l’estimation de VMTD selon laquelle il faudrait 90 jours pour réduire progressivement le portefeuille et le liquider à la résiliation.

[75]        VMTD a estimé l’escompte pour perte individuel qui s’appliquait à chaque débiteur désigné en se servant de cet escompte fondé sur le marché, rajusté tout d’abord en fonction du DMR et appliqué ensuite au (multiplié par le) total de ces comptes clients à ce moment-là (décembre 2002). Ces chiffres ont ensuite été fixés dans l’annexe D des escomptes pour perte des débiteurs désignés de l’EVCC[24].

2)                Les autres débiteurs

[76]        Dans son rapport, VMTD s’appuie sur les données historiques d’un mois pour évaluer l’escompte pour perte attribuable aux débiteurs de petite taille, lesquels constituent la majorité du portefeuille des comptes clients. Le rapport n’indique pas pourquoi VMTD a choisi la moyenne historique sur un mois plutôt que la moyenne variable sur trois mois ou la moyenne variable sur douze mois, elles aussi calculées et énoncées dans cette partie de son rapport (ou, quant à cela, la moyenne mobile sur quatre mois que VMTD a énoncée et utilisée dans la partie de son rapport où elle fait part de son opinion sur les faits résiliateurs qui déclenchent une perte). Le rapport de VMTD ne semble même pas dissocier la partie « débiteur désigné » du portefeuille à cette fin pour examiner seulement le rendement des autres débiteurs. Ni le rapport ni le témoignage de Mme Hooper n’en donnent une explication quelconque.

[77]        Puis, VMTD signale que les données pluriannuelles qu’on lui a fournies ne couvrent pas un cycle économique complet (creux-sommet-creux) canadien. Le rapport ne dit pas que l’on a demandé plus de données historiques, non plus que ces données n’étaient pas disponibles. Pour cette raison, VMTD [traduction] « suggère » l’ajout de trois écarts-types au regard de la moyenne (encore que VMTD n’indique dans ses tableaux que des moyennes statistiques, et non des moyennes arithmétiques). Cette suggestion n’est pas expliquée. Combinée au choix de chiffres mensuels, elle a eu pour résultat de faire passer la perte moyenne mensuelle réelle de 0,03 à 0,24 % – il s’agit là de huit fois plus. (Encore que VMTD, dans son rapport, utilise ensuite un taux de 0,2380 %; vraisemblablement, des calculs à quatre chiffres plus précis avaient été faits ailleurs que dans le cadre du rapport.)

[78]        Il ressort du tableau de VMTD que, si l’écart-type calculé était de 0,07 % pour les moyennes historiques mensuelles, il s’agissait d’une fraction de ce taux pour le rendement variable des pertes historiques sur douze mois et sur trois mois (0,02 % pour douze mois et 0,04 % pour trois mois). On constate aisément que, si l’on avait suivi cette même approche, qui consiste à ajouter trois écarts-types aux pertes moyennes variables historiques sur douze mois, la moyenne sur douze mois de 0,04 % n’augmenterait qu’à 0,1 % – ce qui serait quand même deux et demi fois de plus (et, là encore, sans expliquer pourquoi on utilise trois écarts-types)[25].

[79]        VMTD signale, à bon droit, que cette approche à l’égard du pourcentage d’escompte pour perte qui s’applique aux autres débiteurs est fonction de pertes subies sur la valeur pécuniaire des comptes clients, et non un taux annuel ou un autre taux qui est une fonction du temps, et qu’il n’est donc pas nécessaire de l’ajuster pour qu’il soit tenu compte du DMR.

[80]        Dans son rapport, VMTD totalise ensuite simplement l’écart de taux rajusté en fonction du DMR et pondéré du portefeuille pour chaque débiteur désigné, conformément à l’EVCC, et le taux de 0,2380 % applicable aux autres débiteurs, pondéré en fonction de leur part du portefeuille des comptes clients que doivent les autres débiteurs.

[81]        VMTD a indiqué que le rajustement annuel (ou à intervalles plus rapprochés, à la demande de la SMI) de l’élément « escompte pour perte » du taux d’escompte est approprié. Mais elle n’a pas expliqué pourquoi.

(iii)           L’écart d’escompte

[82]        L’écart d’escompte fixe de 1,7305 % dont fait état l’EVCC semble, d’après le rapport de VMTD, avoir été établi par VMTD. Dans son rapport, cette dernière a établi ce chiffre à partir de quatre éléments : 1) un escompte pour services d’agent, 2) un escompte pour dilutions dues à des règlements rapides, 3) un escompte pour dilutions dues à des remises accumulées et 4) un escompte pour intérêt.

[83]        Il ne ressort clairement de l’EVCC ni du rapport de VMTD ni des témoignages pourquoi la notion d’écart d’escompte englobe ces quatre risques. Quoi qu’il en soit, il est évident que les parties à l’EVCC et aux opérations connexes, de même que leurs conseillers, ont considéré qu’il s’agissait là des risques importants qui découlaient des opérations visées par l’EVCC, à part le risque de subir une perte sur les comptes clients mêmes par suite d’un manquement des débiteurs à leurs obligations financières.

1)                L’escompte pour services d’agent

[84]        VMTD entame son analyse en relevant que : (i) l’EVCC exige que la SMI assure le service des comptes clients achetés, (ii) aux termes de l’entente de services d’agent, l’agent serveur (y compris celui qui a été désigné au départ, soit McKesson Canada) touche des frais fixes de 9 600 000 $ par année, payés mensuellement, en vue d’assurer le service du portefeuille des comptes clients, indépendamment de sa taille, et (iii) l’entente de services d’agent prévoit la possibilité que la SMI décide de nommer un agent serveur de remplacement, ou se trouve dans l’obligation de le faire.

[85]        VMTD rattache le besoin [traduction] « fort possible » d’un agent serveur de remplacement au fait que la SMI n’est pas une entité de crédit hautement cotée sur une base indépendante. Ce rapport n’est pas défini plus en détail et n’est pas évident.

[86]        VMTD indique ensuite le prix des services d’un agent serveur de remplacement qu’elle a obtenu auprès d’une source unique (que l’on croit être, peut-être, un important cabinet comptable). Ce prix fait état de frais de recouvrement, pour les comptes courants, de l’ordre de 1,0 à 3,0 % du montant nominal des comptes clients. VMTD n’a pas tenté d’obtenir de TD Factors un prix pour les services d’un agent serveur de remplacement.

[87]        VMTD a fait observer une fois de plus qu’on n’aurait besoin d’un agent serveur de remplacement que pour une courte période, une fois que l’entente serait résiliée et que la SMI n’achèterait plus d’autres comptes clients.

[88]        VMTD a ensuite décidé d’appliquer des frais de 2 % pour un agent serveur de remplacement, au motif qu’il s’agissait du point médian de la fourchette de 1 à 3 %.

[89]        VMTD a fait observer que les frais d’environ 800 000 $ à payer tous les mois aux termes de l’entente de services d’agent seraient de l’ordre de 0,2 %, en présumant qu’environ la moitié du plafond de 900 000 000 $, ou environ le montant initial des comptes clients achetés, était en souffrance pendant toute la durée de l’entente. Aucune tentative n’est faite dans le rapport pour expliquer ou justifier les volumes des [traduction] « ventes prévues »[26]. Aucune explication n’est donnée au sujet de la pertinence du plafond de 900 000 000 $ qui n’a aucun rapport avec les ventes prévues. Aucune tentative n’est faite pour expliquer la différence dix fois supérieure entre le taux de 0,2 % imputé par McKesson Canada et le choix, fait par VMTD, d’un taux de 2 %, à partir de la fourchette de 1 à 3 %, pour un agent serveur de remplacement. Il ne s’agit pas là non plus du dernier problème dont il est question dans le rapport supplémentaire de VMTD.

[90]        Dans son rapport, VMTD signale ensuite que, selon une publication de Moody’s qu’elle a consultée, dans l’année précédente, 9,41 % des entreprises ayant la même notation que celle de McKesson É.-U. ont été déclassées au niveau de la notation de déclenchement prévue par l’EVCC ou ont vu leur notation retirée. De là, sans autre explication, VMTD s’est ensuite servie d’une [traduction] « présomption prudente », à savoir une [traduction] « possibilité » de 25 % qu’il faille désigner un agent serveur de remplacement[27].

[91]        En se basant sur ces seuls chiffres, VMTD multiplie ensuite 2,0 % par 0,25, et 0,2 % par 0,75, et elle additionne ensuite le résultat pour en arriver à un [traduction] « coût de service prévu raisonnable » de 0,65 %. Ce chiffre, trois et un quart fois supérieur à ce qu’il faut payer à McKesson Canada ou à un agent serveur de remplacement pour assurer le service des comptes clients aux termes de l’entente de services d’agent, est ensuite utilisé pour escompter chacun des comptes clients (y compris ceux d’une valeur de 465 000 000 $ qui ont été achetés au moment de la signature de l’entente, qui semblaient avoir presque toutes les chances d’être payés en bonne et due forme à compter du lendemain même, et y compris ceux qui ont été achetés le lendemain, et le jour suivant, etc.).

[92]        Plusieurs mois après la mise en place des opérations, on a demandé à VMTD de donner des conseils complémentaires sur les frais fixes à payer à l’agent serveur aux termes de l’entente de services d’agent. Le rapport supplémentaire de VMTD est exposé plus en détail ci-après.

2)                L’escompte pour dilutions dues aux règlements rapides

[93]        Comme il a été signalé plus haut, l’EVCC n’assimile pas les escomptes pour règlement rapide dont bénéficiaient les clients de McKesson Canada à de présumés recouvrements liés à leurs comptes clients. Dans son rapport, VMTD retient cela sans poser de questions, et même sans se pencher sur la question de savoir si, dans des opérations de titrisation de pleine concurrence, ce serait là une pratique ordinaire. Il n’est pas évident en soi pourquoi les escomptes pour règlement rapide ne sont pas traités de la même façon que d’autres sources de dilution, telles que les remises sur volume consenties aux clients.

[94]        VMTD fait donc état du risque, dans l’EVCC, qu’il puisse y avoir un changement dans la mesure dans laquelle les clients de McKesson Canada se prévalent des escomptes pour règlement rapide qui leur sont offerts en payant leurs comptes clients plus tôt que ce que l’expérience individuelle ou générale antérieure pourrait donner à penser. Par exemple, si la SMI achète 100 $ de comptes clients et que l’acheteur paie rapidement la somme de 98 $ en règlement total, McKesson Canada n’a pas à rendre compte à la SMI de la différence de 2 $. Les prix établis par l’EVCC devaient donc prévoir d’une manière ou d’une autre que les clients de McKesson Canada exerceraient les droits à un escompte pour règlement rapide. La SMI se retrouverait à surpayer si l’on sous-estimait la valeur de ce droit, et McKesson Canada serait sous-payée si on la surestimait. VMTD a calculé historiquement, sur une base annuelle, les escomptes pour règlement rapide de McKesson Canada; elle a déterminé qu’ils représentaient 0,5 % des ventes et a fait remarquer que cela était [traduction] « très conforme »[28].

[95]        VMTD a ensuite suggéré que l’on ajoute un [traduction] « coussin » de 20 %, de manière à faire passer le taux de 0,5 à 0,6 %. Dans son rapport, VMTD ne tente pas d’expliquer pourquoi un coussin de 20 % a été choisi. Elle ne reconnaît pas le fait, et le discute encore moins, que, si jusqu’à 20 % plus de clients commençaient à profiter des escomptes pour règlement rapide aux conditions déjà offertes, cela aurait un effet favorable correspondant sur le DMR du portefeuille des comptes clients, ce qui aurait du même coup un effet marqué sur le risque et sur le prix, car on paierait la SMI nettement plus vite.

[96]        Un fait non-énoncé et inexpliqué, mais implicite dans le rapport de VMTD, est qu’elle n’a rien à redire à propos du fait que le risque que présentent les escomptes pour règlement rapide est estimé au départ, qu’il demeure fixe à des niveaux historiques et que l’on y ajoute un tampon inexpliqué, au lieu de le voir reflété dans le rendement réel de sa moyenne mobile pendant toute la durée de l’EVCC, et ce, même s’il doit être intégré aux risques énoncés dans l’EVCC pour la SMI, plutôt que d’être considéré comme un recouvrement réputé.

3)                L’escompte pour dilutions dues aux remises accumulées

[97]        Les remises sur volume de McKesson Canada sont payées séparément à ses clients, et non au point de vente ou au moment du paiement. Elle les paye plutôt directement à ses clients, à intervalles périodiques. Le risque que les comptes clients transférés soient soumis à une réduction pour remise n’a donc pas été transféré à la SMI ni pris en compte dans l’EVCC. Cependant, il y avait tout de même le risque qu’un client décide de compenser ses comptes à payer à McKesson Canada par le montant d’une remise anticipée ou acquise, mais non encore payée, que McKesson Canada lui devait. VMTD a émis l’hypothèse que cela pouvait se produire si les clients en venaient à s’inquiéter de la situation financière de McKesson Canada[29]. L’EVCC exige expressément et clairement que ce risque de compensation soit entièrement supporté, et indemnisé, par McKesson Canada. VMTD indique donc que l’EVCC fait en sorte que la SMI considère le risque de crédit de McKesson Canada (filiale directe de la SMI) comme l’obligation d’indemnisation de McKesson Canada.

[98]        VMTD a calculé les remises historiques sur trois ans en fonction des chiffres de vente. La moyenne était de 3,8 %. Le minimum était de 2,13 %, et le maximum de 5,53 %. Chacun de ces pourcentages est un total de l’ensemble des remises accumulées. Sans autre ajustement, l’utilisation de ces chiffres bruts refléterait donc la situation dans laquelle tous les clients de McKesson Canada décident qu’il est temps de recouvrer par déduction leur remise. Sans autre explication que celle de faire preuve de prudence, VMTD a choisi le chiffre maximal de 5,53 % du solde des comptes clients comme étant le montant exposé au risque de compensation. VMTD ne suggère aucunement qu’il faudrait adopter ou envisager une approche dynamique fondée sur une moyenne mobile pendant toute la durée de l’EVCC. Elle ne discute pas la possibilité que l’on puisse s’attendre à ce que la SMI détienne des droits de résiliation et les exerce si la situation financière de McKesson Canada devait atteindre le stade où la SMI se soucierait de sa viabilité financière. Dans son rapport, VMTD ne dit pas qu’elle est au courant qu’une compensation de cette nature a déjà été exercée, été réclamée, fait l’objet de menaces ou même été demandée.

[99]        À ce montant de compensation maximale, VMTD applique un facteur qu’elle a choisi, de manière à ce que soit reflété le risque de crédit de McKesson Canada. À cette fin, elle a imposé un écart de crédit de 5,25 % (il s’agit du montant facturé au-delà du taux de base fixe variable d’un prêteur) pour McKesson Canada en se basant sur le fait que, sans sa propre cote de crédit, il faudrait utiliser des écarts de crédit de catégorie non spéculative à titre d’indicateur. (Dans le marché des obligations, les obligations d’emprunteurs de catégorie spéculative sont aussi appelées des obligations à rendement élevé ou des obligations de pacotille.) Et ce, bien que, à plusieurs reprises ailleurs dans son rapport, VMTD utilise comme indicateur les cotes de la société mère de débiteurs non cotés, et accepte que le risque que présente la cote de crédit de McKesson É.-U. reflète le risque de dégradation du degré de solvabilité de McKesson Canada dans les analyses portant sur les faits résiliateurs et les faits déclencheurs. Dans son rapport, VMTD n’explique pas la relation qu’il y a entre son écart de crédit estimatif de 5,25 % et les taux réels dont dispose McKesson Canada auprès de ses prêteurs et de ses facilités de crédit disponibles, qui, comme il a été exposé ailleurs, sont très différents. Notamment, étant donné que l’EVCC n’exigeait clairement pas que McKesson Canada isole les recouvrements (à défaut d’un fait résiliateur), le Groupe McKesson et la SMI se souciaient manifestement peu du degré de solvabilité ou de la situation financière de McKesson Canada. Après tout, le risque que les recouvrements ne soient pas transmis à un acheteur de comptes clients est l’un des risques importants que posent les opérations d’affacturage.

[100]   Le rapport de VMTD ne discute pas le droit que l’EVCC confère à la SMI de faire en sorte que les fonds soient isolés et non amalgamés chaque fois qu’il survient un fait résiliateur, y compris un changement défavorable important. Le rapport ne discute pas non plus la question de savoir si le fait de ne pas isoler les fonds, sauf s’il se produit un fait résiliateur, et la disposition, dans l’EVCC, à accepter le risque d’amalgamation en cas de résiliation concordent avec les pratiques du marché dans le cadre d’ententes entre sociétés sans lien de dépendance, comme celles qui mettent en cause des titrisations ou des agents serveurs indépendants.

[101]   VMTD multiplie le risque de compensation historique maximal de 5,53 % par l’écart de crédit des emprunteurs de catégorie spéculative de 5,25 % (rajusté en fonction du DMR, parce que les écarts de crédits sont exprimés sous la forme d’un taux annuel) pour en arriver à un taux fixe de 0,0244 % pour l’escompte pour remises accumulées pendant la durée entière de l’EVCC. Le fait que l’on retient une approche fixe n’est pas expliqué.

4)                L’escompte pour intérêt

[102]   Cet aspect ne fait l’objet que d’un seul paragraphe dans le rapport. Ce paragraphe n’est pas une évaluation fondée sur le risque, mais il contient les observations de VMTD selon lesquelles [traduction] « en plus d’être indemnisée pour les risques qu’elle assume [la SMI] doit également couvrir son coût de capital à même l’escompte ».

[103]   VMTD dit ensuite qu’étant donné que la SMI est [traduction] « très faiblement capitalisée[30] », il convient là encore d’utiliser comme indicateur des écarts de crédit du marché obligataire de catégorie spéculative.

[104]   Ces énoncés sont peut-être exacts du point de vue d’une opération commerciale rentable, mais VMTD ne discute pas la possibilité que l’opération, telle qu’elle est exactement structurée, ne puisse pas être exécutée de manière rentable dans le cadre de modalités de pleine concurrence, ou du fait que le coût ou la source du financement soit, pour un acheteur, une dépense qui en général n’augmente ou ne diminue pas la valeur des biens d’un vendeur, ou toute autre question que cela soulève.

[105]   VMTD n’a pas été mise au courant des sources de financement de la SMI, et elle ignorait donc que cette dernière bénéficiait d’une garantie et d’une indemnisation complètes de la part de sa société mère au sein du Groupe McKesson.

[106]   Dans son rapport, VMTD ajoute ensuite un écart de swap sur cinq ans pour les émetteurs d’obligations de catégorie spéculative (c.-à-d. : à haut risque) de 5,25 % (comme il a été décrit ci-dessus en rapport avec les remises) au taux CDOR sur 30 jours, à cause de la durée de cinq ans de l’entente.

[107]   Ce taux d’obligations à haut risque/à rendement élevé/de catégorie spéculative est donc pris en compte dans les prix d’escompte à deux reprises par VMTD, une première fois afin que soit reflété le degré de solvabilité de McKesson Canada pour ce qui est du potentiel maximal de risque dû aux remises, et une deuxième fois afin que soit reflété le rendement dont la SMI a besoin pour couvrir ce que lui coûte le plein montant qu’elle a emprunté[31].

[108]   VMTD n’explique pas pourquoi elle se sert de prix sur cinq ans pour des fonds dont la SMI a besoin dans le cadre d’une facilité renouvelable réglée mensuellement et assortie d’un DMR d’environ un mois et qui comporte, comme l’estime (à deux reprises) VMTD dans son rapport, un risque de 180 jours (ce qui inclut un délai alloué de 90 jours pour la liquidation).

[109]   Comme dans le cas d’autres éléments de l’écart d’escompte, le rapport de VMTD ne discute pas l’acceptabilité du fait que l’écart de crédit concernant l’escompte pour intérêt soit à taux fixe pendant toute la durée de cinq ans[32]

[110]   Dans l’ensemble, il semble évident que l’on a clairement calculé chacun des quatre éléments de l’écart d’escompte en prenant pour base les chiffres maximaux que l’on pourrait même qualifier de justifiables (lesquels ne sont pas nécessairement, ou manifestement, les chiffres maximaux dans une fourchette raisonnable), et que chacun a ensuite été fixé pour la durée entière de cinq ans sans être ajusté ou recalculé de quelque façon, même s’il existe des éléments annuels et mensuels dynamiques (dont certains sont fort semblables) ainsi que des droits en cas de changement défavorable important – ou CDI – ailleurs dans les ententes connexes à l’EVCC. Ce manque d’équilibre en faveur de la SMI n’est pas expressément indiqué, ni aucunement analysé dans l’ensemble des rapports ou des éléments de preuve de VMTD.

4.                 Le rapport supplémentaire de VMTD sur les frais de service

[111]   En avril 2003, après la signature et la mise en œuvre de l’EVCC et des opérations connexes, on a demandé à VMTD d’indiquer à McKesson Canada, à la SMI et au cabinet Blakes si les frais mensuels fixes de 800 000 $ qui étaient payés dans le cadre de l’entente de services d’agent, en vue d’administrer et de recouvrer la totalité des comptes clients du portefeuille, correspondaient à la norme pour ce type d’arrangement.

[112]   VMTD, une fois de plus, commence par indiquer clairement que son expertise dans ce domaine repose sur l’expérience qu’elle a acquise sur le plan de l’organisation d’opérations de titrisation de comptes clients canadiens, lesquelles sont structurées sans avoir à payer ou à négocier des frais de service distincts et que [traduction] « de ce fait, nous ne sommes pas directement au fait de situations comparables ».

[113]   VMTD ajoute dans son rapport sur les frais de service :

[traduction]

Le niveau des frais de service doit être évalué par rapport aux ressources requises pour assurer efficacement le service du portefeuille. Les besoins en ressources dépendent de la taille et de la composition du portefeuille des comptes clients.

[114]   Toutefois, VMTD signale ensuite que, selon l’entente de services d’agent, McKesson Canada touche des frais fixes tous les mois, indépendamment de la taille du portefeuille. VMTD calcule que les frais annuels fixes de 9 600 000 $ équivalent à des frais d’un peu plus de 1 % par année sur la limite de 900 000 000 $ et des frais d’un peu plus de 2 % sur le portefeuille existant à ce moment-là, soit la somme d’environ 460 000 000 $. Les enquêtes de VMTD ont relevé des frais de service de 1 % par année déclarés par Bell Canada dans le cadre d’une opération de titrisation de comptes clients de 1 000 000 000 $ et de 2 % par année par Telus dans le cadre d’une opération de titrisation de comptes clients de 650 000 000 $. VMTD signale que ces comptes clients concernaient principalement les factures téléphoniques de clients au détail de Telus et de Bell[33].

[115]   VMTD a ensuite examiné les frais prévus par l’entente de services d’agent en fonction des sommes d’argent à recouvrer et a conclu qu’il s’agissait d’environ 0,1 % de la taille maximale du portefeuille admissible de 900 000 000 $ et d’un DMR de 32 jours, ainsi que d’un taux d’environ 0,2 % fondé sur le solde des comptes clients à la clôture. Les enquêtes de VMTD n’ont relevé qu’une seule opération aux États-Unis dont les informations pertinentes avaient été divulguées publiquement et qui reflétait des frais de service équivalant à 0,1 % des recouvrements.

[116]   Enfin, VMTD est entrée en contact avec deux grandes agences de cotation comptant une solide expérience de la cotation des opérations de titrisation. Selon Moody’s, les frais de service négociés entre acheteurs et vendeurs sont habituellement de l’ordre de 1 à 2 % du solde moyen des comptes clients. Selon Standard & Poor’s, les frais de service sont habituellement de 1 % par année du solde moyen des comptes clients. Il est à noter que les deux agences de cotation qualifient ces frais de dynamiques, car ils sont fondés sur les soldes moyens des comptes clients au cours de l’année.

[117]   Dans sa dernière opinion, VMTD signale une fois de plus qu’il est inusité que les frais de service soient fixes. En prenant pour base le montant des comptes clients transférés à la clôture, VMTD conclut que les frais sont quelque peu supérieurs à ceux des quelques éléments de comparaison. Il est évident que, par « quelque peu », VMTD veut dire « jusqu’à 100 %.

[118]   L’opinion de VMTD sur les frais de service est datée du 25 avril 2003. L’année 2003 qui est visée par l’appel a pris fin en mars 2003. Je présume, d’après le rapport de VMTD et de son analyse, que la taille du portefeuille des comptes clients n’a pas augmenté de beaucoup entre la clôture initiale, au milieu de décembre 2002, et la fin de l’année visée par l’appel, en mars 2003.

5.                 Les dispositions législatives applicables

Le paragraphe 247(2) de la Loi prévoit :

 

2) Redressement -- Lorsqu’un contribuable ou une société de personnes et une personne non-résidente avec laquelle le contribuable ou la société de personnes, ou un associé de cette dernière, a une lien de dépendance, ou une société de personnes dont la personne non-résidente est une associé, prennent part à une opération ou à une série d’opérations et que, selon le cas :

 

(2)  Transfer pricing adjustment -- Where a taxpayer or a partnership and a non-resident person with whom the taxpayer or the partnership, or a member of the partnership, does not deal at arm’s length (or a partnership of which the non-resident person is a member) are participants in a transaction or a series of transactions and

 

a) les modalités conclues ou imposées, relativement à l’opération ou à la série :

 

(a) the terms or conditions made or imposed, in respect of the transaction or series, between any of the participants in the transaction or series differ from those that would have been made between persons dealing at arm’s length, or

 

b) les faits suivants se vérifient relativement à l’opération ou à la série :

 

(b) the transaction or series

(i) elle n’aurait pas été conclue entre personnes sans lien de dépendance,

 

(i) would not have been entered into between persons dealing at arm’s length, and

 

(ii) il est raisonnable de considérer qu’elle n’a pas été principalement conclue pour des objets véritables, si ce n’est l’obtention d’un avantage fiscal,

 

(ii) can reasonably be considered not to have been entered into primarily for bona fide purposes other than to obtain a tax benefit,

 

Les montants qui, si ce n’était le présent article et l’article 245, seraient déterminés pour l’application de la présente loi quant au contribuable ou la société de personnes pour une année d’imposition ou un exercice font l’objet d’un redressement de façon qu’ils correspondent à la valeur ou à la nature des montants qui auraient été déterminés si :

any amounts that, but for this section and section 245, would be determined for the purposes of this Act in respect of the taxpayer or the partnership for a taxation year or fiscal period shall be adjusted (in this section referred to as an “adjustment”) to the quantum or nature of the amounts that would have been determined if,

 

c) dans le cas où seul l’alinéa a) s’applique, les modalités conclues ou imposées, relativement à l’opération ou à la série, entre les participants avaient été celles qui auraient été conclues entre personnes sans lien de dépendance ;

(c) where only paragraph (a) applies, the terms and conditions made or imposed, in respect of the transaction or series, between the participants in the transaction or series had been those that would have been made between persons dealing at arm’s length, or

 

d) dans le cas où l’alinéa b) s’applique, l’opération ou la série conclue entre les participants avait été celle qui aurait été conclue entre personnes sans lien de dépendance, selon des modalités qui auraient été conclues entre de telle personnes.

(d) where paragraph (b) applies, the transaction or series entered into between the participants had been the transaction or series that would have been entered into between persons dealing at arm’s length, under terms and conditions that would have been made between persons dealing at arm’s length.

 

[119]   Les nouvelles cotisations du ministre sont fondées sur les alinéas 247(2)a) et c) en vue d’effectuer un redressement du prix de transfert à l’égard de l’EVCC. Ces deux alinéas jouent dans les cas où le contribuable (McKesson Canada) et la société de personnes non résidente avec laquelle le contribuable a un lien de dépendance (la SMI) prennent part à une opération[34] (l’EVCC et l’entente de services d’agent) ou une série d’opérations (l’EVCC, l’entente de services d’agent et le contrat de prêt que la SMI a conclu avec sa société mère indirecte irlandaise, la garantie connexe de ce prêt de la part de la SMI2 en faveur de la société irlandaise, de même que l’indemnité connexe de la part de la SMI2 en faveur de la SMI, relativement aux obligations de McKesson Canada aux termes de l’EVCC), et que les modalités qui s’y rapportent diffèrent de celles qui auraient été conclues par des personnes sans lien de dépendance. Si les « modalités » diffèrent bel et bien, les « montants » dont le contribuable se servirait par ailleurs pour les besoins de la Loi doivent faire « l’objet d’un redressement » de façon à ce qu’ils correspondent « à la valeur ou à la nature » des montants qui auraient été déterminés si les « modalités » avaient été celles qui auraient été conclues entre ces parties sans lien de dépendance.

a)                GlaxoSmithKline

[120]   À l’occasion de l’affaire GlaxoSmithKline, la Cour suprême du Canada a pu discuter la portée de l’examen des relations et des circonstances que le juge doit effectuer dans le cadre d’un appel en matière de prix de transfert[35] :

1) Le juge doit prendre en compte la totalité des opérations, des caractéristiques et des circonstances qui sont pertinentes (y compris sur le plan économique) pour déterminer si les modalités de l’opération ou de la série d’opérations en question diffèrent de celles qu’auraient conclues des parties sans lien de dépendance.

2) Les dispositions de la Loi en matière de prix de transfert sont celles qui régissent l’analyse et qui sont déterminantes, et non pas une méthode ou un commentaire particulier tiré des Principes de l’OCDE, ou de toute source autre que la Loi.

J’ajouterais la remarque que les Commentaires et les Principes de l’OCDE sont rédigés non seulement par des personnes qui ne sont pas des législateurs, mais, en fait, par les autorités mondiales en matière de recouvrement fiscal. Leurs réflexions doivent être examinées dans cette optique. Pour les administrateurs fiscaux, il est sensé de relever les opérations à détecter en vue d’une vérification ultérieure en recourant aux économistes ainsi qu’à leurs modèles, formules et algorithmes. Mais rien de cela n’est déterminant, en fin de compte, dans le cadre d’un appel interjeté auprès du juge. Ce sont les dispositions légales de la Loi qui jouent et elles ne prescrivent aucune vérification ni aucune approche de cette nature. La question en litige doit être tranchée à la suite d’un processus d’évaluation et de recherche de faits de la part du juge, comme c’est le cas pour n’importe quelle question portée en appel qui repose sur des faits, eu égard à la totalité des éléments de preuve qui se rapportent aux circonstances et aux faits pertinents.

