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Dossier : 2004-2787(IT)G

ENTRE :

ALLAN GARBER,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu au cours des semaines du 10 janvier 2012, 6 février 2012, 14 février 2012, 21 février 2012, 27 février 2012, 26 mars 2012, 24 avril 2012, 15 mai 2012, 4 juin 2012, 11 juin 2012, 2 octobre 2012, 9 octobre 2012, 30 octobre 2012, 5 novembre 2012, 4 décembre 2012, 10 décembre 2012, 22 janvier 2013, 5 février 2013, 12 février 2013, 16 avril 2013, 29 avril 2013 et 15 mai 2013, à Toronto (Ontario).

Devant : L’honorable juge en chef adjoint E.P. Rossiter

Comparutions :

Avocat des appelants :

Me Howard Winkler

Avocats de l’intimée :

Mes Gordon Bourgard, John Shipley et
Julian Malone

 

JUGEMENT

          Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 1984, 1985, 1986 et 1987 sont rejetés, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa (Ontario), ce 7e jour de janvier 2014.

« E.P. Rossiter »

Juge en chef adjoint Rossiter

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de septembre 2014.

 

 

François Brunet, réviseur


Dossier : 91-1946(IT)G

ET ENTRE :

GEOFFREY D. BELCHETZ,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu au cours des semaines du 10 janvier 2012, 6 février 2012, 14 février 2012, 21 février 2012, 27 février 2012, 26 mars 2012, 24 avril 2012, 15 mai 2012, 4 juin 2012, 11 juin 2012, 2 octobre 2012, 9 octobre 2012, 30 octobre 2012, 5 novembre 2012, 4 décembre 2012, 10 décembre 2012, 22 janvier 2013, 5 février 2013, 12 février 2013, 16 avril 2013, 29 avril 2013 et 15 mai 2013, à Toronto (Ontario).

Devant : L’honorable juge en chef adjoint E.P. Rossiter

Comparutions :

Avocat des appelants :

Me Howard Winkler

Avocats de l’intimée :

Mes Gordon Bourgard, John Shipley et
Julian Malone

 

JUGEMENT

          Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 1986, 1987 et 1988 sont rejetés, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa (Ontario), ce 7e jour de janvier 2014.

« E.P. Rossiter »

Juge en chef adjoint Rossiter

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce  18e jour de septembre 2014.

 

 

François Brunet, réviseur

 


Dossier : 91-1816(IT)G

91-509(IT)G

ET ENTRE :

LINDA LECKIE MOREL,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu au cours des semaines du 10 janvier 2012, 6 février 2012, 14 février 2012, 21 février 2012, 27 février 2012, 26 mars 2012, 24 avril 2012, 15 mai 2012, 4 juin 2012, 11 juin 2012, 2 octobre 2012, 9 octobre 2012, 30 octobre 2012, 5 novembre 2012, 4 décembre 2012, 10 décembre 2012, 22 janvier 2013, 5 février 2013, 12 février 2013, 16 avril 2013, 29 avril 2013 et 15 mai 2013, à Toronto (Ontario).

Devant : L’honorable juge en chef adjoint E.P. Rossiter

Comparutions :

Avocat des appelants :

Me Howard Winkler

Avocats de l’intimée :

Mes Gordon Bourgard, John Shipley et
Julian Malone

 

JUGEMENT

          Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 1985, 1986, 1987 et 1988 sont rejetés, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa (Ontario), ce 7e jour de janvier 2014.

« E.P. Rossiter »

Juge en chef adjoint Rossiter

 

 

Traduction certifiée conforme

ce  18e jour de septembre 2014.

 

 

François Brunet, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2014 CCI 1

Date : 20140107

Dossier : 2004-2787(IT)G

ENTRE :

ALLAN GARBER,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

 

Dossier : 91-1946(IT)G

ET ENTRE :

GEOFFREY D. BELCHETZ,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

 

Dossier : 91-1816(IT)G

91-509(IT)G

ET ENTRE :

LINDA LECKIE MOREL,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge en chef adjoint Rossiter


Table des matières

A. Survol de l’affaire. 4

B. Les demandes de déduction des appelants. 8

1. Allan Garber, 2004-2787(IT)G : la SC S/Y Garbo (société en commandite du type 1) 9

Dépenses dont la déduction est demandée en date des observations finales – Société en commandite du type 1 – SC S/Y Garbo – Allan Garber (un tiers d’une part) 11

2. Linda Leckie Morel, 1991-1816(IT)G, 1991-509(IT)G : la SC S/Y Midnight Kiss (société en commandite du type 2) 13

Dépenses dont la déduction est demandée en date des observations finales – Société en commandite du type 2 – SC S/Y Midnight Kiss – Linda Leckie Morel 14

3. Geoffrey Belchetz, 1991-1946(IT)G : la SC S/Y Close Encounters (société en commandite du type 3) 16

Dépenses dont la déduction est demandée en date des observations finales – SC S/Y Close Encounters – Geoffrey Belchetz. 17

C. Les motifs de refus invoqués par l’intimée. 18

1. Les articles 3 et 4 de la Loi de l’impôt sur le revenu. 18

2. Des trompe-l’oeil 19

3. Des dépenses non engagées. 19

4. Le moment où les dépenses ont été engagées. 19

5. L’absence de prêts. 19

6. La restriction de la déduction pour amortissement concernant la SC S/Y Garbo. 19

7. La limite d’intérêts concernant la SC/S/Y Garbo. 20

8. La SC S/Y Close Encounters – les dispositions concernant la fraction à risques. 20

9. Le paragraphe 245(1) 20

10. L’article 67. 20

D. Les questions en litige. 21

E. Les faits relatifs aux opérations. 21

1. Les trois types de société en commandite. 21

2. L’investissement dans une société en commandite. 24

3. Les ententes d’activités d’affrètement conclues entre les sociétés en commandite et OCGC   27

F. Le sommaire factuel 28

1. Les premiers jours. 28

2. La mise en marché et la vente des sociétés en commandite. 29

3. La mise sur pied et la mise en marché de l’entreprise d’affrètement de yachts. 32

4. La planification, la conception, la construction ou l’acquisition des yachts. 34

a) Généralités. 34

b) Les yachts. 34

c) Le S/Y First Impressions. 35

d) Le S/Y Garbo. 35

e) L’Ondine (le S/Y Great Gatsby) 36

f) Le Med 86. 36

g) Le S/Y Gable. 36

h) Autres contrats. 37

5. La vérification et l’enquête de l’ARC.. 37

G. Les fausses déclarations : une fraude du début jusqu’à la fin. 39

a) Les notices d’offre. 42

b) Les fausses déclarations faites à des professionnels. 55

c) Les fausses déclarations faites dans les documents d’OCGC : la « flottille de yachts » et le « commissariat hôtelier ». 60

d) Les états financiers concernant les sociétés en commandite. 63

e) Les fausses déclarations concernant les entités étrangères. 72

f) Autres documents faux et antidatés. 74

g) Autres fausses déclarations faites aux investisseurs. 75

h) La construction et l’achat des yachts. 79

i) Starlight Charters. 93

j) Autres activités d’OCGC.. 98

H. Les dispositions législatives pertinentes et l’analyse. 104

1. Les trois sociétés en commandite constituaient-elles une source de revenus aux termes des articles 3 et 4 de la Loi de l’impôt sur le revenu et pouvaient-elles subir une perte aux termes de l’article 3, du paragraphe 9(2) et de l’article 96?. 104

a) Existe-t-il une source de revenus aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu?. 104

b) Les sociétés en commandite étaient-elles de véritables sociétés exploitant une entreprise en commun en vue de réaliser un bénéfice?. 138

2. S’il est décidé que les sociétés en commandite constituent une source de revenus, ont-elles réellement subi les pertes dont les appelants ont demandé la déduction?. 151

a) Les dispositions législatives pertinentes. 151

3. Si les sociétés en commandite ont réellement subi les pertes dont la déduction a été demandée, ont-elles correctement rattaché le moment des dépenses qu’elles ont déduites aux années d’imposition en question?. 153

a) Les dispositions législatives pertinentes. 153

b) L’analyse. 154

4. S’il y avait une source à l’égard de laquelle des pertes véritables ont été déduites aux bons moments, quel est le montant de la déduction pour amortissement, le cas échéant, dont la Société en commandite S/Y Garbo a le droit de se prévaloir?. 154

a) Les dispositions législatives pertinentes. 154

b) L’analyse. 155

5. Chacun des appelants a-t-il engagé les dépenses d’intérêts déduites aux termes des alinéas 18(1)a) et 20(1)c) de la Loi de l’impôt sur le revenu?. 156

a) Les dispositions législatives pertinentes. 156

b) L’analyse. 159

6. Autres questions. 160

a) Les dispositions concernant la fraction à risques et la Société en commandite S/Y Close Encounters  160

b) L’article 67. 162

I. La conclusion. 165

J. Les dépens. 165

 


A. survol de l’affaire

[1]             Les appelants ont souscrit des parts de l’un de trois types de société en commandite par l’entremise d’Overseas Credit and Guaranty Corporation (« OCGC »). Cette dernière faisait la promotion et la mise en marché de ces sociétés en commandite en tant que possibilité d’investir dans une entreprise d’affrètement de yachts de luxe, structurée de manière à procurer aux investisseurs des avantages fiscaux fort attrayants, qui n’étaient exposées qu’à un risque personnel restreint. OCGC intervenait comme commandité pour chaque société en commandite. C’est en 1984 qu’Einar Bellfield a constitué OCGC en société à titre d’unique actionnaire, et il en était l’âme dirigeante.

