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Dossier : 2009-3370(IT)G

ENTRE :

PATRICK A. GOUVEIA,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appels entendus le 17 mai 2013, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Réal Favreau

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelant :

Me Vern Krishna

Me Isabella Mentina

Avocate de l’intimée :

Me Brooke Sittler

 

 

 

JUGEMENT

 

Les appels relatifs aux cotisations concernant les années d’imposition 2003, 2004, 2005 et 2006 que le ministre du Revenu national a établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu sont rejetés, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

L’appel relatif à la nouvelle cotisation concernant l’année d’imposition 2007 est accueilli et l’affaire renvoyée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation à seule fin de donner effet à la concession du ministre, soit de réduire de 33 000 $ le revenu d’entreprise de l’appelant pour cette année-là.

 

Le tout avec dépens en faveur de l’intimée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de décembre 2013.

 

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de mars 2014.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 

 


 

 

 

 

Référence : 2013 CCI 414

Date : 20131220

Dossier : 2009-3370(IT)G

ENTRE :

PATRICK A. GOUVEIA,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Favreau

[1]             L’appelant interjette appel des cotisations relatives aux années d’imposition 2003, 2004, 2005 et 2006 qui ont été établies initialement le 10 juin 2004, le 19 mai 2005, le 27 avril 2007 et le 20 septembre 2007, respectivement (les « cotisations »), ainsi que de la nouvelle cotisation relative à l’année d’imposition 2007 qui a été établie par un avis de nouvelle cotisation daté du 22 septembre 2008 (la « nouvelle cotisation »).

[2]             Par la voie des cotisations et de la nouvelle cotisation, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé les frais juridiques suivants, que l’appelant avait déduits en lien avec sa défense contre deux instances judiciaires : les accusations portées par la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (l’« instance engagée par la CVMO ») ainsi que les accusations portées dans le cadre d’un recours collectif (le « recours collectif ») :

 

Année

Montant déduit

2003

446 030,79 $

2004

710 607,72 $

2005

335 982,59 $

2006

1 184 612,87 $

2007

711 860,40 $

[3]             L’appel relatif à l’année d’imposition 2003 est annulé car il n’a pas été présenté de manière régulière devant la Cour. L’avis d’opposition concernant cette année d’imposition n’a pas été déposé dans les limites prescrites par la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.), dans sa version modifiée (la « Loi »).

La question en litige

[4]             La question en litige consiste à savoir si le ministre a refusé à juste titre les frais juridiques que l’appelant a déduits dans ses années d’imposition 2004, 2005, 2006 et 2007.

[5]             L’appelant est d’avis que ces frais ont été engagés en vue de tirer ou de protéger un revenu d’entreprise et qu’ils sont déductibles selon la notion générale de « bénéfice » prévue au paragraphe 9(1) de la Loi, et non pas interdits en vertu de l’alinéa 18(1)a) de cette dernière.

[6]             Le ministre convient que l’appelant a engagé certains frais juridiques, mais il est d’avis qu’ils ne l’ont pas été en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien et qu’ils ne sont donc pas déductibles en vertu de l’alinéa 18(1)a) et du paragraphe 9(1) de la Loi.

[7]             À l’audience, les parties ont déposé un exposé conjoint des faits, dans lequel sont décrits aux paragraphes 5 à 52 les opérations précises qui ont été menées ainsi que les faits qui sont survenus :

[traduction
Atlas et la Fiducie

5.                  Le 14 mai 1997, une fiducie appelée Associated Freezers Income Trust (« AFIT ») a fait un premier appel public à l’épargne à la Bourse de Toronto.

6.                  AFIT était une fiducie à capital variable et à but restreint, établie en vertu des lois de la province de l’Ontario, et créée en vue d’investir dans des actions ordinaires, des actions privilégiées et des billets d’Associated Freezers Ltd. (« AFL »).

7.                  Le 10 août 2000, AFL a fusionné avec Atlas Cold Storage Holdings Limited. L’entité fusionnée a été appelée ACS Freezers Income Trust (« ACSFIT »).

8.                  ACSFIT a changé de nom pour Atlas Cold Storage Income Trust (la « Fiducie ») le 25 juin 2001.

9.                  La Fiducie était une fiducie à capital variable et à but restreint, établie en vertu des lois de la province de l’Ontario. Son siège social se trouvait à Toronto.

10.              La Fiducie, par l’entremise de sa filiale en propriété exclusive, Atlas Cold Storage Holdings Inc. (« Atlas » ou « ACSHI »), ainsi que par l’entremise des filiales en propriété exclusive d’ACSHI, exploitait au Canada et aux États-Unis un réseau d’installations d’entreposage frigorifique publiques, une entreprise de transport ainsi qu’une entreprise de gestion au détail.

11.              Les gains d’Atlas et de ses filiales étaient versés à la Fiducie et cette dernière payait tous les trois mois des distributions en espèces aux détenteurs de parts, avec l’accord des fiduciaires de la Fiducie par suite des conseils des administrateurs d’Atlas.

12.              Conformément à la législation en valeurs mobilières de l’Ontario, la Fiducie, ACSFIT et AFIT étaient tenues de produire des états financiers vérifiés et divers autres rapports auprès de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (la « CVMO »).