3) Les prix fixés par des parties sans lien de dépendance sont établis en tenant compte des intérêts propres de chacune des parties à l’opération. Dans le présent appel, cela veut dire qu’il faut examiner les opérations menées dans le cadre de l’EVCC sous l’angle de McKesson Canada et sous l’angle de la SMI.

4) On ne peut se fonder sur d’autres opérations sans lien de dépendance (ou de pleine concurrence) à titre d’éléments comparables dans une analyse relative aux prix de transfert que s’il n’existe aucune différence importante qui aurait une incidence sur les prix, ou s’il est possible d’effectuer des redressements raisonnablement exacts qui éliminent les effets de ces différences.

5) Comme il est signalé dans l’arrêt GlaxoSmithKline :

61        […] Dès lors que le prix de transfert se situe à l’intérieur de ce que le tribunal estime être une fourchette raisonnable, les conditions prévues au par. 69(2) seraient respectées. Dans le cas contraire, le tribunal pourrait retenir, à l’intérieur de cette fourchette, un montant qu’il considère raisonnable dans les circonstances en appliquant une mesure statistique appropriée — par exemple une moyenne, une médiane ou une valeur modale —, eu égard aux éléments de preuve qu’il a jugé pertinents. Je tiens à réitérer que comme il est fort peu probable que, quelle que soit la situation comparable choisie, celle-ci présente des circonstances identiques, le juge de la Cour de l’impôt devra exercer un jugement éclairé pour établir un prix de pleine concurrence satisfaisant.

b)                Le caractère raisonnable

[121]   L’affaire GlaxoSmithKline mettait en jeu la règle relative au prix de transfert sur laquelle portait l’ancien paragraphe 69(2), qui était libellé différemment, mais je ne vois aucune raison convaincante de m’écarter de l’approche que la Cour suprême du Canada a suivie et des observations qu’elle a formulées dans cette affaire. L’article 247 n’emploie pas les mots « raisonnable dans les circonstances » ou « juste valeur marchande », mais il faudrait présumer de façon générale que, pour l’application de cet article, les personnes sans lien de dépendance n’agissent ni de manière irrationnelle ni de manière déraisonnable, eu égard à toutes les circonstances pertinentes. Dans le même ordre d’idées, il faut généralement tenir pour acquis que les personnes sans lien de dépendance concluent des opérations relatives à des produits et à des services selon des montants qui se situent à l’intérieur de la fourchette de leur juste valeur marchande, eu égard à toutes les circonstances pertinentes. Cela n’est pas incompatible avec le libellé de l’article 247.

c)                 Les séries d’opérations pertinentes

[122]   Par la jurisprudence Copthorne Holdings Ltd. c. La Reine, 2011 CSC 63, la Cour suprême du Canada enseigne que doit être abordé de manière large la question des séries, eu égard à la nature inclusive du sens à donner à la « série d’opérations » visée par le paragraphe 248(10). Le point de départ est la série de common law dans laquelle chacune des opérations faisant partie de la série est déterminée d’avance pour produire un résultat final. Alors, selon le paragraphe 248(10), toute opération connexe réalisée en prévision d’une série est réputée faire partie de cette dernière[36].

[123]   La détermination de l’existence d’une série et des opérations qui la constituent est une question de fait qu’il faut trancher selon la prépondérance des probabilités. Bien que seuls les montants prévus par l’EVCC soient controversés, il est évident que l’entente de services d’agent, le contrat de prêt de la SMI ainsi que la garantie et l’indemnité de la SMI2 font, eux aussi, tous partie d’une série d’opérations qui incluaient l’EVCC. De plus, leur existence et leurs modalités répondent également au seuil applicable, soit le fait d’être pertinent à l’égard d’un examen de l’EVCC, comme l’enseigne la Cour suprême du Canada par l’arrêt GlaxoSmithKline. Toutes ces ententes sont simultanées et interdépendantes en fait et en droit. Ces ententes étaient nécessaires pour financer et rembourser l’EVCC conclue entre McKesson Canada et la SMI. Elles se rapportent directement aux comptes clients de McKesson Canada. Elle n’est peut-être pas partie à chacune de ces ententes, mais celles-ci font chacune expressément référence aux modalités de l’EVCC, ou à la vente, au service ou au recouvrement de ces comptes clients, etc.

[124]   Étant donné que la totalité de ces opérations satisfait au critère préliminaire de pertinence dont il est question dans l’arrêt GlaxoSmithKline en vue d’examiner les prix de transfert au sein de l’EVCC même, et étant donné que le ministère public n’a contesté que le montant de l’escompte utilisé dans l’EVCC, la Cour n’a pas besoin de se fonder davantage sur le fait que ces opérations constituent collectivement une série d’opérations aux fins de l’article 247.

d)                La portée des redressements permis en vertu de l’alinéa 247(2)c)

[125]   La nouvelle cotisation établie au titre des sous-alinéas 247(2)a) et c) ne permet pas de requalifier les opérations que des parties sans lien de dépendance ont conclues, pas plus que l’on ne peut y substituer entièrement une autre opération différente. Cela n’est serait permis qu’en vertu des alinéas 247(2)b) et d), qui n’ont pas été cités et sur lesquels ne se fonde pas le ministère public. La requalification d’un prix de transfert n’est permise en vertu de ces dispositions qu’au cas où des parties sans lien de dépendance n’auraient pas conclu l’opération que les parties avec lien de dépendance ont choisie, même avec des modalités et des montants différents, et si le seul objet principal véritable de l’opération était d’obtenir un avantage fiscal.

[126]   Cependant, il ressort clairement des dispositions de l’article 247 qu’aux termes des alinéas a) et c), la Cour n’est pas tenue de se borner à effectuer des redressements concernant la valeur d’un montant dans une modalité qui comporte un montant. Je ne retiens pas l’observation de la contribuable portant que ma mission soit ainsi limitée. L’alinéa 247(2)a) joue lorsque des modalités diffèrent de celles dont auraient convenu des parties sans lien de dépendance. Le mot « modalité » n’est assorti d’aucune restriction limitative de cette nature. L’alinéa 247(2)c) prescrit ensuite le redressement de la valeur ou de la nature d’un montant dont le contribuable s’est servi aux fins de la Loi, de façon à ce que soit reflétée la valeur ou la nature du montant qui aurait été utilisé si les « modalités » étaient conformes à celles qu’auraient conclues des parties sans lien de dépendance.

[127]   Il est possible qu’il existe un point où l’étendue des changements à apporter aux modalités convenues entre parties avec lien de dépendance pour que soient reflétées des modalités entre parties sans lien de dépendance dans le cadre d’une opération soit telle qu’elle puisse constituer en substance une requalification de l’opération, ce qui ne peut être fait qu’en vertu de l’alinéa 247(2)d) et uniquement dans les cas prévus par l’alinéa 247(2)b), dont les dispositions n’entrent pas en jeu dans le présent appel. Il existe peut-être aussi, dans une opération, quelques modalités qui sont à ce point fondamentales que tout changement particulier qu’on y apporte pourrait constituer en substance une requalification de l’opération. La Cour n’a pas à s’aventurer près de cette ligne de démarcation pour trancher le présent appel. Cela est partie remise. En l’espèce, la Cour peut se borner à prendre en considération les modalités qui, à son avis, ne sont pas celles qu’auraient conclues des parties sans lien de dépendance et qui se rapportent directement aux prix.

e)                 Les facteurs qui existent uniquement à cause de la relation avec lien de dépendance

[128]   Lorsqu’on examine des prix de transfert, la question se pose de savoir si l’on doit faire abstraction, dans l’analyse de la relation sans lien de dépendance notionnelle, de facteurs qui n’existent qu’à cause de la relation avec lien de dépendance, ou si ces facteurs demeurent des caractéristiques et des circonstances pertinentes.

[129]   Il se peut que cette question ne se pose pas dans le contexte d’un achat unique à prix fixe. Mais elle paraît toutefois importante en matière d’engagement à longue durée à faire certaines choses durant un certain temps. Par exemple, dans des opérations comme celles qui mettent en cause l’EVCC, la Cour tient-elle pour acquis qu’une SMI sans lien de dépendance notionnelle tirerait quand même profit du prêt de la société irlandaise qui est soutenu par la garantie et l’indemnité de la SMI2? Pour examiner des opérations semblables à l’EVCC, la Cour tient-elle pour acquis que la SMI sans lien de dépendance notionnelle a encore le pouvoir, pendant toute la durée du contrat notionnel conclu entre parties sans lien de dépendance, de changer le nom de McKesson Canada, de vendre McKesson Canada ou de prendre une autre mesure de façon à déclencher à sa guise un fait résiliateur? La Cour tient-elle pour acquis que l’acheteur sans lien de dépendance notionnel a encore le droit de faire en sorte que McKesson Canada accepte de changer les modalités qui s’appliquent à des opérations futures aux termes de l’entente? La Cour tient-elle pour acquis que la SMI sans lien de dépendance notionnelle a encore accès à la totalité des informations financières de McKesson Canada ainsi qu’à des informations concernant son portefeuille de comptes clients et ses activités tout entières, même si cela n’est peut-être pas précisé ou exigé dans l’EVCC?

[130]   À l’occasion de l’affaire Alberta Printed Circuits c. La Reine, 2011 CCI 232, le juge Pizzitelli a discuté cette question :

Il importe de noter qu’il ne faut pas omettre de tenir compte de facteurs ou de circonstances qui existent uniquement par suite de l’existence d’un lien de dépendance entre les parties; sinon, l’homme d’affaires raisonnable ne sera pas entièrement placé dans la même situation que l’appelante.

[…]

[…] Dans l’arrêt Capital Générale Électrique du Canada Inc., la Cour d’appel fédérale a confirmé qu’aucune erreur de droit n’avait été commise lorsqu’il avait été tenu compte du fait que l’appelante, dans cette affaire-là, en sa qualité de filiale de sa société mère plus importante, se trouvait dans une situation où ses dettes bancaires étaient implicitement garanties par la société mère[37].

[131]   Au vu de ce qui précède, toutes les circonstances, dont celles qui découlent de la relation avec lien de dépendance ou qui en font partie intégrante, doivent être prises en compte.

[132]   Selon moi, la meilleure façon de voir les choses est donc que la Cour peut et doit prendre en considération des droits notionnels du type « contrôle continu », quand les circonstances s’y prêtent, au moment d’examiner les droits que confère un contrat à durée déterminée ou à exécution future. Ne pas le faire reviendrait à ne pas examiner la totalité des caractéristiques et des circonstances pertinentes des relations. S’il fallait que le juge en fasse abstraction, les entreprises faisant partie de groupes de sociétés entièrement contrôlées pourraient conclure des ententes sommaires qui conféreraient peu de droits et d’obligations aux participants non-résidents (divulgation d’informations financières, utilisation des fonds, engagements pris sur le plan financier, etc.), le tout dans le but d’obtenir un prix de transfert plus favorable et de réduire ainsi les impôts au Canada. Ne pas aborder la question sous cet angle semble tout à fait incompatible avec le fait que la Cour canadienne de l’impôt et la Cour d’appel fédérale, à l’occasion de l’affaire GE Capital, ont mis l’accent sur des garanties non exécutoires, non écrites et implicites de la société mère de l’emprunteur. Cependant, en l’espèce, il n’est pas nécessaire que je le fasse pour trancher entièrement l’appel concernant le redressement approprié du prix de transfert, comme il est précisé plus loin. Quant à cette question, c’est aussi partie remise.

f)                  La jurisprudence Browne c. Dunn et les opinions relevant de l’expertise d’un témoin

[133]   Selon la jurisprudence Browne v. Dunn (1893), 6 R. 67 (C.L.), de manière générale, les avocats sont tenus de prévenir les témoins dont ils entendent mettre en doute la crédibilité ultérieurement. Cela permet aux témoins de s’expliquer, et donne le sentiment que l’on agit de façon loyale envers eux et leur témoignage.

[134]   En réponse à une objection des avocats de l’appelante, la Cour a dû se prononcer, au cours de l’audience, sur la pertinence de la jurisprudence Browne c. Dunn en ce qui concerne les experts cités par l’appelante et les éléments de preuve invoqués à l’appui de leur témoignage; en effet, le témoignage de l’un des experts de l’intimée faisait état de points de vue différents. La Cour a dû, encore une fois, se prononcer sur la même question en réponse à une objection additionnelle de la part des avocats de l’appelante, car elle concernait le fait que l’un des experts de l’intimée avait des opinions différentes de celles du rapport de VMTD et du témoignage de Mme Hooper, relativement à l’opinion et au raisonnement que cette dernière y avait exposés. Dans les deux cas, la Cour a rejeté l’objection de l’appelante à l’égard du témoignage de l’expert cité par l’intimée.

[135]   La jurisprudence Browne v. Dunn n’a pas un caractère absolu. L’étendue de son application relève du pouvoir discrétionnaire du juge de première instance, eu égard à toutes les circonstances de l’affaire, conformément à ce que la Cour suprême du Canada enseigne par l’arrêt R. c. Lyttle, [2004] 1 R.C.S. 193, au paragraphe 65.

[136]   La jurisprudence Browne v. Dunn peut, naturellement, avoir une application pratique dans le cas particulier du témoin ordinaire déposant sur une question de fait, différente de celle qu’appelle le cas particulier de l’expert sur son témoignage d’opinion et les informations sur lesquelles est fondée cette opinion, ainsi que sur la teneur du rapport que l’expert a déposé pour réfuter les rapports d’expert de l’autre partie. J’ajouterais à cet égard que le témoignage de Mme Hooper sur le rapport de VMTD portait en fait sur ses opinions professionnelles relevant de son champ d’expertise, et je signalerais que les opinions, les raisonnements et les informations justificatives qui figurent dans le rapport de VMTD ont fait l’objet de nombreux commentaires dans les rapports principaux et les rapports en réfutation des experts de l’intimée.

[137]   Au début de l’audience, il a été convenu que chaque expert témoignerait au sujet de la teneur de son rapport principal et de son rapport de réfutation quand il serait appelé, même si les rapports en réfutation de l’appelante répondaient aux rapports principaux des experts de l’intimée avant que ces derniers aient la chance de les expliquer à la Cour. Il était possible de rappeler n’importe quel témoin si l’on jugeait que cette façon de procéder était lacunaire en rapport avec un point quelconque.

[138]   Il ne pouvait y avoir aucun doute dans l’esprit de l’appelante, ni dans celui de ses experts, que les experts de l’intimée contestaient les opinions et les raisonnements des experts de l’appelante ainsi que le rapport de VMTD.

[139]   Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a eu absolument aucune tentative de surprise, et encore moins aucune tentative pour priver qui que ce soit de la possibilité de s’expliquer pleinement. En effet, il était possible de rappeler n’importe quel témoin si une partie estimait que l’on avait besoin de plus amples explications. Il s’agissait là d’une faculté ouverte en tout temps, dont l’appelante a décidé de ne pas tirer avantage, même après que cette faculté eut été reformulée dans le cadre du rejet des objections.

[140]   Ce qui était en litige dans les circonstances de chacune des objections soulevées dans cette affaire particulière avait trait aux opinions professionnelles des témoins, mais nul n’a soutenu ou inféré que ceux-ci ne disaient pas la vérité ou n’étaient pas dignes de foi. Il n’était question en fait que d’opinions professionnelles contraires et divergentes.

[141]   Cette approche à l’égard de la résolution de ces objections trouve appui dans la jurisprudence R. c. Union Carbide Canada Ltd., [1991] O.J. 1213 (Cour de justice de l’Ont.).

[142]   L’on ne doit pas imposer un respect aveugle de la jurisprudence Browne v. Dunn qui ferait obstacle à l’ordonnancement méthodique des témoins. Il ne faut pas exiger non plus que l’on dépose des rapports en réfutation additionnels en réponse à des rapports en réfutation lorsque le préjudice que la règle vise à éviter n’est pas présent dans les circonstances particulières de l’affaire.

g)                La démarche analytique que doit suivre la Cour en l’espèce

[143]   L’analyse que fera la Cour au sujet du calcul du taux d’escompte dans l’EVCC tiendra pour acquis que les opérations décrites plus tôt sont celles que McKesson Canada et d’autres entités du Groupe McKesson ont décidé de conclure. Dans le présent appel en matière de prix de transfert, la véritable mission de la Cour consiste à rechercher si les modalités entourant les opérations ont donné lieu à un taux d’escompte que McKesson Canada s’est engagée à appliquer dans l’EVCC et qui correspond à celui dont auraient convenu McKesson Canada et la SMI si leurs opérations étaient soumises à des modalités influençant le calcul du taux d’escompte qu’auraient appliquées des personnes ayant un lien de dépendance.

6.                 La thèse de l’appelante

[144]   Il est possible de résumer ainsi, de manière générale, la thèse de l’appelante au sujet du redressement du prix de transfert :

La méthode suivie

[145]   La méthode d’analyse du prix de transfert qui convient n’est pas l’une des quatre qui sont mentionnées dans les Principes de l’OCDE et, de ce fait, il convient d’utiliser une « autre méthode ». La contribuable a cité un témoin expert, M. Horst Frisch, de Horst Frisch, à l’appui de cette opinion.

[146]   Au vu des preuves présentées, j’abonde dans ce sens. (Et je ne suis pas sûr que l’intimée rejetait tout à fait cette thèse.)

Une « autre méthode » de l’OCDE

[147]   Une « autre méthode » qui conviendrait est précisément celle qu’a suivie Barbara Hooper de VMTD, énoncée dans le rapport de VMTD et expliquée dans son témoignage au procès[38]. Cette analyse considère l’EVCC de la même façon que les parties l’ont structurée et n’y introduit aucune requalification ni aucun ajout. Mme Hooper a relevé de manière experte et avec précision les risques qui ont été transférés à la SMI quand celle-ci a acheté les comptes clients dans le cadre de l’EVCC. L’analyse et le rapport de VMTD étaient contemporains. Mme Hooper n’a pas témoigné à titre de témoin expert, mais VMTD et elle avaient manifestement une grande expertise en matière de transferts de comptes clients dans un contexte de titrisation. Cela a permis de cerner avec précision les risques inhérents aux modalités de l’EVCC. Elle a pu faire appel à son expérience et à ses connaissances pour analyser et commenter le calcul du taux d’escompte d’une manière conforme aux modalités de l’EVCC.

[148]   Je conviens qu’il s’agit là d’une « autre méthode » convenable à prendre en considération au moment d’examiner les modalités de l’EVCC, en vue de rechercher si celles qui ont une incidence sur les prix dans le cadre de l’EVCC correspondent à des modalités sans lien de dépendance.

Une deuxième « autre méthode » de l’OCDE

[149]   Une deuxième « autre méthode » qui serait appropriée est celle qui a été énoncée dans le rapport d’expert de M. Jeremy Reifsnyder. Cette méthode n’a pas suivi la structure choisie par les parties qui est énoncée dans l’EVCC. Elle était fondée sur une approche de comparabilité et de redressement, dont la première étape a consisté à examiner les taux d’escompte du marché des obligations d’État dans un indice de fonds d’obligations canadiennes de catégorie spéculative de cinq ans et à y apporter ensuite un certain nombre de redressements importants, de manière à refléter certains problèmes et certaines caractéristiques propres à l’EVCC. Il est juste de dire que l’emploi de cette « autre méthode » était la thèse principale de l’appelante.

[150]   La méthode de M. Reifsnyder est exposée plus en détail ci-après, de pair avec mes motifs pour conclure qu’il n’y aurait pas lieu de la suivre en tant qu’« autre méthode » acceptable en l’espèce. Cela ne veut pas dire que certains éléments de l’analyse de M. Reifsnyder, de même que les opinions qu’il a exprimées et les informations sur lesquelles il s’est fondé, n’ont pas été utiles à la Cour. D’ailleurs, comme nous le verrons plus loin, à part : (i) sa méthode de constitution, qui repose sur un indice qui, d’après moi, est loin d’être raisonnablement comparable ou approprié et (ii) l’ampleur d’un certain nombre de ses redressements, j’ai trouvé son témoignage et son « autre » approche divergente parfois utiles et informatifs[39].

[151]   Les seuls témoins de l’appelante ont été M. Brennan, le vice-président des affaires fiscales de McKesson É.-U. (et siégeant également au conseil de la SMI et de la SMI2), Mme Hooper de VMTD, ainsi que ses experts, MM. Frisch et Reifsnyder. Aucun représentant de McKesson Canada n’a été cité.

[152]   M. Frisch a laissé entendre qu’il croyait que des parties sans lien de dépendance réalisaient des opérations d’achat de comptes clients sans possibilité de recours dans le cadre de modalités comparables et M. Reifsnyder a soutenu qu’il n’y avait aucune raison pour laquelle des personnes sans lien de dépendance ne puissent pas exécuter de telles opérations, mais l’appelante n’a produit aucun élément de preuve justificatif. Sans un tel élément de preuve, il m’est impossible d’accorder un poids quelconque aux prétentions selon lesquelles il existe des opérations sans lien de dépendance comparables, ni même de les prendre en considération.

[153]   De plus, comme l’ont souligné les avocats de l’appelante et comme il ressort clairement de l’EVCC ainsi que de l’ensemble des preuves, l’un des avantages les plus importants que tirait McKesson Canada de ses ventes de comptes clients à la SMI, hormis les droits d’achat au comptant[40], était le transfert des risques de perte sur les comptes clients qui étaient liés au crédit et aux finances des débiteurs. Selon l’opposition de l’appelante à la nouvelle cotisation, McKesson Canada a, en réalité, acheté une assurance contre ces risques en les faisant assumer par la SMI à titre d’acheteuse. Il est possible d’obtenir une assurance‑insolvabilité ou une assurance‑défaillance auprès d’entités commerciales sans lien de dépendance sur les marchés financiers, que ce soit une assurance directe ou des produits structurés synthétiques ou dérivés[41]. Cependant, aucun élément de preuve à propos de la disponibilité pratique (ou de l’indisponibilité), de l’efficacité ou des coûts de ces produits n’a été produit devant la Cour. J’ai trouvé quelque peu surprenant que ni l’une ni l’autre des parties ne produise aucun élément de preuve de ce genre. Je crois vraiment qu’un tel élément de preuve aurait pu fournir à la Cour d’autres informations utiles qui lui auraient permis d’essayer de déterminer le prix du transfert de risque, des informations qui iraient au-delà des données disponibles sur les pertes et le rendement historique de McKesson Canada, des projections relatives à son portefeuille de comptes clients ainsi que de la répartition des risques au sein du marché des obligations d’État.

7.                 La thèse de l’intimée

[154]   Il est juste de dire que la thèse de l’intimée a passablement évolué au cours du procès. Après la clôture de la preuve et après avoir entendu l’argumentation de l’appelante, le ministère public a concédé que la vente de n’importe quel compte client particulier dans le cadre de l’EVCC était sans possibilité de recours pour McKesson Canada (la seule exception étant le droit limité, défini plus haut, qu’avait la SMI d’obliger McKesson Canada à racheter le compte client, initialement à 75 % de son montant nominal, mais, en final, uniquement au prix qu’elle était en mesure de recouvrer).

[155]   Le ministère public a reconnu que tous les autres facteurs d’atténuation de risques que comportait l’EVCC en faveur de la SMI permettaient seulement à cette dernière d’arrêter d’acheter d’autres comptes clients, ou de recalculer l’escompte pour perte, à bref avis dans le cas d’une diminution ou d’une détérioration prévue ou continue de la qualité des comptes clients, des débiteurs, de McKesson Canada ou du Groupe McKesson, ou dans le cas d’un changement défavorable important, lequel pouvait inclure l’évolution du marché de façon générale. Aucun engagement ou aucun bien de McKesson Canada n’appuyait la recouvrabilité d’un compte client quelconque après son transfert à la SMI. Ce fait a été reconnu comme fondamentalement différent d’une titrisation ou d’un prêt garanti. Le ministère public est donc revenu sur ses positions, qui auraient introduit dans l’EVCC sans lien de dépendance notionnelle des réserves structurelles préconisées, subsidiairement du moins, par deux de ses trois experts. Je crois que cela a été une sage décision.

[156]   La thèse que l’intimée a exprimée lors des débats, relativement au redressement du prix de transfert, peut être, de manière générale, résumée de la manière qui suit.

[157]   Il est possible et approprié d’apporter des rajustements au calcul du taux d’escompte et aux modalités contenues dans l’EVCC, en vue de refléter les modalités dont des parties sans lien de dépendance auraient convenu, tant en rajustant les montants qu’en rajustant la méthode ou la formule par laquelle ces montants sont directement déterminés ou redéterminés.

[158]   Si la Cour se préoccupe du fait que le libellé des alinéas 247(2)a) et c) ne permet peut-être pas clairement de rajuster une formule ou un critère (p. ex., taux fixe par opposition à taux variable, annuellement par opposition à mensuellement, etc.), le commentaire que l’on trouve dans les Principes de l’OCDE sur les « options/solutions de remplacement réalistes disponibles » étayerait une interprétation plus large de la valeur des montants qu’il est possible de rajuster, en vue de refléter l’existence de modalités sans lien de dépendance. Il s’agirait là d’un ajustement autorisé en vertu des alinéas 247(2)a) et c), et non d’une requalification de l’opération visée par l’EVCC même qui est décrite aux alinéas 247(2)b) et d).

[159]   Les ajustements qui s’imposent touchent la totalité des questions d’atténuation des facteurs de risque et des dispositions décrites dans le rapport de VMTD. Il est possible de relever les modalités sans lien de dépendance (ou de pleine concurrence) et de déterminer les ajustements qui conviennent, en tenant compte du témoignage que les experts ont rendu au cours du présent procès et de celle qui vient de VMTD (cela inclut le témoignage de Mme Hooper).

[160]   L’intimée a appelé trois experts à témoigner : MM. Brian Becker, Joel Finard et Myron Glucksman. Chacun d’eux a déposé des rapports d’expert ainsi que des rapports en réfutation des rapports d’expert de la partie adverse. L’intimée a déposé d’autres rapports d’expert avec l’accord de l’appelante et sans témoignages de vive voix.

[161]   M. Becker s’est tout d’abord servi, pour la détermination et l’évaluation des risques, d’une [traduction] « méthode de constitution » semblable à celles de VMTD et de PwC, qui suivaient de façon générale la structure des dispositions de fixation des prix de l’EVCC.

[162]   M. Becker a également eu recours à une approche de rechange, fondée sur une opération comparable et axée entièrement sur l’opération d’affacturage de comptes clients que McKesson Canada avait réalisée antérieurement avec TD Factors. Comme nous le verrons plus loin, je n’admets pas qu’il n’y ait aucune comparabilité utile entre les opérations visées par l’EVCC et l’opération d’affacturage antérieure menée avec TD Factors, qui était axée sur l’impôt sur le capital en fin d’année.

[163]   La première méthode de M. Finard consistait à recourir à une [traduction] « analyse d’attributs » dans le cadre de laquelle il a cerné les risques inhérents à l’EVCC sous l’angle du crédit et des opérations et a tenté de quantifier, pour chacun, un prix de pleine concurrence approprié. Dans le cadre de cette méthode, M. Finard a tenté d’intégrer une réserve en espèces de façon à ajouter une protection additionnelle contre les pertes et réduire ainsi le volet « risque de crédit » du taux d’escompte. Une telle réserve réduirait, pour la SMI, le risque de perte sur les opérations, mais elle atteindrait cet objectif en réduisant le risque de perte sur les comptes clients après que la SMI les aurait achetés, ce qui n’était tout simplement pas prévu dans l’EVCC. Comme il est indiqué ci-après, je ne suis pas sûr qu’il s’agit là d’un moyen de comparabilité approprié, pas plus que, sans trancher la question, il s’agirait là d’une modalité de pleine concurrence notionnelle qui militeraient en faveur d’un redressement au titre des alinéas 247(2)a) et c).

[164]   M. Finard décrit sa seconde méthode de rechange comme une [traduction] « analyse financière structurée ». Dans le cadre de cette méthode, il a fixé le prix du volet « risque de crédit » du taux d’escompte en comparant l’historique des pertes à long terme de McKesson Canada sur son portefeuille de comptes clients aux taux de perte publiés par des agences de cotation, en fonction de la cote de crédit de diverses sociétés; il s’est ensuite servi de la cote de crédit de sociétés dont la dette publique comportait un historique semblable au chapitre des pertes de façon à déterminer l’écart de crédit sur le marché de la dette publique pour une société ayant une telle cote. J’ai trouvé cette approche utile et informative, mais en reconnaissant toutefois, comme dans le cas de la méthode de M. Reifsnyder, que les marchés publics ne constituent qu’un seul marché particulier[42]. Dans la mesure où il existe une certaine comparabilité pour les opérations visées par l’EVCC sur le marché de la dette publique, la méthode de M. Finard et la détermination d’une cote se situant quelque part entre A et Baa sont nettement plus sensées que la méthode qu’a suivie M. Reifsnyder en utilisant, comme point de comparabilité de départ, la cotation des obligations de nature spéculative/à haut rendement/de pacotille.

[165]   Enfin, M. Finard a passé en revue l’analyse de VMTD, facteur par facteur.

[166]   Le troisième témoin expert de l’intimée, M. Glucksman, a passé en revue les risques de crédit relevés dans les rapports de VMTD et a fait des commentaires sur la méthode suivie à l’égard de l’évaluation de chacun de ces risques en tant qu’élément du taux d’escompte approprié selon l’EVCC. Cependant, son approche à l’égard du risque de crédit des débiteurs des comptes clients était différente de celle qui est prévue dans l’EVCC. Il a plutôt intégré des réserves dans ses modalités relatives aux opérations comparables notionnelles de pleine concurrence sous la forme d’un prix d’achat différé, qui ne serait payé au vendeur qu’au moment où les comptes clients transférés donneraient des résultats. Il a ensuite estimé le coût (plan opérationnel, valeur temporelle de l’argent, etc.) que représenterait pour les parties le maintien de ces réserves. Il est peut-être acceptable, pour le redressement de montants reflétant des modalités de pleine concurrence au sens des alinéas 247(2)a) et c), d’examiner le prix ou le coût d’un élément d’entrée ou de remplacement à des fins de comparaison, mais les réserves de M. Glucksman auraient fonctionné dans une large mesure comme une réserve, une retenue ou un surnantissement dans une opération de titrisation, ou comme la sûreté sur un prêt garanti, et auraient laissé en fait le risque de crédit au vendeur, ce qui en fait donc une opération avec possibilité de recours. Les réserves de M. Glucksman suscitent en moi les mêmes doutes que celle de M. Finard. Il m’est possible de trancher entièrement l’appel sans avoir à décider dans quelle mesure, le cas échéant, les coûts associés à de telles réserves pourraient aider à mener une analyse relative aux alinéas 247(2)a) et c).