[2]             La formule de l’investissement était la suivante : chaque société en commandite achèterait d’OCGC un yacht de luxe qui devait être livré à une date précisée. À titre de commandité, OCGC s’engageait à créer, à mettre en marché et à gérer une entreprise d’affrètement de yachts de luxe appelée « Fantaseas », qui s’occuperait de la mise en marché et de la gestion de la flottille de yachts des sociétés en commandite. OCGC s’engageait par contrat à fournir à chaque société en commandite divers biens et services, moyennant certains frais de la part de chacune. Le plan d’investissement prévoyait des frais de démarrage élevés, et des profits projetés sur le long terme seulement. Cependant, comme les dépenses de la société en commandite excèderaient ses revenus, les pertes s’écouleraient vers le bas, seraient réparties entre les investisseurs de chaque société en commandite et seraient déductibles de leurs revenus respectifs.

[3]             Les affrètements de Fantaseas ciblaient le marché de l’affrètement de yachts de très grand luxe. Dans ce marché, à l’époque, il n’était généralement possible d’affréter qu’un yacht entier. Fantaseas visait un créneau de marché non comblé : l’affrètement (ou la « location ») de cabines distinctes à bord de yachts de luxe. Selon le concept de Fantaseas, chaque yacht appartenant à une société en commandite - soit un catamaran de 60 pieds, soit un monocoque de 80 pieds ou plus - serait doté de quatre grandes cabines privées, de même taille et pouvant être louées séparément, de même que de logements d’équipage. Les invités bénéficieraient de plats gastronomiques, d’un service de personnel complet et d’excellente qualité, ainsi que d’installations d’hébergement de haut niveau. Les croisières offertes alterneraient entre les Antilles et la Méditerranée, suivant la saison.

[4]             Starlight Canada Ltd., une entreprise liée à OCGC, coordonnerait les activités de vente et de mise en marché de l’entreprise d’affrètement de yachts. Une autre entreprise liée à OCGC, Fabu D’Or, avait pour objectif déclaré de créer un commissariat hôtelier qui s’occuperait d’apprêter des plats gastronomiques correspondant aux critères de luxe de la marque Fantaseas. OCGC s’était engagée auprès de 36 sociétés en commandite à fournir des yachts conformes à des cahiers de charges particuliers, mais il y a eu plusieurs modifications quant à la manière dont ces yachts allaient être construits et livrés ainsi qu’au lieu et au moment où la construction et la livraison se feraient. Suivant le calendrier, les yachts devaient être fabriqués par des entreprises situées en France (Dynamique, Chantiers Yachting France ou Maxi Yachts) ou à un chantier situé à Picton, en Ontario. Divers architectes navals et constructeurs de yachts ont participé à des moments différents à la conception et à la construction des yachts qu’OCGC avait promis. En définitive, seuls deux yachts répondant aux critères de Fantaseas ont censément été construits pour les sociétés en commandite canadiennes.

[5]             La possibilité d’investissement dans l’affrètement de yachts de luxe et le concept de Fantaseas étaient tous deux la conception personnelle d’Einar Bellfield. La mise en marché et la promotion de possibilités d’investissement dans les sociétés en commandite propriétaires des yachts de luxe étaient l’un des principaux projets d’investissement d’OCGC, mais cette dernière a aussi créé et vendu d’autres possibilités d’investissement dont le fondement principal semblait être les avantages qu’elles offraient sur le plan fiscal.

[6]             Les sociétés en commandite d’affrètement de yachts de luxe ont fait l’objet d’activités de promotion menées par divers comptables, avocats et autres spécialistes, à titre d’abris fiscaux, auprès de leurs clients à revenus élevés. Les promoteurs touchaient une commission pour chaque investisseur qui y souscrivait. Ils insistaient fortement sur les avantages fiscaux qu’offrait l’investissement, sur lesquels était concentrée une bonne part des informations promotionnelles fournies aux éventuels investisseurs. Les attraits fiscaux comprenaient la transmission des pertes résultant des dépenses élevées qui étaient engagées lors de la phase de démarrage, avant que des revenus soient générés, de même que la possibilité de demander une déduction pour amortissement à l’égard de chaque yacht. Par exemple, la notice d’offre concernant la société en commandite S/Y Garbo donnait un aperçu des avantages fiscaux qu’offrait la possibilité d’investissement :

[traduction
OCG Corporation est résolue à assurer au contribuable des avantages fiscaux attrayants et elle est structurée de manière à atteindre cet objectif.

Les investissements de nature fiscale diffèrent d’autres types d’investissement et doivent être évalués en ayant certains objectifs à l’esprit. Quand on examine un investissement ordinaire, les facteurs fondamentaux de base sont les risques par opposition au rendement possible.

Lorsque vous évaluez un investissement de nature fiscale, votre principal objectif est un amortissement maximal assorti d’un risque faible ou nul, et, par ailleurs, il doit y avoir une bonne chance d’obtenir un rendement raisonnable par rapport au capital investi plus, ultérieurement, une appréciation du capital[1].

[…]

Les déductions élevées qu’offre cet investissement au départ ainsi que la déduction pour amortissement décroissante dont disposent les acheteurs de navire peuvent avoir une incidence considérable sur le calcul du revenu net du propriétaire[2].

[7]             Le montage de l’opération était avantageux pour l’investisseur sur le plan fiscal, ainsi que l’a expliqué OCGC dans la notice d’offre concernant la Société en commandite S/Y Garbo :

[traduction
OCG Corporation a conçu le programme de financement de manière à maximiser les avantages fiscaux dont disposera l’investisseur, tout en évitant aux acheteurs de parts d’avoir à faire des décaissements[3].

[8]             Lors des années d’imposition en question, soit de 1984 à 1988, et suivant le type de société en commandite, les investisseurs ont déduit leur part des pertes subies par leur société en commandite en se fondant sur les tableaux des pertes annuelles émanant d’OCGC. Ils ont également déduit les paiements d’intérêt sur un billet à ordre, lequel était compris dans la contrepartie donnée au moment de l’achat d’une unité, de même que les frais professionnels payés au moment de l’achat, dans l’année de la souscription.

[9]             Vers le mois d’avril 1986, les pertes qu’un investisseur de société en commandite avait déduites ont attiré l’attention de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »)[4], et une vérification a été entreprise en octobre 1986. Le service de l’évitement fiscal de l’ARC est entré en jeu et, au final, le service des enquêtes spéciales de l’ARC a fini par effectuer, de pair avec la GRC, une série de perquisitions et de saisies, ainsi que des entretiens avec des représentants et des investisseurs d’OCGC. Au final, l’ARC en est venue à croire qu’OCGC se livrait à des activités frauduleuses dans toutes les sociétés en commandite. Le ministre du Revenu national a refusé la totalité des déductions à l’égard de pertes, d’intérêts et d’honoraires professionnels que les investisseurs avaient demandées.

[10]        La thèse de l’ARC était qu’une fraude avait été commise par OCGC ou par son entremise. Des accusations criminelles ont été portées. En 1994, Einar Bellfield a été inculpé de deux chefs de fraude et de deux chefs d’emploi de faux documents. Son bras droit, Osvaldo Minchella, a été inculpé des mêmes chefs plusieurs mois plus tard. Un jury a reconnu les deux hommes coupables de toutes les accusations après un procès tenu devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario. Les déclarations de culpabilité ont été confirmées en appel, et l’autorisation d’interjeter appel auprès de la Cour suprême du Canada a été refusée. Un autre intervenant, Pierre Rochat, a été arrêté en 1995. Il a plaidé coupable au chef d’emploi de faux documents en 1996, et a été condamné à six mois d’emprisonnement.

[11]        Plus de 600 investisseurs ont fait l’objet de nouvelles cotisations. De ce nombre, environ 300 ont conclu un règlement avec l’ARC. La grande majorité des investisseurs ont toutefois interjeté appel auprès de la Cour canadienne de l’impôt. Les appelants dont il est question en l’espèce sont représentatifs des autres appelants qui ont interjeté appel, à l’exception de certains qui ont décidé de ne pas être liés par l’issue des présents appels.

[12]        La question centrale consiste à savoir si chaque société en commandite constituait une véritable entreprise d’affrètement de yachts entre 1984 et 1988, soit la fourchette des années d’imposition dans lesquelles les appelants ont déduit des pertes, des intérêts et des honoraires professionnels relatifs à une société en commandite, relativement à leur investissement dans une part d’une telle société. Si les sociétés en commandite exploitaient une entreprise véritable, il existait donc une source de revenus, et les dépenses déclarées sont peut-être déductibles, suivant le règlement d’autres questions[5]. Si, au contraire, je conclus que les appelants ont été escroqués dès le début de leur investissement, il s’ensuit que la société en commandite ne peut pas constituer pour eux une source de revenus et qu’aucun des montants déclarés n’est déductible.

[13]        Les présents appels constituent l’aboutissement d’une longue procédure. Des avis de cotisation ou de nouvelle cotisation ont été établis pour la première fois en 1989 ou en 1990. Des avis d’opposition ont été déposés dans ces mêmes années. Les appels ont été mis en suspens pendant de nombreuses années dans l’attente du déroulement de négociations entre les plaideurs ainsi que l’issue des procès et des appels de MM. Bellfield et Minchella dans le cadre du processus pénal. Les questions de nature pénales ont été tranchées en 2004. Un certain nombre de requêtes ont été présentées à la Cour canadienne de l’impôt au sujet de ces appels et ont donné lieu à d’autres retards.