13.              Le 30 octobre 2006, Eimskip Atlas Canada Inc. (« Eimskip ») a acquis la totalité des parts émises et en circulation de la Fiducie et, le 3 novembre 2006, les fiduciaires de cette dernière ont démissionné.

14.              Le 3 novembre 2006, par suite de l’achat d’Eimskip, les parts de la Fiducie ont cessé d’être négociées à la Bourse de Toronto.

L’appelant

15.              En novembre 2003 ou aux alentours de cette date, l’appelant, par l’intermédiaire de 1177325 Ontario Ltd., détenait environ 8,1 % des parts de la Fiducie.

16.              L’appelant a exercé les fonctions d’administrateur, de président et de chef de la direction d’Atlas à partir du 11 août 2000.

17.              L’appelant avait conclu un contrat d’emploi, daté du 11 août 2000, avec Associated Freezers Ltd. (« AFL ») [le « contrat d’emploi »]. Aux termes de ce contrat, l’appelant touchait un salaire de base de 400 000 $ et il avait droit à une prime, dans chaque année civile, d’un montant d’au moins 100 000 $, payable en versements trimestriels.

18.              Conformément au contrat d’emploi, l’appelant a été nommé chef de la direction d’Atlas. Son emploi à ce titre était d’une durée indéterminée à compter du 11 août 2000 et il pouvait y être mis fin à la date à laquelle l’appelant atteignait l’âge de la retraite de 65 ans au plus tard, ou plus tôt à l’entière discrétion de l’appelant, conformément aux politiques d’Atlas en matière de retraite anticipée.

19.              L’appelant avait également le droit de participer au Régime d’options d’achat de parts de la Fiducie d’AFIT. Selon les modalités du contrat d’emploi, l’appelant a reçu une attribution initiale d’options d’achat de parts d’AFIT, les parts sous-jacentes ayant une valeur marchande de 2 000 000 $. À la discrétion du conseil d’administration, l’appelant a eu droit à d’autres attributions d’options d’achat de parts d’AFIT. Ces autres attributions étaient censées avoir une valeur marchande approximative de 1 000 000 $.

20.              AFL disposait aussi d’un Régime d’achat de parts virtuelles restreintes (« PVR »), auquel l’appelant avait le droit de participer. Ce dernier a reçu une attribution initiale de PVR d’une valeur marchande approximative de 150 000 $ à la date d’entrée en vigueur de son contrat d’emploi. Conformément aux clauses de ce contrat, l’appelant avait droit au paiement d’un montant de 1 014 081 $ en rapport avec le Régime de PVR.

21.              Le Régime de PVR prévoyait que l’appelant serait en droit de recevoir des paiements additionnels dans un délai de trois ans. Ces paiements seraient déterminés en fonction de la moyenne des prix de clôture des parts d’AFIT à la Bourse de Toronto à la date pertinente, et au plus tard le 31 décembre de la troisième année suivant la date de l’attribution.

22.              Le Régime de PVR prévoyait que les PVR étaient dévolues trois ans après la date de l’attribution et qu’elles pouvaient être rachetées contre des espèces, calculées comme suit : le montant global de la valeur marchande courante des parts d’AFIT plus la distribution en espèces payée au cours des années écoulées dans l’intervalle.

23.              Le Régime de PVR était un régime de primes dans le cadre duquel le montant de la prime de l’appelant était calculé en fonction d’une formule qui incluait la valeur des actions et les distributions qui étaient payées sur les parts de fiducie. L’attribution de PVR était fictive.

24.              L’appelant n’a jamais reçu un transfert de PVR ni aucun paiement en espèces dans le cadre du Régime de PVR.

25.              Après le deuxième trimestre de 2003, aucun cadre, dirigeant ou employé d’Atlas n’a reçu une attribution fictive de PVR dans le cadre du Régime de PVR.

26.              L’appelant a eu droit à un paiement de cessation d’emploi en vertu des conditions du contrat d’emploi.

27.              Selon les conditions du contrat d’emploi, il y avait une différence entre les paiements versés à l’appelant s’il était congédié pour un motif valable ou si son emploi prenait fin sans motif valable.

28.              Dans le cas d’un congédiement pour un motif valable, l’appelant avait droit aux montants qui lui étaient dus jusqu’à la date de cessation de son revenu d’emploi inclusivement, de pair avec les indemnités de vacances accumulées.

29.              Cependant, si son emploi prenait fin sans motif valable, il avait le droit d’activer la totalité des options d’achat de parts accordées mais non dévolues qu’il détenait et qui auraient été dévolues dans les deux années suivant la date de la cessation d’emploi. De plus, dans ce dernier cas, l’appelant pouvait également activer la délivrance des parts concernant les PVR. Le traitement des options activées serait fait selon les modalités et les conditions des régimes d’options d’achat de parts applicables

30.              Le contrat d’emploi prévoyait également des paiements de cessation d’emploi en cas de changement de contrôle de la société.

31.              Le 29 août 2003, la Fiducie a annoncé qu’elle allait redresser les résultats relatifs aux exercices 2001 et 2002. Les états financiers consolidés modifiés et redressés pour les exercices terminés le 31 décembre 2001 et 2002 ont été publiés par la suite, tout comme les états financiers relatifs à l’exercice terminé le 31 décembre 2003.