[167]   Le ministère public n’a pas évoqué, directement ou indirectement, l’un de ces arguments de juste part ou de moralité fiscale qui sont actuellement à la mode dans les cercles fiscaux internationaux. Sagement, il s’en tenu strictement aux aspects fiscaux de base : les dispositions applicables de la loi ainsi que les preuves pertinentes qui s’y rapportent. Les questions de moralité fiscale et de juste part relèvent à coup sûr du domaine du législateur.

8.                 Les témoins, les rapports d’expert et le rapport de PwC

a)                M. Brennan

[168]   M. Brennan a témoigné pour le compte de l’appelante, McKesson Canada. Il exerçait les fonctions de vice-président des affaires fiscales, auprès de McKesson É.-U., pendant toute la période en cause[43]. Il était également un administrateur de la SMI, la société mère luxembourgeoise de McKesson Canada, et de la SMI2. Il n’était ni dirigeant ni administrateur de McKesson Canada. Comme il a été mentionné plus tôt, aucun représentant de McKesson Canada n’a témoigné à l’audience, même si cette société dispose d’un Service des finances ainsi que d’un vaste Service de crédit et de recouvrement, dirigés chacun par des comptables. L’appelante n’a pas expliqué pourquoi le directeur financier et VP‑Finances de McKesson Canada ne témoignait pas dans la présente affaire, sinon pour dire que son rôle, en fait, avait consisté seulement à fournir des informations financières à VMTD afin qu’elle puisse établir son rapport. Cela a aussi été le cas du chef des Services financiers et de crédit de McKesson Canada[44].

[169]   Au sein du Groupe McKesson, les décisions financières étaient prises par McKesson É.-U. et imposées à McKesson Canada. Selon l’ensemble des éléments de preuve disponibles, la totalité des opérations pertinentes ont été décidées sans aucune contribution importante de McKesson Canada et uniquement par McKesson É.‑U., l’actionnaire contrôlant à 100 % des deux parties à l’EVCC. Selon les éléments de preuve, ces décisions ont toutes été prises par les responsables financiers et fiscaux de McKesson É.-U., en consultation avec le cabinet Blakes et VMTD.

[170]   Le Service des affaires fiscales de McKesson É.-U. est chargé du respect des obligations fiscales (vérifications, productions et rapports financiers) ainsi que de la planification fiscale. Ce service est un groupe qui, chez McKesson É.‑U., a connu une croissance rapide, et dont la taille, depuis que M. Brennan en a pris la direction en 2000, a plus que décuplé, comptant aujourd’hui un effectif de 63 personnes.

[171]   M. Brennan a défini la structure de financement de la SARL à « cumul de déductions » de 173 000 000 $, qui, depuis 1998, servait à financer les avoirs canadiens du Groupe McKesson d’une manière très efficace sur le plan fiscal, et qui permettait en fait à McKesson Canada ainsi qu’à McKesson É.-U. de déduire le même montant d’intérêts, tant au Canada qu’aux États-Unis, à des fins fiscales. Cette structure à cumul de déductions a été payée au moyen d’une partie des 460 000 000 $ que McKesson Canada avait reçus dans le cadre de l’EVCC en décembre 2002, à la suite de l’achat initial de comptes clients.

[172]   M. Brennan a aussi exposé l’utilisation qu’a faite le Groupe McKesson de la structure irlandaise, en vue d’assurer l’exécution de toutes les opérations non américaines de McKesson É.-U. Il s’agissait, a-t-il dit, d’une opération de planification internationale fort répandue, du même type que celles de Microsoft et d’Apple, qui est fondée sur les conventions fiscales favorables de pays tels que les Pays-Bas et le Luxembourg. Cela permet à de grandes multinationales, telles que McKesson É.-U. et son Groupe McKesson, d’amasser d’importantes quantités d’espèces en Irlande en restructurant ses opérations de façon à éviter des impôts qui, sans cela, auraient été payés dans d’autres pays.

[173]   La SMI est une société luxembourgeoise qui détient les actions de McKesson Canada et qui achète ses comptes clients. Outre M. Brennan, le conseil d’administration de la SMI comprend l’avocat interne de McKesson É.-U., ainsi que l’avocat interne d’une société du Royaume-Uni membre du Groupe McKesson. Dans l’année en question, la SMI comptait un seul employé. Il ne semble pas, d’après ce qu’a déclaré M. Brennan, que la SMI ait eu un deuxième employé ou loué des locaux au Luxembourg avant un certain temps après les années en question.

[174]   M. Brennan a déclaré que le DMR de McKesson Canada était de l’ordre de 30 à 31 jours à l’époque de l’EVCC et qu’il est resté aux alentours de 30 jours.

[175]   Selon M. Brennan, la SMI vérifiait régulièrement le classement chronologique réel des comptes clients de McKesson Canada. La SMI se concentrait sur les débiteurs désignés, parce que c’était [traduction] « vraiment là où se situ[ait] le risque de cette société ». La SMI examinait les comptes clients en défaut et décidait si elle exercerait ou non les droits que lui conférait l’EVCC de les revendre à McKesson Canada, de la manière exposée plus haut. Il est difficile de saisir pourquoi la SMI ne revendait pas toujours les comptes clients en souffrance à McKesson Canada; cela ne semble pas concorder avec le comportement de deux sociétés sans lien de dépendance.

[176]   M. Brennan a déclaré qu’à l’époque de l’EVCC, McKesson Canada avait accès à une tranche de 100 000 000 à 150 000 000 $US d’une facilité de crédit d’un an de 550 000 000 $US de McKesson É.-U. Cette dernière avait également accès à une autre facilité de crédit standard de 550 000 000 $US dont, semble-t-il, elle aurait pu se servir pour financer McKesson Canada. McKesson É.-U. avait également accès à un programme de titrisation d’un an, renouvelé chaque année, qui aurait pu lui aussi servir à financer McKesson Canada. Ces facilités n’ont pas été utilisées à cette fin parce qu’il n’aurait été ni sensé ni efficient d’emprunter des fonds à intérêt auprès d’une tierce partie alors que le Groupe McKesson avait amassé toutes ces espèces excédentaires en Irlande dans ce but précis. Plus tard dans son témoignage, M. Brennan a ajouté que le fait de retenir l’impôt sur les intérêts aurait également été une autre source d’inefficience.

[177]   Dans son témoignage, M. Brennan a mis l’accent sur le fait que l’EVCC avait procuré à McKesson Canada un flux de trésorerie nettement accru. Cependant, comme il a été mentionné plus haut, étant donné que le portefeuille de comptes clients de McKesson Canada avait un DMR de l’ordre de 30 jours, et que la période de règlement prévue par l’EVCC était, elle aussi, d’environ 28 jours, l’effet sur le flux de trésorerie ne se ferait sentir qu’à partir de la vente initiale du portefeuille, en décembre 2012, en partie au cours d’une période de règlement et uniquement en rapport avec une partie de ce montant. Sinon, McKesson Canada a essentiellement continué de recevoir des espèces selon un calendrier semblable au cours de chaque période d’environ 30 jours par la suite, c’est-à-dire, à mesure que ses clients réglaient leurs factures. L’effet de ces rentrées essentiellement ponctuelles ne serait pas insignifiant et serait, en fait, permanent pendant le reste de la durée de l’entente.

[178]   M. Brennan a décrit comment il avait rapidement calculé l’avantage fiscal net que retirerait le Groupe McKesson de la mise en œuvre de l’EVCC et de l’entente de services d’agent. Le calcul manuscrit qu’il avait fait pour le directeur des services financiers de McKesson É.-U. a été produit en preuve. Il en ressortait que l’on obtiendrait une réduction de l’impôt canadien d’environ 4,5 millions de dollars US dans la courte année se terminant en mars 2003, l’impôt luxembourgeois de 29 000 $US pour l’année se terminant en mars 2003, et des frais, associés à la tenue de la SMI, de 300 000 $US en frais bancaires et de 35 000 $US en frais comptables. L’avantage fiscal net qu’en retirerait le Groupe McKesson était de plus de 4,1 millions de dollars US au cours des trois mois et demi qui restaient dans l’année 2003 de McKesson Canada et d’environ 15 000 000 $US chaque année par la suite. Ces chiffres tenaient pour acquis que seule une somme de 250 000 000 $US de comptes clients de McKesson Canada était générée chaque mois. Les économies d’impôt canadien nettes seraient proportionnellement supérieures, car des comptes clients de 460 000 000 $CAN avaient été vendus en décembre 2002[45]. Il semble que cette analyse n’ait été communiquée d’aucune façon au directeur des services financiers de McKesson Canada[46].

[179]   M. Brennan n’a pas lu le rapport de VMTD avant de clore les opérations visées par l’EVCC. Il n’est pas sûr d’avoir vu la lettre de mission de VMTD. Il a tout simplement obtenu le taux d’escompte que cette dernière avait fixé et il s’en est servi pour faire ses calculs concernant les économies d’impôt. Il a déclaré que McKesson É.-U. avait étudié à l’interne d’autres solutions de financement, mais qu’elle ne les avait tout simplement pas mises par écrit. Il a ajouté qu’aucun examen interne des chiffres de VMTD n’avait été fait, pas plus que le Groupe McKesson n’avait effectué une analyse de sensibilité en vue d’évaluer le caractère raisonnable d’un taux d’escompte de rechange.

[180]   M. Brennan n’a pas pu se rappeler pourquoi l’EVCC avait une durée de cinq ans. Il a toutefois dit que cela avait été fait sur l’avis de VMTD. Cette déclaration n’est pas étayée par le rapport de VMTD ou le témoignage de Mme Hooper. Il n’a pas pu se souvenir pourquoi l’entente de services d’agent prévoyait, pour l’agent serveur, des frais annuels de 9 600 000 $.

[181]   Lors de son témoignage, M. Brennan a évoqué à plusieurs autres reprises le rôle que VMTD avait joué dans la structuration de l’opération. Il a déclaré que VMTD avait passé en revue les politiques de crédit et de recouvrement de McKesson Canada. Mme Hooper a déclaré plus tard que cela n’avait pas été fait; rien dans le rapport de VMTD ne donne à penser que cela a été fait. M. Brennan a aussi dit que l’on avait retenu les services de VMTD pour dire à McKesson É.-U. quel devait être le taux d’escompte visé par l’EVCC, car la société n’avait pas à l’interne l’expertise bancaire nécessaire pour le faire. Non seulement cela semble être une exagération par rapport au témoignage de Mme Hooper et à la teneur du rapport de VMTD, mais il semble curieux aussi que McKesson É.-U., n’ayant pas l’expertise requise, se soit tournée vers VMTD, qui a souligné dans ses rapports ainsi que dans le témoignage de Mme Hooper, que l’EVCC ne relevait pas de son champ de compétence. De plus, M. Brennan a déclaré que c’était VMTD qui avait recommandé que l’EVCC soit une facilité de crédit de 900 000 000 $, bien que cette somme ait de beaucoup dépassé le montant des comptes clients à l’époque. Cela aussi n’est pas étayé par les rapports de VMTD et ne concorde pas avec le témoignage de Mme Hooper. Je retiens le témoignage de cette dernière à tous ces égards[47]. Elle était nettement moins intéressée et, dans l’ensemble de son témoignage, s’est exprimée avec plus de franchise. Sa version des faits concordait avec les rapports de VMTD.

[182]   Je conclus que les souvenirs de M. Brennan sur ces aspects-clés des opérations se sont révélés, pour une raison quelconque, défaillants ou absents. Cela ne facilite nullement ma mission, d’autant plus qu’il était le seul témoin du Groupe McKesson.

[183]   À l’été de 2002, M. Morgan, de Horst Frisch, a informé M. Brennan qu’une telle opération (l’EVCC) serait à ce point unique qu’il recommandait de retenir les services d’un expert en la matière en vue de réaliser une étude sur les prix de transfert. C’est ce qui semble expliquer le rôle qu’a joué Mme Hooper de VMTD ainsi que les rapports de VMTD. Cependant, M. Brennan a déclaré en contre‑interrogatoire que ni McKesson É.-U. ni McKesson Canada n’avaient fait faire une étude officielle en matière de prix de transfert.

b)                Mme Hooper et les rapports de VMTD

[184]   J’ai déjà exposé en détail les rapports de VMTD.

[185]   Mme Hooper a décrit que le mandat initial qui avait été confié à VMTD était une situation unique, qu’elle n’avait jamais fait auparavant quelque chose de ce genre. Jamais auparavant ne s’était-elle occupée de chiffrer les risques que pouvaient présenter des opérations mettant en cause des comptes clients, parce que, dans le cas d’une titrisation, les risques sont évités et non achetés. Elle a déclaré que cela valait aussi pour les rapports sur l’entente de services d’agent de VMTD, qu’elle n’avait aucune expérience de ce genre d’analyse. Elle a reconnu aussi qu’elle n’avait aucune expérience de l’affacturage traditionnel de comptes clients dans un contexte de non-titrisation.

[186]   Lors de son témoignage, Mme Hooper a déclaré que les opérations comportaient les risques importants suivants : (i) les dilutions, y compris les escomptes pour règlement rapide, (ii) les pertes – principalement les pertes sur créance et (iii) le risque lié au service, que l’agent serveur recouvre l’argent, mais ne le verse pas à l’acheteur[48].

[187]   Lors de son témoignage, Mme Hooper a clarifié le fait que, bien que, dans son rapport, VMTD déclare qu’elle a examiné dans la mesure du possible les prix fixés pour des risques comparables sur le marché, VMTD ne l’a pas vraiment fait, à part obtenir des chiffres sur les écarts de crédit auprès de ses négociateurs d’obligations. Il a semblé, d’après les rapports de VMTD et le témoignage général de Mme Hooper, que cela était peut-être dû au fait qu’elle était experte en titrisation qui ne connaissait rien à l’évaluation de tels risques sur le marché. Dans la mesure où tel est effectivement le cas, on peut présumer que le Groupe McKesson et ses conseillers le savaient.

[188]   Elle a expliqué que les DMR utilisés dans le rapport de VMTD avaient été calculés par VMTD à partir des données historiques reçues de McKesson Canada. Le DMR de VMTD divise simplement le solde des comptes clients à la fin d’une période comptable de McKesson Canada par les ventes réalisées au cours de cette même période, et multiplie le résultat par 30[49]. Les chiffres relatifs aux DMR servent d’indicateurs, à des fins comptables, pour le temps que prendront censément les comptes clients avant d’être réglés en totalité. Cependant, le chiffre de DMR compare simplement le montant des comptes clients à la fin de la période aux ventes réalisées au cours de cette période. Ce chiffre ne reflète donc pas vraiment le temps qu’il faut avant qu’un compte client particulier, pas plus que le portefeuille des comptes clients en moyenne, soit réglé. Le DMR, par définition, augmente si les ventes diminuent au cours d’une période, et il diminue si les ventes augmentent au cours d’une période, même si rien ne change en réalité sur le plan des paiements relatifs aux comptes clients au cours de cette période. Il n’est pas controversé qu’il s’agit néanmoins d’un indicateur approprié et satisfaisant.

[189]   Mme Hooper a aussi expliqué que le DMR moyen historique n’aurait pas été un bon indicateur pour le portefeuille de comptes clients initial qui avait été transféré en décembre 2002, car ces comptes clients n’avaient pas été transférés le jour où ils avaient pris naissance, comme ce serait le cas par la suite dans le cadre de l’EVCC. Pour résoudre ce problème, VMTD a plutôt estimé qu’il faudrait la moitié de la période pour recouvrer le portefeuille initial des comptes clients arrivés à échéance et étaler les seize jours [traduction] « manquants » sur la durée de cinq ans. Ni VMTD, dans son rapport, ni Mme Hooper, dans son témoignage, ne reconnaissent que cette solution surestime en fait le taux d’escompte en faveur de la SMI et que McKesson Canada ne récupère le sous-paiement que sur cinq ans, sans intérêt. Il convient également de signaler que cela accorde au Groupe McKesson un avantage temporel de cinq ans dans ses impôts sur le revenu canadiens.

[190]   Pour ce qui est du coussin de 20 % que VMTD a ajouté aux chiffres moyens sur plusieurs années de l’escompte pour règlement rapide, Mme Hooper n’a pas pu se rappeler ou expliquer comment ce chiffre de 20 % avait été déterminé. Elle a émis l’hypothèse que VMTD avait peut-être tout simplement examiné la possibilité que la totalité des débiteurs exercent leurs droits à un escompte pour règlement rapide. Là encore, on a fait abstraction du fait qu’une hausse des règlements rapides pourrait avoir une incidence marquée sur les calculs relatifs au DMR.

[191]   Mme Hooper a confirmé dans son témoignage qu’elle n’avait pas d’expérience non plus quant au calcul des escomptes pour perte dans son domaine de spécialisation, la titrisation. Dans le cas d’une titrisation, on traite du risque de perte de crédit en structurant des améliorations des termes de crédit et d’autres éléments d’atténuation des risques, et non pas par l’entremise des prix.

[192]   Pour ce qui est de la mention faite dans le rapport de VMTD, à savoir que les informations historiques fournies sur les radiations par rapport aux ventes au moment d’examiner l’escompte pour perte ne couvraient pas un cycle économique canadien complet, il ne semble pas ressortir du témoignage de Mme Hooper que VMTD a demandé au Groupe McKesson de plus amples données, pas plus qu’on ne lui a dit que ces données n’étaient pas disponibles.

[193]   Mme Hooper a eu des difficultés, même lors de l’interrogatoire principal, à donner une explication satisfaisante, appropriée, logique ou complète au sujet du volet « escompte pour intérêt » de l’écart d’escompte relatif au coût du financement de la SMI, vu qu’il s’agissait d’une société faiblement capitalisée. Pour ce qui est de l’escompte relatif au coût du financement de la SMI, elle a déclaré que VMTD avait simplement présumé que la SMI était financée par emprunt à 100 %, quoique, selon les informations dont elle disposait, cette société ait été faiblement capitalisée. Elle ne se souvenait pas si le Groupe McKesson lui avait parlé de la source ou des conditions des fonds de la SMI qui avaient servi à acheter les comptes clients de McKesson Canada.

[194]   Mme Hooper a ajouté que le déclencheur de rendement défaillant du portefeuille servait de système d’avertissement rapide. Habituellement, dans le cas des comptes clients, les défauts de paiement augmentent avant que l’on voie le niveau des pertes augmenter. Pour cette raison, a-t-elle expliqué, il faut que le taux de déclenchement permette de résilier l’entente suffisamment tôt pour éviter de subir des pertes importantes. Elle a clairement compris que le moment où il était possible de mettre fin à l’opération aurait un effet assez marqué sur le risque global qui était transféré. Selon elle, les déclencheurs de rendement du portefeuille, les déclencheurs des taux de défaillance et de défaut, étaient conçus pour limiter les pertes ultimes pour l’acheteur en mettant fin à l’acquisition de nouveaux comptes clients dont le rendement ne serait peut-être pas aussi bon que celui des comptes clients créés antérieurement.

[195]   Mme Hooper a expliqué dans son témoignage que, dans le cas d’une opération de titrisation caractéristique, on se sert du rendement historique – ou antérieur – pour essayer de savoir sans trop se tromper à quel rendement s’attendre à l’avenir.

[196]   Dans son témoignage au sujet de l’escompte pour service, Mme Hooper a déclaré que, bien qu’il soit possible d’évaluer par rapport au rendement antérieur la probabilité d’un déclenchement des ratios de résiliation pour cause de défaillance ou de défaut, il est plus ardu de quantifier de manière fiable la probabilité qu’il survienne d’autres faits résiliateurs. Elle n’a pas pu expliquer de quelle manière VMTD avait pu passer du risque de 9,41 % que la cote de crédit de McKesson É.‑U. soit déclassée (ce qui donnerait lieu à un fait résiliateur) au risque total de 25 %, indiqué dans le rapport, qu’un tel fait se produise. Elle n’a pas expliqué non plus pourquoi VMTD, dans son rapport, avait présumé que la SMI exercerait ses droits de résiliation 100 % du temps où un fait résiliateur surviendrait, quelles que soient les circonstances.

[197]   Mme Hooper a dit croire que VMTD, après les deux rapports qu’elle avait produits en preuve, avait continué d’aider à examiner annuellement le calcul du taux d’escompte qu’exigeait l’EVCC.

[198]   Mme Hooper n’a pas pu répondre de manière très complète ou satisfaisante à la question de savoir pourquoi VMTD, dans son rapport, au moment d’évaluer le risque de dilution dû aux remises accumulées, avait présumé que 100 % des clients de McKesson Canada se prévaudraient de la totalité de leurs remises accumulées. Elle n’a pas pu expliquer en quoi cela était raisonnable. Elle n’a pu que répéter que VMTD avait choisi le pourcentage maximal par prudence, comme il est signalé dans son rapport. Elle a ajouté que l’escompte pour dilution due aux remises accumulées ne constituait pas une part très importante du taux d’escompte global de VMTD et peut-être que, s’il avait été plus important, VMTD aurait peut-être vérifié si des chiffres de remise moyens auraient été plus appropriés.

[199]   Le rapport de VMTD était nuancé par des opinions modérées. J’en déduis qu’il a été écrit par VMTD et que le Groupe McKesson a considéré qu’il s’agissait principalement d’un outil de défense, et les lacunes du rapport et du témoignage de Mme Hooper qui ont été exposées plus haut le confirment.

c)                 Le rapport de PricewaterhouseCoopers

[200]   En décembre 2005, McKesson Canada et ses conseillers ont demandé à PricewaterhouseCoopers (« PwC ») de rédiger un rapport sur les prix de transfert concernant l’EVCC. Le rapport de PwC a servi à répondre à l’examen que l’ARC avait fait des opérations menées dans le cadre de cette entente.

[201]   PwC a suivi en général la même démarche que VMTD, mais sans produire de témoignage à l’appui au procès. Je ne puis y accorder que peu de poids, sauf dans la mesure où il tend à confirmer l’application de la démarche que VMTD a suivie. Il y a quelques-unes des données ou des informations mentionnées dans le rapport de PwC qui corroborent ou complètent certains des chiffres, des fourchettes, des approches ou des observations que d’autres ont utilisés, et j’indique ci-après celles de ces informations que j’ai trouvées utiles.

[202]   Il ressort clairement du rapport que PwC a considéré que l’affacturage de comptes clients à un participant au marché financier commercial pouvait constituer un élément de comparaison possible. Le rapport indique que PwC a examiné l’éventail des rendements d’opérations d’affacturage de sociétés d’affacturage tierces pour étayer son opinion selon laquelle il devrait bel et bien y avoir une fourchette de taux d’escompte de pleine concurrence. Plus loin dans son rapport, il examine une série de participants au marché de l’affacturage nord-américain à l’appui de son opinion selon laquelle, comme nous le verrons plus loin, McKesson Canada devrait supporter le coût de financement de la SMI, une entité à fort degré d’endettement. Toutefois, dans son rapport, PwC ne développe pas le concept de l’affacturage de pleine concurrence et la détermination des prix ou d’autres modalités connexes à titre d’opération comparable à l’EVCC, pas plus qu’il ne discute la question de savoir pourquoi cela ne serait pas possible ou approprié. C’est là une lacune importante, qui donne à penser que le rapport de PwC était surtout un outil de défense, peut-être principalement rédigé en fonction des directives données.

[203]   Dans son rapport, PwC signale que l’EVCC fixe un chiffre de DMR, plutôt que d’utiliser un DMR variable dynamique. Dans ce contexte, PwC examine le rendement réel antérieur du portefeuille de comptes clients de McKesson Canada en vue d’éclairer ses opinions. Le rapport signale expressément que, pour ce qui est du chiffre du DMR indiqué dans l’EVCC, les intérêts et les risques, tant pour McKesson Canada que pour la SMI, doivent être pris en compte et mis en balance. Cependant, les conclusions de PwC se limitent ensuite au risque potentiel que court la SMI d’être exposée à un rendement réel défavorable du DMR, et PwC a [traduction] « exprimé l’avis » et [traduction] « présumé » qu’il faudrait qu’un coussin de 20 % protège le DMR fixe et que celui-ci soit donc de 38 jours. PwC n’a nullement traité de l’envers de la médaille – le risque pour McKesson Canada, face à un DMR fixe pendant la durée de l’entente, que son DMR continue en fait de s’améliorer. PwC n’a pas non plus traité de la raison pour laquelle l’intégration d’un DMR variable, qui protégerait quasi entièrement à la fois la SMI et McKesson Canada, ne serait pas une mesure plus appropriée que le simple fait d’augmenter le DMR déjà fixe[50].

[204]   En ajoutant un coussin de 20 % au DMR fixe, l’approche que suit PwC entraîne un redressement à la hausse favorable – de 20 % – de tous les facteurs constituant le taux d’escompte de l’EVCC qui sont déterminés en fonction de taux annuels, et cela inclut le taux de rendement de base CDOR sur 30 jours et hors risque.

[205]   Il convient de signaler que PwC a porté son attention sur des titres d’un an, et non de cinq, lorsqu’il a analysé le facteur de l’escompte pour perte du débiteur. Cela donne à penser que PwC n’a pas établi un rapport entre la durée de cinq ans de l’EVCC et le risque associé aux financements d’une durée de cinq ans, à des fins de risque de crédit.

[206]   Le rapport de PwC fait référence à des émissions obligataires dont la cote d’évaluation est inférieure à la catégorie « investissement », comme des obligations de pacotille.

[207]   Dans son rapport, PwC a aussi examiné dans le cadre de son analyse le rendement antérieur réel, au chapitre des pertes, du portefeuille de comptes clients de McKesson Canada, mais pas comme point de départ pour projeter le risque de perte de crédit associé au portefeuille. PwC a évalué le risque de perte de crédit en attribuant tout d’abord un escompte pour perte attribuable aux débiteurs désignés qui était égal à l’écart de crédit sur les obligations d’État émises par ce que PwC croyait être des sociétés émettrices cotées de la même façon au sein du marché des obligations d’État. Les chiffres ont ensuite été ajustés pour tenir compte du DMR protégé. Dans son rapport, PwC n’a pas essayé de concilier l’approche qu’il avait choisie avec le rendement réel connu du portefeuille de comptes clients.

[208]   Cependant, en traitant du risque de crédit des autres débiteurs, PwC a tout de même analysé le rendement antérieur des portefeuilles de comptes clients, mais uniquement pour démontrer que les comptes clients des autres débiteurs avaient subi des pertes excédant celles des débiteurs désignés. PwC s’est ensuite servi de cela pour justifier la réduction du risque de crédit de tous les autres débiteurs de deux cotes en deçà de celle de la dette publique que PwC avait attribuée aux débiteurs désignés (avant de le rajuster aussi en fonction de son DMR protégé). Cette approche sélective à l’égard de la pertinence du rendement réel du portefeuille de comptes clients donne lieu à une bien piètre défense, et à des opinions encore plus douteuses sur l’appréciation de la situation.

[209]   Dans son rapport, VMTD avait présumé qu’il y avait 25 % de chances qu’il faille désigner un agent serveur de remplacement lorsqu’elle avait traité du volet « escompte pour service » de l’écart d’escompte. VMTD s’est fondée sur le chiffre d’un an de Moody’s pour la survenue d’un déclassement éventuel de McKesson É.-U. (ce qui constituerait un fait résiliateur). PwC a haussé ces chances à une probabilité de 40 %, en prenant pour base le chiffre de déclassement sur cinq ans de Standard & Poor’s[51]. Comme dans le cas du rapport de VMTD, le rapport de PwC n’a pas traité de la raison pour laquelle il serait obligatoire de changer d’agent serveur s’il survenait un tel fait. L’EVCC et l’entente de services d’agent ne mettent pas fin à la désignation de McKesson Canada à titre d’agent serveur s’il survient un fait résiliateur. Ces deux ententes confèrent simplement à la SMI le droit de désigner un nouvel agent serveur si elle le veut. Étant donné que : (i) le fait particulier que constitue un déclassement de la cote de crédit de McKesson É.-U., un fait sur lequel se fondent aussi bien VMTD que PwC à l’appui de leurs chiffres de 25 % et de 40 %, ne voudrait pas forcément dire que cela changerait la capacité de McKesson Canada de servir ses comptes clients, et (ii) comme la SMI avait le droit, aux termes des ententes, de mettre fin à l’amalgamation des fonds et d’exiger qu’ils soient séparés, ce qui ferait disparaître pratiquement le risque de crédit de McKesson Canada, ces pourcentages de probabilité demeurent insuffisamment expliqués et douteux et, dans mon esprit, ils constituent un moyen de défense ou une position peu fiable.

[210]   Il convient de signaler que les frais d’agent serveur de remplacement que PwC a prévus étaient de l’ordre de 0,79 à 1,23 % du montant nominal des comptes clients. Le point médian est 1,01 %.

[211]   Il convient aussi de signaler que PwC s’est fondée sur l’escompte pour règlement rapide antérieur, sur quatre ans, de McKesson Canada lorsqu’elle a examiné l’élément « escompte pour règlement rapide » de l’écart d’escompte. VMTD a ajouté un tampon inexpliqué de 20 % au résultat réel antérieur de 0,5 % du portefeuille de comptes clients de McKesson Canada, mais PwC a [traduction] « présumé » qu’un acheteur sans lien de dépendance voudrait un coussin de 5 %. Cette présomption n’est pas non plus expliquée et, fait significatif, il s’agit d’un rajustement à la hausse qui ne répond qu’au risque, pour la SMI, qu’un plus grand nombre de débiteurs paient plus rapidement. Elle ne répond pas au risque, pour McKesson Canada, qu’un nombre inférieur de débiteurs tirent avantage de leur escompte pour règlement rapide. PwC n’a pas tenu compte non plus de l’effet qu’aurait sur le DMR un accroissement du nombre des paiements anticipés des débiteurs, et qui ne profiterait seulement aussi qu’à la SMI.