[14]        On a commencé à recueillir les dépositions le 6 décembre 2010 aux termes de l’article 119 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles »), soit plus de vingt ans après les premiers avis de cotisation. L’instruction proprement dite a débuté le 11 janvier 2012 et, en tout, les témoignages ont duré plus de 62 jours, et il y a eu environ 34 témoins et quelque 23 exposés conjoints des faits. L’audition des dépositions s’est déroulée sur une longue période en vue de favoriser la disponibilité des témoins et de permettre aux deux parties de mieux structurer et présenter leurs éléments de preuve. Soit dit en passant, dans la plupart des cas, les avocats des deux parties ont travaillé de concert d’une manière des plus impressionnantes et coopératives de façon à pouvoir présenter à la Cour des éléments de preuve comportant des dizaines de milliers de pages contenues dans de multiples volumes de pièces qui, d’après mes calculs, se sont accumulés au point de remplir plus d’une centaine de boîtes de dossiers.

B. Les demandes de déduction des appelants

[15]        Quatre appels ont été entendus sur preuve commune, et chacun des trois appelants avait investi dans l’un des trois types de société en commandite. Les 36 sociétés en commandite dont des parts ont été vendues ont été regroupées en trois types, selon qu’elles ont été mises en marché et achetées en 1984, en 1985 ou en 1986.

[16]        Les sociétés en commandite du type 1 ont été mises en marché et vendues par OCGC en 1984. La société en commandite de 1984 que l’on a présentée à la Cour est la [traduction] « Société en commandite S/Y Garbo » (« SC S/Y Garbo »). L’appelant Allan Garber a fait l’acquisition de l’une des 24 parts de la SC S/Y Garbo et a conservé cette part en fiducie pour lui-même, ainsi que pour Stacy Mitchell et David Sugarman.

[17]        L’année suivante, en 1985, OCGC a mis en marché et vendu les sociétés en commandite du type 2. La société en commandite de 1985 que l’on a présentée à la Cour est la [traduction] « Société en commandite S/Y Midnight Kiss » (« SC S/Y Midnight Kiss »). L’appelante Linda Leckie Morel a acheté l’une des 24 parts de la SC S/Y Midnight Kiss.

[18]        Les sociétés en commandite du type 3 ont été mises en marché et vendues en 1986. Ce dernier type de société en commandite que l’on a présenté à la Cour comporte quelques différences au titre des opérations en raison des nouvelles « dispositions concernant la fraction à risques » que l’on a introduites dans le cadre du budget fédéral du 26 février 1986 relativement aux sociétés en commandite. OCGC a organisé les opérations concernant les sociétés en commandite de 1986 de manière différente de façon à préserver le statu quo, c’est-à-dire à maintenir les droits acquis aux termes des dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu qui s’appliquaient avant 1986. L’appelant Geoffrey Belchetz a acheté l’une des 25 parts de la société en commandite de 1986 qui a été présentée à la Cour, soit la [traduction] « Société en commandite S/Y Close Encounters » (« SC S/Y Close Encounters »).

[19]        Les trois sous-sections qui suivent exposent les demandes de déduction et l’historique procédural qui sont associés à chacun des appelants.

1. Allan Garber, 2004-2787(IT)G : la SC S/Y Garbo (société en commandite du type 1)

[20]        Allan Garber est comptable agréé et homme d’affaires qui réside en Ontario. Son appel a trait aux déductions de son revenu qui se rapportent à l’investissement qu’il a fait dans la SC S/Y Garbo, une société en commandite du type 1. Il a demandé ces déductions dans les années d’imposition 1984, 1985, 1986 et 1987.

[21]        M. Garber a été mis au courant de la possibilité d’investir dans la société en commandite par un promoteur, qui a présenté les sociétés en commandite comme un investissement dans un bien en capital, le yacht de luxe S/Y Garbo, qui serait utilisé dans une entreprise d’affrètement de yachts à voile. La SC S/Y Garbo disposait de 24 parts, le prix total de chacune s’élevant à 97 500 $. M. Garber a acheté le tiers d’une part, au prix de 32 500 $, en 1984.

[22]        M. Garber a déduit la fraction des pertes de la SC S/Y Garbo qui était proportionnelle à son droit de propriété sur le tiers d’une part à titre de pertes d’entreprise subies après avoir engagé des dépenses en vue de tirer un revenu d’une entreprise, aux termes de l’article 3, du paragraphe 9(2) et de l’article 96 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), de la manière suivante :

        15 058 $ sur des pertes totales de 1 084 064 $ dans l’année d’imposition 1984;

        5 381 $ sur des pertes totales de 378 457 $ dans l’année d’imposition 1985;

        6 651 $ sur des pertes totales de 478 902 $ dans l’année d’imposition 1986;

        6 552 $ sur des pertes totales de 471 769 $ dans l’année d’imposition 1987.

[23]        M. Garber, selon son nouvel avis d’appel modifié daté du 19 septembre 2008, a déclaré les intérêts qu’il avait payés sur un des deux billets à ordre ayant servi à acheter sa fraction d’un tiers d’une part de la SC S/Y Garbo et les a déduits de son revenu dans chacune des années où ces frais ont été engagés, conformément au sous-alinéa 20(1)c)(ii) de la Loi, de la manière suivante :

        635 $ dans l’année d’imposition 1984;

        3 859 $ dans l’année d’imposition 1985;

        2 512 $ dans l’année d’imposition 1986;

        2 167 $ dans l’année d’imposition 1987.

[24]        Enfin, M. Garber a déclaré la somme de 150 $ au titre d’honoraires professionnels qu’il avait payés dans le cadre de son achat du tiers d’une part, et il les a déduits dans l’année où la dépense a été engagée, conformément à l’alinéa 20(1)e) de la Loi.

[25]        Les déductions relatives à chacune des années d’imposition ont été refusées par des avis de cotisation établis le 28 juillet 1989. M. Garber a déposé des avis d’opposition en octobre 1989, et a interjeté appel auprès de la Cour canadienne de l’impôt en vertu de l’alinéa 169(1)b) de la Loi.

[26]        Au début de l’instruction, M. Garber a retiré plusieurs de ses demandes de déduction. Conformément à ses observations finales, il ne maintient ses demandes de déduction que pour les dépenses exposées dans le tableau ci-dessous, lequel est tiré de ses observations finales :

[traduction]

Dépenses dont la déduction est demandée en date des observations finales – Société en commandite du type 1 – SC S/Y Garbo – Allan Garber (un tiers d’une part)[6]

 

1984

 

 

 

Frais d’intérêt (billet no 1)

 

2 166,00 $

Honoraires professionnels

 

150,00 $

Étude de faisabilité

100 000 $

 

Coûts de production et honoraires professionnels

120 000 $

 

Commissions sur les ventes et frais d’émission

274 000 $

 

Linge, coutellerie, vaisselle et ustensiles

15 000 $

 

Mise en marché et publicité

60 000 $

 

Total partiel :

569 000 $

 

Fraction 1/24 × 1/3 d’une part

 

7 902,78 $

Total :

 

10 218,78 $

 

 

 

1985

 

 

 

Frais d’intérêts (billet no 1)

 

2 166,00 $

Mise en marché et publicité

60 000 $

 

Services de commissariat

90 700 $

 

Honoraires de gestion

70 000 $

 

Total partiel :

220 700 $

 

Fraction 1/24 × 1/3 d’une part

 

3 065,28 $

Total :

 

5 231,28 $

 

 

 

1986

 

 

 

Frais d’intérêts (billet no 1)

 

2 166,00 $

Dépenses d’affrètement

12 663 $

 

Frais de mise à jour – Étude de faisabilité (50 %)

25 000 $

 

Honoraires de gestion

7 129 $

 

Frais de mise en marché et publicité

60 000 $

 

Droits d’amarrage

52 405 $

 

Amortissement

139 696 $

 

Total partiel :

296 893 $

 

Fraction 1/24 × 1/3 d’une part

 

4 123,51 $

Total :

 

6 289,51 $

 

 

 

1987

 

 

 

Frais d’intérêts (billet no 1)

 

2 166,00 $

Dépenses d’affrètement

96 383 $

 

Frais de mise à jour – Étude de faisabilité (50 %)

25 000 $

 

Honoraires de gestion

100 000 $

 

Mise en marché et publicité

60 000 $

 

Droits d’amarrage

55 139 $

 

Déplacements, consultation et recherches générales

35 000 $

 

Amortissement

118 696 $

 

Total partiel :

490 218 $

 

Fraction 1/24 × 1/3 d’une part

 

6 808,58 $

Total :

 

8 974,58 $

 

 

 

1988

 

 

 

Frais d’intérêts (billet no 1)

 

2 166,00 $

Dépenses d’affrètement

123 788 $

 

Honoraires de gestion

100 000 $

 

Mise en marché et publicité

64 200 $

 

Droits d’amarrage

58 424 $

 

Amortissement

100 892 $

 

Total partiel :

447 304 $

 

Fraction 1/24 × 1/3 d’une part

 

6 212,55 $

Total :

 

8 378,55 $

[27]        Il convient de signaler que le montant des dépenses d’intérêt dont M. Garber demande la déduction, selon ses observations finales, ne concorde pas avec le montant demandé dans son nouvel avis d’appel modifié. De plus, conformément aux actes de procédure et indépendamment d’un tableau des dépenses dont la déduction était demandée en date du 26 mars 2012, lequel inclut l’année d’imposition 1988, dans le cadre du présent appel M. Garber n’a pas demandé de redressement pour l’année d’imposition 1988.

2. Linda Leckie Morel, 1991-1816(IT)G, 1991-509(IT)G : la SC S/Y Midnight Kiss (société en commandite du type 2)

[28]        Linda Leckie Morel réside à Scarborough (Ontario). Ses appels ont trait aux sommes déduites de son revenu dans les années d’imposition 1985, 1987 et 1988 dans le cadre de l’appel portant le numéro 1991-1816(IT)G, ainsi que dans l’année d’imposition 1986, dans le cadre de l’appel portant le numéro 1991‑509(IT)G. Les deux appels se rapportent à l’investissement qu’elle a fait dans la société en commandite S/Y Midnight Kiss, une société en commandite du type 2.