Cessation de l’emploi auprès d’Atlas

32.              L’appelant a démissionné d’Atlas le 21 novembre 2003.

33.              L’appelant a déposé contre Atlas et ses successeurs une plainte pour congédiement injustifié. Il s’agissait d’un processus d’arbitrage. La plainte pour congédiement injustifié a été réglée en novembre 2010, sans aveu de responsabilité de la part d’une partie quelconque.

1177325 Ontario Limited

34.              Pendant toute la période en cause, l’appelant a détenu la majorité des actions de 1177325 Ontario Limited.

35.              Depuis que l’appelant a donné sa démission le 21 novembre 2003, il fournit des services de consultation exclusivement pour le compte de 1177325 Ontario Limited, par l’intermédiaire de Spire Group Limited, une entreprise liée.

36.              Avant de démissionner d’Atlas, l’appelant accomplissait pour 1177325 Ontario Ltd., par l’intermédiaire de Spire Group Limited, une entreprise liée, le même travail que celui qu’il effectue depuis sa démission.

Patrick Gouveia Consulting

37.              Depuis 2002, l’appelant déclare des revenus qu’il tire d’une entreprise individuelle appelée Patrick Gouveia Consulting (« PGC »).

38.              PGC est une entreprise de consultation en gestion, dont l’objet consiste à gérer les activités de 1177325 Ontario Ltd., par l’intermédiaire de Spire Group Limited, une entreprise liée, ainsi qu’à solliciter de nouveaux clients au sein de l’industrie de l’entreposage frigorifique public.

39.              À partir de l’année 2002, l’appelant a déclaré des revenus sous la forme d’honoraires de gestion reçus de PGC, payés à PGC par Spire Group Limited, une entreprise liée à 1177325 Ontario Ltd., comme suit :

a) 2002 : 230 000 $;

b) 2003 : 230 000 $;

c) 2004 : 250 000 $;

d) 2005 : 0 $;

e) 2006 : 0 $;

f) 2007 : 583 000 $[1].

40.              L’appelant continue d’exercer des activités par l’entremise de PGC.

L’instance engagée par la CVMO

41.              Le 2 juin 2004 ou aux environs de cette date, la CVMO a déposé des accusations contre l’appelant devant la Cour de justice de l’Ontario, relativement au dépôt des états financiers annuels de la Fiducie pour les exercices se terminant en 2001 et en 2002, ainsi que pour la première et la deuxième périodes de rapport concernant l’exercice financier 2003 de la Fiducie.

42.              La CVMO alléguait que les employés de niveau supérieur d’Atlas, dont l’appelant, s’étaient livrés à une conduite visant à présenter un tableau irrégulièrement embelli du rendement financier de la Fiducie pour la période englobant les exercices 2001 et 2002, ainsi que les deux premières périodes de rapport de 2003.

43.              La CVMO alléguait que cette conduite comprenait la capitalisation inappropriée de dépenses, le non-appariement de dépenses aux revenus, la comptabilisation irrégulière d’un remboursement fait dans le cadre d’une convention d’achat d’actifs en tant que moyen de réduire les dépenses, ainsi que le financement d’une filiale en violation d’un engagement figurant dans une convention d’emprunt.

44.              La CVMO sollicitait une ordonnance blâmant l’appelant et interdisant à ce dernier de pratiquer le commerce des valeurs mobilières ou d’agir comme administrateur ou dirigeant d’un émetteur assujetti.

45.              Le 27 février 2007, l’avocat de la CVMO a fait part de ce qui suit à la Cour de justice de l’Ontario : « Vu les nouvelles informations portées à notre attention ces dernières semaines, de même que l’examen exhaustif que nous [la CVMO] avons mené par la suite, nous sommes d’avis que la poursuite n’offre plus une perspective raisonnable de déclaration de culpabilité » et il a demandé le rejet des accusations portées contre l’appelant. La Cour de justice de l’Ontario a alors rejeté toutes les accusations dont l’appelant faisait l’objet.

Le recours collectif

46.              Le 4 février 2004 ou aux environs de cette date, une poursuite a été engagée contre Atlas, l’appelant, un certain nombre d’autres administrateurs et dirigeants d’Atlas, certains fiduciaires de la Fiducie, les vérificateurs d’Atlas et de la Fiducie (Ernst & Young, s.r.l.), de même que le principal souscripteur des offres de parts de la Fiducie (le « recours collectif »).

47.              Une multitude de causes étaient alléguées contre les divers défendeurs, dont l’appelant, et les demandeurs sollicitaient diverses ordonnances et déclarations ainsi que des dommages-intérêts d’un montant de plus de 400 millions de dollars. Parmi les mesures de réparation demandées figurait une déclaration portant que l’appelant rende compte aux demandeurs de la totalité du produit des opérations relatives aux parts de la Fiducie.

48.              En 2008, les parties au recours collectif sont parvenues à un règlement. Ce dernier a mis fin au recours collectif sans préjudice ou admission de responsabilité.

Les frais juridiques

49.              L’appelant a retenu les services de conseillers juridiques pour qu’ils le représentent dans le cadre de l’instance engagée par la CVMO et du recours collectif.