[212]   À ce stade dans son rapport, PwC a résumé la situation et est arrivée à une fourchette de taux d’escompte de pleine concurrence, pour l’EVCC, de 1,3179 à 1,4823, ce qui est encore loin du taux convenu dans l’EVCC entre McKesson Canada et la SMI, sa société mère, et du taux indiqué dans le rapport de VMTD – nettement plus près, en réalité, de celui que l’ARC a utilisé pour sa nouvelle cotisation.

[213]   Cependant, dans son rapport, PwC ajoute ensuite à cette fourchette un autre facteur, qui est essentiellement l’escompte pour intérêt de VMTD, lequel impose, en fait, à McKesson Canada le plein montant d’un coût de financement présumé que supporte la SMI[52]. PwC ne traite pas du fait que la SMI emprunte la totalité des fonds à un coût de financement qui est déterminé en fonction du taux d’escompte prévu par l’EVCC. PwC attribue un écart de crédit fondé sur les émetteurs de la dette publique qui sont capitalisés à 90 % par emprunt, c’est-à-dire des sociétés classées par Standard & Poor’s dans une catégorie inférieure à la catégorie « investissement ». Ce facteur à lui seul fait donc hausser la fourchette prévue par PwC pour un taux d’escompte de pleine concurrence à une fourchette de 1,9698 à 2,2646.

[214]   La seule raison que mentionne PwC pour penser qu’on aurait convenu que le coût de financement de la SMI était supporté par une société sans lien de dépendance notionnelle – McKesson Canada, en l’occurrence – est que les participants de grande taille au marché de l’affacturage ne conviennent généralement pas de durées de cinq ans et que la SMI pourrait donc exiger que l’on ajoute cette prime au taux d’escompte. PwC a fait abstraction de la présence et de la disponibilité d’institutions financières bien capitalisées au sein du marché de l’affacturage qu’elle avait déjà décrites dans son rapport. PwC s’est plutôt tournée vers leurs concurrents plus petits, nettement plus faibles et faiblement capitalisés, comme si McKesson Canada était poussée par les forces du marché à recourir à un de ces participants-là. McKesson Canada était probablement obligée d’avoir recours à la SMI, mais uniquement à cause du contrôle exercé par le Groupe McKesson, et non à cause d’aucune des raisons liées au marché, à l’économie ou aux finances qui ont été produites en preuve. Rien ne prouvait que McKesson Canada ou le Groupe McKesson étaient même intéressés à affacturer les comptes clients à n’importe quelle institution financière sans lien de dépendance présente sur les marchés d’affacturage, vraisemblablement parce que le Groupe McKesson aurait dans ce cas été privé des bénéfices.

[215]   Il convient de signaler que PwC n’a pu hausser ce facteur à un tel niveau qu’en tenant pour acquis que la SMI, la participante faiblement capitalisée, devait néanmoins obtenir aussi le niveau des rendements supérieurs, déduction faite de son coût de financement élevé, que réalisaient les participants de grande taille, bien capitalisés, qui sont décrits dans son rapport. Les chiffres indiqués dans le rapport de PwC ne reflétaient pas les rendements inférieurs que réalisaient des participants faiblement capitalisés, comme eux-mêmes décrivaient le marché. Là encore, d’autres données sélectivement choisies et non-étayées.

d)                Le rapport d’expert de M. Frisch

[216]   M. Frisch est titulaire d’un doctorat en économie de l’Université Harvard. Il est un expert des méthodes d’établissement des prix de transfert. À son avis, aucune des méthodes reconnues par les Principes de l’OCDE qui ont été mentionnées ne pouvait être appliquée de manière fiable aux opérations visées par l’EVCC. Il était d’avis qu’il fallait mettre au point une « autre méthode », comme l’envisage le paragraphe 2.9 de l’édition 2010 des Principes de l’OCDE. Il a fait remarquer qu’un économiste spécialisé en prix de transfert comme il l’était n’avait pas l’expertise nécessaire pour mettre au point une telle « autre méthode »[53].

[217]   Au vu des éléments de preuve que les parties ont décidé de me présenter, je retiens l’opinion de M. Frisch selon laquelle il ne convient pas de se fonder en l’espèce sur les méthodes de l’OCDE nommées et qu’il y aurait lieu d’utiliser une « autre méthode ».

[218]   Je suis surpris que M. Frisch ait pensé que le fait de mettre au point une « autre méthode » ou d’exprimer une opinion sur cette dernière débordait le cadre de l’expertise d’économistes spécialisés en prix de transfert. À l’évidence, M. Becker, l’expert de l’intimée, ne partageait pas la même réticence.

e)                 Le rapport d’expert de M. Reifsnyder

[219]   Dans son rapport, M. Reifsnyder, après quelques corrections à la baisse et quelques modifications apportées au cours du procès, exprime l’opinion que des parties sans lien de dépendance [traduction] « auraient convenu » qu’un taux d’escompte, de l’ordre de 1,7326 à 2,4360 %, était appliqué au montant nominal des comptes clients.

[220]   L’approche que M. Reifsnyder a suivie a consisté à examiner, à estimer et à additionner quatre facteurs.

(i)                Les facteurs nos 1 et 2 – Les escomptes pour frais de service et règlement rapide

[221]   M. Reifsnyder a commencé par déterminer les flux de trésorerie anticipés dont bénéficierait l’acheteur dans le cadre des opérations. Il a indiqué qu’en plus des flux de trésorerie que l’acheteur s’attendrait à tirer du montant nominal des comptes clients, son premier facteur était les frais de service sortants mensuels fixes à payer dans le cadre de l’entente de services d’agent, et son second facteur était les réductions des flux de trésorerie susceptibles de découler des escomptes pour règlement rapide dont profitaient les clients de McKesson Canada. Pour ce qui est des escomptes pour règlement rapide, il s’est servi des chiffres moyens des trois dernières années de McKesson Canada au chapitre des escomptes pour règlement rapide. Il n’a pas jugé nécessaire de se soucier du risque de changement, puisque, d’après son expérience, les escomptes pour règlement rapide ne sont habituellement pas instables dans le cas des comptes clients. Selon son expérience, il n’était pas rare que ces escomptes soient supportés par l’acheteur dans le cadre d’une opération d’achat de comptes clients[54]. Il ne fait état d’aucune possibilité de réduction du flux de trésorerie due au fait que des clients de McKesson Canada exerceraient leurs droits à des remises sur les comptes clients.

(ii)             Le facteur no 3 – Le risque de crédit

[222]   M. Reifsnyder a ensuite mis au point un troisième facteur pour illustrer le risque de crédit que présentait le portefeuille de comptes clients. Ce troisième facteur était axé sur le risque de crédit associé aux débiteurs, et non à McKesson Canada.

[223]   Dans son rapport, il considère que l’élément « taux de rendement » du taux d’escompte que prévoit l’EVCC, soit le taux d’AB/CDOR sur 30 jours, est le taux de rendement hors risque de base approprié, auquel il faudrait ajouter un écart approprié.

[224]   Il a ensuite déterminé l’écart de risque de crédit approprié en commençant par l’écart au regard d’un indice de fonds d’obligations canadiennes particulier qui, selon lui, était suffisamment comparable, à la condition d’y apporter un certain nombre de rajustements à la hausse et à la baisse, de façon à obtenir ce qui, selon lui, intéresserait un acheteur potentiel sans lien de dépendance si on lui présentait l’EVCC.

[225]   Reconnaissant que l’EVCC était une entente sur cinq ans, qu’elle portait sur des comptes clients libellés en dollars canadiens, qu’il y avait dans le portefeuille quelques grandes concentrations de comptes clients des débiteurs désignés, avec quelques garanties, mais pas d’améliorations des termes de crédit, et que la majorité, par valeur, des débiteurs n’était pas classée, M. Reifsnyder a sélectionné un indice de fonds d’obligations canadiennes à haut rendement. Un indice de fonds d’obligations, a-t-il dit, est un regroupement d’actifs financiers qui partagent des caractéristiques communes et semblables.

[226]   L’écart de crédit au regard de l’indice à haut rendement en dollars canadiens de Merrill Lynch qu’il a choisi, pour les six mois déclarés avant l’entrée en vigueur de l’EVCC, reflétait un écart de plus de 13 % par année (et de près de 14 % par année pour le dernier mois déclaré) de plus que les taux de rendement d’obligations du Trésor canadiennes hors risque. En date de novembre 2002, moment où l’on s’occupait de chiffrer l’EVCC, cet indice était constitué de 26 obligations émises par 18 émetteurs, chacun classé à un niveau inférieur à la catégorie « investissement » – c’est-à-dire que l’indice était formé d’obligations à haut rendement, appelées aussi « obligations de pacotille ». Le montant minimal des obligations était de 50 000 000 $, et la durée minimale jusqu’à l’échéance était d’un an. Un certain nombre des obligations particulières qui composaient le fonds se négociaient à un taux d’escompte de plus de 50 % et l’une d’elles était escomptée de 98 %. Un certain nombre des obligations avaient un rendement effectif de plus de 30 %, et le plus élevé était de 499 %.

[227]   Pour les raisons décrites ci-après, je ne retiens pas l’idée que l’indice à rendement élevé en dollars canadiens de Merrill Lynch était un point de départ approprié.

[228]   Dans son rapport, M. Reifsnyder a ensuite apporté un certain nombre d’ajustements à la hausse et à la baisse à l’écart au regard de l’indice de fonds d’obligations à haut rendement, de manière à refléter les aspects particuliers du portefeuille de comptes clients de McKesson Canada, comparativement aux obligations composant l’indice de fonds d’obligations.

[229]   Le premier ajustement avait pour but de refléter le degré de concentration accru d’une industrie unique et un risque de corrélation supérieur au sein du portefeuille de comptes clients de McKesson Canada. Il s’agissait d’un ajustement à la hausse de l’écart au regard de l’indice de fonds d’obligations de 15 à 20 %[55].

[230]   Le deuxième ajustement avait pour but que soit reflétée la proportion supérieure de petites entreprises débitrices qui faisaient partie du portefeuille de comptes clients de McKesson Canada, comparativement au petit nombre de sociétés ouvertes faisant partie de l’indice de fonds d’obligations. Un ajustement à la hausse additionnel de 10 à 15 % a été ajouté à l’écart. Il n’a pas été analysé si l’on pouvait réellement considérer que de petites entreprises présentaient plus de risques que des entreprises de grande taille qui, dans le cas de cet indice, devaient avoir la cote « obligations de pacotille » pour pouvoir en faire partie.

[231]   Le troisième ajustement reflétait le fait qu’une partie des débiteurs faisant partie du portefeuille de comptes clients de McKesson Canada étaient de grandes entreprises cotées dans la catégorie « investissement », et d’autres des hôpitaux. M. Reifsnyder a effectué un ajustement à la baisse, favorable à McKesson Canada, à l’écart de 15 % au regard de l’indice des fonds d’obligations, soit à peu près la composition approximative de ces débiteurs au sein du portefeuille au moment où l’EVCC avait été conclue.

[232]   Le quatrième ajustement reflétait le fait que les débiteurs faisant partie du portefeuille pouvaient changer durant toute la période et qu’aucune limite n’était prévue dans l’EVCC quant au risque de concentration des débiteurs désignés. À son avis, cela contrastait défavorablement avec l’indice des fonds d’obligations et cela justifiait un ajustement à la hausse additionnel de 20 à 40 %.

[233]   Le cinquième ajustement à la hausse de 5 à 15 % reflétait le fait que la durée ajustée jusqu’au paiement ou à la venue à échéance des obligations faisant partie de l’indice était tout juste inférieure à trois ans, alors que [traduction] « [c]omme le solde impayé de la facilité de crédit prévue par l’EVCC pouvait être aussi élevé que sa limite [900 000 000 $] jusqu’à la date de résiliation en 2007, la durée du portefeuille [de McKesson Canada] est, considère-t-on, de cinq ans ». Il s’agit là d’une fausse conclusion; il n’y a tout simplement aucun lien de causalité évident ou défini entre la limite de la facilité de crédit et sa durée. De plus, comme il a été signalé plus tôt, il ne faut pas confondre la durée de l’EVCC en tant qu’entente et obligation contractuelle avec des fonds soumis à une durée de cinq ans. Ni M. Reifsnyder ni aucun autre des témoins de l’appelante n’ont expliqué pourquoi McKesson Canada, en tant qu’entreprise sans lien de dépendance notionnelle, voudrait une facilité de crédit de 900 000 000 $ dans sa situation commerciale particulière, présente ou projetée.

[234]   Un sixième ajustement à la baisse favorable, de 25 à 40 %, a également été fait afin que soit reflétée son opinion selon laquelle il est généralement admis que des obligations à court terme, comme les comptes clients, sont moins risquées que des prêts à long terme, comme les obligations qui composent l’indice. Il n’a rien fait pour concilier cette réflexion avec sa position antérieure à propos du rajustement.

[235]   Son septième et dernier changement a été un ajustement à la hausse additionnel de 5 à 10 %, qui reflétait son opinion selon laquelle la garantie d’un fournisseur commercial sur les stocks se compare défavorablement aux mises en gage d’actifs par des émetteurs d’obligations faisant partie de l’indice. Il ne traite pas de la probabilité de garantie d’un rang supérieur sur les stocks au regard de l’improbabilité des garanties ou à la probabilité de l’existence de nombreux créanciers garantis de rang supérieur des émetteurs d’obligations à risque élevé. Selon les éléments de preuve, les politiques de crédit de McKesson Canada exigeaient bel et bien des garanties précises dans des cas appropriés et pouvaient même exiger un siège au sein du conseil d’administration d’un client.

[236]   Ces sept ajustements, en tout, se situaient entre 95 % et jusqu’à 155 % du point de départ de l’indice des fonds d’obligations qu’il avait choisi. Deux ajustements atteignaient jusqu’à 40 % chacun. Même si son rapport explique d’une certaine façon certains des chiffres qu’il a attribués, et qu’il a donné d’autres explications lors de son témoignage, ces pourcentages reposaient en grande partie sur son jugement et son expérience – même s’il a admis n’avoir aucune expérience de la détermination des prix relatifs à une opération de financement de comptes clients à partir d’un indice d’obligations à haut rendement[56]. Rien de cela ne l’a empêché de donner son opinion sur une fourchette de taux d’escompte de pleine concurrence de cinq chiffres significatifs, ce qui est certes là un exemple extrême de fausse précision (pour reprendre une phrase qui se trouve dans son propre rapport).

[237]   L’approche que M. Reifsnyder a suivie a donné lieu à un élément « risque de crédit » du taux d’escompte de l’ordre de 0,85 à 1,6 %. Il s’agit là d’une large fourchette, qui est près de 40 fois supérieure au rendement antérieur de 0,43 %, au chapitre de la perte, du portefeuille des comptes clients de McKesson Canada, et plus de six fois supérieure au ratio de perte de 0,25 % qui, selon l’EVCC, serait un fait résiliateur.

(iii)           Le facteur no 4 – L’engagement de 900 M$ envers les finances

[238]   En dernier lieu, M. Reifsnyder a ajouté un facteur à son taux d’escompte de pleine concurrence applicable à l’EVCC afin de refléter que cette dernière engageait la SMI, à titre d’acheteuse, à acheter jusqu’à 900 000 000 $ de comptes clients admissibles pendant la durée de cinq ans. À son avis, cela justifiait la présence d’un élément du type « droit d’usage/commission d’engagement » dans le taux d’escompte afin de refléter la partie inutilisée de la facilité à un moment quelconque au cours de la période de cinq ans, de façon à indemniser la SMI, à titre d’acheteuse, de l’option qu’avait McKesson Canada d’obtenir un financement supérieur jusqu’à hauteur du plein montant de 900 000 000 $.

[239]   Il signale dans son rapport que les frais annuels que le marché bancaire impose à l’emprunteur coté dans une catégorie d’investissement faible pendant cinq ans étaient [traduction] « de l’ordre de 0,00375 à 0,0050 % ». Il exprime l’avis qu’un taux approprié pour l’engagement pris dans l’EVCC serait [traduction] d’« au moins 1 % » vu la nature risquée du portefeuille des comptes clients. Ce taux [traduction] d’« au moins 1 % » qui figure dans son rapport au sujet de l’EVCC est de 200 à 300 fois plus élevé que la [traduction] « fourchette de 0,00375 à 0,0050 % » dont fait état son rapport au sein des marchés bancaires pour les emprunteurs classés dans une catégorie d’investissement faible. On se serait donc attendu à plus d’explications dans le rapport que le simple fait qu’il s’agissait d’une opération plus risquée[57].

[240]   Son rapport est muet sur le fait que la SMI est une institution non financière, non bancaire, à très faible capitalisation, qui n’est pas réglementée quant à la suffisance de ses fonds propres, qui a par ailleurs une présence nulle dans le secteur financier ou les marchés financiers et dont le principal élément d’actif est les actions quelque peu illiquides de McKesson Canada elle-même.

[241]   Son rapport ne discute pas la raison pour laquelle McKesson Canada, en tant que société sans lien de dépendance notionnelle, paierait pour un crédit de soutien qui représenterait près du double du montant nécessaire.

[242]   Il ne ressort d’aucun élément de preuve qu’une contrepartie sans lien de dépendance à une EVCC conclue au sein des marchés commerciaux avec un membre du Groupe McKesson serait une telle entité de catégorie spéculative.

[243]   Dans l’ensemble, je ne puis retenir l’idée qu’au vu des faits de l’espèce, il y ait une justification ou valeur à utiliser la méthode qu’a suivie M. Reifsnyder ou les intrants qu’il y a attribués afin d’aider à déterminer un taux d’escompte de pleine concurrence approprié pour l’EVCC. Cependant, cela ne veut pas dire que je rejette entièrement son témoignage.

[244]   En bref, je rejette l’indice des fonds d’obligations à haut rendement qu’il a choisi en tant que point de départ approprié à cause de la composition de cet indice. La portée et la quantité des rajustements qu’il doit effectuer pour tenir compte de ses différences par rapport au portefeuille de comptes clients de McKesson Canada confirment par ailleurs que cet indice n’est pas suffisamment comparable pour servir de point de départ approprié. À mon avis, l’analyse appropriée n’accorde aucun poids à sa méthode et à son approche, car je conclus qu’il ne s’agit pas d’une « autre méthode » appropriée pour déterminer, pour l’EVCC, un taux d’escompte de pleine concurrence. Je n’accorde donc aucun poids à son opinion concernant la fourchette qu’il convient d’utiliser pour un taux d’escompte de pleine concurrence.

[245]   Les doutes précis que suscitent en moi l’approche et l’opinion de M. Reifsnyder sont les suivants :

a)                 je ne dispose pas d’éléments de preuve suffisants pour admettre qu’il existe un degré élevé de comparabilité entre un tel indice de fonds d’obligations et un portefeuille de comptes clients dus par des clients actifs à un fournisseur actif important. M. Reifsnyder n’avait jamais évalué une opération de comptes clients à partir d’un indice de fonds d’obligations à haut rendement et n’a pu affirmer qu’il avait déjà entendu ou vu d’autres le faire. Il n’était même pas sûr d’avoir examiné auparavant les indices des fonds d’obligations à haut rendement de Merrill Lynch sur lesquels il s’était fondé dans son rapport. Dans le même ordre d’idées, aucun des autres témoins experts auxquels on a posé la question n’a pu répondre qu’il avait déjà entendu dire que cela se faisait. M. Reifsnyder n’a pas déclaré qu’il avait déjà lui-même déterminé le prix, ou vu un autre prix, d’une opération financière structurée (à part peut-être une obligation, un fonds d’obligations ou un indice de fonds d’obligations) à partir d’un indice de fonds d’obligation. Les experts de l’intimée à qui on a posé la question ont répondu qu’ils n’en avaient jamais entendu parler;

b)                l’indice de rendement élevé est composé d’émissions d’obligations, de sociétés qui ont levé des fonds dans les marchés publics en général à des fins générales. Par contraste, les comptes clients des débiteurs qui faisaient partie du portefeuille des comptes clients de McKesson Canada sont dus à l’un de ses principaux fournisseurs pour les stocks dont ils ont besoin pour pouvoir continuer d’exploiter leurs activités;

c)                 Mme Hooper, de VMTD, a déclaré qu’au Canada, il n’y avait pas à l’époque, et surtout en 2003, un marché très liquide pour des obligations de catégorie « sous-investissement »;

d)                il n’existe qu’une poignée d’émetteurs dans l’indice à haut rendement. Les débiteurs de McKesson Canada représentent plusieurs fois ce chiffre;

e)                 Indépendamment de la qualité de l’émetteur faisant partie de l’indice lorsqu’il a émis ses obligations pour la première fois, par définition ses obligations ne sont ajoutées à l’indice à haut rendement que si elles sont de la catégorie « à haut risque ». Par contraste extrême, les débiteurs de McKesson Canada, à l’époque où l’EVCC a été conclue, payaient régulièrement et intégralement leurs comptes clients environ 99,96 % du temps. Bien qu’il y ait eu réellement un risque que ce taux de défaut change, il n’y avait aucune prévision évidente que cela se produirait. En décembre 2002, il s’agirait là de deux « instantanés » radicalement différents, presque incapables de l’être davantage en l’absence d’un défaut réel;

f)                  les débiteurs de McKesson Canada étaient surveillés et cotés par le Service du crédit et du recouvrement de McKesson Canada, et les modalités de crédit qui leur étaient offertes, le cas échéant, pouvaient être changées par McKesson Canada à bref préavis. Par contraste, les obligations faisant partie de l’indice à haut rendement choisi étaient émises pour une durée déterminée, avec soit un paiement forfaitaire à l’échéance plusieurs années plus tard, soit peut-être une série de paiements annuels jusqu’à leur échéance. C’est-à-dire que le détenteur d’obligations versait son argent, assumait ses risques et devait attendre de voir ce qui se passerait, ou vendre. Selon Moody’s, la perte de crédit historique sur des obligations à haut risque de cinq ans est de l’ordre de 27 %. Cela constitue près de 700 fois la perte historique de 0,043 % sur le portefeuille de comptes clients de McKesson Canada;

g)                 les escomptes individuels sur les obligations d’émetteurs particuliers faisant partie de l’indice pouvaient atteindre jusqu’à 98 %. Les émissions d’actions de cinq ans susmentionnées, qui se négociaient à moins de cinquante cents le dollar et avaient un rendement effectif de plus de 30 %, constituaient 8,5 % de l’indice en novembre 2002. Il n’y a absolument aucun élément de preuve qui donne même à penser qu’un seul des débiteurs de McKesson Canada, y compris le débiteur désigné dont la situation financière a été analysée en détail au cours du procès, se trouvait dans une situation financière comparable, même de loin[58];

h)                les écarts au regard de l’indice des fonds d’obligations à haut rendement ont fluctué considérablement. Au cours des six mois précédant la conclusion de l’EVCC, le rendement de l’écart au regard de l’indice avait fluctué de près de 50 %. Par contraste, au cours de la même période, le rendement du portefeuille de comptes clients de McKesson Canada était resté à un taux à peu près semblable de radiations par rapport aux ventes, soit 0,04 %, et le DMR était d’environ 30 jours. De plus, il n’a été fait état d’aucun élément de preuve devant M. Reifsnyder ou devant la Cour quant à un changement important au classement public des clients de McKesson Canada qui étaient cotés, pas plus qu’aux évaluations de crédit de tous ses clients de la part de son propre Service du crédit et du recouvrement. Cette variabilité et cette fluctuation dans l’éventail des écarts d’escompte relevés dans l’indice à haut rendement étaient telles que si l’on s’était servi comme point de départ pour l’approche de M. Reifsnyder d’un écart par rapport à un indice de fonds d’obligations qui s’appliquait à un mois différent, le taux d’escompte de pleine concurrence déterminé dans le cadre de son approche aurait été sensiblement différent, bien qu’aucun élément de preuve ne donne à penser que la qualité du portefeuille de comptes clients de McKesson Canada a été sensiblement différente pendant toute la période. M. Reifsnyder n’a pas tenté de rattacher cette variabilité des écarts de rémunération, corrigés des effets de la clause de remboursement anticipé, aux fluctuations des taux d’intérêt ou des écarts de crédit au cours de la même période[59], [60].

i)                   les écarts de risque de crédit sur les indices de fonds d’obligations portent le nom exact d’« écarts corrigés en fonction des clauses optionnelles », ou ECCO. L’ECCO est considéré de façon générale comme la prime de risque de crédit qui s’ajoute à un taux hors risque que l’on applique aux émetteurs d’une catégorie semblable. L’ECCO n’est pas un simple calcul mathématique. Il est déterminé au moyen de modèles et d’hypothèses de nature quantitative. M. Reifsnyder n’a jamais calculé d’ECCO et a été incapable de décrire les modèles ou les hypothèses utilisés, soit de façon générale soit dans le cas de l’indice qu’il avait choisi;

j)                   nul élément de preuve ne portait que l’un quelconque des débiteurs de McKesson Canada qui avaient une notation publique, ou ceux dont la société mère était cotée, avait déjà vu sa cotation déclassée de quelque manière, encore moins à un niveau comparable à celui des obligations de pacotille à haut rendement;

k)                M. Reifsnyder a reconnu que, dans le cas des débiteurs cotés de McKesson Canada, le fait d’utiliser leurs écarts de crédit servant à la cotation des obligations pouvait être plus précis que son approche – il ne savait tout simplement pas et n’a pas pu expliquer pourquoi il n’avait pas pris cela en considération, bien que les résultats aient été très différents;

l)                   indépendamment de l’écart variable de l’ECCO de l’indice à haut rendement au sein du marché courant à l’époque, l’approche de M. Reifsnyder a utilisé un écart d’escompte pour risque de crédit fixe pendant toute la durée de l’EVCC de cinq ans, et non un écart variable dynamique pour l’indice, de façon à tenir compte de cette instabilité sous-jacente. Sa position était la suivante : même si l’approche dynamique à l’égard des pertes de crédit était plus intuitive, elle serait évaluée a posteriori. Je ne saurais être plus en désaccord. L’approche dynamique pendant la durée d’une entente et prévue dans une entente ne constitue pas un examen rétrospectif au sens où on l’entend dans des circonstances telles que les présentes, ou du moins pas un examen rétrospectif inapproprié. Il a toutefois reconnu qu’il existait un ajustement dynamique constant dans les évaluations des risques de crédit qui étaient menées dans le cadre des titrisations, de façon à refléter le rendement le plus récent pendant toute la durée des opérations;

m)              les ajustements apportés à l’indice à haut rendement que proposait M. Reifsnyder en vue de le rendre comparable au portefeuille de comptes clients de McKesson Canada et à l’EVCC étaient de plusieurs ordres de grandeur globalement (jusqu’à 155 %) et au moins de quelques-uns individuellement (deux jusqu’à 40 %), ce qui réfute le caractère approprié de n’importe quel point de départ en vue de déterminer la comparabilité des prix;

n)                comme il a été signalé plus tôt, les explications et les prémisses relatives à plusieurs des ajustements qu’il a proposés à l’indice de fonds à haut rendement étaient insuffisamment étayées ou expliquées;

o)                les frais d’engagement d’aide éventuelle de M. Reifsnyder d’« au moins 1 % » pour la partie non encore utilisée de la limite de crédit de 900 000 000 $ prévue par l’EVCC ne peut pas être étayée ou acceptée (i) à défaut d’une explication concernant le rajustement de 20 000 à 30 000 % qu’il effectue à sa fourchette de 0,00375 à 0,0050 % pour des emprunteurs de la catégorie « investissement faible » au sein des marchés bancaires, (ii) en l’absence d’une explication quelconque quant à la raison pour laquelle la limite de crédit de 900 000 000 $ serait utile à McKesson Canada pendant toute la durée de l’entente et que cela découlait raisonnablement des éléments de preuve, et (iii) en l’absence, d’une part, de tout rajustement destiné à tenir compte du fait que la SMI n’était pas une banque, mais une entreprise privée non réglementée n’ayant presque aucun capital ni presque aucune présence sur les marchés financiers et, d’autre part, d’une explication quelconque quant à l’absence du besoin d’effectuer un tel rajustement. Cet élément de l’opinion de M. Reifsnyder sur un taux d’escompte de pleine concurrence visé par l’EVCC n’est pas seulement rejeté en bloc; il suscite d’autres problèmes à l’égard de son rapport tout entier;

p)                malgré l’étendue de ses connaissances, de son expérience et de ses présentations sur l’assurance‑crédit applicable aux opérations financières structurées, ainsi que la référence qu’il a faite à leur disponibilité dans son témoignage, M. Reifsnyder n’a, semble-t-il, jamais tenu compte du coût de l’assurance des comptes clients dans son approche, ni vérifié les résultats de cette dernière. Il n’a pas expliqué non plus pourquoi il ne l’avait pas fait;

q)                M. Reifsnyder a soutenu que les marchés ne doivent pas fixer le prix d’un risque en se fondant sur un rendement historique, mais il n’a pas pu dire qu’ils ne le faisaient pas. Son opinion va à l’encontre de celles de VMTD et de Mme Hooper, qui font référence à plusieurs reprises à la nécessité d’examiner le rendement historique sur le plan des défauts, des défaillances, des pertes, des dilutions, des délais de paiement et des réserves. Son opinion va également à l’encontre des publications d’agences de notation sur l’importance que revêt le rendement historique dans les structures de financement des comptes clients, ainsi qu’à l’encontre du témoignage d’autres experts qui ont déposé. Les taux de défaillance historiques et les taux de radiation sont généralement considérés comme le meilleur indice de la qualité d’un portefeuille sur le plan du crédit pour ce qui est des opérations relatives à des comptes clients. M. Reifsnyder a reconnu que les agences de notation examinent cinq années de données liées au rendement historique lorsqu’elles analysent un portefeuille d’actifs financiers. Dans son rapport et dans son témoignage, M. Reifsnyder a tenté de minimiser la pertinence du rendement antérieur du portefeuille de comptes clients de McKesson Canada en faveur des écarts de crédit réels, et contemporains, de l’indice à haut rendement qu’il avait choisi. Ironiquement, l’écart par rapport au crédit de l’indice à haut rendement est lui-même un reflet partiel du rendement antérieur de cet indice et de celui des émissions et des émetteurs qu’il comporte;

r)                  M. Reifsnyder a donné l’impression d’être dans une large mesure orienté, prompt à faire ressortir les petites taches figurant dans les rapports d’expert de l’intimée, et à minimiser, voire refuser de reconnaître, les failles présentes dans le sien.