[29]        C’est le comptable de Mme Leckie Morel qui lui a présenté la possibilité d’investir dans la société en commandite. En 1985, elle a acheté l’une des 24 parts de la SC S/Y Midnight Kiss à un prix d’achat de 97 500 $. Selon ce qu’elle avait compris, la SC S/Y Midnight Kiss achetait un yacht, le S/Y Midnight Kiss, qui serait utilisé dans le cadre d’une entreprise d’affrètement de yachts de luxe.

[30]        Mme Leckie Morel a déduit de son revenu la fraction des pertes de la SC S/Y Midnight Kiss qui était proportionnelle à la part qu’elle avait achetée, au titre de pertes d’entreprise subies par suite de dépenses engagées pour tirer un revenu d’une entreprise, aux termes de l’article 3, du paragraphe 9(2) et de l’article 96 de la Loi, de la manière suivante :

        48 308 $ sur des pertes totales de 1 159 392 $ dans l’année d’imposition 1985;

        21 422 $ sur des pertes totales de 514 120 $ dans l’année d’imposition 1986;

        15 656 $ sur des pertes totales de 373 565 $ dans l’année d’imposition 1987;

        15 245 $ sur des pertes totales de 365 878 $ dans l’année d’imposition 1988.

[31]        Mme Leckie Morel a également déduit les intérêts payés sur l’un des deux billets à ordre ayant servi à acheter sa part de la SC S/Y Midnight Kiss, et ce, dans chacune des années où les intérêts ont été payés, conformément au sous-alinéa 20(1)c)(ii) de la Loi, de la manière suivante :

        11 757 $ dans l’année d’imposition 1985;

        6 500 $ dans l’année d’imposition 1986;

        6 500 $ dans l’année d’imposition 1987;

        6 500 $ dans l’année d’imposition 1988.

[32]        Enfin, Mme Leckie Morel a déduit 250 $ d’honoraires professionnels payés en 1985, soit l’année d’imposition dans laquelle les dépenses ont été engagées, relativement à l’emprunt de fonds pour acheter sa part de la SC S/Y Midnight Kiss, conformément à l’alinéa 20(1)e) de la Loi.

[33]        Les déductions que Mme Leckie Morel a demandées pour chacune des années d’imposition ont été refusées par des avis de cotisation établis le 7 septembre 1989 pour les années 1985, 1986 et 1987, et le 23 mai 1990, pour l’année d’imposition 1988. Un avis de nouvelle cotisation a été établi le 22 décembre 1989 pour l’année d’imposition 1986. Mme Leckie Morel a déposé des avis d’opposition pour chacune de ces années d’imposition.

[34]        Le 26 mars 2012, Mme Leckie Morel a réduit le nombre des dépenses dont elle demandait la déduction dans le cadre des présents appels. Le tableau qui suit indique les déductions demandées par l’appelante en date de ses observations finales.

[traduction]

Dépenses dont la déduction est demandée en date des observations finales – Société en commandite du type 2 – SC S/Y Midnight Kiss – Linda Leckie Morel[7]

 

1985

 

 

 

Frais d’intérêt (billet no 1)

 

6 500,00 $

Honoraires professionnels

 

250,00 $

Commissions sur les ventes et frais d’émission

274 000 $

 

Frais de production et honoraires professionnels

120 000 $

 

Étude de faisabilité

100 000 $

 

Mise en marché et publicité

60 000 $

 

Services de commissariat

90 700 $

 

Frais de bureau

50 000 $

 

Total partiel :

694 700 $

 

Part de 1/24

 

28 945,83 $

Total :

 

35 695,83 $

 

 

 

1986

 

 

 

Frais d’intérêt (billet no 1)

 

6 500,00 $

Mise en marché et publicité

60 000 $

 

Promotion internationale

35 000 $

 

Mise à jour - Étude de faisabilité (50 %)

25 000 $

 

Honoraires de gestion

100 000 $

 

Total partiel :

220 000 $

 

Part de 1/24

 

9 166,67 $

Total :

 

15 666,67 $

 

 

 

1987

 

 

 

Frais d’intérêt (billet no 1)

 

6 500,00 $

Mise en marché et publicité

60 000 $

 

Promotion internationale

40 000 $

 

Mise à jour - Étude de faisabilité (50 %)

25 000 $

 

Honoraires de gestion

100 000 $

 

Honoraires de consultation

35 000 $

 

Total partiel :

260 000 $

 

Part de 1/24

 

10 833,33 $

Total :

 

17 333,33 $

 

 

 


1988

 

 

 

Frais d’intérêt (billet no 1)

 

6 500,00 $

Mise en marché et publicité

64 200 $

 

Promotion internationale

40 000 $

 

Honoraires de gestion

100 000 $

 

Total partiel :

204 200 $

 

Part de 1/24

 

8 508,33 $

Total :

 

15 008,33 $

 

 

 

 

3. Geoffrey Belchetz, 1991-1946(IT)G : la SC S/Y Close Encounters (société en commandite du type 3)

[35]        Geoffrey Belchetz est homme d’affaires; il réside à Toronto (Ontario). M. Belchetz interjette appel du refus de déductions de son revenu concernant son investissement dans la société en commandite, « SC S/Y Close Encounters », une société en commandite du type 3, pour les années d’imposition 1986, 1987 et 1988.

[36]        C’est un promoteur des sociétés en commandite qui a présenté à M. Belchetz la possibilité d’investir dans une société en commandite qui serait propriétaire d’un bien en capital, le yacht de luxe S/Y Close Encounters, lequel serait utilisé dans le cadre d’une entreprise d’affrètement de yachts. En 1986, M. Belchetz a acheté l’une des 25 parts de la SC S/Y Close Encounters, à un prix d’achat de 116 000 $.

[37]        M. Belchetz a déduit sa fraction proportionnelle des pertes de la SC S/Y Close Encounters à titre de pertes d’entreprise subies après avoir engagé des dépenses pour en vue de tirer un revenu d’une entreprise, aux termes de l’article 3, du paragraphe 9(2) et de l’article 96 de la Loi, de la manière suivante :

        35 900 $ sur des pertes totales de 897 500 $ dans l’année d’imposition 1986;

        22 507 $ sur des pertes totales de 562 675 $ dans l’année d’imposition 1987;

        26 932 $ sur des pertes totales de 673 294 $ dans l’année d’imposition 1988.

[38]        M. Belchetz a également déduit les intérêts payés sur l’un des billets à ordre ayant servi à acheter sa part de la SC S/Y Close Encounters, conformément au sous-alinéa 20(1)c)(ii) de la Loi. Les montants, dans chacune des années, étaient les suivants :

        9 000 $ dans l’année d’imposition 1986;

        9 445 $ dans l’année d’imposition 1987;

        750 $ dans l’année d’imposition 1988.

[39]        De plus, M. Belchetz a déduit la somme de 6 000 $ au titre d’honoraires professionnels payés pour emprunter des fonds en vue d’acheter sa part de la société en commandite en 1986, soit l’année d’imposition dans laquelle les dépenses ont été engagées, conformément à l’alinéa 20(1)e) de la Loi.

[40]        Les déductions de M. Belchetz pour chacune des années d’imposition, soit 1986, 1987 et 1988, ont été refusées par des avis de cotisation établis le 2 novembre 1990. M. Belchetz a déposé des avis d’opposition pour chacune des années d’imposition le 12 novembre 1990. Le 14 juin 1991, le ministre du Revenu national a ratifié les cotisations au moyen d’un avis de ratification.

[41]        Tout comme l’ont fait les deux autres appelants au début du procès, M. Belchetz a réduit le montant des dépenses dont il demande la déduction. Les demandes actuelles de M. Belchetz, en date de ses observations finales, sont exposées dans le tableau qui suit :

[traduction]

Dépenses dont la déduction est demandée en date des observations finales – SC S/Y Close Encounters – Geoffrey Belchetz[8]

 

1986

 

 

 

Frais d’intérêt (billet no 1)

 

9 000,00 $

Honoraires professionnels

 

6 000,00 $

Frais de consultation de mise en marché et de publicité et autres frais d’émission

290 000 $

 

Étude de faisabilité

100 000 $

 

Frais de production et honoraires professionnels

90 000 $

 

Inspection de la construction du yacht

60 000 $

 

Déplacements et honoraires de consultation (construction)

35 000 $

 

Honoraires de gestion

30 000 $

 

Mise en marché et publicité

25 000 $

 

Total partiel :

630 000 $

 

Part de 1/25

 

25 200,00 $

                                                 Total :

 

40 200,00 $

 

 

 

1987

 

 

 

Frais d’intérêt (billet no 1)

 

9 445,00 $

Mise à jour de l’étude de faisabilité (50 %)

25 000 $

 

Inspection de la construction du yacht

60 000 $

 

Déplacements et honoraires de consultation (construction)

35 000 $

 

Mise en marché et publicité

30 000 $

 

Déplacements et promotion

35 000 $

 

Honoraires de gestion

100 000 $

 

Total partiel :

285 000 $

 

Part de 1/25

 

11 400,00 $

Total :

 

20 845,00 $

 

 

 

1988

 

 

 

Frais d’intérêt (billet no 1)

 

750,00 $

Mise à jour de l’étude de faisabilité (50 %)

25 000 $

 

Inspection de la construction du yacht

60 000 $

 

Déplacements et honoraires de consultation (construction)

35 000 $

 

Honoraires de gestion

100 000 $

 

Mise en marché et publicité

140 000 $

 

Déplacements et promotion

40 000 $

 

Total partiel :

400 000 $

 

Part de 1/25

 

16 000,00 $

                                                 Total :

 

16 750,00 $

C. Les motifs de refus invoqués par l’intimée

1. Les articles 3 et 4 de la Loi de l’impôt sur le revenu

[42]        L’intimée invoque de nombreux motifs pour refuser les pertes, les intérêts et les honoraires professionnels dont les appelants ont demandé la déduction relativement aux sociétés en commandite. Premièrement, elle soutient que ces dernières ne constituaient pas une source de revenus au sens des articles 3 et 4 de la Loi parce qu’il n’existait aucune véritable entreprise d’affrètement de yachts; aucune entreprise d’affrètement de yachts n’a jamais été exploitée, et il n’y avait aucune expectative raisonnable de profit. Elle estime que les sociétés en commandite n’étaient pas de véritables sociétés juridiquement parce qu’OCGC n’a pas exploité d’entreprise en commun avec les investisseurs dans l’une quelconque des 36 sociétés en commandite dont des parts ont été vendues.