50.              L’appelant a engagé les frais juridiques qui suivent en rapport avec l’instance engagée par la CVMO et le recours collectif, des frais qui, selon lui, sont déductibles mais qui, selon le ministre, ne le sont pas :

 

Année

Instance de la CVMO

Recours collectif

Recours collectif et CVMO

Total pour l’année

2004

0,00 $

0,00 $

70 123,18 $

70 123,18 $

2005

363 832,11 $

0,00 $

 

363 832,11 $

2006

1 154 593,49 $

13 359,92 $

 

1 167 953,41 $

2007

587 488,81 $

52 323,76 $

 

639 812,57 $

TOTAL :

2 105 914,41 $

65 683,68 $

70 123,18 $

2 241 721,27 $

 

51.              Il s’agit là des seuls montants qui sont en litige entre les parties au présent appel.

52.              La totalité des frais juridiques qui sont en litige dans le présent appel se rapportent à des accusations déposées après la période d’emploi. Aucuns des frais juridiques en litige dans le présent appel n’ont été engagés en rapport avec le revenu d’emploi de l’appelant.

[8]             À l’audience, les parties ont déposé un recueil conjoint de documents, et l’intimée a produit les pièces suivantes :

-    la convention d’arbitrage entrant en vigueur le 27 janvier 2006 (R-1);

-    l’avis d’arbitrage daté du 12 septembre 2008 (R-2);

-    l’énoncé de la plainte à l’arbitrage daté du 17 février 2009 (R-3);

-    un addenda à la convention d’arbitrage, entrant en vigueur le 19 octobre 2006 (R-4);

-    l’énoncé de la défense et de la demande reconventionnelle en matière d’arbitrage de Versacold Logistics Canada Inc., daté du 16 mars 2009 (R‑5);

-    la convention de règlement datée du 18 novembre 2010 (R-6);

-    la quittance mutuelle, complète et définitive, datée du 29 novembre 2010 (R‑7).

[9]             Les faits dont il est question dans les pièces susmentionnées complètent l’exposé conjoint des faits.

[10]        Avant l’audience, les parties en sont arrivées à une entente sur le montant des frais juridiques contestés. L’appelant a confirmé qu’il ne donnerait plus suite à la question de savoir si les frais juridiques ont été engagés en vue de tirer un revenu d’un bien et de protéger ce revenu.

La position de l’appelant

[11]        L’appelant a soutenu qu’il a le droit de déduire les frais juridiques qu’il a engagés en vue de tirer un revenu de son entreprise de consultation, conformément au paragraphe 9(1) de la Loi, et que l’instance engagée par la CVMO et le recours collectif ont menacé sa capacité de tirer un revenu de cette entreprise.

[12]        Pour ce qui est de la détermination du revenu net en vertu de l’article 9 et de l’alinéa 18(1)a) de la Loi, l’appelant a fait valoir que :

a)    les frais juridiques que l’on engage pour tirer un revenu d’une entreprise et d’un bien, ou pour protéger ce revenu, sont déductibles à titre de dépenses selon la notion générale de « bénéfice » qui est prévue à l’article 9 de la Loi;

b)    la détermination du bénéfice au sens du paragraphe 9(1) est une question de droit, et non de fait. Le critère essentiel relève du paragraphe 9(1), et non des alinéas 18(1)a) et h);

c)    le ministre ne peut pas simplement présumer en tant que question de fait ce qu’il faut déterminer en tant que question de droit.

[13]        Pour ce qui est de la déductibilité des frais juridiques engagés pour protéger sa capacité de tirer un revenu de son entreprise de consultation, l’appelant a fait valoir ce qui suit :

a)    il n’est pas nécessaire qu’une dépense mène directement à la production d’un revenu, ou qu’un contribuable prouve l’existence d’un lien de causalité entre une dépense particulière et un revenu particulier, pour pouvoir demander la déduction. La question qu’il faut se poser est : « a‑t‑on engagé les dépenses en vue de tirer un revenu de l’entreprise? » Il s’agit en fin de compte d’une question de fait que l’on tranche en tenant dûment compte de toutes les circonstances;

b)    le lien entre les frais juridiques et le revenu de consultation était direct et non trop éloigné. Une déclaration de culpabilité aurait réduit à néant le revenu qu’il tirait d’une entreprise;

c)    les frais juridiques que l’appelant a engagés ont favorisé la capacité qu’il avait de tirer un revenu de son entreprise de consultation;

d)    les frais juridiques que l’appelant a engagés pour se défendre contre de fausses accusations criminelles sur ses pratiques commerciales sont déductibles; à plus forte raison si les accusations sont retirées et si le contribuable est présumé innocent;

e)    la conclusion ultime de culpabilité ou d’innocence est sans importance pour ce qui est de la déductibilité des frais juridiques;

f)     le simple fait qu’une dépense comporte un aspect personnel n’est pas suffisant pour conclure qu’elle n’est pas déductible.