[246]   Dans l’ensemble, je puis dire que jamais je n’ai vu une partie appelante déployer autant d’efforts et de temps pour faire valoir avec une telle énergie et un tel sérieux une position aussi indéfendable. Il y avait là tous les ingrédients d’une opération alchimique inversée. On ne peut s’empêcher de présumer que l’appelante était parfaitement au courant des faiblesses du rapport de VMTD et qu’il s’agissait là du meilleur moyen dont elle disposait pour justifier le taux d’escompte que le Groupe McKesson avait utilisé dans l’EVCC.

f)                  Le rapport d’expert de M. Becker

La méthode de constitution

[247]   La première méthode d’évaluation que l’on trouve dans le rapport de M. Becker sur lequel l’intimée s’est fondée, laquelle est qualifiée de méthode de constitution, prend essentiellement en compte les mêmes facteurs et les mêmes problèmes que dans le rapport de VMTD, pour en arriver au taux d’escompte qui reflète à la fois la valeur-temps des fonds et le risque possible de ne pas recouvrer la pleine valeur nominale de tous les comptes clients transférés.

[248]   Dans son rapport, M. Becker convient que le taux CDOR de 30 jours soit le taux hors risque approprié, signalant qu’il arrive souvent que l’on se serve d’obligations gouvernementales aux échéances semblables comme taux hors risque de référence pour déterminer la valeur-temps de fonds.

[249]   Dans le cadre de cette méthode, M. Becker a évalué le risque de défaut des débiteurs au taux de radiation historique, sur trois ou quatre ans, de 0,0440 % des ventes de McKesson Canada. De la même manière, M. Becker a évalué le risque de dilution due à un règlement rapide au taux d’escompte pour règlement rapide, sur les trois ou quatre années antérieures, de McKesson Canada, soit 0,5324 % des ventes.

[250]   En additionnant ces trois facteurs (après avoir rajusté au préalable le taux CDOR de 30 jours en fonction du DMR de McKesson Canada pour la même période), M. Becker obtient un taux d’escompte de pleine concurrence de 0,8073 %.

La méthode des opérations comparables

[251]   La deuxième méthode d’évaluation que l’on trouve dans le rapport de M. Becker est une méthode fondée sur des opérations comparables. À cette fin, il ne prend en considération qu’une seule opération de pleine concurrence, celle conclue entre McKesson Canada et TD Factors. M. Becker a jugé qu’une opération de pleine concurrence réelle, comportant l’affacturage, par McKesson Canada, de ses comptes clients à une partie sans lien de dépendance, était nettement plus fiable comme point de départ qu’une entente conclue avec une tierce partie ou d’autres ententes de financement de McKesson Canada, car cette opération se rapprochait nettement plus de l’EVCC sur le plan de la nature et des risques.

[252]   Dans son rapport, M. Becker calcule que, dans l’opération conclue entre McKesson Canada et TD Factors, le taux d’escompte net est de 0,3376 %. Comme l’entente conclue avec TD Factors ne spécifiait pas que cette dernière assumait un risque de dilution dû à un escompte pour règlement rapide, un rajustement à la hausse, égal au taux d’escompte pour règlement rapide sur les trois à quatre années antérieures de McKesson Canada, soit 0,5324 %, a été effectué. La méthode de l’opération comparable retenue par le rapport de M. Becker mène à la conclusion que, pour ce qui est de l’EVCC, en prenant l’opération conclue avec TD Factors comme taux d’escompte de départ, de référence et comparable, un taux d’escompte de pleine concurrence approprié serait de 0,8700 %.

[253]   Dans son rapport, M. Becker fixe la fourchette appropriée, pour ce qui est d’un taux d’escompte de pleine concurrence applicable à l’EVCC, entre 0,81 et 0,87 % (soit les taux d’escompte déterminés au moyen de ses deux méthodes), ce qui donne comme point médian 0,8386 %; c’est ce chiffre-là qu’il utilise ensuite comme seul taux d’escompte. M. Becker fait observer que, si ce taux avait été appliqué dans l’EVCC, les marges de profit avant impôt de McKesson Canada seraient restées à l’intérieur de leurs fourchettes historiques.

[254]   Je ne suis pas du tout convaincu que l’opération conclue avec TD Factors était suffisamment comparable à l’EVCC pour servir de point de départ approprié à la méthode des opérations comparables dont il est question dans le rapport de M. Becker, et encore moins qu’il s’agissait de la seule opération comparable que l’on pouvait même prendre en considération. Bien que cela ait été une opération qui reflétait le degré de solvabilité de McKesson Canada et qu’elle ait bel et bien mis en cause un transfert d’une partie des comptes clients de McKesson Canada, cette opération était d’une durée nettement plus courte, avait été mise en œuvre pour une fin très précise et différente, et ne comportait pas l’achat, par TD Factors, de la totalité du portefeuille des comptes clients de McKesson Canada. Pour ces raisons, je ne me fie aucunement à la méthode des opérations comparables qui est définie dans le rapport de M. Becker.

g)                Le rapport de M. Finard

La méthode du financement structuré

[255]   La méthode analytique du financement structuré dont fait état le rapport de M. Finard, en vue de fixer un taux d’escompte de pleine concurrence pour l’EVCC, reposait sur un examen des données disponibles sur la notation du marché des obligations d’État et des pertes pour défaut de crédit. Moody’s rétrovérifie l’exactitude de ses notations sur une période de plus de vingt ans. Ces notations font état d’un degré de corrélation élevé entre les notations et les taux de perte pour défaut de crédit sur des périodes d’une durée d’un à cinq ans.

[256]   Dans son rapport, M. Finard a analysé des chiffres sur un an, malgré le fait que l’EVCC ait eu une durée de cinq ans. Cela tenait compte du fait qu’il existait dans l’EVCC plusieurs dispositions d’atténuation des risques qui permettaient de la résilier prématurément. De plus, il ressort des données de Moody’s que le risque de défaut augmente considérablement entre la première et la cinquième année; cette méthode est donc plus prudente.

[257]   Le taux de radiation moyen par rapport aux ventes, sur cinq ans, du portefeuille des comptes clients de McKesson Canada était de 0,043 %. De manière prudente, en utilisant les chiffres concernant les radiations par rapport aux ventes de McKesson Canada sur cinq ans, le rapport de M. Finard signale que ce chiffre, soit 0,043 %, se situait entre le pourcentage de perte de crédit sur un an de Moody’s, par notation, qui s’appliquait aux émetteurs d’obligations de sociétés cotées A et aux émetteurs d’obligations de sociétés cotées Baa (ou à au moins cinq cotes de crédit de plus que la cote « catégorie spéculative » de Moody’s, qui comportait des antécédents de défaut de crédit environ 90 fois plus élevés)[61].

[258]   Dans son rapport, M. Finard utilise ensuite les données de VMTD sur l’écart de risque de crédit par notation et signale que cet écart, pour un émetteur coté A en décembre 2002, était de 0,50 % et, pour un émetteur coté Baa, de 1,00 %. Il obtient ainsi une moyenne pondérée de 0,68 %.

La méthode de l’analyse des attributs

[259]   Dans le cadre de la méthode de l’analyse des attributs dont M. Finard se sert dans son rapport, en vue d’estimer, pour l’EVCC, un taux d’escompte de pleine concurrence, il a été considéré qu’une approche fondée sur une moyenne mobile dynamique, à l’égard du rendement réel et continu des comptes clients, constituait une pratique du marché normative dans les opérations de financement de pleine concurrence qui sont fondées de la même façon sur la valeur des actifs. Dans son rapport, M. Finard exprime l’avis que les modalités d’une opération de pleine concurrence comporteraient une méthode variable pour le calcul du DMR ainsi que pour traiter des escomptes pour règlement rapide. Chacun de ces éléments doit être calculé en se fondant sur une base mobile de quatre périodes de règlement.

[260]   Pour calculer un escompte pour service, la méthode d’analyse des attributs exposée dans le rapport de M. Finard utilise les frais annuels de 9 600 000 $ que la SMI a payés dans le cadre de l’entente de services d’agent et fixe un escompte pour service pour chaque période de règlement, en se fondant sur le montant moyen des comptes clients, calculé de façon dynamique sur une base de quatre périodes de règlement.

[261]   L’analyse de M. Finard rejette l’idée d’un escompte attribuable au coût de financement de la SMI (ce que l’on appelle l’escompte pour intérêt) ou au risque de dilution due aux remises accumulées.

[262]   L’analyse des attributs aborde la question du risque de crédit que constitue l’escompte pour perte (i) en adoptant une approche dynamique à l’égard de l’escompte pour perte, fondée sur une moyenne mobile, sur douze mois, des radiations par rapport aux ventes des comptes clients de McKesson Canada, et (ii) en introduisant une réserve générale de 21 % du prix d’achat des comptes clients de façon à parer au danger d’un risque supplémentaire allant au-delà de l’escompte pour perte prévu par l’EVCC.

[263]   L’utilisation d’une moyenne, sur douze mois, des radiations dues aux ventes pour l’escompte pour perte a été choisie, parce que cette méthode concorde avec l’EVCC, laquelle stipule que l’escompte pour perte doit être recalculé le 1er janvier de chaque année.

[264]   Ce qui me préoccupe, c’est l’introduction d’une réserve générale en vue d’assurer à la SMI une meilleure protection sur les comptes clients achetés et dont la SMI ne bénéficie pas directement, ni même indirectement, dans l’EVCC. Il peut y avoir d’importantes réserves dans les titrisations, dans les prêts garantis ainsi que dans d’autres prêts adossés à des actifs, mais l’EVCC n’accorde à la SMI aucune garantie ou protection de cette nature après que celle-ci a acheté des comptes clients particuliers. Je ne vois donc pas en quoi une telle réserve pourrait être appropriée du point de vue d’une comparabilité de pleine concurrence. Je me préoccupe aussi du fait de savoir si cela peut être fait à l’appui d’un redressement au sens des alinéas 247(2)a) et c). Compte tenu de ces doutes, que je n’ai pas à dissiper en l’espèce eu égard au reste de mes motifs, je ne me fonderai pas sur les résultats de la méthode de l’analyse des attributs qui est défini dans le rapport de M. Finard.

h)                Le rapport d’expert de M. Glucksman

[265]   En plus de critiquer les méthodes de détermination d’un taux d’escompte qui sont exposées dans le rapport de VMTD (ainsi que dans le rapport de PwC), le rapport de M. Glucksman estime de manière positive un taux d’escompte de pleine concurrence pour l’EVCC.

[266]   La méthode d’estimation positive de M. Glucksman traite le risque de crédit en introduisant une réserve de 18,5 %. Le rapport considère expressément que la meilleure façon d’analyser l’EVCC est de se fonder sur des titrisations de comptes clients. Le chiffre de 18,5 % a été choisi comme le taux de réserve approprié, en prenant pour base celui qui avait été utilisé dans le cas d’une titrisation de comptes clients de McKesson É.-U., d’une valeur de 950 000 000 $US.

[267]   Pour les mêmes raisons que celles qui ont été exposées plus tôt au sujet de l’introduction, dans l’analyse des attributs de M. Finard, d’une réserve qui ne se reflète ni directement ni indirectement dans l’EVCC, je ne me fonderai pas sur les résultats de la méthode d’estimation positive exposée dans le rapport de M. Glucksman en vue d’estimer, pour l’EVCC, un taux d’escompte de pleine concurrence. De la même façon, la méthode de l’estimation positive est examinée entièrement sous l’angle des titrisations de comptes clients et, à cause de cela, je ne me fonderai sur aucun élément de cette méthode. Pour ces raisons, je m’abstiendrai de résumer le reste de la méthode de l’estimation positive exposée dans le rapport.

i)                   Les autres rapports d’expert

[268]   D’autres rapports d’expert ont été déposés sur consentement, sans que la Cour entende le témoignage de leurs auteurs. Comme dans le cas du rapport de PwC, on ne peut accorder beaucoup de poids au contenu de rapports d’expert rédigés par des personnes qui n’ont pas témoigné au procès. Ces rapports pourraient, dans une faible mesure, servir à corroborer les méthodes ou les données d’autres experts.

9.                 La méthode appropriée

[269]   Comme c’est souvent le cas lorsqu’il y a plus d’un expert et plus d’un rapport d’expert, la Cour ne souscrit pas intégralement aux conclusions de l’un ou l’autre de ces experts ou de leurs rapports. Cependant, quoique certaines méthodes et certaines informations, certaines estimations ou certains éléments de leur analyse puissent se révéler peu convaincants ou se voir rejetés, dans l’ensemble, la Cour est éclairée par l’ensemble des témoignages et des informations qu’ils ont fournis en rapport avec les opinions qu’ils se sont formés et, comme on peut le constater, la Cour s’est fondée sur certains éléments de leurs opinions et certaines des informations factuelles dont ils se sont servis[62].

[270]   La Cour est d’avis que la solution la plus appropriée dans ce cas particulier consiste à suivre la structure de l’EVCC que le Groupe McKesson a décidé d’établir, d’aborder les questions de prix de la même manière, en gros, que VMTD (et PwC) et d’examiner si les modalités qui ont une incidence sur la détermination du taux d’escompte diffèrent du résultat auquel on s’attendrait à obtenir dans le cas de modalités de pleine concurrence, afin que je puisse rajuster le mieux possible les montants de façon à ce qu’ils reflètent les éléments de preuve utiles qui m’ont été présentés sur ces questions, y compris la preuve d’expert[63].

10.            L’analyse de la question des prix de transfert

[271]   Il ne s’agissait pas d’une opération de titrisation. Une titrisation est en général un financement par emprunt hors bilan, par l’intermédiaire d’une entité dite ad hoc à capitalisation restreinte, qui accède à du financement de la catégorie « investissement » à faible taux grâce à un produit financier structuré qui comporte des caractéristiques de minimisation des risques, y compris un appui de la part du vendeur de la source existante du flux de trésorerie. Les éléments de preuve de l’appelante concordent en tous points avec le fait qu’il ne s’agissait pas d’une opération de titrisation, pas plus qu’il n’existait une raison financière ou commerciale évidente pour que McKesson Canada soit intéressée à conclure une opération de titrisation. Toute comparaison d’un aspect quelconque de l’opération dont il est question en l’espèce avec une titrisation doit être abordée avec prudence en gardant cela à l’esprit.

[272]   L’EVCC était une facilité de crédit sur cinq ans. Il ne s’agissait pas de fonds sur cinq ans, pas plus qu’il ne s’agissait simplement de fonds sur 30 jours. Toute thèse selon laquelle un aspect quelconque de l’opération pourrait être assimilé aux modalités comparables d’une dette sur cinq ans, d’une dette à moyen terme ou à une autre dette à long terme doit être abordée avec prudence.

[273]   Dans le même ordre d’idées, l’EVCC portait en tout temps sur un portefeuille de comptes clients d’une valeur maximale de 900 000 000 $. Quand on fait des comparaisons avec d’autres opérations, toute suggestion selon laquelle cela signifie que l’EVCC reflétait 900 000 000 $ de risque, sauf si la SMI n’atteignait jamais ce maximum, devrait être elle aussi abordée de manière très prudente et réfléchie.

[274]   Je conclus que l’intention et l’objet prédominants de la participation de McKesson Canada à l’EVCC et à des opérations connexes avec les autres membres du Groupe McKesson n’étaient pas l’accès à des capitaux ou la minimisation des risques de crédit. Il s’agissait là des résultats de ces opérations, mais ce n’était pas cela qui les motivait. L’objet consistait à réduire l’assujettissement fiscal canadien de McKesson Canada (et donc l’assujettissement fiscal du Groupe McKesson à l’échelle mondiale) en payant l’escompte maximal prévu par l’EVCC que le Groupe McKesson croyait pouvoir raisonnablement justifier. Pour le Groupe McKesson, cela semble avoir été nettement plus un plan d’évitement fiscal qu’un produit financier structuré. La volonté de transférer le risque au Luxembourg n’a jamais été expliquée.

[275]   Il n’y a certes rien de répréhensible à ce que des contribuables exécutent des opérations à motivation fiscale, dressent des plans fiscaux et prennent des décisions qui reposent entièrement sur des conséquences fiscales (sous réserve seulement de la DGAE, qui n’est pas pertinent dans le présent appel). La Cour suprême du Canada nous rappelle régulièrement que le duc de Westminster est toujours en vie et en bonne santé, et qu’il vit ici au Canada. Cependant, les principales raisons et les objets prédominants des opérations de pleine concurrence, quelles qu’elles puissent être dans n’importe quelle situation donnée, constituent un élément pertinent des faits de l’espèce qui sont examinés. Par exemple, si ni l’une ni l’autre des parties n’a un objectif ou une raison de nature commerciale pour exécuter une opération de pleine concurrence particulière, il ne sera probablement pas particulièrement convaincant de tenter de faire valoir que les modalités, les conditions, les dispositions ou l’approche particulière reflètent le besoin commercial particulier de l’une ou l’autre des parties.

[276]   Le montant maximal que McKesson Canada peut déduire au Canada se limite à ce qu’une personne sans lien de dépendance conviendrait de payer pour les droits et les avantages obtenus. L’appelante dit qu’elle n’a pas dépassé cette limite. L’intimée dit qu’elle l’a dépassée de plus de 100 %. Il s’agit là de la seule question que la Cour est appelée à trancher.

a)                Le taux d’escompte

[277]   Comme je l’ai déjà exposé, l’EVCC prévoit que le taux d’escompte qui s’applique à chaque achat de comptes clients est la somme : (i) du taux de rendement au premier jour ouvrable de la période de règlement pertinente, (ii) de l’escompte pour perte et (iii) de l’écart d’escompte.

(i)                Le taux de rendement

[278]   Le taux de rendement est le seul élément tout à fait variable du taux d’escompte dans l’EVCC. Par contraste, l’escompte pour perte et l’écart d’escompte sont tous deux fixes. L’escompte pour perte est recalculé chaque année, ou à intervalles plus rapprochés à la demande de la SMI.

[279]   Il n’est pas controversé entre les parties, vu les éléments de preuve, que le taux CDOR sur 30 jours est le taux hors risque de référence qui convient. Je retiens cela, et je retiens l’idée que l’utilisation de ce taux à compter du premier jour ouvrable de chaque période de règlement de 28 jours (en faisant abstraction du moment où l’EVCC a été signée, soit le 16 décembre 2002, neuf jours après la fin de la période comptable no 9 de 2003 de McKesson Canada, c’est-à-dire le 7 décembre 2002, ce qui ne laisse qu’une période de règlement initiale de 19 jours) correspond tout à fait à ce que deux parties sans lien de dépendance, ayant des intérêts tout à fait opposés sur le plan de la détermination des prix et des modalités relatives aux risques, considéreraient comme acceptable et raisonnable.

[280]   Le taux CDOR, en date du 16 décembre 2002, était de 2,79 % par année. Il n’y avait aucun élément de preuve portant que ce taux avait changé de manière importante au cours des deux ou trois périodes comptables pertinentes qui restaient dans l’exercice 2003 de McKesson Canada. Aux fins du présent appel, qui a trait à l’exercice 2003 de McKesson Canada, je tiendrai pour acquis pour le taux CDOR n’a pas beaucoup changé.

[281]   Le taux CDOR est exprimé sous la forme d’un taux annuel, et il doit donc être ajusté pour tenir compte du fait que l’on peut s’attendre à ce que les comptes clients soient recouvrés au cours d’une période nettement plus courte qu’une année de 365 jours. Je conviens que le fait d’utiliser la notion comptable du délai moyen de recouvrement – ou DMR – pour ce qui est de la période de recouvrement des comptes clients de McKesson Canada constitue, à cette fin, une mesure ou un indice appropriés.

[282]   Cependant, compte tenu des observations que j’ai formulées plus tôt au sujet du calcul du DMR que McKesson Canada et VMTD ont fait pour l’EVCC, je rejette l’idée que le fait d’utiliser un DMR fixe de 31,73 jours pendant la totalité de la durée de l’entente sans tenir compte des changements qu’a subis le DMR réel de McKesson Canada à l’époque pertinente (lesquels découlent de changements dans les ventes de McKesson Canada ou de changements dans les habitudes de paiement de ses clients) correspond à ce dont conviendraient deux parties sans lien de dépendance, ayant des intérêts tout à fait opposés sur le plan de la détermination des prix et des modalités relatives aux risques.

[283]   Je conclus que des parties sans lien de dépendance décideraient d’intégrer au DMR un élément variable, moyenné sur une certaine période, de trois ou quatre mois ou périodes comptables par exemple[64], et n’accepteraient pas le risque que constitue le fait de fixer le DMR pour la durée tout entière de l’EVCC. Il convient de signaler que le concept même du DMR est mesuré et suivi sur des périodes de temps successives, et c’est ce que confirme également le témoignage des experts Becker et Finard. Étant donné que l’EVCC a recours à une moyenne mobile sur quatre mois dans ses définitions du ratio de perte et du ratio de défaillance, je conclus qu’une moyenne mobile, constituée de quatre périodes comptables, est une base appropriée dans le cadre du présent appel. Quoi qu’il en soit, je n’ai en main aucun élément de preuve utile qui va dans le sens de l’utilisation d’une approche fixe, car l’appelante n’a pas expliqué comme il faut de quelle façon le risque de changement du DMR avait été pris en compte dans la détermination du taux d’escompte[65], ni pourquoi le risque de changement du DMR n’était pas pertinent, et elle n’a pas non plus produit d’autres éléments de preuve à l’appui qui aideraient la Cour à chiffrer le changement de DMR ou à tenir compte d’un tel risque.

[284]   Dans le cadre de sa mission, VMTD a calculé les DMR de McKesson Canada pour chaque période comptable des exercices 2001, 2002 et 2003 de McKesson Canada. Le DMR moyen par période, au cours de cette période antérieure à l’EVCC, que VMTD a calculé était de 32,00 jours.

[285]   Quoique cela soit énoncé de manière exacte dans le texte du rapport de VMTD, les calendriers justificatifs de VMTD signalent que la moyenne était de 31,73 jours. Cela est inexact. Si l’on calcule la moyenne à partir de la série de chiffres, elle s’établit à 32,00 jours. Le fait que la moyenne indiquée dans les calendriers soit de 31,73 jours, ce qui est le même chiffre qu’emploie VMTD après avoir effectué un rajustement approximatif pour tenir compte du DMR nettement plus court qui s’applique au portefeuille des comptes clients venant à échéance, d’une valeur de 460 000 000 $, et initialement achetés, soulève assurément plusieurs questions.

[286]   VMTD a ensuite reconnu, en aidant l’appelante à fixer son DMR en vue des calculs de l’EVCC, que le DMR de 32,00 jours ne conviendrait pas, car l’achat initial du portefeuille des comptes clients existant, le 16 décembre 2002, d’une valeur de 460 000 000 $, concernait un portefeuille de comptes clients arrivé à échéance. VMTD a estimé que, dans les circonstances, on pouvait s’attendre à ce qu’un portefeuille arrivé à échéance soit payé au cours de la première moitié du DMR existant, soit dans un délai de seize jours. Cela semble être une estimation logique et raisonnable.

[287]   Cependant, au lieu d’utiliser un DMR de seize jours pour le taux d’escompte applicable à l’achat initial des comptes clients, VMTD a plutôt moyenné ces seize jours « manquants » sur la durée de cinq ans et a simplement réduit le DMR de 32 jours à 31,73. Je ne saurais dire que cela est approprié, ni qu’il s’agit d’une manière d’aborder la question sous un angle de pleine concurrence. Cela a permis à la SMI de sous-payer McKesson Canada au départ à cause d’un taux d’escompte nettement surestimé, et l’avantage n’en reviendrait qu’à McKesson Canada au cours de la période de cinq ans et sans intérêts. Je ne puis conclure que des parties sans lien de dépendance à une opération financière conviendraient de traiter de cette question sur ce seul fondement. Comme il a été signalé, cela créait aussi un avantage temporel correspondant de cinq ans pour le Groupe McKesson, sur le plan de l’impôt sur le revenu canadien.

[288]   Je conclus que des parties sans lien de dépendance à une opération financière tiendraient compte d’une manière exacte de la différence entre le DMR estimatif de seize jours qui s’applique à l’achat initial et le DMR de 32 jours, établi par VMTD, pour les nouveaux comptes clients. Cela aura une incidence marquée sur chacun des éléments du taux d’escompte qui sont des taux annuels et qui doivent être rajustés en fonction du DMR : le taux de rendement et les divers éléments de l’escompte pour perte et de l’écart d’escompte. Il ne s’agirait pas là d’un redressement du prix de transfert négligeable pour l’exercice 2003 de McKesson Canada qui fait l’objet du présent appel.

[289]   Cependant, je ne retiens pas les 32 jours de DMR que VMTD a calculés, ni les calendriers joints à son rapport. Je préfère retenir les calendriers relatifs au DMR de McKesson Canada, dont il ressort que le DMR, que la société a calculé dans le cours ordinaire de ses activités, était en moyenne inférieur à trente jours pour les deux exercices (2002 et 2003) précédant l’EVCC, et que dans une seule des dix-huit périodes comptables antérieures à l’EVCC, il avait été supérieur à 30 jours (c’est-à-dire 30,5). Cela concorde avec le témoignage de M. Brennan selon lequel le DMR était d’environ 30 jours. Je conclus que des parties sans lien de dépendance utiliseraient un DMR moyen mobile sur quatre mois et que l’existence d’un DMR de 30,0 jours durant toute la période en est la meilleure preuve[66].

[290]   Le fait de rajuster le taux CDOR de 30 jours de 2,79 % par année pour tenir compte d’un DMR de 30 jours donne un taux de rendement de 0,2293 (2,79 % × 30 ÷ 365).

[291]   Le taux de rendement corrigé ou redressé pour l’achat initial équivaudrait à la moitié de ce chiffre. Le taux de rendement qui s’applique à l’exercice 2003 en litige, lequel comporte trois dates de règlement et des cycles de DMR complets, ne sera que de 0,1911 (le total de 0,2293 plus 0,2293 plus 0,1147, le tout divisé par 3). Cela étalerait les 15 jours « manquants » sur la période de trois mois postérieure à la date de l’achat initial, et le tout à l’intérieur de la même année fiscale, soit celle qui est visée par l’appel.

(ii)             L’escompte pour perte[67]

[292]   Dans l’EVCC, l’escompte pour perte est destiné à prendre en compte le risque que les débiteurs ne paient pas entièrement leurs comptes clients. Comme il a été signalé plus haut, les chiffres de McKesson Canada à propos du rendement des comptes clients sur plusieurs années ont donné lieu à un taux de recouvrement moyen de 99,96 %. Cela représente 0,04 % de radiations par rapport aux ventes.

[293]   Comme il a été décrit plus tôt, l’escompte pour perte a été fixé à 0,23 % pour toute l’année en question, et ce, jusqu’au 31 décembre 2003.

[294]   Conformément à l’EVCC, l’escompte pour perte devait être recalculé chaque année par la suite ou chaque fois que la SMI estimait que le ratio des comptes clients des débiteurs désignés avait changé de façon marquée depuis le dernier calcul. En substance, selon les modalités de l’EVCC, seul l’escompte pour perte attribuable aux débiteurs désignés pouvait être changé, car celui qui était attribuable aux autres débiteurs était fixe, à 0,2380 %, pour toute la durée de cinq ans.

[295]   Les éléments de preuve ont confirmé que l’appelante et VMTD avaient calculé l’escompte pour perte fixe de 0,23 % pour 2003, de la même façon que le recalcul annuel que prévoyait l’EVCC.

[296]   La Cour ne retient pas la thèse portant que les modalités de l’EVCC concernant l’escompte pour perte applicable aux débiteurs désignés, ou la voie que le Groupe McKesson et VMTD ont suivie pour calculer l’escompte pour perte applicable aux autres débiteurs, reflètent des conditions de pleine concurrence. L’appelante n’a pas convaincu la Cour, d’après les éléments de preuve produits, que ces modalités reflétaient ce dont conviendraient dans des circonstances semblables des parties sans lien de dépendance, ayant des intérêts opposés sur le plan de la détermination des prix et des risques.

[297]   Premièrement, des éléments de preuve, l’on ne saurait tirer une conclusion sur la mesure dans laquelle la notation des obligations d’une société cotée constitue une approche marché raisonnablement précise pour évaluer le risque de défaut sur les comptes clients de la société à cause d’éléments de stocks dus à un fournisseur dominant important. Il y avait peu, ou pas, d’éléments de preuve, tendant à établir l’existence d’une corrélation suffisamment directe ou comparable, encore que je conviens que l’on puisse raisonnablement s’attendre à un certain degré de pertinence. Certains éléments de preuve que l’on m’a présentés confirmaient le contraire. L’appelante n’a fourni aucun élément de preuve à l’appui des analyses de crédit, des notations ou des cotes attribuées par le Service du crédit et du recouvrement de McKesson Canada au sujet de ses débiteurs cotés pour corroborer ou expliquer sa position. Dans les circonstances de la présente procédure, je puis seulement conclure que cela a été fait délibérément.

[298]   Deuxièmement, je ne puis raisonnablement conclure que l’on peut présumer qu’une entreprise sans notation d’obligations dissimule au public une notation implicite négative. De nombreuses entreprises privées, grandes ou petites, n’obtiennent pas de notation des obligations d’État simplement parce qu’elles n’ont aucun besoin ou souhait de lever des fonds dans les marchés des obligations, étant donné que les prêteurs et les sources de fonds traditionnels font parfaitement leur affaire. Ni les éléments de preuve ni le bon sens ne militent logiquement dans le sens que l’idée que toutes les sociétés non cotées représentent des risques de crédit équivalant à ceux des émetteurs d’obligations de catégorie spéculative.

[299]   Les doutes de la Cour sont en outre confirmés, d’un point de vue logique, par le fait que la démarche que le Groupe McKesson et VMTD ont suivie attribue aux comptes clients des clients de McKesson Canada un risque de crédit prospectif qui est très nettement supérieur au rendement antérieur, sur plusieurs années, de ces mêmes comptes.

[300]   La Cour ne retient pas l’idée que l’escompte pour perte attribuable à des débiteurs autres que les débiteurs désignés soit fixé par des parties sans lien de dépendance comme il l’a été, ni fixé au même chiffre pour une durée de cinq ans.