2. Des trompe-l’oeil

[43]        L’intimée soutient par ailleurs que les opérations étaient de simples trompe-l’œil conclus avec les sociétés en commandite et qu’OCGC et M. Bellfield n’ont jamais eu l’intention d’exploiter une entreprise en commun avec ces sociétés en commandite. Les billets à ordre ont été présentés comme de simples trompe-l’œil qu’OCGC et M. Bellfield ont utilisés dans le cadre du stratagème de ce dernier pour frauder le ministre et les investisseurs.

3. Des dépenses non engagées

[44]        Subsidiairement, l’intimée soutient que les sociétés en commandite n’ont pas réellement engagé des dépenses en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien.

4. Le moment où les dépenses ont été engagées

[45]        Là encore, subsidiairement, l’intimée soutient que, selon les paragraphes 9(1) et 18(9), certaines dépenses engagées ne sont pas déductibles parce qu’aucune déduction n’est accordée pour des débours ou des dépenses qui sont engagés dans l’année d’imposition en contrepartie de services devant être rendus après la fin de cette année d’imposition.

5. L’absence de prêts

[46]        L’intimée soutient également que les billets à ordre ne sont pas des prêts réels. Elle ajoute qu’aucuns fonds n’ont été prêtés ou avancés aux investisseurs et que l’on ne peut donc pas déduire d’intérêts au titre des sous-alinéas 20(1)c)(i) ou 20(1)c)(ii) de la Loi, ni en tant que dépense aux termes de l’alinéa 18(1)a).

6. La restriction de la déduction pour amortissement concernant la SC S/Y Garbo

[47]        En ce qui concerne précisément la société en commandite du type 1, la SC S/Y Garbo, l’intimée soutient que toute déduction pour amortissement demandée en vertu de l’alinéa 20(1)a) dans les années d’imposition 1986, 1987 et 1988 est restreinte par les règles relatives aux biens donnés en location à bail qui figurent dans le Règlement de l’impôt sur le revenu, aux paragraphes 1100(15), 1100(17), 1100(17.2) et 1100(17.3).

7. La limite d’intérêts concernant la SC S/Y Garbo

[48]        Subsidiairement, l’intimée soutient que les intérêts dont la déduction est demandée au titre de l’alinéa 20(1)a) doivent être restreints par la règle de la demi-année énoncée au paragraphe 1100(2) du Règlement de l’impôt sur le revenu parce que le yacht S/Y Garbo n’a pas été acquis dans les années antérieures à 1986.

8. La SC S/Y Close Encounters – les dispositions concernant la fraction à risques

[49]        Pour ce qui est de la société en commandite du type 3, la SC S/Y Close Encounters, l’intimée soutient que la participation de M. Belchetz dans la société en commandite n’est pas exemptée des dispositions concernant la fraction à risques qui ont été instaurées le 26 février 1986 parce que, avant cette date, cette société n’exploitait pas activement une entreprise sur une base régulière et continue. L’intimée soutient par ailleurs que, comme il s’agit d’une part de société en commandite non exemptée, les demandes de déduction de M. Belchetz se limitent au montant pour lequel il était à risque. Selon les nouvelles règles instaurées, les déductions qu’il peut demander se limitent aux pertes d’un montant maximal de 6 000 $.

9. Le paragraphe 245(1)

[50]        De plus, l’intimée soutient que les déductions dont les appelants souhaitent se prévaloir sont prescrites par le paragraphe 245(1) de la Loi qui s’appliquait à l’époque, car faire droit aux dépenses ou aux débours réduirait indûment ou artificiellement le revenu des appelants.

10. L’article 67

[51]        De plus, l’intimée soutient que même s’il est décidé que les sociétés en commandite constituent une source de revenus, les dépenses déclarées ne sont pas déductibles aux termes de l’article 67 parce qu’elles n’étaient pas raisonnables et qu’elles n’ont pas été engagées en vue de tirer un revenu d’une entreprise.

D. Les questions en litige

[52]        Les questions en litige que la Cour doit trancher sont les suivantes :

1.     Chacune des trois sociétés en commandite constituait-elle une source de revenus aux termes des articles 3 et 4 de la Loi et peut-elle subir une perte au sens des articles 3 et 96, ainsi que du paragraphe 9(2)?

2.     S’il est décidé que les sociétés en commandite constituent une source de revenus, ont-elles réellement subi les pertes dont les appelants ont demandé la déduction?

3.     Si les sociétés en commandite ont réellement subi les pertes déclarées, ont-elles calculé comme il faut le moment des pertes dont la déduction a été demandée pour les années d’imposition en question?

4.     S’il y avait une source à l’égard de laquelle des pertes véritables ont été déduites aux bons moments, quel est le montant de la déduction pour amortissement, le cas échéant, dont la SC S/Y Garbo peut se prévaloir?

5.     Chacun des appelants a-t-il engagé les dépenses d’intérêt déduites au titre des alinéas 18(1)a) et 20(1)c) de la Loi?

6.     Le ministre a-t-il refusé à bon droit les pertes, les intérêts et les honoraires professionnels concernant les sociétés en commandite?

E. Les faits relatifs aux opérations

[53]        Les paragraphes qui suivent exposent la structure générale de chaque type de société en commandite et le processus de souscription qui s’applique à tous les investisseurs. Ils présentent ensuite un examen détaillé du processus de souscription relatif à un investisseur en particulier, en prenant comme exemple l’un des types de société en commandite.

1. Les trois types de société en commandite

[54]        OCGC a inscrit 79 sociétés en commandite, de trois types différents, suivant l’année de leur inscription. Sur les 79 sociétés en commandite, des parts de 36 d’entre elles ont été vendues. Einar Bellfield était l’âme dirigeante du commandité et de tous les commanditaires initiaux.

[55]        OCGC a conclu un contrat de société en commandite avec chaque société en commandite. Le signataire était le commanditaire initial, qui était soit Einar Bellfield (en fiducie), dans le cas des sociétés en commandite du type 1 et du type 2, soit OCGC Enterprises (en fiducie) dans le cas des sociétés en commandite du type 3.

a) Les sociétés en commandite du type 1 – les SC de 1984

[56]        Le commanditaire initial des sociétés en commandite du type 1 était Einar Bellfield, à titre de nu‑fiduciaire, et le commandité était OCGC. Chaque société en commandite du type 1 comptait 24 parts. Le prix de chacune était de 97 500 $. Si elle avait été entièrement capitalisée, chaque société en commandite du type 1 aurait représenté une capitalisation totale de 2,34 millions de dollars.

[57]        Les deux sociétés en commandite du type 1 dont OCGC a vendu des parts, toutes deux inscrites le 28 novembre 1984, étaient les suivantes :

1.     Société en commandite S/Y Garbo;

2.     Société en commandite S/Y Gable.

[58]        Pour dresser un portrait général du processus de souscription, disons que l’investisseur souscrivait une part d’une société en commandite du type 1 en remettant deux billets à ordre (le « billet à ordre no 1 » et le « billet à ordre no 2 ») d’un montant total de 97 500 $. De plus, des honoraires professionnels d’un montant de 450 $ étaient acquittés en vue de l’achat de la part. Des intérêts de 6 500 $ pour l’année 1984 étaient aussi exigibles.

b) Les sociétés en commandite du type 2 – les SC de 1985

[59]        Le commanditaire initial des sociétés en commandite de 1985 était Einar Bellfield, à titre de nu‑fiduciaire, et leur commandité était, là encore, OCGC. Ces sociétés en commandite comptaient 24 parts et le prix de chacune était lui aussi de 97 500 $. La capitalisation totale possible était de 2,34 millions de dollars.

[60]        Quatorze sociétés en commandite du type 2 ont été inscrites. Les douze premières ont été inscrites le 20 mars 1985, et les deux dernières, la SC S/Y Change of Seasons et la SC S/Y Main Event, ont été inscrites le 8 novembre 1985. Les quatorze sociétés en commandite du type 2 étaient les suivantes :

1.         Société en commandite Autumn Sonata;

2.         Société en commandite S/Y Bergman;

3.         Société en commandite S/Y Bogart;

4.         Société en commandite S/Y Casablanca;

5.         Société en commandite Queen of Hearts;

6.         Société en commandite Ecstasy;

7.         Société en commandite Going My Way;

8.         Société en commandite S/Y Great Gatsby;

9.         Société en commandite High Sierra;

10.    Société en commandite Human Desire;

11.    Société en commandite Serenade;

12.    Société en commandite S/Y Midnight Kiss;

13.    Société en commandite S/Y Change of Seasons;

14.    Société en commandite S/Y Main Event.

[61]        Pour souscrire une part d’une société en commandite de 1985, l’investisseur versait un acompte de 4 000 $ à 6 000 $, et il remettait deux billets à ordre d’un montant total de 93 500 $. Un montant variable additionnel était également payé en honoraires professionnels en vue de l’achat d’une part. Les intérêts exigibles pour l’année de souscription 1985 devaient aussi être payés.

c) Les sociétés en commandite du type 3 – les SC de 1986

[62]        Les sociétés en commandite du type 3 de 1986 avaient une structure différente à cause de l’intention qu’avait OCGC de préserver le statu quo à l’égard des sociétés en commandite de manière à ce qu’elles ne tombent pas sous le coup des nouvelles dispositions concernant la fraction à risques qui avaient été introduites dans le budget fédéral du 26 février 1986. Cette opération s’est déroulée de la manière suivante : OCGC Enterprises Inc. a tout d’abord fait l’acquisition de la totalité des parts des sociétés en commandite du type 3 avant l’échéance du 26 février 1986 et elle les a ensuite revendues aux investisseurs.