La position de l’intimée

[14]        Les arguments de l’intimée sont les suivants :

a)    les frais juridiques n’ont pas été engagés en vue de tirer un revenu d’une entreprise, en ce sens que :

(i)    les frais juridiques ne constituaient pas une dépense « habituellement engagée par d’autres » dans une entreprise de même nature que celle du contribuable;

(ii)   les instances judiciaires ne constituaient pas un risque normal et ordinaire et n’étaient pas accessoires à l’entreprise de consultation de l’appelant;

(iii)  il incombe à l’appelant de prouver le lien qui existe entre les dépenses et l’entreprise;

(iv)  les frais juridiques liés à l’instance engagée par la CVMO et au recours collectif auraient été engagés de toute façon, que l’appelant ait exploité ou non des activités de consultation sous le nom de Patrick Gouveia Consulting;

(v)   l’instance engagée par la CVMO et le recours collectif découlaient directement de l’emploi que l’appelant exerçait auprès d’AFL et ne pouvaient avoir qu’une incidence indirecte et potentielle sur ses activités de consultation;

b)    tout lien entre les frais juridiques engagés par l’appelant et ses activités de consultation était trop éloigné pour que celui-ci puisse déduire les frais juridiques; ce sont les activités qui ont donné lieu au dépôt d’accusations et leur lien avec l’entreprise qui déterminent la déductibilité des dépenses juridiques associées à la défense;

c)    les frais juridiques ont été engagés en vue de préserver la réputation de l’appelant ainsi que sa capacité de gains futurs, ce qui en fait des dépenses à titre de capital;

d)    subsidiairement, les montants déduits sont déraisonnables et devraient être restreints conformément à l’article 67 de la Loi. Les frais juridiques dépassent de loin le revenu moyen que l’appelant a déclaré en rapport avec les activités de consultation exécutées de 2002 à 2007. Aucun revenu tiré de ces activités de consultation n’a été déclaré dans ses années d’imposition 2005 et 2006.

L’analyse

[15]        Les dispositions de la Loi qui régissent la déductibilité des dépenses en vue de déterminer le revenu d’entreprise sont le paragraphe 9(1) et les alinéas 18(1)a) et h) :

 (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le revenu qu’un contribuable tire d’une entreprise ou d’un bien pour une année d’imposition est le bénéfice qu’il en tire pour cette année.

18. (1) Dans le calcul du revenu du contribuable tiré d’une entreprise ou d’un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles :

a) les dépenses, sauf dans la mesure où elles ont été engagées ou effectuées par le contribuable en vue de tirer un revenu de l’entreprise ou du bien;

[…]

h) le montant des frais personnels ou de subsistance du contribuable — à l’exception des frais de déplacement engagés par celui-ci dans le cadre de l’exploitation de son entreprise pendant qu’il était absent de chez lui;

[16]        La notion de « bénéfice » qui figure au paragraphe 9(1) est en soi un résultat net, et les dépenses d’entreprise peuvent être déduites dans la mesure où elles sont conformes aux « principes bien reconnus de la pratique des affaires (ou comptable) » ou aux « principes bien reconnus des affaires commerciales », comme l’a indiqué le juge Iacobucci, au paragraphe 43 de l’arrêt Symes c. La Reine, 1993 CarswellNat 1178, [1993] 4 R.C.S. 695.

 

[17]        L’article 18 de la Loi comporte un certain nombre de limites prescrites concernant la déduction des dépenses. L’alinéa 18(1)a) énonce une interdiction générale selon laquelle ne peuvent être déduites que les dépenses engagées ou effectuées en vue de tirer un revenu, tandis que l’alinéa 18(1)h) interdit de déduire les frais personnels ou de subsistance.

[18]        Symes, précité, est l’arrêt de principe qui traite de la déductibilité des dépenses d’entreprise en vertu de l’alinéa 18(1)a). Il était question, dans cette affaire, d’une associée dans un cabinet d’avocats qui avait à son service une gardienne qui prenait soin de ses enfants et qui avait déduit le salaire versé à cette personne à titre de dépense d’entreprise. Au paragraphe 73, la Cour suprême du Canada a déclaré que la détermination de la question de savoir si une dépense est déductible en vertu de l’alinéa 18(1)a) dépend simplement de celle de savoir si cette dépense a été engagée en vue de tirer un revenu d’une entreprise. Au paragraphe 74, le juge Iacobucci, s’exprimant au nom de la majorité, a fait le commentaire suivant à propos de la détermination de l’objet d’une dépense :


[…] [Les tribunaux] examineront plutôt comment l'objet se manifeste objectivement, et l'objet est en définitive une question de fait à trancher en tenant compte de toutes les circonstances. C'est pourquoi il n'est pas possible de formuler une liste fixe de circonstances qui permettront de prouver d'une façon objective que le contribuable visait à tirer un revenu ou à faire produire un revenu.

[19]        Malgré l’absence d’une liste exhaustive de facteurs permettant de déterminer si l’objet d’une dépense consiste ou non à tirer un revenu d’une entreprise, le juge Iacobucci a tout de même énoncé un certain nombre de facteurs pertinents à prendre en considération au moment de déterminer si une dépense d’entreprise est déductible :

a)     si la dépense est habituellement engagée par d’autres dans une entreprise de même nature que celle du contribuable et si la déduction est ordinairement acceptée à titre de dépense d’entreprise par les comptables (paragraphe 75);

b)    si une dépense donnée aurait été engagée si le contribuable ne visait pas la production d’un revenu d’entreprise (paragraphe 76);

c)     si une dépense particulière aurait répondu à un « besoin de l’entreprise » ou à un critère du « à défaut de », décrit par la Cour comme suit, au paragraphe 79 :