[301]   La Cour ne retient pas l’idée qu’un vendeur sans lien de dépendance souscrirait à des modalités qui donneraient lieu à un escompte pour perte représentant près de 600 % de ses comptes clients radiés antérieurement sans disposer de données projetées, planifiées ou raisonnablement anticipées sur un risque important de détérioration de ses activités, de ses clients, de ses comptes clients ou de l’économie canadienne ou mondiale en général, ce dont il n’existait aucun élément de preuve.

[302]   La Cour ne retient pas l’idée que des parties sans lien de dépendance conviendraient que l’on peut recalculer à tout moment l’escompte pour perte qui s’applique aux débiteurs désignés, si l’acheteur pensait que la combinaison de débiteurs désignés et d’autres débiteurs avait changé, mais pas si le vendeur pensait que la combinaison avait changé en sa faveur, à défaut d’une quelconque concession ou contrepartie compensatrice, ce qu’il n’y avait pas.

[303]   La Cour ne retient pas l’idée que des parties sans lien de dépendance conviendraient que ni les modalités de l’EVCC concernant l’escompte pour perte, ni les calculs sous-jacents faits à cet égard par le Groupe McKesson et VMTD, ne tiendraient pas directement compte du rendement antérieur ou du rendement courant réel du portefeuille des comptes clients.

[304]   Pour toutes ces raisons, je ne puis retenir la thèse que les modalités de l’EVCC concernant l’escompte pour perte, de même que les calculs du montant de l’escompte pour perte faits par le Groupe McKesson et par VMTD, étaient des modalités de pleine concurrence ou ont donné lieu à des montants de pleine concurrence appropriés. C’est donc la mission de la Cour d’estimer quel devrait être le montant approprié de l’escompte pour perte de façon à pouvoir calculer le taux d’escompte visé par l’EVCC. Ce faisant, la Cour est tenue de se limiter aux éléments de preuve dont elle dispose. Elle ne peut recourir qu’à une méthode d’estimation qu’elle peut utiliser avec la preuve disponible pour en arriver à un chiffre ou à une fourchette de chiffres. Le choix des éléments de preuve opéré par les parties peut être un facteur limitatif qui peut fort bien exclure le recours, par la Cour à une méthode qui serait plus efficace ou appropriée pour estimer un montant de pleine concurrence.

[305]   Les données antérieures n’ont rien de magique. Nous ne pouvons pas examiner des données futures, mais faire seulement des prévisions raisonnables. Après le fait, nous devons peut-être aussi évaluer à ce stade si une hypothèse antérieure au sujet de l’avenir, si elle avait été formulée, aurait été raisonnable. Ce faisant, nous avons peut-être en main ce qui, à l’époque, aurait été des données futures, mais qui, aujourd’hui, constitue des données tout aussi historiques. Le juge doit tout aborder avec soin. Rien n’est concluant, mais rien n’est tout à fait dénué de pertinence.

[306]   L’EVCC a été signée à l’époque où le taux de radiation des comptes clients du portefeuille par rapport aux ventes était de l’ordre de 0,04 %. Cela était bien connu et suivi par McKesson Canada ainsi que le Groupe McKesson. L’EVCC a accordé à la SMI un droit de résiliation exerçable sur-le-champ au cas où le ratio de défaillance ou le ratio de perte du portefeuille dépasserait des niveaux précis.

[307]   Selon le témoignage de Mme Hooper, ces deux déclencheurs de résiliation en particulier étaient conçus pour mettre concrètement fin au transfert d’autres comptes clients si le portefeuille n’avait pas un rendement aussi bon que par le passé. Le ratio de défaillance était conçu comme un système d’avertissement anticipé. Comme on peut s’attendre à ce que les défaillances augmentent avant que l’on constate une augmentation des pertes, le droit de résiliation était conçu pour jouer suffisamment tôt pour éviter de subir des pertes fort importantes. Selon le témoignage de Mme Hooper, le ratio de perte et le ratio de défaillance combinés devaient permettre à l’acheteuse de cesser d’acquérir des comptes clients additionnels à temps pour ne pas subir de pertes nettement supérieures à celles qui étaient prévues, d’après le rendement antérieur. Mme Hooper a déclaré que son équipe et elle, chez VMTD, avaient examiné à la fois les pertes et les défaillances historiques du portefeuille de comptes clients de McKesson Canada dans le cadre de sa mission, en prévision de la présentation du rapport de VMTD.

[308]   Je ne souscris pas nécessairement aux opinions énoncées dans le rapport de VMTD sur le caractère raisonnable, la normalité ou le caractère de pleine concurrence de ces deux déclencheurs de résiliation dans l’EVCC. En fait, je m’attendrais à ce qu’ils souffrent peut-être des mêmes lacunes que celles qui touchent le reste du rapport de VMTD, à savoir, principalement, que l’EVCC n’est pas une titrisation et que, à cet égard, cet instrument déborde le cadre de l’expertise de Mme Hooper et de son groupe. Quoi qu’il en soit, étant donné que ces deux ratios, d’après la définition qui en est donnée dans l’EVCC, incluent des informations financières de McKesson Canada qui n’ont pas été produites en preuve, ou du moins qui n’ont certes pas été expliquées comme il se doit des éléments de preuve, et que ces ratios définis et leur volatilité, jusqu’à la conclusion de l’EVCC, n’ont pas été mis en preuve, je ne saurais dire que les conclusions que l’on tire dans le rapport de VMTD me convainquent.

[309]   Cependant, je souscris entièrement à l’explication que Mme Hooper a donnée au sujet de leur objet et de leur efficacité. C’est-à-dire que je conclus que l’objet et l’effet du déclencheur de résiliation lié au ratio de défaillance et du déclencheur de résiliation lié au ratio de perte ont été conçus pour limiter le risque que la SMI achète de McKesson Canada des comptes clients d’un jour quelconque qui soient susceptibles de subir des pertes nettement supérieures à celles que le portefeuille subissait antérieurement[68].

[310]   Le taux de pertes historiques du portefeuille de comptes clients de McKesson Canada était de l’ordre de 0,04 %. Je conclus de tout cela qu’une SMI sans lien de dépendance notionnelle aurait été capable de mettre fin aux obligations que lui imposait l’EVCC, et qu’elle l’aurait fait, avant d’être obligée d’acheter des comptes clients dont le taux de risque de perte aurait été nettement supérieur à un taux de l’ordre de 0,04 %.

[311]   En tenant compte d’une augmentation de 50 à 100 %, ce qui est une interprétation extrêmement généreuse de ce que Mme Hooper voulait peut-être dire lorsqu’elle parlait d’une augmentation importante (en partie pour compenser le manque d’élégance de cette approche), je conclus qu’un risque de perte d’une SMI sans lien de dépendance notionnelle à l’égard de ses achats constants de comptes clients est que, à un certain moment ultérieur pendant la durée de l’EVCC (mais non à très court terme), elle aurait pu acheter environ quatre mois de comptes clients à un taux de radiation par rapport aux ventes anticipées de l’ordre de 0,06 à 0,08 %. On ne pourrait pas s’attendre à ce que ces comptes clients de moindre qualité aient été achetés au cours des quatre derniers mois de l’EVCC, avant sa résiliation. On pourrait continuer de s’attendre à ce que les comptes clients achetés le 16 décembre 2002, ainsi que pendant les autres mois antérieurs à la période de quatre mois précédant la résiliation, soient de meilleure qualité.

[312]   En se fondant sur cette approche, la Cour conclut qu’un élément « escompte pour perte » du taux d’escompte, de l’ordre de 0,06 à 0,08 %, se situe à l’extrémité généreuse de ce à quoi souscriraient une SMI sans lien de dépendance notionnelle et McKesson Canada.

[313]   Cette fourchette de taux concorde avec le chiffre auquel est arrivé M. Finard dans le cadre de son approche financière structurée. Selon cette dernière, le taux historique des radiations par rapport aux ventes de 0,04 % qui s’appliquait au portefeuille de comptes clients de McKesson Canada se comparait aux informations publiées par Moody’s au sujet d’entreprises notées entre A et Baa, lesquelles, à leur tour, comportaient des écarts de risque de crédit, selon VMTD, de 0,50 % et 1,00 % par année, et qui ont été calculés, selon une moyenne pondérée, par M. Finard à un taux de 0,68 %. Une fois ajusté en fonction d’un DMR de 30 jours, un écart de crédit annuel de 0,68 % reflète un escompte de 0,06 %.

[314]   Pour ces raisons, la Cour conclut au vu des éléments de preuve qui ont été produits qu’un escompte pour perte de pleine concurrence, pour les besoins de l’EVCC, serait de l’ordre de 0,06 à 0,08 %[69].

(iii)           L’écart d’escompte

[315]   L’écart d’escompte dont il est question dans l’EVCC a été calculé par le Groupe McKesson et VMTD comme étant la somme de quatre éléments différents.

1)                L’escompte pour service d’agent

[316]   La Cour ne souscrit pas à la thèse avancée dans le rapport de VMTD au sujet de l’escompte qui est nécessaire pour refléter le coût éventuel de la décision de retenir un nouvel agent serveur, en remplacement de McKesson Canada, pour les comptes clients déjà achetés.

[317]   L’entente de services d’agent fait état de frais mensuels de 800 000 $ à payer à l’agent serveur et elle désigne McKesson Canada comme agent initial. De par sa formulation, cette entente vise l’agent serveur de remplacement, en tenant pour acquis qu’un tel agent souscrirait à ces conditions.

[318]   M. Reifsnyder s’est dit d’avis que les frais annuels de 9 600 000 $ que prévoyait l’entente de services d’agent étaient suffisamment généreux pour qu’il soit possible de couvrir entièrement les frais de service, même s’il était nécessaire de faire affaire avec un agent serveur de remplacement pendant une courte période à ce niveau-là. Il avait pris part à des opérations dans lesquelles il avait fallu remplacer l’agent serveur.

[319]   Je ne souscris pas à la possibilité inexpliquée de 25 %, avancée par VMTD, selon laquelle il serait nécessaire de désigner un agent serveur de remplacement. Cela n’est pas du tout prouvé. VMTD commence par une perspective de moins de 10 % d’un déclassement de notation, qui constitue un fait résiliateur.

[320]   Je ne saurais dire que, même s’il survenait un fait résiliateur et si ce dernier était suivi d’une résiliation, une SMI sans lien de dépendance notionnelle exercerait invariablement son droit de désigner un agent serveur de remplacement. Selon les éléments de preuve, McKesson Canada disposait de politiques, de pratiques et de résultats excellents et très efficaces en matière de recouvrement. Un certain nombre des faits résiliateurs qui sont énumérés dans l’EVCC pouvaient se produire sans qu’ils aient une incidence connexe sur les capacités de maintien du service de McKesson Canada.

[321]   La désignation d’un agent serveur de remplacement pendant une courte période, une période variant entre 30 jours (le DMR) et 90 jours, soit le temps qui, d’après VMTD, serait nécessaire pour liquider le portefeuille une fois que l’on n’achèterait plus de nouveaux comptes clients, devait être mise en balance avec la perturbation que cela créerait sur le plan des relations avec les clients, ce qui pourrait retarder et contrecarrer davantage les paiements, et augmenter le temps d’apprentissage et les inefficiences avant qu’un nouvel agent serveur se mette à jour et entraîner des frais (directs et indirects). Une SMI sans lien de dépendance notionnelle évaluerait la perspective d’avoir à désigner un agent serveur de remplacement à un taux nettement inférieur à celui de 25 % ou de 40 % que VMTD et PwC, respectivement, ont tenu pour acquis. Au vu de la totalité des éléments de preuve qui précèdent, je suis d’avis que la probabilité serait nettement inférieure à 10 %.

[322]   Je souscris à l’opinion de M. Reifsnyder, qui se fonde sur son expérience des agents serveurs de remplacement et des services fournis dans le cadre de titrisations, qu’il se pouvait fort bien que les frais de service énoncés dans l’entente de services d’agent soient suffisants pour financer au besoin un agent serveur de remplacement.

[323]   Le Groupe McKesson et VMTD ont calculé l’escompte pour services en se servant comme coût, pour l’agent serveur de remplacement, d’un taux de 2 % du montant nominal des comptes clients. Le seul élément militant en faveur de ce chiffre était la fourchette de 1 à 3 % de la valeur nominale que VMTD avait obtenue d’un fournisseur tiers, peut-être un grand cabinet comptable. L’autre élément de preuve concernant le coût des services de remplacement, selon le rapport de VMTD, était que Bell Canada avait enregistré 1 % et Telus 2 % sur leurs titrisations de comptes clients canadiens. PwC, un cabinet comptable de grande taille, s’est servi de frais d’agent serveur de remplacement de l’ordre de 0,8 à 1,2 %. Moody’s et Standard & Poor’s ont toutes deux fixé le coût des agents serveurs de remplacement à 1 % du montant nominal des comptes clients[70].

[324]   Je conclus que les frais maximaux et raisonnables qu’occasionnerait un agent serveur de remplacement équivaudraient à 1 % des comptes clients à recouvrer dans le cas d’une SMI sans lien de dépendance notionnelle.

[325]   La SMI payait la somme de 9 600 000 $ par année à l’agent serveur aux termes de l’entente de services d’agent, ce qui équivaut à 800 000 $ par mois. Étant donné que le DMR des comptes clients achetés était lui aussi d’un mois, ces frais représentent environ 0,17 % du montant que McKesson Canada a payé en 2003 dans le cadre de l’EVCC, soit la somme de 460 000 000 $. Ces frais prévus par l’entente de services d’agent n’ont pas été controversés ni n’ont fait l’objet d’une nouvelle cotisation, et ils ne sont pas directement en cause dans le présent appel. En me fondant sur les frais à payer aux termes de l’entente de services d’agent du Groupe McKesson, frais que l’ARC n’a pas contestés, et que VMTD a confirmés dans son rapport supplémentaire, j’admets qu’une EVCC et une entente de services d’agent de pleine concurrence notionnelles permettraient de financer un escompte pour services de base, à même l’escompte prévu pour la SMI aux termes de l’EVCC, qui serait égal à 0,17 %[71].

[326]   Si l’on désignait un nouvel agent serveur de remplacement, ces frais ne seraient plus payés à McKesson Canada, mais au nouvel agent serveur, conformément à l’entente de services d’agent.

[327]   D’après M. Reifsnyder, cela pourrait n’exiger aucune dépense de plus que les montants prévus par l’entente de services d’agent. Selon l’approche préconisée par le Groupe McKesson et VMTD, un agent serveur de remplacement, s’il était désigné, ne serait payé qu’une seule fois pour recouvrer les comptes clients et liquider le portefeuille en bonne et due forme à la suite de la résiliation, par la SMI, de l’EVCC. En présumant que l’on peut raisonnablement s’attendre à ce que le portefeuille des comptes clients ait augmenté à 500 000 000 $, des frais d’agent serveur de remplacement de 1 %, à payer par l’acheteur, s’élèveraient à 5 000 000 $. À mon avis, il s’agit là du montant maximal externe et absolu que McKesson Canada, en tant qu’entité sans lien de dépendance notionnelle, conviendrait de payer à un acheteur pour le risque que représente l’agent serveur de remplacement[72].

[328]   Après avoir pris en compte la somme de 800 000 $ déjà disponible tous les mois, la SMI n’aurait pas à payer plus qu’une somme additionnelle de 4 200 000 $ en cas de résiliation. S’il fallait recouvrer simplement cette somme additionnelle de 4 200 000 $ pendant la durée de cinq ans, cela n’exigerait qu’un escompte inférieur à 0,02 %, en tenant pour acquise une utilisation constante, prévue par l’EVCC, à hauteur de 460 000 000 $. Cela ne tiendrait pas compte du risque, pour la SMI, qu’il faille désigner un agent serveur de remplacement avant la dernière période de la cinquième année. Par contre, cela ne tiendrait pas compte non plus du fait qu’il y a nettement moins qu’une possibilité de 100 % qu’il faille recourir aux services d’un agent serveur de remplacement.

[329]   S’il faut recouvrer entièrement la somme de 4 200 000 $ durant les douze premiers mois, l’escompte additionnel qui est nécessaire pour tenir compte du risque que pose l’agent serveur de remplacement, selon l’approche du Groupe McKesson/VMTD, est de 0,08 %. S’il fallait recouvrer entièrement ce montant au cours de la première moitié de la durée de l’EVCC, soit 30 mois, l’escompte additionnel qui serait nécessaire serait de 0,04 %.

[330]   Même si une SMI sans lien de dépendance notionnelle voulait recouvrer la totalité de cette somme de 4 200 000 $ au cours des trois premières périodes de règlement prévues par l’EVCC, soit celles qui sont survenues dans l’année d’imposition 2003 de McKesson Canada, cela veut dire qu’il faudrait qu’elle bénéficie d’un escompte additionnel de 1 400 000 $ dans chaque période. En présumant que l’utilisation projetée par l’EVCC demeurait à 460 000 000 $ pour les trois mois en question, cela représenterait un escompte, au chapitre du coût d’un agent serveur de remplacement, de 0,3 % pour ces trois mois-là seulement.

[331]   En me fondant sur les chiffres qui précèdent, je suis d’avis qu’il est raisonnable de conclure que McKesson Canada et la SMI, si elles n’entretenaient pas de lien de dépendance, accepteraient que la SMI finance et couvre entièrement le coût additionnel possible d’un agent serveur de remplacement, s’il se révélait nécessaire d’en désigner un, au cours d’une période équivalant, au plus court, aux douze premiers mois de l’EVCC (ce qui nécessiterait un escompte additionnel de 0,08 %) et, au plus long, aux trente premiers mois de l’EVCC (ce qui nécessiterait un escompte de 0,04 %).

[332]   Cette façon d’utiliser l’escompte de l’EVCC pour financer les frais de service prévus par l’entente de services d’agent, de même que le risque que pose un éventuel agent serveur de remplacement, n’est rien de plus qu’un changement du montant d’une modalité de l’EVCC conclue entre les parties, étant donné que l’écart d’escompte ne consiste qu’en un montant numérique. Cela cadre assurément avec ce qui est autorisé par les alinéas 247(2)a) et c).

[333]   En ajoutant l’escompte pour frais de service, fondé sur l’entente de services d’agent, de 0,17 %, ce qui, d’après M. Reifsnyder, serait suffisant pour couvrir aussi tout risque lié à un agent serveur de remplacement, au maximum de la fourchette que prévoient le Groupe McKesson/VMTD pour les escomptes pour frais d’agent serveur de remplacement, soit de 0,04 à 0,08 %, la Cour estime, en se fondant sur les éléments de preuve qui ont été produits, que la fourchette appropriée, pour ce qui est de l’escompte de service inclus dans l’écart d’escompte d’une SMI sans lien de dépendance notionnelle, serait de l’ordre de 0,17 à 0,25 %.

2)                L’escompte pour dilutions dues aux règlements rapides

[334]   Il n’est pas clair pourquoi les parties à l’EVCC ont prévu que les escomptes pour règlement rapide n’étaient pas traités comme des rentrées présumées, mais étaient plutôt au risque de l’acheteur. Quoi qu’il en soit, c’est ce que prévoit l’EVCC, et j’admets que des parties sans lien de dépendance pourraient souscrire à une telle modalité dans le cadre d’une opération de financement de comptes clients analogue. La question consiste donc uniquement à savoir si le risque de dilutions dues au règlement rapide de comptes clients a été pris en compte dans l’élément « écart d’escompte » du taux d’escompte selon des modalités de pleine concurrence.

[335]   Les niveaux historiques d’escompte pour règlement rapide sont très constants, selon les éléments de preuve, à 0,5 % ou 0,53 % des ventes. VMTD les a vérifiés sur une base annuelle sur plusieurs années et a obtenu un taux de 0,5 %. Dans son rapport, M. Becker est arrivé de façon indépendante à un taux d’escompte pour règlement rapide, sur trois ou quatre ans, de 0,5324 % des ventes.

[336]   Je n’admets pas que des parties sans lien de dépendance conviendraient d’un écart d’escompte fixe pour la durée de cinq ans afin de parer de manière équilibrée au risque d’un changement aux escomptes pour règlement rapide dont se prévalent les clients de McKesson Canada. Plus précisément, je n’admets pas que des parties sans lien de dépendance, dont les intérêts sont opposés sur le plan des risques et de la détermination des prix, souscriraient au tampon de 20 % de VMTD ou au coussin de 5 % de PwC.

[337]   Je conclus que, s’il fallait que des parties sans lien de dépendance souscrivent à un transfert du risque d’escompte pour règlement rapide (à la hausse et à la baisse) à l’acheteur, pour ce qui est de l’achat initial fait en décembre 2002, cette mesure serait basée sur le taux de rendement historique de 0,5 à 0,53 % du rendement des ventes à ce jour. Je ne retiens pas l’idée qu’un vendeur sans lien de dépendance fasse abstraction de la possibilité d’une variation favorable s’il acceptait d’accorder à l’acheteur un coussin de 5 % ou de 20 %. Je n’admets pas que ce coussin serait fixe pendant la durée de cinq ans. Je n’admets pas que l’une des parties n’exigerait pas de l’autre que l’on tienne également compte de l’effet de règlements plus rapides sur les DMR, pour l’application du taux d’escompte.

[338]   Selon moi, au vu des éléments de preuve, des parties sans lien de dépendance accepteraient plutôt d’éliminer presque entièrement le risque d’un changement, pendant la durée de l’EVCC, dans les niveaux des escomptes pour règlement rapide, en intégrant un élément de règlement rapide dynamique et variable sur trois ou quatre mois, ou sur un an, à l’élément « écart d’escompte » du taux d’escompte de façon à englober et à tenir entièrement compte du risque de changement. Cette approche s’appuie sur le témoignage de M. Becker et de M. Finard. Dans son rapport, M. Reifsnyder ne s’est pas soucié du risque de changement des niveaux d’escompte pour règlement rapide, parce que les comptes clients n’étaient pas considérés comme variables au chapitre de la participation à l’escompte pour règlement rapide. Là encore, cela serait autorisé par les alinéas 247(2)a) et c).

[339]   Si l’on utilise cette approche, l’élément « écart d’escompte » attribuable aux dilutions dues au règlement rapide de comptes clients serait de 0,5 à 0,53 % pour l’achat initial des comptes clients, en décembre 2002. Étant donné que ce chiffre s’était révélé très constant, et qu’il n’y avait aucun élément de preuve dont il ressort qu’il changerait, ou qu’il avait changé, de façon importante au cours des quelques mois suivants, j’estime de plus que des parties sans lien de dépendance auraient accepté d’utiliser un chiffre de l’ordre de 0,5 à 0,53 % pour refléter que les escomptes pour règlement rapide étaient supportés par l’acheteur, aux termes de l’EVCC, pour l’achat initial fait en décembre 2002 ainsi que pour le reste de l’année 2003 de McKesson Canada.

3)                L’escompte pour dilutions dues aux remises accumulées

[340]   Je ne retiens pas l’idée que le risque de dilutions dues aux remises accumulées justifie un escompte important. Les rapports d’expert de l’appelante ne vont pas dans ce sens non plus. Cette idée était celle du Groupe McKesson et de VMTD. Leur approche a été suivie dans le rapport de PwC, qui a ensuite qualifié le risque des remises accumulées de perte prévue que la SMI subirait. M. Glucksman a pris cette approche en considération, mais a plutôt préféré, avec hésitation, y substituer une approche du type « réserve » ou « nantissement ». J’ai fait part plus tôt de mes réflexions sur les lacunes de l’approche que VMTD a suivie à cet égard.

[341]   Je n’imagine certainement pas que McKesson Canada aurait convenu avec un acheteur sans lien de dépendance notionnel (à défaut d’une concession ou d’une contrepartie correspondante importante, dont aucune n’a été mise en preuve) d’un escompte qui : (i) reflétait un recouvrement intégral pour l’acheteur sans lien de dépendance notionnel en se fondant sur l’hypothèse selon laquelle la totalité des clients de McKesson Canada exerceraient le droit de se prévaloir de leurs remises accumulées, et ce, à un moment où le total des remises accumulées se situerait à un pic historique, ou bien (ii) attribuait à McKesson Canada un écart de risque de crédit équivalant au statut d’un émetteur d’obligations de pacotille.

[342]   Nul élément de preuve ne portait que les clients de McKesson Canada avaient déjà menacé, voire demandé, de déduire les remises qu’ils avaient accumulées des comptes en souffrance qu’ils devaient à McKesson Canada.

[343]   Dans les circonstances exposées en l’espèce ainsi qu’au vu des éléments de preuve présentés à la Cour, je suis d’avis que McKesson Canada ne conviendrait pas avec un acheteur sans lien de dépendance notionnel d’un escompte important qui refléterait la simple possibilité que l’on demande de déduire les remises et que, à la suite de cette demande, McKesson Canada n’indemniserait pas en fait l’acheteur des comptes clients. Il ne serait donc pas nécessaire d’attribuer un écart de risque de crédit pour McKesson Canada à une telle éventualité, que la preuve n’étaye pas.

[344]   Cela est confirmé par le témoignage explicite de MM. Becker et Finard, et cela concorde avec le fait que le risque que présentent les remises accumulées n’a pas été identifié, et encore moins quantifié, comme un risque de dilution du flux de trésorerie de l’EVCC dans le rapport de M. Reifsnyder.

[345]   Cela est également confirmé, jusqu’à un certain point, par le fait que McKesson Canada n’était pas tenue de séparer les recouvrements et pouvait les amalgamer aux termes de l’EVCC (à moins d’une résiliation). C’est-à-dire qu’aucun risque de crédit n’a été reconnu à l’égard de la capacité de McKesson Canada de payer les montants exigibles, même s’il s’agissait de montants fort élevés. Le Groupe McKesson n’a pas considéré qu’il y avait un risque sérieux que McKesson Canada soit insolvable ou fasse faillite, pas plus que l’amalgamation des fonds causerait un autre risque financier.

4)                L’escompte pour intérêt

[346]   L’escompte pour intérêt que le Groupe McKesson a utilisé dans l’EVCC visait à procurer à la SMI un rendement sur l’achat escompté de comptes clients, en plus de tous les montants susmentionnés, qui était égal à un coût de financement présumé (qu’elle ne supportait pas en fait) égal à ce que paierait un emprunteur de catégorie spéculative qui empruntait la totalité du prix d’achat des comptes clients en émettant sur le marché ses obligations de pacotille. Je conclus que cela est tout à fait inacceptable, déraisonnable et injustifié, au vu des éléments de preuve, et qu’il s’agit d’une modalité à laquelle ne souscrirait pas McKesson Canada dans une opération de financement de comptes clients semblable conclue avec une partie sans lien de dépendance dont les intérêts seraient opposés sur le plan des risques et de la détermination des prix.

[347]   En règle générale, la valeur d’un élément d’actif à vendre n’est pas touchée par le coût de financement d’un acheteur particulier. Habituellement, une entreprise ou un investisseur ayant de l’argent comptant ou un faible coût de financement peut faire avec profit des investissements moins risqués, offrant un rendement nominal inférieur, qu’une personne dont le coût de financement est élevé. Le coût de financement d’un acheteur n’amoindrit pas la valeur de l’élément d’actif qu’il souhaite acheter ou de l’investissement qu’il envisage de faire. Ce coût détermine simplement si cet acheteur particulier est en mesure de faire l’achat ou le placement de façon rentable et, si oui, dans quelle mesure.

[348]   On ne m’a pas produit d’élément de preuve satisfaisant dont il ressortirait que McKesson Canada a été amenée à solliciter le financement des comptes clients auprès d’une société d’affacturage à coût de financement ou à frais élevés, et non auprès d’un important participant financier mieux financé/à rendement inférieur/à coût inférieur, décrit dans la propre preuve de la contribuable. On ne m’a toutefois pas produit d’élément de preuve sur le coût du capital qui est associé aux opérations d’affacturage de comptes clients qu’exécutent d’importants participants bien financés.

[349]   Dans les circonstances entourant l’EVCC du Groupe McKesson dont il est question en l’espèce, et selon les éléments de preuve qui m’ont été produits, ou non, je conclus que McKesson Canada n’accepterait pas de vendre ses comptes clients à un taux d’escompte qui inclurait un escompte pour intérêt, de façon à refléter le coût de financement de son acheteur sans lien de dépendance notionnel au niveau fixé par le Groupe McKesson dans l’élément « écart d’escompte » du taux d’escompte prévu par l’EVCC, soit 0,4564 %. Au vu des éléments de preuve produits en l’espèce, j’estime que, pour l’année en cause, dans le cadre d’une opération de pleine concurrence notionnelle, une entité sans lien de dépendance notionnelle comme McKesson Canada conviendrait seulement d’un escompte pour intérêt variant entre 0,0 % et 0,08 %, ce dernier chiffre reflétant un écart de risque de crédit déterminé par notation et rajusté en fonction d’un DMR de 30 jours pour une société ayant la même notation que McKesson É.-U., d’après VMTD.

b)                Sommaire de l’estimation des fourchettes d’escompte de la Cour

[350]   La totalisation des éléments du taux d’escompte qui précèdent mène au résultat suivant :

Taux de rendement :

0,2293 %

Escompte pour perte :

0,06 – 0,08 %

Escompte pour service :

0,17 – 0,25 %

Escompte pour dilutions dues à un règlement rapide

0,5 – 0,53 %

Escompte pour dilutions dues aux remises accumulées

0 %

Escompte pour intérêts

0 – 0,08 %

Fourchette totale du taux d’escompte :

0,959 à 1,17 %

 

[351]   Si l’on applique le taux de rendement de 0,1911 pour l’année 2003 en cause, de façon à refléter la période de remboursement prévue, nettement plus courte, de l’achat initial de 460 000 000 $ de comptes clients en décembre 2002[73], cette fourchette de taux d’escompte diminue à un taux de 0,92 à 1,13 %. Cette fourchette diminuera encore davantage une fois que l’on aura aussi appliqué le DMR de 15 ou 16 jours aux éléments rajustés en fonction du DMR de l’escompte pour perte et de l’écart d’escompte.

11.            La conclusion sur le redressement des prix de transfert

[352]   La Cour a conclu que la fourchette des taux d’escompte dont conviendraient des parties sans lien de dépendance à une EVCC de pleine concurrence notionnelle serait de 0,959 à 1,17 %.

[353]   La contribuable n’a pas été en mesure d’établir au moyen d’éléments de preuve suffisamment crédibles et fiables que le taux d’escompte de 2,206 % que prévoyait l’EVCC avait été calculé selon des modalités cadrant avec les principes de la pleine concurrence.