[63]        Les 25 parts que comportaient chacune des sociétés en commandite du type 3 valaient chacune 116 000 $. La capitalisation totale possible de chaque société en commandite était de 2 900 000 $. Des parts ont ainsi été vendues dans les vingt sociétés en commandite du type 3 qui suivent, lesquelles ont toutes été inscrites le 27 janvier 1986 :

1.     Société en commandite Ambrosia;

2.     Société en commandite Blue Gardenia;

3.     Société en commandite Chasing Rainbows;

4.     Société en commandite S/Y Close Encounters

5.     Société en commandite Compassion;

6.     Société en commandite Duet In the Sun;

7.     Société en commandite Elegance;

8.     Société en commandite Forbidden Fruit;

9.     Société en commandite Holiday For Lovers;

10.                        Société en commandite Midnight Lace;

11.                        Société en commandite Morning Star;

12.                        Société en commandite Operation Moonlight;

13.                        Société en commandite Pleasure Seekers;

14.                        Société en commandite Silvery Moon;

15.                        Société en commandite Sweet Sensations;

16.                        Société en commandite Winds of Paradise;

17.                        Société en commandite Wine & Roses;

18.                        Société en commandite Evening Star;

19.                        Société en commandite Opal Mist;

20.                        Société en commandite You Only Live Once.

[64]        Pour acheter d’OCGC Enterprises Inc. une part d’une société en commandite du type 3, l’investisseur était tenu de verser un acompte de 6 000 $, de remettre deux billets à ordre d’un montant total de 110 000 $, ainsi que d’acquitter divers montants d’honoraires professionnels (9 000 $ dans le cas de M. Belchetz), relativement à l’achat d’une part d’une société en commandite. Des intérêts d’un montant de 9 000 $ étaient également exigés en 1986, soit l’année de la souscription.

2. L’investissement dans une société en commandite

[65]        Pour évaluer la possibilité d’investissement ou pour souscrire une part d’une société en commandite, un investisseur avait affaire à divers documents.

[66]        Tout d’abord, les investisseurs recevaient une notice d’offre qui exposait la possibilité d’investissement, le marché de l’affrètement, les projections financières, les questions relatives à l’impôt sur le revenu, la gestion de la société en commandite, de même que d’autres détails. Il y avait quelques différences entre les notices d’offre de chaque année, en fonction des distinctions qui existaient entre les divers types de société en commandite, mais les conditions générales de l’investissement étaient fort semblables.

[67]        Après avoir décidé d’investir, la partie intéressée devenait commanditaire en signant un contrat de souscription et en convenant d’être liée par un contrat de société en commandite signé antérieurement par le commanditaire initial. Le commanditaire initial était soit Einar Bellfield (pour les sociétés en commandite du type 1 et du type 2), soit OCG Enterprises (pour les sociétés en commandite du type 3). En signant le contrat de souscription, l’investisseur conférait aussi à OCGC une procuration ainsi que le droit d’intervenir comme mandataire de la société en commandite pour les besoins liés à cette dernière.

[68]        La personne qui investissait dans une société en commandite du type 1 ou du type 2 signait ensuite deux billets à ordre, en promettant de payer le principal et les intérêts indiqués dans chacun. Les montants exacts variaient en fonction du type de société en commandite. Pour les sociétés en commandite du type 3, la partie « financement » était différente, en ce sens que les investisseurs signaient une entente portant qu’ils prenaient en charge les frais de financement ainsi que les frais d’intérêt et les dépenses connexes qu’OCGC avait censément réglés au départ pour OCG Enterprises. Cette différence est fondée, là encore, sur l’intention de préserver le statu quo pour les sociétés en commandite du type 3, et ce, d’abord par la vente des parts des sociétés à OCG Enterprises et en soutenant que cette dernière exploitait activement une entreprise sur une base régulière et continue avant l’entrée en vigueur des dispositions concernant la fraction à risques.

[69]        Un certain nombre d’autres contrats et documents clés faisaient partie du processus d’investissement, dont les suivants :

1)    un contrat de prêt entre OCGC et l’investisseur, dans le cadre duquel OCGC convenait de prêter le montant équivalant au prix de souscription qui restait à payer après l’acompte, le cas échéant, et l’investisseur convenait de fournir les billets à ordre;

2)    une convention selon laquelle l’investisseur convenait de garantir et d’indemniser OCGC pour sa part des dépenses engagées pour le compte des sociétés en commandite;

3)    une convention de rachat, signée par OCGC et chacun des investisseurs, ou prise en charge auprès d’OCG Enterprises, comme cela a été le cas pour les sociétés en commandite du type 3. Ainsi qu’il est exposé dans les documents concernant la SC S/Y Garbo, cette convention accordait au souscripteur le droit d’obliger OCGC à racheter la part conformément aux conditions énoncées :

[traduction
Le commanditaire a le droit irrévocable de vendre les parts de la société en commandite à OCG selon les modalités et les dispositions contenues dans la présente, et OCG est tenue d’acheter cette part conformément à ces dispositions[9].

[70]        À titre d’exemple récapitulatif, le paragraphe qui suit expose les éléments clés du processus d’investissement. La SC S/Y Close Encounters est utilisée à titre d’exemple, bien qu’elle présente quelques différences dues à l’intention d’éviter les nouvelles dispositions concernant la fraction à risques. La conformité de cette société en commandite aux dispositions concernant la fraction à risques est controversée en l’espèce, mais il est utile de s’en servir comme modèle.

[71]        L’investisseur souscrivait une part de la SC S/Y Close Encounters de la manière suivante :

1.     en signant un contrat de souscription et un contrat de procuration avec OCGC (intervenant pour le compte d’OCG Enterprises), qui détenait 100 % des parts de la SC S/Y Close Encounters, l’investisseur acceptait ce qui suit :

a)     l’accord est assujetti au contrat de société en commandite, signé antérieurement par le commanditaire initial, OCG Enterprises, à titre de nu‑fiduciaire;

b)    la prise en charge, par l’investisseur, du financement initialement organisé par OCGC pour OCG Enterprises ainsi que la prise en charge de toutes les obligations connexes concernant le paiement des intérêts, des frais et des dépenses. Le financement censément existant se chiffrait à 110 000 $ sur le prix d’une part de 116 000 $, et était garanti par deux billets à ordre. Le premier des deux était d’un montant en capital de 75 000 $, et le second d’un montant en capital de 35 000 $;

c)     la cession d’une option de rachat par OCGC pour le compte d’OCG Enterprises, en faveur du souscripteur;

d)    l’accord de l’investisseur d’accorder une procuration à OCGC et de désigner cette dernière comme mandataire légale pour toutes les questions liées à la SC S/Y Close Encounters;

e)     l’accord de l’investisseur d’effectuer en faveur d’OCGC les paiements courants et futurs suivants :

        6 000 $, sur le prix d’achat total de 116 000 $ de la part de la société en commandite, à payer sur-le-champ;

        des paiements couvrant les intérêts courus sur le premier billet à ordre entre le 1er janvier 1986 et la date de clôture de l’achat de la part, ainsi qu’une somme de 750 $ payable tous les mois;

        des paiements d’intérêt de 750 $, du 31 janvier 1987 jusqu’au 31 décembre 1991;

2.     en signant un contrat de garantie par lequel l’investisseur convenait d’indemniser OCGC pour sa part des paiements effectués par cette dernière pour le compte de la SC S/Y Close Encounters dans le cadre de l’exécution de ses ententes avec la société en commandite.

3. Les ententes d’activités d’affrètement conclues entre les sociétés en commandite et OCGC

[72]        En qualité de commandité, OCGC a conclu avec chacune des sociétés en commandite un certain nombre d’ententes liées à des activités d’affrètement. Les ententes clés qu’OCGC a conclues avec ces sociétés comprennent les suivantes :

1)    un contrat de société en commandite, énonçant les conditions générales de la société en commandite et précisant la relation entre le commanditaire et le commandité ainsi que les droits de ceux‑ci;

2)    une entente d’achat et de vente entre la société en commandite et OCGC, dans le cadre de laquelle la société en commandite convenait d’acheter d’OCGC un yacht à un prix d’achat se situant entre 2,34 millions de dollars et 2,9 millions de dollars, suivant l’année de la société en commandite. Ce montant équivalait à l’investissement total qui serait fait dans la société en commandite si cette dernière était entièrement capitalisée;

3)    un contrat de gestion dans le cadre duquel OCGC s’engageait à gérer les activités d’affrètement du yacht de la société en commandite;

4)    un contrat de fourniture d’une marge de crédit, dans le cadre duquel OCGC s’engageait à prendre les mesures nécessaires en vue de disposer d’une marge de crédit d’exploitation pour la société en commandite de façon à garantir des liquidités suffisantes et à couvrir tout déficit pouvant survenir au cours des activités d’affrètement du yacht.