[…] Plus précisément, il peut être utile de recourir au critère du « à défaut de » pour l'appliquer non pas à la dépense mais aux besoins que la dépense satisfait. Indépendamment de l'entreprise, le besoin existerait‑il? Si un besoin existe même en l'absence de l'activité d'entreprise, et indépendamment de ce que le besoin a été ou aurait été satisfait par des sommes versées à un tiers ou par le coût d'option du labeur personnel, la dépense faite pour répondre au besoin est considérée traditionnellement comme une dépense personnelle.[…]

[20]        Dans la décision Gordon Ironside c. La Reine, 2013 CCI 339, la juge Campbell a passé en revue la jurisprudence concernant la question du « lien » entre le besoin auquel la dépense répondait et l’entreprise elle-même, dans le contexte des frais juridiques et professionnels que l’appelant avait payés pour se défendre contre des allégations relatives à la commission de divulgations irrégulières, après avoir été l’objet d’accusations de la part de l’Alberta Securities Commission. La juge Campbell a résumé ainsi son examen, au paragraphe 43 :


Vu la jurisprudence, que je viens d’exposer, il est évident qu’il doit y avoir un lien direct entre le besoin que la dépense satisfait et l’entreprise elle-même et que la dépense doit être soit impossible à dissocier des activités génératrices de revenu, soit la conséquence d’un risque qu’il est obligatoire de prendre pour gagner un revenu à cet égard. Les dépenses accessoires peuvent être déductibles et peuvent fournir le lien requis entre les dépenses et l’entreprise, dans la mesure où elles sont essentielles et nécessaires aux activités de cette entreprise.

[21]        La juge Campbell a appliqué les principes relevés dans la jurisprudence aux preuves qu’elle avait en main et a conclu, au paragraphe 45 :

 […] les frais juridiques et professionnels que l’appelant a payés pour se défendre contre les allégations portées devant la Commission n’ont pas été engagés en vue de tirer un revenu de son entreprise de comptable agréé. Ces dépenses découlaient directement du poste qu’il occupait à titre de dirigeant et d’employé de BRRC. Il les a engagées en vue de protéger sa réputation dans le milieu du secteur pétrolier et gazier, où il concentrait ses activités professionnelles. Dans ce contexte, ces dépenses étaient de nature personnelle et elles n’ont pas été engagées dans le but de protéger la possibilité de tirer un revenu de son entreprise de comptabilité professionnelle.

[22]        Les faits dont il était question dans l’affaire Gordon Ironside sont fort semblables à ceux dont il est question en l’espèce, et la conclusion que l’on en tire est la même. En l’espèce, l’appelant a engagé des frais juridiques pour se défendre contre des allégations formulées dans le cadre de l’instance engagée par la CVMO et du recours collectif. Ces frais juridiques n’ont pas été engagés en vue de tirer un revenu de son entreprise de consultation car ils étaient une conséquence directe du poste qu’il occupait à titre de directeur, de président et de chef de la direction d’Atlas. Les dépenses ont été engagées en vue de protéger sa réputation au sein de l’industrie de l’entreposage frigorifique, où il concentrait ses activités professionnelles de consultation. Dans ce contexte, les dépenses juridiques étaient de nature personnelle et elles n’ont pas été engagées dans le but de protéger la possibilité de tirer un revenu de son entreprise de consultation.

[23]        Un examen des facteurs que la Cour suprême du Canada a énoncés dans l’arrêt Symes étaye ma conclusion, comme cela a été le cas dans la décision Gordon Ironside.

La dépense est-elle habituellement engagée par d’autres dans une entreprise de même nature que celle du contribuable et la déduction est-elle ordinairement acceptée à titre de dépense d’entreprise par les comptables?

[24]        Les dépenses juridiques que l’appelant a engagées en vue de se défendre contre des accusations liées à des manquements à la législation provinciale en matière de valeurs mobilières ne sont généralement pas considérées comme une dépense d’entreprise habituelle et reconnue que l’on associe à des services de consultation.

Une dépense donnée aurait-elle été engagée si le contribuable ne visait pas la production d’un revenu d’entreprise?

[25]        La réponse à cette question est oui. Il aurait fallu que l’appelant assure sa défense, qu’il vise ou non la poursuite de ses activités de consultation. Les accusations portées contre lui étaient la conséquence directe de sa conduite et de ses activités à titre de président, de chef de la direction et d’administrateur d’Atlas, ainsi que du fait qu’il détenait des parts de la Fiducie et faisait sur elles des opérations. Tant la preuve que l’exposé conjoint des faits que les parties ont produits étayent cette conclusion.

[26]        Le fait qu’une part des frais juridiques que l’appelant a engagés était couverte par la police d’assurance qu’Atlas procurait à ses administrateurs et à ses dirigeants amène aussi à conclure que les accusations portées contre lui étaient la conséquence directe du poste qu’il occupait à titre de directeur et de dirigeant d’Atlas. Le fait que le règlement de 50 millions $ qui a été conclu dans le cadre du recours collectif a été payé par l’assureur d’Atlas à hauteur de 40 millions de dollars ainsi que par Atlas elle-même, à hauteur de 10 millions de dollars, étaye également cette conclusion.