[354]   Il ne ressort pas des éléments de preuve que le taux d’escompte qu’a utilisé le ministre du Revenu national (le « ministre ») dans la nouvelle cotisation, soit 1,013 %, était inférieur à un taux d’escompte, calculé d’après des modalités de pleine concurrence, pour une EVCC de pleine concurrence notionnelle. La Cour ne peut conclure, en se fondant sur l’ensemble des éléments de preuve, que la nouvelle cotisation est inexacte, car elle se situe dans la fourchette des taux de pleine concurrence que la Cour a déterminée.

[355]   Quoi qu’il en soit, il n’est pas nécessaire de considérer qu’un point particulier à l’intérieur de la fourchette déterminée constitue le prix de transfert de pleine concurrence, car, il importe de le souligner, les éléments de preuve de la contribuable ne peuvent pas être assimilés à une preuve prima facie qui « démolit » les hypothèses de fait importantes que le ministre a formulées à l’appui des nouvelles cotisations[74].

[356]   Selon l’hypothèse (v), au paragraphe 28 de la réponse modifiée, le taux d’escompte qui aurait été convenu si l’appelante et la SMI n’entretenaient pas de liens de dépendance aurait été fixé à un taux maximal de 1,0127 %. La contribuable n’a pu s’acquitter du fardeau d’établir que le montant de la nouvelle cotisation était inexact. Les lacunes du rapport de VMTD, du rapport de M. Reifsnyder ainsi que des témoignages rendus à l’appui de ces deux documents, étaient évidentes et manifestes et n’exigeaient pas que l’intimée rapporte la preuve contraire en vue de les faire ressortir. Pour cette raison, l’appel de la contribuable au sujet du redressement du prix de transfert est rejeté.

[357]   Il s’agit là d’un résultat approprié. Il ne conviendrait pas que la Cour ordonne au ministre, dans une affaire telle que la présente, de réexaminer le dossier et d’établir une nouvelle cotisation en prenant pour base le chiffre supérieur de la fourchette des taux d’escompte de pleine concurrence (1,17 %). Une telle mesure récompenserait les contribuables ambitieux qui compteraient alors sur la Cour pour s’assurer de bénéficier du prix de transfert le plus élevé possible. Cela inciterait à faire mauvais usage des ressources et des dépenses de l’État. Par contraste, dans les différends en matière de prix de transfert qui, comme c’est le cas en l’espèce, mettent souvent en cause des montants fort importants, les frais des contribuables peuvent être inférieurs à la valeur d’une variation, même légère, du prix sous‑jacent de l’élément d’actif ou du service en question. Les contribuables seraient incités, pour des raisons d’ordre économique, à faire appel à la Cour pour s’assurer d’obtenir leur prix de transfert maximal en optant pour un prix vraisemblablement supérieur.

[358]   De plus, la fourchette des taux d’escompte qui se rapporte à l’année en cause est inférieure à la fourchette de 0,959 à 1,17 %. Si l’on estime que le point médian de la fourchette applicable à 2003 est le taux d’escompte de pleine concurrence qui convient, et après avoir effectué les autres rajustements de DMR nécessaires aux éléments de l’escompte pour perte et de l’écart d’escompte qui sont décrits au paragraphe 288 qui précède, il semble que, en tout état de cause, le taux d’escompte de pleine concurrence que la Cour a fixé pour l’année 2003 en cause soit inférieur au taux dont le ministre s’est servi dans la nouvelle cotisation.

12.            L’opportunité de la cotisation établie au titre de la partie XIII à l’endroit de McKesson Canada

a)                La question en litige

[359]   La cotisation du fait d’autrui qui a été établie à l’endroit de McKesson Canada fait suite au défaut de celle-ci de retenir et de verser à l’ARC l’impôt sur l’avantage qu’elle a payé à sa société mère (et unique actionnaire) – la SMI – en transférant des comptes clients à un taux d’escompte surestimé, ce qui l’a amenée à céder certains de ses actifs à sa société mère/actionnaire.

[360]   Le montant de cet avantage est réputé avoir été un dividende payé par McKesson Canada à la SMI, dividende pour lequel la SMI est assujettie à l’impôt canadien retenu des non-résidents qui est prévu à la partie XIII[75]. Aux termes de la Convention fiscale Canada-Luxembourg[76] (la « Convention fiscale ») (qui, d’après l’intimée, ne s’applique que pour les besoins du présent appel), la retenue d’impôt des non-résidents à payer sur le revenu de dividendes qu’un Canadien reçoit d’un résident du Luxembourg est réduite de 25 à 5 %.

[361]   Indépendamment de l’assujettissement de la SMI à l’impôt de la partie XIII de la Loi sur son revenu de dividendes de source canadienne, McKesson Canada, à titre de société payeuse, est tenue par la Loi de percevoir auprès de la SMI, à titre de société bénéficiaire, et de verser ensuite à l’ARC pour le compte de la société non-résidente, un montant égal à celui de la retenue d’impôt de non-résident que la société bénéficiaire non résidente doit payer. La société payeuse canadienne, McKesson Canada, est elle-même redevable, aux termes de la partie XIII de la Loi, d’un montant égal à celui qu’elle aurait perçu de la société non résidente et versé à l’ARC, ce qu’elle n’a pas fait. L’obligation de retenue a pour but de faciliter les activités d’application de la loi fiscale et de recouvrement menées au Canada visant les payeurs canadiens, sans avoir à poursuivre les bénéficiaires non-résidents. En cas d’inobservation de ce mécanisme de recouvrement, l’obligation directe, du fait d’autrui, qu’a le payeur canadien de payer un montant équivalent, aux termes du paragraphe 215(6), sert, elle aussi, à la même fin. La Loi dispose que le payeur canadien peut obtenir une indemnité du non-résident.

[362]   La nouvelle cotisation en matière de prix de transfert à l’endroit de McKesson Canada, pour un impôt sur le revenu additionnel au titre de la partie I de la Loi, a été établie par l’ARC le 25 mars 2008.

[363]   La cotisation établie au titre de la partie XIII à l’endroit de McKesson Canada, pour sa responsabilité à l’égard d’un montant égal à celui qu’elle aurait dû retenir de la SMI et verser pour le compte de cette dernière, a été établie par l’ARC le 15 avril 2008.

[364]   L’ARC n’a jamais imposé une retenue d’impôt des non-résidents à la SMI relativement à l’avantage conféré par le taux d’escompte de pleine concurrence prévu par l’EVCC en prélevant une retenue d’impôt des non-résidents au titre de la partie XIII sur le revenu de dividendes de source canadienne de la SMI.

[365]   Il n’y a eu aucun élément de preuve que la SMI avait un montant élevé d’impôt luxembourgeois à payer sur les profits réalisés dans le cadre de l’EVCC. Le seul élément de preuve est que l’impôt canadien qu’a évité le Groupe McKesson dans sa courte année 2003 s’élevait à 4 500 000 $US et que l’on s’attendait à ce qu’il y ait une certaine forme d’impôt luxembourgeois à payer, d’un montant de 29 000 $US. On ne m’a pas non plus présenté d’élément de preuve dont il ressort qu’il y avait un montant d’impôt luxembourgeois, élevé ou non, que la SMI avait à payer sur son dividende réputé au titre de la Loi canadienne[77].

[366]   La Convention fiscale comporte une limite expresse et précise de cinq années civiles pour imposer un montant d’impôt sur un revenu découlant du redressement d’un prix de transfert dans des circonstances précises. L’ARC avait à l’esprit ce délai de cinq ans lorsqu’elle a établi la nouvelle cotisation en matière de redressement de prix de transfert à l’endroit de McKesson Canada, et elle a devancé l’échéance de quelques jours. Pour une raison inexpliquée, la cotisation au titre de la partie XIII a été établie à l’endroit de McKesson Canada par l’ARC trois semaines plus tard et en dehors de la période de cinq ans, en présumant que la Convention fiscale s’appliquait à une telle cotisation. La question relative à la partie XIII qui est en litige dans le présent appel consiste à savoir si l’article 9 de la Convention fiscale s’applique à la cotisation que les autorités fiscales canadiennes ont établie à l’endroit de McKesson Canada pour ne pas avoir versé à l’ARC le montant que la Loi l’obligeait à retenir de la SMI. Elle ne porte pas sur une cotisation d’impôt canadien que l’ARC a établie à l’endroit de la SMI.

b)                Les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu et de la Convention fiscale

[367]   Les passages pertinents des dispositions de la Loi sont les suivants :

Partie I, paragraphe 15(1) :

15(1) Avantage aux actionnaires – La valeur de l’avantage qu’une société confère, à un moment donné, à son actionnaire, […] est incluse dans le calcul du revenu de l’actionnaire, de l’associé ou de l’actionnaire pressenti, selon le cas, pour son année d’imposition qui comprend ce moment […]

Partie XIII, alinéa 214(3)a) :

214(3) Sommes réputées constituer des paiements – Pour l’application de la présente partie [XIII] :

a) le montant qui serait inclus dans le calcul du revenu d’un contribuable selon l’article 15 ou le paragraphe 56(2), si la partie I s’appliquait, est réputé avoir été versé au contribuable à titre de dividende provenant d’une société résidant au Canada;

Partie XIII, paragraphe 212(2) :

212(2) Impôt sur dividendes – Toute personne non-résidente paie un impôt sur le revenu de 25 % sur toute somme qu’une société résidant au Canada lui paie ou porte à son crédit ou est réputée, selon les parties I ou XIV, lui payer ou porter à son crédit, au titre ou en paiement intégral ou partiel :

a) d’un dividende imposable […];

b) d’un dividende en capital.

Partie XIII, paragraphe 215(1) :

215(1) Déduction et paiement de l’impôt – La personne qui verse, crédite ou fournit une somme sur laquelle un impôt sur le revenu est exigible en vertu de la présente partie [XIII], […]ou qui est réputée avoir versé, crédité ou fourni une telle somme, doit, malgré toute disposition contraire d’une convention ou d’une loi, en déduire ou en retenir l’impôt applicable et le remettre sans délai au receveur général au nom de la personne non-résidente, à valoir sur l’impôt, et l’accompagner d’un état selon le formulaire prescrit.

Partie XIII, paragraphe 215(6) :

215(6) Assujettissement à l’impôt –Lorsqu’une personne a omis de déduire ou de retenir, comme l’exige le présent article, une somme sur un montant payé à une personne non-résidente ou porté à son crédit ou réputé avoir été payé à une personne non-résidente ou porté à son crédit, cette personne est tenue de verser à titre d’impôt sous le régime de la présente partie, au nom de la personne non-résidente, la totalité de la somme qui aurait dû être déduite ou retenue, et elle a le droit de déduire ou de retenir sur tout montant payé par elle à la personne non-résidente ou portée à son crédit, ou par ailleurs de recouvrer de cette personne non-résidente toute somme qu’elle a versée pour le compte de cette dernière à titre d’impôt sous le régime de la présente partie.

Partie XIII, alinéa 227(10)d) :

227(10) Cotisation – Le ministre peut, en tout temps, établir une cotisation pour les montants suivants :

[…]

d) un montant payable en vertu de la partie XIII par une personne qui réside au Canada

[…]

[368]   L’article 9 de la Convention fiscale Canada-Luxembourg dispose :

Article 9
Entreprises associées

1. Lorsque

a) une entreprise d’un État contractant participe directement ou indirectement à la direction, au contrôle ou au capital d’une entreprise de l’autre État contractant, ou que

Article 9
Associated Enterprises

1. Where

(a) an enterprise of a Contracting State participates directly or indirectly in the management, control or capital of an enterprise of the other Contracting State, or

b) les mêmes personnes participent directement ou indirectement à la direction, au contrôle ou au capital d’une entreprise d’un État contractant et d’une entreprise de l’autre État contractant,

(b) the same persons participate directly or indirectly in the management, control or capital of an enterprise of a Contracting State and an enterprise of the other Contracting State,

Et que, dans l’un et l’autre cas, les deux entreprises sont, dans leurs relations commerciales ou financières, liées par des conditions convenues ou imposées, qui diffèrent de celles qui seraient convenues entre des entreprises indépendantes, les revenus qui, sans ces conditions, auraient été réalisés par l’une des entreprises, mais n’ont pu l’être en fait à cause de ces conditions, peuvent être inclus dans les revenus de cette entreprise et imposés en conséquence.

and in either case conditions are made or imposed between the two enterprises in their commercial or financial relations which differ from those which would be made between independent enterprises, then any income which would, but for those conditions, have accrued to one of the enterprises, but, by reason of those conditions, have not so accrued, may be included in the income of that enterprise and taxed accordingly.

2. Lorsqu’un État contractant inclut dans les revenus d’une entreprise de cet État — et impose en conséquence — des revenus sur lesquels une entreprise de l’autre État contractant a été imposée dans cet autre État, et que les revenus ainsi inclus sont des revenus qui auraient été réalisés par l’entreprise du premier État si les conditions convenues entre les deux entreprises avaient été celles qui auraient été convenues entre des entreprises indépendantes, l’autre État procède à un ajustement approprié du montant de l’impôt qui y a été perçu sur ces revenus. Pour déterminer cet ajustement, il est tenu compte des autres dispositions de la présente Convention et, si c’est nécessaire, les autorités compétentes des États contractants se consultent.

2. Where a Contracting State includes in the income of an enterprise of that State — and taxes accordingly — income on which an enterprise of the other Contracting State has been charged to tax in that other State and the income so included is income which would have accrued to the enterprise of the first-mentioned State if the conditions made between the two enterprises had been those which would have been made between independent enterprises, then that other State shall make an appropriate adjustment to the amount of tax charged therein on that income. In determining such adjustment, due regard shall be had to the other provisions of this Convention and the competent authorities of the Contracting States shall if necessary consult each other.

3. Un État contractant ne rectifiera pas les revenus d’une entreprise dans les cas visés au paragraphe 1 après l’expiration des délais prévus par sa législation nationale et, en tout cas, après l’expiration de cinq ans à dater de la fin de l’année au cours de laquelle les revenus qui feraient l’objet d’une telle rectification auraient, sans les conditions visées au paragraphe 1, été réalisés par cette entreprise.

3. A Contracting State shall not change the income of an enterprise in the circumstances referred to in paragraph 1 after the expiry of the time limits provided in its national laws and, in any case, after five years from the end of the year in which the income which would be subject to such change would, but for the conditions referred to in paragraph 1, have accrued to that enterprise.

4. Les dispositions des paragraphes 2 et 3 ne s’appliquent pas en cas de fraude ou d’omission volontaire.

4. The provisions of paragraphs 2 and 3 shall not apply in the case of fraud or wilful default.

c)                 Les thèses des parties

[369]   La thèse de l’appelante porte que le paragraphe 9(3) de la Convention fiscale s’applique et que la cotisation était frappée de prescription par ce paragraphe, car elle a été établie après l’expiration de la période de cinq ans.

[370]   L’intimée soutient que, bien que la cotisation au titre de la partie XIII que l’ARC a établie pour la responsabilité du fait d’autrui de McKesson Canada à l’égard d’un montant égal à celui qu’elle aurait dû retenir et verser à l’ARC quand elle a payé la SMI soit la même que pour le montant d’impôt canadien que la SMI aurait payé sur son revenu de dividendes réputé, l’obligation distincte qu’a McKesson Canada, aux termes du paragraphe 215(6) de la Loi, à titre de société payeuse canadienne ayant omis d’effectuer un versement, est différente, pour l’application de l’article 9 de la Convention fiscale, d’un changement apporté au revenu de la SMI à des fins fiscales et découlant de l’avantage conféré ainsi que du dividende réputé qui en résulte.

[371]   L’intimée soutient également que la définition du revenu à l’article 9 de la Convention fiscale ne vise pas le revenu de dividende réputé. Elle ajoute qu’un dividende réputé qui découle précisément de la relation de pleine concurrence ne peut pas être assimilé au revenu défini au paragraphe 9(1). Le ministère public soutient que la SMI n’aurait acquis ni un avantage ni un dividende réputé si l’on retirait de l’EVCC les conditions autres que celles de pleine concurrence, c’est-à-dire si le taux d’escompte avait été le taux d’escompte de pleine concurrence approprié. Tel ne serait le cas que si le taux d’escompte prévu par l’EVCC était calculé selon des modalités de pleine concurrence et si la SMI avait payé pour les comptes clients transférés le prix d’achat supérieur qui en résulterait, ou si moins que la totalité du portefeuille de comptes clients avait été transférée de façon à refléter la valeur sous-estimée par l’EVCC. Dans l’un ou l’autre cas, il n’y aurait pas eu d’avantage conféré dans le cadre des opérations ajustées, avec le résultat qu’il n’y aurait pas de dividende réputé et que la SMI n’aurait pu tirer un revenu de dividendes de McKesson Canada que si cette dernière avait payé un dividende ou conféré un avantage en dehors du cadre de l’EVCC, après avoir fait un rajustement pour tenir compte des modalités de pleine concurrence. Le ministère public soutient que la SMI aurait pu gagner un dividende réel si les conditions de pleine concurrence étaient supprimées de l’EVCC, mais uniquement si McKesson Canada avait déclaré séparément un dividende pour ce montant particulier.

d)                L’interprétation des conventions fiscales

[372]   La Convention de Vienne sur le droit des traités[78] dispose qu’un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer à ses mots, au regard du contexte, et à la lumière de son objet ainsi que de son but. Elle avalise aussi la prise en compte de toute pratique ultérieurement suivie dans l’application du traité dans certaines circonstances et pour certaines fins, ainsi que de l’utilisation de moyens complémentaires d’interprétation lorsque l’interprétation du traité conduit par ailleurs à un résultat manifestement absurde ou déraisonnable.

[373]   Dans l’arrêt The Queen v. Crown Forest Industries Limited et al., 95 DTC 5389, la Cour suprême du Canada observe : « L’interprétation d’un traité vise d’abord et avant tout à trouver le sens des termes en question. Il convient donc de considérer le langage utilisé ainsi que l’intention des parties. » La Cour cite ensuite, et approuve, les observation du juge Addy, dans la décision Gladden Estate v. The Queen, 85 DTC 5188, à la page 5191 :

Contrairement à une loi fiscale ordinaire, un traité ou une convention en matière d’impôt doit être interprété de façon libérale, de manière à appliquer les véritables intentions des parties. Il faut éviter une interprétation littérale ou légaliste lorsque l’objet fondamental du traité pourrait être rejeté ou contrecarré dans la mesure où le point particulier à l’étude est visé.

[374]   Tant la Convention de Vienne que la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Crown Forest, enseignent que « l’interprétation littérale n’a aucun rôle à jouer en matière d’interprétation des traités » : Coblentz v. The Queen, 96 DTC 6531 (CAF).

[375]   Par l’arrêt Crown Forest, la Cour suprême du Canada a aussi décidé que, pour vérifier les objets de l’article d’un traité, le juge peut recourir à des documents extrinsèques qui font partie du contexte juridique, notamment les conventions modèles acceptées et les commentaires officiels portant sur celles-ci, sans qu’il soit nécessaire d’avoir préalablement décelé une ambiguïté.

[376]   Le préambule de la Convention fiscale Canada-Luxembourg recense ses objectifs, qui sont d’éviter les doubles impositions et de prévenir la fraude fiscale. Dans l’arrêt Crown Forest, la Cour suprême du Canada a décrété que les objets de la Convention Canada-États-Unis comprenaient aussi la promotion du commerce international entre les deux pays ainsi que la réduction des complexités administratives engendrées par l’obligation de se conformer à deux régimes fiscaux non coordonnés.

[377]   À l’occasion de l’affaire La Reine c. Prévost Car Inc., 2009 CAF 57, 2009 DTC 5053, la Cour d’appel fédérale a confirmé la pertinence possible des Commentaires de l’OCDE sur le Modèle de Convention de l’OCDE, y compris les commentaires faits postérieurement à la date de conclusion d’un traité particulier.

e)                 L’analyse

[378]   Le paragraphe (1) est le principal paragraphe de redressement du prix de transfert de l’article 9 de la Convention fiscale. Aux fins de l’appel de McKesson Canada, ce paragraphe dispose que, si a) la SMI contrôle McKesson Canada ou b) McKesson É.-U. participe directement ou indirectement à la gestion ou au contrôle de la SMI et de McKesson Canada et que c) les conditions de leurs relations financières ou commerciales diffèrent de celles qui seraient convenues entre des parties indépendantes, dans ce cas d) tout revenu qui aurait été dévolu à McKesson Canada, n’eût été de ces conditions différentes, mais qui ne l’a pas été à cause de ces conditions, peut être inclus dans le revenu de McKesson Canada et assujetti à l’impôt canadien.

[379]   Le paragraphe 9(1) est en cause dans le présent appel, parce qu’il y est fait référence au paragraphe (3) de l’article 9. Il est à signaler que le paragraphe 9(1) autorise clairement l’un ou l’autre État – le Canada ou le Luxembourg – à imposer l’une ou l’autre société si les conditions préalables sont réunies. C’est-à-dire que, lorsque les circonstances s’y prêtent, le paragraphe 9(1) autorise le Canada à effectuer un redressement du prix de transfert au revenu de la SMI qui est assujetti à l’impôt au Canada, comme si la SMI exploitait au Canada des activités dans le cadre desquelles elle concluait des opérations avec lien de dépendance, aux termes de modalités avec lien de dépendance, avec des parties avec lien de dépendance. Cela va évidemment de soi. Une question qui est soulevée dans cette partie-ci de l’appel de McKesson Canada est celle de savoir si le paragraphe 9(1) vise aussi le fait que le Canada ajuste indirectement le montant du revenu de dividendes réputé de source canadienne que la SMI a tiré par suite de ses avantages à titre d’actionnaire ou d’affectations issus de McKesson Canada, en raison du taux d’escompte surestimé dans l’EVCC.

[380]   Le paragraphe (2) est le paragraphe de redressement correspondant de l’article 9. Aux fins de l’appel de McKesson Canada, ce paragraphe dispose que, si le Canada inclut un montant découlant d’un redressement du prix de transfert dans le revenu de McKesson Canada et si la SMI a déjà payé sur ce montant l’impôt sur le revenu du Luxembourg, le Luxembourg doit, dans ce cas, effectuer le l’ajustement correspondant à l’impôt sur le revenu du Luxembourg que la SMI a payé.

[381]   Le paragraphe 9(2) n’est aucunement en cause dans le présent appel. Il convient de signaler que ce paragraphe autorise seulement un État à rajuster l’impôt que lui a payé l’entreprise de cet État. Évidemment, cela va aussi de soi.

[382]   Dans le présent appel, il ne ressort d’aucun élément de preuve que la SMI avait payé au Luxembourg de l’impôt sur le revenu qu’elle avait tiré des comptes clients de McKesson Canada aux termes de l’EVCC. La seule preuve était la note manuscrite de M. Brennan selon laquelle on pouvait s’attendre à ce qu’un montant d’impôt non-défini soit à payer au Luxembourg par suite de l’achat et du recouvrement des comptes clients de McKesson Canada aux termes de l’EVCC. Cela n’a pas été qualifié d’impôt sur le revenu. Il n’y avait non plus aucun élément de preuve portant qu’il était nécessaire de rajuster de quelque façon l’impôt du Luxembourg auquel la SMI était assujettie pour remédier à tout double impôt, ou si cette mesure avait été soit demandée par la SMI soit accordée par le Luxembourg.

[383]   Le paragraphe (3) de l’article 9 est celui qui prescrit un délai de cinq ans pour opérer certains redressements aux prix de transfert définis. Aux fins de l’appel de McKesson Canada de la cotisation de la partie XIII qui vise le montant qu’elle aurait dû percevoir de la SMI et verser à l’ARC à l’égard de l’impôt canadien au titre de la partie XIII qu’elle avait à payer sur l’avantage (ou le dividende réputé) découlant du taux d’escompte surestimé et du paiement insuffisant que la SMI avait ainsi payé à McKesson Canada aux termes de l’EVCC pour les comptes clients transférés, le paragraphe (3) dispose que le Canada ne peut pas changer le revenu de la SMI, dans les circonstances mentionnées au paragraphe (1), après l’expiration d’une période précise. Cette période est de cinq ans à compter de la fin de l’année au cours de laquelle le revenu de la SMI que le Canada souhaitait faire redresser aurait été réalisé par la SMI, sans les conditions visées au paragraphe 9(1).

[384]   À l’évidence, le paragraphe 9(3) prévoit un délai maximal de cinq ans (sauf en cas de fraude ou d’omission volontaire)[79] pour que l’un ou l’autre État effectue le redressement du prix de transfert que prévoit le paragraphe 9(1). Il indique aussi clairement le délai avant l’expiration duquel l’autre État doit effectuer le redressement correspondant à sa contrepartie aux termes du paragraphe 9(2).

[385]   Il est clair que le paragraphe 9(3) peut viser la cotisation établie par l’un ou l’autre pays à l’égard de la partie canadienne ou de la partie luxembourgeoise, puisqu’il fait référence aux cas visés au paragraphe 9(1) qui peuvent jouer de la sorte.

[386]   McKesson Canada soutient que, vu aussi le paragraphe 9(3), le Canada ne peut établir à son endroit une cotisation au titre du paragraphe 215(6) après le mois de mars 2008. Pour que cette thèse puisse être retenue, il est nécessaire de répondre aux exigences suivantes du paragraphe 9(3) (et, par recoupement, du paragraphe 9(1)) :

(i)      la cotisation établie au titre du paragraphe 215(6) à l’endroit de McKesson Canada doit être un changement dans le revenu de la SMI.

(ii)     cet ajustement du revenu de la SMI doit être, dans les circonstances, visé au paragraphe 9(1), c’est-à-dire :

a)       la SMI contrôle McKesson Canada, ou tant la SMI que McKesson Canada sont gérées ou contrôlées indirectement par McKesson É.-U.;

b)      les conditions des relations financières ou commerciales entre la SMI et McKesson Canada diffèrent de celles qui seraient convenues entre des parties indépendantes;

c)       le redressement de revenu est un revenu que la SMI aurait réalisé, et non McKesson Canada, n’eût été ces conditions différentes dans leurs relations financières et commerciales;

d)      le Canada a cherché à ajouter le redressement de revenu au revenu de la SMI et l’a imposé en ce sens;

(iii)    il doit s’être écoulé un délai de cinq ans avant la fin de l’année dans laquelle le revenu de la SMI que l’on souhaite changer aurait été réalisé par la SMI, sans les conditions qui différaient de celles qui seraient convenues entre des parties indépendantes.

[387]   À mon avis, cette thèse ne saurait être retenue, car la cotisation que le Canada a établie, au titre du paragraphe 215(6), à l’endroit de McKesson Canada ne satisfait pas à toutes ces exigences.

[388]   Premièrement, je me demande si la cotisation du fait d’autrui établie, au titre du paragraphe 215(6), à l’endroit d’un payeur canadien pour avoir omis de retenir et de verser un montant d’impôt est un changement, par le Canada, au revenu de la SMI (l’exigence (i) ci-dessus), ou s’il s’agit du Canada qui cherche à ajouter au revenu de la SMI un montant représentant un redressement du prix de transfert et à imposer ce montant supérieur (l’exigence (ii)d) ci-dessus).

[389]   Je suis plus enclin à considérer cela comme une disposition de répression et de recouvrement qu’une disposition d’imputation d’impôt. Le paragraphe 215(6) permet à l’ARC d’imposer au payeur canadien un montant déterminé par voie de référence au montant que celui aurait dû verser – mais qu’il n’a pas versé – à l’ARC, lequel montant de retenue est à son tour déterminé par voie de référence au montant d’impôt canadien que le bénéficiaire non résident aurait eu à payer. Cependant, dans les circonstances, je n’ai pas à me prononcer sur ce point pour disposer du présent appel.

[390]   Il semble bel et bien clair que le fait d’établir une cotisation à l’endroit de McKesson Canada pour avoir omis de retenir et de verser un montant d’impôt n’est pas assimilable au fait que le Canada ajoute au revenu de la SMI le revenu correspondant au redressement du prix de transfert et qu’il l’impose ensuite (l’exigence (ii)d) ci-dessus). Le fait d’ajouter le montant au revenu de la SMI et de l’imposer en conséquence requiert que le Canada ait cherché à imposer la SMI.

[391]   Deuxièmement, il est plus clair encore que l’on n’a pas satisfait à ces exigences parce que le seul redressement du prix de transfert que prévoit le paragraphe 9(1) est un revenu qui, n’eût été les conditions de la partie liée, aurait été réalisé par la SMI dans le cadre des opérations visées par l’EVCC (l’exigence (ii)c) ci-dessus). Même si le montant de l’avantage imposable et du dividende réputé de la SMI peut être le même que ce redressement du prix de transfert, il ne s’agit pas d’un montant de revenu que, si l’EVCC comportait un taux d’escompte de pleine concurrence, la SMI aurait réalisé. Au contraire, le redressement du prix de transfert est un revenu que, sans les modalités avec lien de dépendance, McKesson Canada aurait réalisé.

[392]   Si l’EVCC avait utilisé un taux d’escompte entre sociétés sans lien de dépendance, et non le taux d’escompte entre sociétés ayant un lien de dépendance qui a été effectivement utilisé, le redressement qu’autoriserait le paragraphe 9(1) ne pourrait être que le revenu additionnel que McKesson Canada aurait réalisé. Il n’y aurait pas eu d’avantage excédentaire conféré à la SMI, ou d’affectation de cette dernière, à imposer à titre de dividende réputé, et il n’y aurait pas eu non plus de dividende proprement dit, sauf si un dividende avait été déclaré et payé par McKesson Canada à la SMI, ce qui n’a pas non plus été le cas. Manifestement, on ne peut pas considérer que le paragraphe 9(3) vise le dividende réputé de la SMI qui résulte du paiement du taux d’escompte entre sociétés ayant un lien de dépendance. Pour cette seule raison, l’appel de la contribuable ne peut pas être retenu à l’égard de la cotisation établie au titre de la partie XIII.