F. Le sommaire factuel

1. Les premiers jours

[73]        OCGC a été constituée en société en mai 1984 par Einar Bellfield, qui en était l’unique administrateur et actionnaire. Les appelants ont exposé de la manière suivante ce qui était envisagé :

[traduction
M. Bellfield envisageait (notamment) d’acheter et/ou de concevoir et de fabriquer des yachts à voile de luxe et, de plus, de fournir des services de gestion et d’aide financière au sein de l’industrie de l’affrètement de yachts. À cet égard, M. Bellfield peut être considéré comme un pionnier[10].

Selon le témoignage de certaines personnes, d’aucuns croyaient que l’idée qu’avait M. Bellfield d’affréter des yachts de luxe était nouvelle et pourrait avoir du succès et s’étendre à un nouveau marché.

[74]        Au début, de 1984 jusqu’au mois d’août 1985, l’équipe d’OCGC se composait uniquement de M. Bellfield et de son épouse Tina, qui travaillaient à partir du coin-détente de leur condominium et, parfois, à partir de locaux à bureaux situés au Centre des affaires de TD. En août 1985, Osvaldo Minchella s’est joint à l’équipe d’OCGC après avoir rencontré M. Bellfield dans une boutique de RadioShack. M. Minchella était employé à l’époque et avait vendu un ordinateur à M. Bellfield. Ce n’est qu’en mai 1986 qu’OCGC s’est installée dans son propre bureau, sur la rue Richmond, à Toronto.

[75]        Comme il a été mentionné, M. Bellfield a constitué en société OCGC en mai 1984 à titre d’unique administrateur et actionnaire. Le 15 juillet 1984, Einar Bellfield a obtenu sa libération en tant que failli, après avoir déclaré faillite le 3 juin 1983. Plusieurs mois après avoir obtenu cette libération, M. Bellfield a été arrêté le 2 octobre 1984 sous quatre chefs de fraude liés à une autre affaire. Les notices d’offre concernant la SC S/Y Garbo et la SC S/Y Gable ont été diffusées peu après, en décembre 1984. Après une enquête préliminaire et une décision l’obligeant à subir un procès, M. Bellfield a finalement été acquitté de ces autres chefs en 1987.

2. La mise en marché et la vente des sociétés en commandite

[76]        Avant la constitution en société d’OCGC en mai 1984, M. Bellfield a commencé à mettre au point le concept des sociétés en commandite d’affrètement de yachts de luxe. M. Garber, appelant en l’espèce, a entendu parler d’OCGC par l’entremise d’un client. M. Bellfield avait offert à ce client la possibilité d’acheter des parts dans les sociétés en commandite de 1984. Le client a demandé à M. Garber d’examiner les documents d’investissement que M. Bellfield avait produits.

[77]        Après avoir évalué la tentative initiale de M. Bellfield pour ce qui est de structurer les sociétés en commandite, M. Garber était d’avis que les projections financières étaient incomplètes et que l’exposition du potentiel commercial de l’investissement était plutôt succincte. M. Garber n’était pas disposé à toucher à l’investissement à ce moment particulier. Selon lui, le montage de l’opération ainsi que le niveau des informations communiquées aux investisseurs posaient des difficultés. M. Garber a jugé qu’il s’agissait d’une opération fiscale très audacieuse et, à l’époque, il a conseillé à ses clients de ne pas faire l’investissement.

[78]        M. Garber a orienté M. Bellfield vers son associé comptable Stacey Mitchell, comptable agréé, parce que les offres de société en commandite correspondaient davantage au champ de spécialisation professionnelle de Stacey Mitchell, à savoir les projections de flux de trésorerie. M. Mitchell a peaufiné la proposition, ce qui a abouti au produit plus rigoureux qui a été présenté en fin de compte à M. Garber. À ce stade, ce dernier a décidé qu’il y avait là une occasion intéressante pour ses associés et ses clients. M. Garber et deux de ses associés du cabinet comptable, M. Mitchell et M. Sugarman, ont acheté ensemble une part. Un certain nombre de leurs clients en ont acheté aussi.

[79]        La vente des parts de société en commandite de 1984 dans la SC S/Y Garbo et la Société en commandite S/Y Gable (la « SC S/Y Gable ») s’est faite par le bouche-à-oreille, par l’entremise du cabinet comptable Moses, Sugarman & Company (c’est-à-dire Stacey Mitchell), par des avocats connaissant bien OCGC, ainsi que par M. Bellfield lui-même. À ce stade, il n’y avait aucune stratégie de mise en marché pour les sociétés en commandite. La promotion des sociétés en commandite se situait encore au stade embryonnaire. Chaque investisseur potentiel s’est vu remettre divers documents, dont la notice d’offre de 1984.

[80]        En 1984, seules deux sociétés en commandite ont été inscrites et vendues. Les ventes et les activités de promotion des parts de société en commandite ont considérablement augmenté l’année suivante, cependant, et des parts dans quatorze sociétés en commandite ont été vendues. Les notices d’offre de 1985 étaient plus détaillées, mais elles demeuraient quand même très semblables à celles de 1984. Au cours de cette période, les efforts déployés pour promouvoir la possibilité d’investissement ont commencé à être organisés autour d’un réseau de promoteurs et de courtiers.

[81]        Au nombre des courtiers et des promoteurs figuraient des avocats et des comptables qui connaissaient de près ou de loin M. Bellfield ou OCGC et qui exécutaient des travaux pour ceux‑ci pour eux des missions quelconques. Ces avocats et ces comptables ont commencé à recruter des clients et ont reçu à la fois des honoraires professionnels des clients et des commissions d’OCGC. Ils ont également eux-mêmes acheté certaines des parts. David Franklin, qui est avocat, est l’un des principaux courtiers qui se sont joints au groupe pour faire la promotion des sociétés en commandite après avoir rencontré M. Bellfield au cours de l’été de 1985. Il a pris part aux activités de mise en marché concernant les opérations de 1985 et de 1986 mais, en 1987, il avait disparu du tableau.

[82]        Me Franklin est devenu l’un des plus importants promoteurs  d’OCGC. Il a mis au point une proposition d’investissement qui contenait des renseignements fondés sur les notices d’offre. Il a fait circuler cette proposition d’investissement auprès d’éventuels acheteurs, courtiers et promoteurs. Il a rédigé une lettre-type qu’il a envoyée à ses divers sous-mandataires qui vendaient des parts. La proposition d’investissement mettait exclusivement l’accent sur les avantages fiscaux car, selon lui, les sous-mandataires et lui mettaient sur le marché une opération fiscale avantageuse et non une possibilité d’investissement commercial.

[83]        Me Franklin a déclaré que bien qu’il fût lui-même avocat, il s’était fondé sur les avis des avocats et des comptables au sujet des questions de nature fiscale. Il a pensé que cet investissement, d’un point de vue commercial, était une excellente occasion parce que l’investisseur ferait de l’argent à partir des revenus générés par l’entreprise d’affrètement des yachts. À son avis, le pire cas de figure était le suivant : tant que la société en commandite exploiterait l’entreprise, l’investisseur pourrait déduire les pertes. Malgré le fait que Me Franklin croyait que M. Bellfield achetait des yachts, il était d’avis que même s’il n’y avait pas de revenus, il demeurait possible de déduire des dépenses et de profiter de l’opération selon la méthode de la comptabilité de trésorerie.

[84]        Au début de son témoignage, Me Franklin a demandé et obtenu la protection de l’article 5 de la Loi sur la preuve au Canada et de l’article 9 de la Loi sur la preuve de l’Ontario. Il a comparu sous le coup d’une assignation duces tecum. Pour ce qui est de la crédibilité, je signale que Me Franklin avait la parole très facile. Il avait une explication pour tout et il est évident qu’il avait été endoctriné par M. Bellfield. Il ne voulait pas répondre aux questions qu’on lui posait et s’efforçait de donner une réponse détournée plutôt que de répondre directement à la question. À de nombreuses reprises, il ne s’est pas souvenu de certaines informations, même s’il avait joué un rôle central sur le plan de la promotion. Me Franklin a blâmé tous les autres pour les fausses déclarations, y compris les avocats, les comptables et l’ARC. J’estime néanmoins que le témoignage de Me Franklin, auquel je fais référence ici, est suffisamment digne de foi pour établir la nature de ses efforts promotionnels et de certaines fausses déclarations ainsi que certaines dates.

[85]        De nombreux avocats et comptables ont participé, à divers moments, et de près ou de loin, aux activités de M. Bellfield, d’OCGC ou des sociétés en commandite. Il y avait aussi des promoteurs, des mandataires et des sous-mandataires, qui faisaient tous le colportage des parts. Certains des avocats et des comptables avaient de multiples clients et des relations professionnelles qui seraient manifestement en situation de conflit d’intérêts. Par exemple, ils facturaient des honoraires professionnels à des investisseurs qui étaient des clients, tout en touchant des commissions sur les ventes d’OCGC. De plus, il pouvait arriver qu’un cabinet comptable établisse les états financiers d’OCGC à titre pro forma pour une société en commandite tout en vendant des parts d’une société en commandite à ses propres clients, acheter ses propres parts et même fournir des avis fiscaux pour les notices d’offre. Les avocats intervenaient de la même façon, jusqu’à un certain point. Cela n’est pas arrivé dans tous les cas, mais il a semblé y avoir une attitude que l’on pourrait qualifier par la question suivante : « Qu’y a-t-il de mal à cela? ». Il ne s’agissait peut-être pas d’un conflit d’intérêt ou d’une situation qui amènerait un professionnel à hésiter en 1984, mais ce genre de choses feraient certainement hésiter au xxie siècle. Somme toute, où en était l’investisseur, que ce soit en 1986, en 2004 ou en 2013? Si l’on passe en revue les éléments de preuve, on est frappé à maintes reprises par les questions suivantes : qui travaillait pour qui, et à quel titre? Quelle était l’obligation due à qui, quand, et quel intérêt personnel ou commercial ces personnes avaient-elles dans cette activité?