[27]        Pendant que l’appelant se défendait dans le cadre de l’instance engagée par la CVMO et du recours collectif, il était également aux prises avec une plainte pour congédiement injustifié à l’encontre d’Atlas. Il y avait un lien étroit entre l’emploi de l’appelant et les instances judiciaires pendant les années d’imposition en litige. À l’évidence, le besoin qu’avait l’appelant de se défendre contre l’instance engagée par la CVMO et le recours collectif était distinct de son entreprise de consultation, et ce besoin aurait existé indépendamment de cette dernière.

Le « besoin de l’entreprise » ou le critère du « à défaut de »

[28]        Comme il a été mentionné au paragraphe précédent, le besoin qu’avait l’appelant de se défendre contre l’instance engagée par la CVMO et le recours collectif était distinct de son entreprise de consultation. Les conséquences possibles d’une déclaration de culpabilité dans le cadre de l’instance engagée par la CVMO ou d’une conclusion de responsabilité dans le cadre du recours collectif auraient eu une incidence directe sur l’emploi de l’appelant, mais une incidence indirecte sur ses activités de consultation.

[29]        Dans la présente affaire, aucune preuve ne donne à penser que les accusations et les allégations qui constituaient le fondement de l’instance engagée par la CVMO et du recours collectif ont eu une incidence sur l’entreprise de consultation de l’appelant. En fait, il semble qu’elles n’ont eu aucune incidence marquée.

[30]        L’appelant a démissionné d’Atlas le 21 novembre 2003 et il a déposé une plainte pour congédiement injustifié contre Atlas et ses successeurs le 27 janvier 2006. La poursuite pour congédiement injustifié a été réglée le 18 novembre 2010. Le recours collectif a débuté le 4 février 2004, ou aux environs de cette date, et a été réglé en 2008. L’instance engagée par la CVMO a débuté le 2 juin 2004, ou aux environs de cette date, et a été abandonnée le 27 février 2007. Toutes ces instances ont eu lieu entre la fin de 2003 et la fin de 2010, au cours d’une période de sept ans. Durant cette période, l’appelant a reçu de Patrick Gouveia Consulting des honoraires de gestion de 230 000 $ en 2003, de 250 000 $ en 2004, rien en 2005 et en 2006, et de 583 000 $ (550 000 $, TPS non comprise) en 2007. La facture relative à l’année 2007 porte la date du 31 janvier 2007 et elle a trait à des services professionnels et de consultation qui ont été fournis pendant la période du 1er février 2006 au 31 janvier 2007. La majeure partie de cette facture concerne des services fournis en 2006. Vu que le montant de la facture représente le double de ce qui était facturé annuellement, il est concevable que le montant facturé en 2007 incluait aussi les services fournis en 2005. Quoi qu’il en soit, l’appelant semble avoir gagné à peu près le même montant en honoraires de consultation ou de gestion pendant toute la période, malgré les divers litiges. Les honoraires de gestion que l’appelant a facturés semblent être fixes et réguliers d’une année à une autre. Ils ne paraissent pas fluctuer en proportion du revenu d’entreprise qu’a gagné 1177325 Ontario Ltd., une société que contrôle l’appelant.

[31]        À l’audience, l’appelant a déclaré qu’il avait continué de fournir des services de consultation à 1177325 Ontario Ltd. pendant toute la période et que l’absence d’honoraires en 2005 et 2006 était due au fait que la conclusion de certaines opérations avait été retardée. Il a admis qu’à cause de la clause de non-concurrence qui figurait dans son contrat d’emploi, il n’était pas autorisé à faire des affaires aux États-Unis, au Canada et en Europe de l’Ouest. Pendant qu’il s’occupait de ses diverses défenses, l’appelant a tenté de redonner vie à son entreprise de consultation en Europe de l’Est, et il est parvenu à former des coentreprises en Ukraine, en Géorgie et en Inde. Je puis comprendre qu’il a fallu à l’appelant, comme il l’a dit, plusieurs années pour rétablir sa crédibilité auprès de bailleurs de fonds situés aux quatre coins du globe, même après l’abandon des accusations, mais aucun lien direct ou manifeste n’a été établi en l’espèce entre les actes ayant créé le « besoin » et l’entreprise de consultation de l’appelant. Le lien était insuffisant et trop éloigné pour que la déduction soit justifiée.

[32]        Dans l’arrêt R. c. Doiron, 2012 CAF 71 (CAF), au paragraphe 43, la Cour d’appel fédérale a déclaré qu’il incombe au contribuable de montrer le lien qui existe entre les dépenses et l’entreprise. Dans la décision 412237 Ontario Ltd. v. R., 1993 CarswellNat 1241 (CCI), au paragraphe 19, la Cour canadienne de l’impôt a décrit le seuil en ces termes :  « un lien ou un rapport entre le fait de gagner un revenu et le paiement des frais ».

[33]        Comme l’a déclaré la Cour canadienne de l’impôt dans la décision Leduc v. R., 2005 CarswellNat 227, au paragraphe 26 :

[…] c’est l’activité qui a entraîné les accusations et son lien à l’entreprise qui déterminent la déductibilité des frais juridiques associés à la défense.