[393]   Troisièmement, le même problème fatal se pose de manière tout aussi évidente, une fois de plus, en rapport avec l’exigence que comporte le paragraphe 9(3) (décrite au point (iii) ci-dessus), à savoir que le délai de prescription de cinq ans ne peut commencer à courir qu’à partir de la fin de l’année dans laquelle le revenu de la SMI que l’on cherche à changer aurait été, sans le taux d’escompte entre sociétés ayant un lien de dépendance qui était utilisé dans l’EVCC, réalisé par la SMI. Là encore, si l’on avait utilisé dans l’EVCC un taux d’escompte entre sociétés sans lien de dépendance au cours de l’année de McKesson Canada prenant fin le 31 mars 2003, le revenu additionnel aurait été réalisé par McKesson Canada, et non par la SMI, car cette dernière aurait payé davantage à McKesson Canada pour ses comptes clients. À l’évidence, l’exception que prévoit la Convention fiscale requiert que l’on remplace les conditions entre sociétés sans lien de dépendance par les conditions entre sociétés ayant un lien de dépendance, et, si cela est fait, les montants du revenu rajusté dont il est question aux paragraphes 9(1) et 9(3) ne peuvent être considérés que comme des montants que McKesson Canada, et non pas la SMI, aurait réalisés. Il s’agit là d’une troisième raison indépendante pour laquelle le paragraphe 9(3) ne peut pas dégager McKesson Canada de sa responsabilité qu’impose l’établissement de la cotisation au titre de la partie XIII pour avoir omis de retenir et de verser un montant d’impôt après avoir transféré ses comptes clients à sa société mère non résidente à un prix inférieur à leur valeur, et ce, après avoir convenu d’un taux d’escompte excessif dans l’EVCC.

[394]   Si je puis employer l’expression « redressement principal du prix de transfert » pour qualifier le redressement visé au paragraphe 9(1), tel que l’ajout, par le Canada, d’un montant de revenu additionnel à McKesson Canada, et l’expression « redressement correspondant du prix de transfert » pour décrire tout rajustement à la baisse correspondant que peut effectuer un signataire de la Convention fiscale au revenu que tire la contrepartie d’opérations entre sociétés ayant un lien de dépendance au titre du paragraphe 9(2), je ne puis qualifier toute mesure d’imposition de la part du pays effectuant le redressement principal du prix de transfert à l’égard du montant excédentaire d’argent que s’est appropriée à tort la contrepartie dans l’autre pays, soit au moyen d’un dividende réputé soit autrement, que d’un redressement secondaire lié au redressement principal du prix de transfert, mais non capable en soi d’être un redressement principal du prix de transfert décrit au paragraphe 9(1) ou, de ce fait, par le paragraphe 9(3). Ces redressements secondaires connexes ne peuvent jamais satisfaire aux exigences de ces paragraphes de l’article 9 et, par conséquent, ces avantages à l’actionnaire et ces affectations des espèces ou des actifs de valeur de la filiale ne peuvent pas bénéficier des dispositions de ces paragraphes.

[395]   Cela ne semble pas être un résultat inapproprié si on l’examine sous l’angle de l’objet d’une convention fiscale ou des politiques applicables. Il n’y avait presque aucune preuve de double imposition du même revenu. Tout au plus, la somme de 29 000 $US d’impôt luxembourgeois aurait pu être à payer d’une certaine façon par la SMI du fait de l’EVCC. Cela n’aurait pas été à cause d’un avantage à l’actionnaire, d’une affectation, d’un dividende ou d’un revenu de dividende réputé. Il s’agit là d’une somme infime par rapport aux millions de dollars d’impôt canadien que l’on cherchait à éviter. Le double impôt, s’il y en a un, a peut-être été l’objet d’une demande de la part de la SMI en vue d’obtenir un redressement correspondant du Luxembourg. Je puis présumer que s’il existait au Luxembourg des circonstances qui justifiaient un redressement correspondant, le Service des affaires fiscales du Groupe McKesson en aurait fait la demande[80]. De plus, si McKesson Canada fait grief qu’elle a effectivement dû payer l’impôt canadien de la SMI sur le revenu de dividendes réputé de la SMI qui découle de son avantage à l’actionnaire ou d’affectations de McKesson Canada, la Loi confère à cette dernière le droit de solliciter une indemnité de la SMI. De plus, vu que les deux sociétés sont toutes deux placées sous le contrôle du Groupe McKesson, on pourrait s’attendre à ce que la SMI indemnise tout simplement McKesson Canada sans que cette dernière ait à la poursuivre[81].

f)                  La conclusion concernant la partie XIII et la Convention fiscale

[396]   En conclusion, le délai de prescription de cinq ans que prévoit le paragraphe 9(3) de la Convention fiscale ne vise pas la cotisation qui a été établie pour la responsabilité du fait d’autrui de McKesson Canada à l’égard du montant d’impôt de la partie XIII à payer par la SMI et découlant du fait que McKesson Canada a omis de retenir et de verser ce montant. Comme il a été établi plus haut, cela résulte du texte clair du paragraphe 9(3) de la Convention fiscale, conformément au contexte global de l’article 9 et conformément aux objets de la Convention fiscale. L’alinéa 227(10)d) de la Loi permet par ailleurs d’établir en tout temps une cotisation au titre du paragraphe 215(6). Pour ces motifs, l’appel de la contribuable à l’encontre de la cotisation établie à son endroit au titre de la partie XIII est rejeté lui aussi.

13.            Le rejet des appels

[397]   Les appels de la contribuable sont rejetés, avec dépens[82].

 

 

          Signé à Edmonton (Alberta), ce 13e jour de décembre 2013.

 

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Ce 3e jour de juin 2014.

 

 

François Brunet, réviseur

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2013 CCI 404

 

Nos DE DOSSIER DE LA COUR :   2008-2949(IT)G; 2008-3471(IT)G

 

INTITULÉ :                                      MCKESSON CANADA CORPORATION ET SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Du 17 au 20 octobre 2011, du 25 au 28 octobre 2011, du 31 octobre au 2 novembre 2011, du 15 au 18 novembre 2011, du 29 novembre au 2 décembre 2011, du 12 au 15 décembre 2011, du 16 au 20 janvier 2012 et du 31 janvier au 3 février 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge Patrick Boyle

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 13 décembre 2013

 

COMPARUTIONS :

Avocats de l’appelante :

Mes Paul B. Schabas, Ryder Gilliland, Jeffrey Trossman, Ilan Braude et
Kaley Pulfer

 

Avocats de l’intimée :

Mes Guy Laperrière, Janie Payette, Sylvain Ouimet et Chantal Roberge

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

          Pour l’appelante :

                           Noms :                   Paul B. Schabas, Ryder Gilliland, Jeffrey Trossman, Ilan Braude et Kaley Pulfer

                        Cabinet :                   Blake, Cassels & Graydon LLP
Toronto (Ontario)

 

              Pour l’intimée :                   William F. Pentney
Sous-procureur général du Canada
Ottawa, Canada



[1] L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.)

[2] Les taux d’intérêt annuels sur les marges disponibles étaient une fraction du taux annuel effectif du coût de financement prévu par le mécanisme de transfert des comptes clients.

[3] Le délai moyen de recouvrement (le « DMR ») des comptes clients était de l’ordre de 30 jours. Il s’agit là d’un chiffre moyen sur plusieurs années. Il était encore plus favorable au cours des 12 mois précédant l’entrée en vigueur du mécanisme de transfert des comptes clients.

[4] Créances radiées du bilan des ventes.

[5] L’escompte a en fait été consigné à titre de frais de financement dans les états financiers de McKesson Canada. L’expert de l’appelant, M. Reifsnyder a confirmé que, bien qu’il y ait des différences, on peut considérer que des taux d’intérêt annuels et des taux d’escompte sont à peu près la même chose.

[6] Cela représente un taux de coût de financement réel annuel de l’ordre de 12 à 13 %, soit plus du double des taux d’intérêt annuels sur les marges de crédit disponibles décrites plus tôt.

[7] Il existe une preuve que l’entente était encore en vigueur en 2006. Je ne crois pas que l’on m’ait dit qu’elle était restée en vigueur pendant sa pleine durée de cinq ans, qu’elle avait subi d’autres changements, ou de quelle façon McKesson Canada avait traité par la suite ses comptes clients.

[8] La Cour a reçu les dernières en décembre 2012.

[9] Cela équivaut à 800 000 $ par mois, ou à peu près 738 500 $ pour chacune des treize périodes comptables de quatre semaines de McKesson Canada.

[10] Ce dernier fait a été énoncé dans ce que l’on appelle généralement une clause de changement défavorable important, ou clause CDI.

[11] Plus précisément, l’EVCC prévoyait que le règlement se ferait à la fin de chaque période comptable de quatre semaines.

[12] Étant donné que les comptes clients de McKesson Canada étaient assortis d’une période de recouvrement d’environ un mois, comme en fait foi son DMR, que l’EVCC prévoyait que les comptes seraient réglés à peu près une fois par mois et que le portefeuille de comptes clients était toujours de l’ordre d’au moins 460 millions de dollars, il est à noter que cela avait un effet restreint sur le flux de trésorerie de McKesson Canada. En fait, cela aurait eu pour effet de recevoir à peu près 460 000 000 $ environ deux semaines plus tôt, à la clôture initiale, qu’au moment auquel on s’y attendrait par ailleurs. Comme il a été signalé, McKesson Canada a renvoyé sans délai la majeure partie de ces fonds initiaux aux sociétés affiliées non résidentes.

[13] Comme il est expliqué en détail ci-après, le Groupe McKesson n’a jamais officiellement réalisé une telle étude sur les prix de transfert.

[14] Cela peut être imputable au fait que des intérêts accumulés au moment du transfert n’ont pas été inclus dans la définition du « montant impayé d’un compte client ».

[15] Il n’est pas clair si les garanties de la SMI2 en faveur de la société prêteuse irlandaise et l’indemnité de la SMI2 en faveur de la SMI, en cas de défaut de McKesson Canada, étaient des obligations distinctes ou les deux côtés d’une même médaille. La preuve n’est pas cohérente. À tout le moins, il s’agissait de dispositifs de soutien et d’appui qui garantissant que, du point de vue de la SMI, l’EVCC et les ententes connexes ne laissaient pas la SMI dans la situation d’un acheteur détenant n’importe quel risque financier ou de crédit associé à McKesson Canada ou à ses comptes clients.

[16] Ce qui excédait de loin le degré d’exactitude d’un grand nombre des éléments du taux d’escompte lui-même. Personne au procès n’a semblé se soucier, ni même être conscient, de la notion des chiffres significatifs en mathématiques en général, et encore moins en statistique ou dans la théorie des probabilités.

[17] 100 $ × (1– 0,015) = 100 $ × 0,985 = 98,50 $.

[18] Canadian Dealer Offered Rate.

[19] Néanmoins, M. Frisch a été reconnu et a témoigné à titre d’expert dans le présent appel, sans contestation à cet égard.

[20] Vu que les rapports de VMTD étaient les seuls documents dits « ponctuels », et compte tenu de mes observations, de mes commentaires et de mes conclusions sur ces opinions ainsi que sur le rôle que VMTD a joué, il m’apparaît que l’ARC devra peut-être revoir ses critères préliminaires en ce qui a trait au paragraphe 247(4). Je ne me serais pas attendu à ce que des documents de défense payés, établis à la dernière minute et non pleinement éclairés, qui n’ont pas été mis à la disposition de la contribuable canadienne et qui n’ont pas été lus par sa société mère, satisfassent aisément aux exigences en matière de documentation ponctuelle.

[21] Il a été reconnu lors du contre-interrogatoire de Mme Hooper que, en fait, ce taux n’avait pas dépassé 0,04 %, et encore moins 0,10 %. C’est-à-dire que ce n’était pas que VMTD considérait un multiple de 2,5 fois comme raisonnable, mais plutôt qu’elle considérait un multiple d’au moins six fois comme raisonnable, mais elle ne l’a pas dit expressément.

[22] Le sens des mots « coût potentiel » n’a été expliqué ni dans le rapport, ni dans les éléments de preuve. Cela est curieux et peut-être même quelque peu révélateur, car le coût potentiel d’une éventualité possible peut vouloir dire le coût réel si cette éventualité se produit, et « coût potentiel » ne signifie pas forcément ce qu’il en coûterait pour faire face à la possible concrétisation de l’éventualité, ou se protéger contre cette dernière, au moyen d’une provision, d’une réserve, d’une assurance ou d’une autre façon. Un point nettement plus préoccupant est que, comme nous le verrons plus loin, Mme Hooper a déclaré dans son témoignage que VMTD n’avait pas vraiment déterminé le prix de risques comparables sur le marché – voir le paragraphe [187] des présents motifs.

[23] Du moins, elle ne l’indique pas dans son rapport – on peut certainement en inférer que cela n’a pas été fait, ou, au contraire, si cela a été fait, que cela n’allait pas dans le sens d’un résultat souhaité.

[24] Dans deux cas, les chiffres du rapport de VMTD sont supérieurs de 0,0002 % à ceux qui figurent dans l’annexe de l’EVCC. Ce fait n’a pas été expliqué, mais il n’est pas important.

[25] Dans le rapport de VMTD ou dans le témoignage de Mme Hooper, il n’a pas été analysé ou reconnu que l’ajout de trois niveaux d’écart-type a généralement pour effet d’atteindre un degré de certitude statistique virtuelle de 99,7 %.

[26] En fait, selon les chiffres que VMTD a indiqués dans cette partie de son rapport, les ventes continueraient d’être de l’ordre de quatre à cinq cent millions de dollars pendant toute la durée de l’EVCC.

[27] Aucune mention n’est faite, par exemple, de l’expérience de VMTD en matière de désignation d’agents serveurs de remplacement dans le cadre d’opérations de titrisation ou d’affacturage pour expliquer ou justifier cette possibilité de 25 %.

[28] Sous l’angle pur des chiffres, le taux historique était de 0,8 % des ventes canadiennes; cependant, la Province de Québec exige que les modalités relatives aux escomptes pour règlement rapide soient présentées dès le départ comme une réduction par rapport au montant nominal à payer. Cela a fait baisser le chiffre à 0,5 %, car les comptes clients du Québec étaient, par définition, exclus de l’approche suivie dans l’EVCC à l’égard des escomptes pour règlement rapide. Ce fait n’est pas en litige entre les parties.

[29] Dans son rapport, VMTD semble faire abstraction de l’autre risque évident selon lequel les clients pourraient aussi le faire à cause de leurs propres préoccupations en matière de flux de trésorerie.

[30] La SMI a emprunté la totalité des fonds nécessaires à ces opérations auprès d’autres entités du Groupe McKesson.

[31] Étant donné que les frais d’emprunt de la SMI dans le cadre du prêt qu’elle a obtenu auprès de sa société affiliée sont exprimés en fonction de l’escompte dont elle bénéficie aux termes de l’EVCC, il est étonnant que nul n’ait discuté dans le présent appel cette corrélation quelque peu circulaire.

[32] Même si un vendeur de comptes clients dans le cadre d’une facilité de cinq ans accepte un escompte pour que soit réflété le prix entier du coût de financement pour l’acheteur, indépendamment de la façon dont il décide de se capitaliser, on s’attendrait certainement à voir sérieusement examinée la possibilité de rattacher cela à un coût de financement sur 30 jours (ou un taux variable semblable) sur une base dynamique – un autre aspect non discuté dans le rapport de VMTD ainsi que dans la preuve globale de l’appelante.

[33] Ce qui constitue, selon moi, un très grand nombre de comptes clients de petite taille.

[34] Une « opération » est définie au paragraphe 247(1) et elle inclut « les arrangements et les événements ».

[35] Cela est distinct de la question des séries d’opérations.

[36] Voir la décision Spruce Credit Union c. La Reine, 2012 CCI 357, aux paragraphes 72 à 76.

[37] Dans General Electric Capital Canada Inc. v. H.M.Q., 2011 DTC 5011, la Cour d’appel fédérale a conclu que « [l]e principe sous-jacent […] aux alinéas 247(2)a) et c) est simple. Il s’agit dans tous les cas de déterminer le prix qui aurait été payé dans les mêmes circonstances si les parties à l’opération n’avaient pas eu de lien de dépendance. Cet exercice nécessite la prise en considération de toutes les circonstances qui influent sur le prix, qu’elles découlent de la relation ou d’autres facteurs ».

[38] Une approche semblable a été adoptée dans le rapport que PwC a établi pour McKesson Canada.

[39] Comme dans le cas du rapport de VMTD, on peut faire remarquer de façon générale que, dans l’analyse de M. Reifsnyder, les risques que prend la SMI semblent nettement plus réfléchis, élaborés et justifiés que tous ceux que supporte McKesson Canada, y compris ses risques correspondants. Par exemple, il n’est pas mentionné qu’une société non réglementée et faiblement capitalisée comme la SMI ne disposera peut-être pas des fonds nécessaires dans les années à venir pour acheter des comptes clients de McKesson Canada.

[40] Voir la note de bas de page no 12.

[41] Le témoin expert de l’appelante, M. Reifsnyder, y a même fait allusion dans son témoignage. Il a passé la majeure partie de ses trente années de carrière professionnelle au service de grandes institutions financières, où il s’est occupé dans une large mesure d’assurances‑garantie financière, y compris des assurances d’obligations, d’opérations financières structurées, de comptes clients, de prêts et d’opérations garanties par des actifs de toutes sortes, et ce, tant sous l’angle des sociétés d’assurance que sous l’angle des banques commerciales et des négociateurs pour lesquels il avait travaillé. Il s’était occupé d’assurer d’importantes opérations financières structurées canadiennes. Il prend régulièrement la parole lors de conférences portant sur les assurances‑garantie financière.

[42] Les obligations de sociétés qui sont émises sur le marché public présentent, pourrait-on dire, au moins autant de dissimilitudes avec les comptes clients d’un fournisseur et ses relations avec la clientèle que de similitudes.

[43] M. Brennan est comptable professionnel agréé. Il est titulaire une maîtrise en fiscalité. Il a occupé auparavant un certain nombre de postes de nature fiscale auprès d’autres grandes sociétés, dont GE Capital.

[44] L’un d’eux occupe aujourd’hui le poste de directeur financier de la Division de distribution des médicaments de McKesson É.-U.

[45] Il convient de signaler que le taux de change entre le dollar canadien et le dollar américain a varié d’un extrême à l’autre pendant les cinq ans que l’EVCC a duré. Le dollar canadien valait légèrement plus de 60 cents US en décembre 2002 et avait atteint la quasi-parité en décembre 2007.

[46] L’on peut utilement signaler que l’analyse coût-avantage manuscrite de M. Brennan portait à la fois sur l’achat initial de comptes clients ainsi que sur les projections relatives aux années ultérieures, et a tenu compte de frais non fiscaux mineurs qui se rapportaient à la SMI, mais qu’il ne prévoyait aucune dépense pour les agents serveurs de remplacement, ni aucune perte liée au fait que des débiteurs pouvaient faire sensiblement défaut, se prévaloir de remises ou faire des paiements anticipés. Son analyse a considéré simplement tout l’escompte après impôt net comme un bénéfice accru.

[47] Aucun élément de preuve fiable et direct n’a été produit devant la Cour pour confirmer que la somme de 900 000 000 $ était liée à une prévision ou une projection raisonnable des ventes de McKesson Canada, ni à des préoccupations raisonnablement anticipées au sujet de ses recouvrements. Selon une réponse à un engagement pris dans le cadre de l’interrogatoire préalable, la somme de 900 000 000 $ était le résultat de la composition du montant des comptes clients en décembre 2002, soit environ 460 000 000 $ environ, par un taux de 15 % chaque année pendant la durée de cinq ans.

[48] Son témoignage sur le risque de service diverge quelque peu des rapports de VMTD, qui se concentrent sur le risque que présente le fait d’avoir besoin d’un agent serveur de remplacement qui veut qu’on lui paie des frais de service plus élevés, tout en ne faisant état que du risque que présente McKesson Canada au chapitre des versements, et sans faire remarquer que la solution évidente au problème serait que l’EVCC ne permette pas à McKesson Canada d’amalgamer les recouvrements faits pour le compte de la SMI et ses fonds propres.

[49] À l’évidence, ce chiffre devrait être 28, ce qui refléterait les quatre semaines de sept jours que compte chaque période comptable. Cela signifie que, indépendamment du reste, le DMR que VMTD a calculé surestime lui-même de plus de 7 % ce qu’il tente de mesurer. Cela explique peut-être pourquoi VMTD est arrivée à un chiffre de 32 jours, au lieu des 30 jours de McKesson Canada.

[50] Un chiffre qui, pourrait-on dire, est déjà gonflé; voir ci-après, sous la rubrique « Taux de rendement ».

[51] Il convient de signaler que ce chiffre est tiré d’un rapport spécial de Standard & Poor’s intitulé Ratings Performance 2001. Record Defaults in 2001 : The Result of Poor Credit Quality and a Weak Economy. Comme c’est le cas pour la majeure partie des données choisies, il aurait été utile de disposer de quelques informations sur les années antérieures et postérieures.

[52] Étant donné que le coût de financement à payer par la SMI sur le prêt obtenu de sa société affiliée irlandaise est fonction du taux d’escompte prévu par l’EVCC, et étant donné qu’aussi bien VMTD que PwC veulent transférer le coût de financement supporté par la SMI à McKesson Canada dans le taux d’escompte, il n’est peut-être pas surprenant que les parties soient en contradiction à peu près totale au sujet du taux d’escompte.

[53] Il faut noter qu’il dit aussi dans son rapport qu’il débordait le cadre de sa mission – soit qu’on ne lui a pas demandé d’exprimer une opinion, soit peut-être qu’on lui a demandé de ne pas faire part de son opinion.

[54] Ce qui, le savons-nous rétrospectivement, est demeuré relativement constant pendant la durée de l’EVCC dans le cas des comptes clients de McKesson Canada.

[55] Il convient de signaler que l’opinion de Mme Hooper était quelque peu différente : il y avait une certaine diversification dans le portefeuille de comptes clients de McKesson Canada, et la corrélation était faible.

[56] Il n’a même pas pu dire qu’il n’en avait jamais vu une.

[57] Même en tenant compte de la possibilité que cet expert du milieu bancaire et financier ait placé son signe décimal au mauvais endroit et/ou ait additionné par erreur un symbole de pourcentage ou deux, il a au moins doublé, sinon triplé, ses frais initiaux. Un signe décimal mal placé est des plus improbables, étant donné que ce point a été mis en lumière dans le rapport en réfutation de l’un des experts de l’intimée.

[58] J’ignore si M. Reifsnyder aurait pu exclure ces cinq émissions d’obligations en tant que valeurs tout à fait aberrantes dans le but d’essayer de comparer le portefeuille de comptes clients de McKesson Canada à cet indice de fonds d’obligations à haut risque.

[59] M. Reifsnyder a reconnu en contre-interrogatoire que l’ECCO applicable à l’indice qu’il avait choisi, à la fin de 2002, était relativement élevé au regard d’autres périodes. Il a également reconnu que, lorsque les écarts de crédit sont élevés, moins d’entreprises tendent à émettre des obligations à rendement élevé que lorsque les écarts sont inférieurs. Cela, a-t-il soutenu, était dû au fait que les emprunteurs ne voudraient pas immobiliser des fonds coûteux. De plus, pour les emprunteurs à risque élevé, les marchés du crédit sont limités lors des périodes où les taux d’intérêt sont élevés.

[60] M. Reifsnyder n’a pas rétrovérifié les résultats de son approche nouvelle pour montrer que celle-ci avait pu prédire quoi que ce soit avec un degré raisonnable de fiabilité et d’exactitude.

[61] Il est ensuite signalé dans le rapport que, si l’on utilisait les chiffres sur cinq ans de Moody’s, il y aurait une corrélation entre le rendement sur cinq ans du portefeuille des comptes clients de McKesson Canada et une notation se situant entre Aaa et Aa. Le rapport signale aussi que la notation comparable serait A, si l’on prenait plutôt en considération le rendement sur douze mois du portefeuille des comptes clients de McKesson Canada.

[62] Voir, par exemple, TD Securities (USA) LLC c. La Reine, 2010 CCI 186, au paragraphe 20.

[63] L’appelante soutient principalement que, à défaut de souscrire au rapport de VMTD, l’approche que M. Reifsnyder a suivie est la seule que prescrit l’alinéa 247(2)a) – considérer l’opération exactement comme elle est et évaluer chaque élément. Non seulement n’y a-t-il aucune raison de limiter le mot « modalités » à l’alinéa 247(2)a) à des prix, des coûts, des montants en dollars ou des chiffres, mais, si la position de l’appelante est exacte, tous les prêts transfrontaliers intragroupes seraient rajustés à des taux très élevés si l’on ne prévoyait pas expressément dans les documents la communication normale de renseignements financiers et d’autres natures (renseignements que la partie liée pourrait légalement obtenir en tant qu’élément d’un groupe actionnaire majoritaire), ce qui justifierait donc un taux imputable à une nouvelle société non capitalisée notionnelle susceptible d’avoir d’autres dettes réelles ou éventuelles inconnues. Cela irait tout à fait à l’encontre des principes fondamentaux qui étaient en jeu et qui ont été reconnus à l’occasion de l’affaire G.E. Capital; les tribunaux ont alors examiné l’existence d’une garantie implicite. Une préoccupation semblable serait qu’une entreprise qui pourrait s’attendre à obtenir une cote d’évaluation « investissement », si elle cherchait à l’obtenir, serait plutôt admissible à des taux d’obligations de pacotille sur ses opérations de financement entre personnes liées de nature transfrontalière.

[64] Une période de trois ou quatre mois ou périodes comptables concorde avec l’approche suivie dans l’EVCC pour mesurer le taux de défaillance et le ratio de perte concernant les comptes clients, un aspect qui était également important pour VMTD dans son rapport. Cela concorde aussi avec la preuve d’expert de M. Finard.

[65] En fait, dans son rapport, PwC n’a pas dit penser que c’était le cas, et a ensuite proposé un coussin de 20 %, qu’il n’a pas expliqué de manière satisfaisante, sinon par souci de défendre les intérêts de la SMI.

[66] Dans son rapport, M. Reifsnyder a soutenu qu’un DMR de 28 jours, afin de correspondre à la durée d’une période de règlement, serait peut-être le chiffre idéal. Ce raisonnement n’est certes pas évident.

[67] Le témoignage de M. Reifsnyder est de peu d’utilité à ce stade-ci de l’analyse, puisqu’il a soutenu qu’il ne comprenait pas le rôle que jouait l’escompte pour perte dans l’EVCC, ni le lien qu’il avait avec l’évaluation et le calcul du taux d’escompte, car il a essayé de chiffrer un taux d’escompte de pleine concurrence sans tenir compte des modalités relatives au taux d’escompte que comporte l’EVCC.

[68] De plus, il existe une clause de changement défavorable important (ou CDI) en faveur de la SMI, qui englobe n’importe quel fait susceptible d’avoir une incidence négative importante sur la recouvrabilité des comptes clients.

[69] Il ne s’agit certainement pas là d’une approche très scientifique. Je pense qu’il serait injuste pour les arts de dire qu’il s’agit plus d’un art que d’une science.

[70] DBRS – Dominion Bond Rating Service – présume aussi un taux de 1 %.

[71] Une autre méthode, moins favorable pour le contribuable celle-là, serait d’examiner et de rechercher si McKesson Canada assure des services d’agent à sa société mère non résidente à un prix inférieur à leur juste valeur marchande. Dans l’affirmative, il s’agirait là d’une circonstance économiquement pertinente qui pourrait être prise en compte, conformément aux observations qu’a faites la Cour suprême du Canada dans l’arrêt GlaxoSmithKline. Vu que l’appel sera rejeté de toute façon, il n’est pas nécessaire que je décide si cela aurait davantage convenu.

[72] Par contraste, l’escompte pour services calculé par VMTD et le Groupe McKesson s’appliquait à chaque compte client acheté, avec le résultat que la SMI recouvrait de très nombreuses fois le montant qui, selon VMTD, serait nécessaire dans le cas d’une liquidation postérieure à une résiliation.

[73] Comme il est exposé plus tôt, au paragraphe 291.

[74] Voir les arrêts que la Cour d’appel fédérale a rendus à l’occasion des affaires House c. R., 2011 CAF 234, et McMillan c. R., 2012 CAF 126, ainsi que l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Hickman Motors Ltd. v. Canada, 97 DTC 5363 (CSC), de même que l’arrêt de la Cour d’appel fédérale rendu à l’occasion de l’affaire Amiante Spec Inc. c. R., 2009 CAF 139, qui y sont tous deux analysés.

[75] Il s’agit là de l’effet combiné de l’alinéa 213(3)a) et du paragraphe 15(1) de la Loi.

[76] Loi de 1999 pour la mise en œuvre de conventions fiscales, LC 2000, c 11.

[77] Je ne puis que conclure qu’il n’y a pas de réel problème de double imposition dans de telles circonstances.

[78] Voir les articles 31 et 32.

[79] L’intimée n’a pas fait valoir qu’il était question en l’espèce d’une omission volontaire.

[80] Pour autant que je sache, un redressement a peut-être même été accordé. On ne me l’a pas dit.

[81] Pour autant que je sache, le Service des affaires fiscales du Groupe McKesson a fait en sorte que la SMI s’adresse aux autorités fiscales ou à l’autorité compétente du Luxembourg pour demander une forme quelconque de crédit ou d’allègement de la double imposition en vue d’indemniser McKesson Canada de l’assujettissement de la SMI à l’impôt canadien au titre de la partie XIII, relativement au revenu de dividendes canadien réputé de la SMI. En fait, pour autant que je sache, le Luxembourg ne cherchera peut-être même pas à imposer les dividendes que la SMI a reçus du Canada ou de n’importe quel autre partenaire ou pays signataire. On ne me l’a pas dit, mais je serais surpris que le Service des affaires fiscales du Groupe McKesson n’ait pas été au courant de tout cela depuis le début.

[82] À ce stade-ci et en guise de post-scriptum, je me dois de reconnaître la longueur des présents motifs et offrir une forme d’excuse aux lecteurs qui ne sont ni les parties ou leurs avocats, ni des juges d’appel ou leurs greffiers. Je ne puis faire mieux que de citer un extrait d’une allocution qu’a prononcée en 2013 le lord Neuberger of Abbotsbury, président de la Cour suprême du Royaume-Uni (une allocation ironiquement intitulée [traduction] « La justice en temps d’austérité ») : [traduction] « Nous semblons éprouver le besoin de traiter du moindre aspect de chacun des points débattus, ce qui, bien souvent, rend les jugements difficiles et peu plaisants à suivre. Il y a de ces jugements qui peuvent amener le lecteur à perdre le goût de vivre – ce qui est particulièrement déconcertant quand c’est son propre jugement qu’on est en train de lire ».

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