[34]        Dans l’arrêt Cimolai v. R., 2006 CarswellNat 3558 (CAF), la Cour d’appel fédérale a convenu avec la Cour canadienne de l’impôt que le contribuable ne pouvait pas déduire à titre de dépense d’entreprise les frais juridiques engagés dans le cadre de la poursuite d’une action en diffamation visant à préserver la réputation professionnelle du contribuable car ils avaient été engagés en rapport avec des procédures judiciaires qui découlaient de ses activités d’emploi. La Cour d’appel fédérale a déterminé quelles étaient les activités professionnelles du contribuable (travail à son propre compte) et elle a conclu, au paragraphe 14, que « […] les activités génératrices d’un revenu duquel une déduction pouvait être faite aux termes de l’alinéa 18(1)a) sont très limitées ».

[35]        En engageant les frais juridiques, quel était le risque auquel l’appelant tentait de se soustraire? Selon ce dernier, c’était celui de perdre les chances de réaliser des opérations lucratives, telles que des coentreprises dans le secteur de l’entreposage frigorifique. L’appelant a engagé les frais juridiques pour assurer sa défense dans le cadre de l’instance engagée par la CVMO et du recours collectif de façon à pouvoir protéger sa capacité de tirer un revenu d’entreprise par l’intermédiaire de Patrick Gouveia Consulting, qui dépend du passé sans reproches de l’appelant, sur le plan de son expérience professionnelle, de son sens des affaires et de ses services.

[36]        Ce que l’on demandait, notamment, dans le cadre de l’instance engagée par la CVMO, était une ordonnance blâmant l’appelant et l’interdisant de faire le commerce de valeurs mobilières ou d’agir à titre d’administrateur ou de dirigeant d’un émetteur assujetti. Ce fait ne privait pas en soi l’appelant de sa capacité de tirer un revenu d’entreprise par l’intermédiaire de Patrick Gouveia Consulting dans des pays non visés par la clause de non-concurrence figurant dans son contrat d’emploi.

[37]        Pour ce qui est du recours collectif, au nombre des mesures de réparation demandées figurait une déclaration portant que l’appelant rende compte aux demandeurs de la totalité du produit des opérations menées sur les parts de fiducie. La raison pour laquelle l’appelant a assuré sa défense dans le cadre du recours collectif et les conséquences que celui-ci peut avoir eues ne semblent avoir aucun lien avec les activités de consultation de l’appelant.

[38]        Les conséquences auxquelles s’exposait l’appelant par suite d’une déclaration de culpabilité dans l’instance engagée par la CVMO ou d’une conclusion de responsabilité dans le cadre du recours collectif auraient eu une incidence plus directe sur ses perspectives d’emploi futures que sur ses activités de consultation courantes et futures. À mon avis, le lien entre les dépenses juridiques engagées et les activités de consultation est trop éloigné pour que l’appelant puisse les déduire.

La préservation de la réputation de l’appelant et de sa capacité de gagner un revenu futur

[39]        La préservation de la réputation de l’appelant et de sa capacité de gagner un revenu futur était un élément central de la décision qu’il a prise de se défendre dans le cadre de l’instance engagée par la CVMO et du recours collectif. Le dossier sans reproches de l’appelant sur le plan de l’expérience professionnelle, du sens des affaires et des services était remis en question dans l’instance engagée par la CVMO et le recours collectif (paragraphe 12 de la section G de l’avis d’appel).

[40]        Dans l’arrêt Cimolai, précité, au paragraphe 15, la Cour d’appel fédérale a confirmé que « […] les frais juridiques qu’une personne engage en vue de sauvegarder sa réputation professionnelle et donc sa capacité à continuer de gagner sa vie relèvent, par définition, du compte de capital ».

[41]        La déduction de frais juridiques engagés en vue de préserver la réputation de l’appelant et sa capacité de gagner un revenu futur est interdite par l’alinéa 18(1)b) de la Loi, et ces frais sont donc considérés comme étant à titre de capital.

[42]        Les appels relatifs aux cotisations établies pour les années d’imposition 2003, 2004, 2005 et 2006 sont rejetés et l’appel relatif à la nouvelle cotisation établie pour l’année d’imposition 2007 est accueillie à seule fin de donner effet à la concession qu’a faite le ministre, soit de réduire de 33 000 $ le revenu d’entreprise de l’appelant pour cette année-là; la nouvelle cotisation est renvoyée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation au motif que le revenu d’entreprise de l’appelant pour l’année d’imposition 2007 est à réduire d’un montant de 33 000 $.

[43]        Le tout avec dépens en faveur de l’intimée.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de décembre 2013.

 

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de mars 2014.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 414

 

No DE DOSSIER DE LA COUR :    2009-3370(IT)G

 

INTITULÉ :                                      Patrick A. Gouveia et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 17 mai 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge Réal Favreau

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 20 décembre 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l’appelant :

Me Vern Krishna

Me Isabella Mentina

Avocate de l’intimée :

Me Brooke Sittler

 

AVOCATS INSCRITS
AU DOSSIER :

 

Pour l’appelant :

                           Noms :                   Me Vern Krishna
Me Isabella Mentina

 

                        Cabinet :                   Borden Ladner Gervais s.r.l.
Toronto (Ontario)

 

              Pour l’intimée :                   William F. Pentney
Sous-procureur général du Canada
Ottawa, Canada

 



[1] Le montant que l’appelant a déclaré en rapport avec cette année d’imposition comprenait la TPS, contrairement aux montants qu’il a déclarés en rapport avec les années d’imposition 2002, 2003 et 2004.

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