3. La mise au point et la mise en marché de l’entreprise d’affrètement de yachts

[86]        Lors des étapes de la planification, de la mise au point et de la mise en marché du concept de l’affrètement de yachts de luxe, il y a eu un certain nombre de personnes qui étaient chargées de la mise en marché, de la vente et des activités des sociétés en commandite entre le mois de juin 1986 et l’année 1990, ou qui y ont participé. Steven Leibtag a assuré des conseils en matière de vente et de mise en marché et a été présent du mois de décembre 1985 jusqu’à la fin de 1987. Rose Ashworth a été présente du mois de septembre 1986 au mois de juin ou juillet 1989 à titre de représentante pour Fantaseas. David Martin a été présent de mars 1988 jusqu’en 1989 et s’est occupé de la mise en marché et des ventes pour Fantaseas. Bruce Oekler a été présent du mois de décembre 1985 au mois de décembre 1986 et il était chargé de la mise au point d’un produit destiné à des agents de voyage en Floride. Helen Fullem a été présente de décembre 1988 à mars 1989, et elle était chargée de la promotion de Fantaseas en Europe.

[87]        Le concept de Fantaseas, des croisières élégantes à bord de grands yachts de luxe comportant quatre cabines distinctes pouvant accueillir huit personnes ou plus, était axé sur le marché haut de gamme. À partir de la fin de 1986, la mise au point et la mise en marché du profil de Fantaseas en tant qu’entreprise d’affrètement de yachts de luxe se sont principalement faites au moyen de manifestations ou d’activités. Des représentants de Starlight ont rendu visite à des agences de voyages situées à Toronto, en Ontario. Ils ont offert des visites de familiarisation en vue de sensibiliser les agents de voyage au produit Fantaseas. Starlight a tenté d’établir un programme incitatif d’entreprise. Des représentants ont participé à des foires commerciales à New York et à Chicago, ainsi qu’à deux foires commerciales à Toronto, en vue de promouvoir Fantaseas. Une présentation audiovisuelle a été créée et utilisée lors de présentations faites dans des bureaux situés à Toronto. Du démarchage téléphonique a été fait et des brochures ont été créées et diffusées. Des itinéraires ont été conçus pour des yachts affrétés dans les Antilles, avec des détails sur les restaurants, les heures et les dates de départ, les activités possibles, les sources de produits alimentaires, etc. Un chef bien connu, appelé Jacques Pépin, ainsi que ses menus et ses plats, ont servi à des fins promotionnelles. Des entreprises de mise en marché situées en Europe ont également été sollicitées. Il y a eu une présentation audiovisuelle au Casa Loma, à Toronto, ainsi que des conférenciers, dont M. Bellfield. Il s’agissait essentiellement d’une séance de questions-réponses à l’intention d’investisseurs présents et destinée à mousser la vente de parts dans les sociétés en commandite.

[88]        Des efforts ont été déployés pour nouer des relations avec les autorités publiques locales à Sainte-Lucie et pour établir un point d’ancrage opérationnel dans la marina de la baie Rodney. Des efforts ont été déployés pour concevoir des programmes de formation d’équipage appropriés, et des plans ont été dressés en vue d’obtenir des services d’approvisionnement et de livraison d’aliments et de boissons. Des tentatives ont été faites pour obtenir une couverture médiatique au moyen d’un article intitulé « Ultimate Charter » en mai 1986, rédigé par Bruce Kemp, l’auteur qui se trouvait aussi à avoir mené, pour le compte d’OCGC, l’étude de faisabilité concernant le projet d’entreprise d’affrètement de yachts de luxe.

[89]        Des professionnels ont réalisé une vidéo tournée dans les Antilles, et des agents de voyage se sont servis de certaines prises de vue extraites de cette vidéo. Des annonces ont été publiées dans la revue Lifetime ainsi que dans le Globe and Mail. Il y a eu aussi une trousse promotionnelle mise au point à l’intention des agents de voyage, mais il n’y en a pas eu suffisamment et ceux qui tentaient de nouer des contacts avec l’industrie des agents de voyage n’ont pas pu obtenir suffisamment d’exemplaires pour pouvoir assurer la mise en marché du produit.

[90]        Les activités de mise au point, de mise en marché et d’affrètement du concept de Fantaseas ne se sont pas déroulées sans problème. Aucune des personnes dont les services avaient été retenus ne comptait une expérience quelconque en matière de démarrage d’une entreprise de mise en marché de yachts. Elles n’avaient aucune expérience de la conception ou de la construction de yachts, de la mise en marché et de la vente de yachts, ni des activités de mise en marché et de vente auprès du créneau haut de gamme qui les intéressait. Une étude de faisabilité, de quelque quatre tomes, a été réalisée en 1986 pour OCGC, et une mise à jour a été faite environ deux ans plus tard. Malgré l’existence de ces études, Ester Allan (aujourd’hui Ester Palmer et désignée sous ce nom dans le reste des présents motifs), qui était globalement chargée de la mise en marché, de la vente et des activités concernant Starlight et le concept de Fantaseas, n’a jamais lu les études de faisabilité. Ses principaux représentants, Rose Ashworth, David Martin et Stephen Leibteg n’étaient même pas au courant de l’existence de ces études.

[91]        À un certain moment, les activités de mise en marché n’ont plus été productives parce qu’il n’y avait pas de produit (c’est-à-dire les yachts) ou un montant suffisant pour mener à bien la mise en marché des yachts de luxe affrétés. Malgré les trente-six yachts promis aux sociétés en commandite, OCGC n’en a jamais acquis que […]. Le S/Y Garbo était un yacht d’une longueur de 80 pieds, le S/Y Gable était un yacht de 88 pieds et le S/Y First Impressions était un yacht d’une longueur de 50 pieds. Le S/Y Garbo n’a été prêt à être affrété qu’au printemps de 1987 et le S/Y Gable n’a pas été mis à l’eau avant le mois de novembre 1988. Le S/Y First Impressions ne satisfaisait pas aux normes du concept de Fantaseas et a été considéré comme un navire d’approvisionnement. La section qui suit donne un aperçu des activités d’OCGC sur le plan de la planification, de la conception, de la construction et de l’acquisition de yachts.

4. La planification, la conception, la construction ou l’acquisition des yachts

a) Généralités

[92]        Le succès des sociétés en commandite de 1984, ainsi que de toutes les sociétés en commandite successives vendues, était entièrement subordonné au fait de disposer d’un yacht pour chaque société en commandite, de façon à ce que chacune participe à l’entreprise d’affrètement de yachts de luxe et en tire un revenu. Chaque yacht ferait partie d’une flottille de yachts utilisée dans le cadre du concept de Fantaseas, c’est-à-dire de splendides croisières à bord de yachts de luxe vendus sur affrètement et comptant quatre cabines chacun.

[93]        Comme il a été signalé plus tôt, OCGC s’est engagée à livrer 36 yachts. Pour ce qui est des sociétés en commandite de 1984, le S/Y Garbo et le S/Y Gable devaient être construits en 1984 et livrés en 1985. Pour ce qui était des sociétés en commandite de 1985, 14 autres yachts étaient attendus avant le 31 décembre 1985, ce qui aurait porté à 16 navires le nombre total de yachts de luxe qui seraient prêts avant la fin de 1985. En 1986, OCGC s’était engagée à livrer 20 autres yachts avant les derniers mois de l’année 1989, ou au début de l’année 1990.

b) Les yachts

[94]        Comme nous le verrons ci-après, il n’y a eu en réalité que trois yachts qu’OCGC a jamais possédés, censément possédés ou détenus : le S/Y First Impressions, le S/Y Garbo et le S/Y Gable. Seul un de ces yachts a été disponible en 1985 : le S/Y First Impressions, qui ne mesurait que 50 pieds et ne cadrait pas avec le concept de Fantaseas. Ni le S/Y Garbo ni le S/Y Gable n’ont jamais été légalement la propriété des sociétés en commandite, ni inscrits au nom de ces dernières, ni utilisés au profit des sociétés en commandite S/Y Gable
 ou S/Y Garbo.

 

 

c) Le S/Y First Impressions

[95]        Le premier yacht dont OCGC a fait l’acquisition était le S/Y First Impressions. M. Bellfield a pris possession du yacht de 50 pieds, afin d’éviter de perdre l’acompte qu’OCGC avait versé pour le S/Y Garbo. Le 27 novembre 1985, le titre de propriété du S/Y First Impressions a été transféré à OCGC. Ce yacht ne satisfaisait pas aux obligations qu’avait OCGC de livrer des yachts de luxe de grande taille aux sociétés en commandite.

[96]        Le S/Y First Impressions était censé être un yacht d’approvisionnement pour les affrètements de yachts de luxe mais, en novembre 1985, il n’y avait aucun yacht à approvisionner. Le First Impressions est arrivé à Sainte-Lucie en mars 1986, où il y a eu un différend au sujet du non-paiement des services d’équipage assurés lors de la traversée de l’Atlantique, ce qui s’est soldé par la saisie du S/Y First Impressions. En fin de compte, la propriété du S/Y First Impressions a été transférée à Tina Bellfield le 26 juin 1992, et le yacht s’est retrouvé à Toronto, en Ontario.

d) Le S/Y Garbo

[97]        Le deuxième yacht dont OCGC a fait l’acquisition était le S/Y Garbo, censément destiné à la SC S/Y Garbo. En février 1985, M. Bellfield a rencontré les propriétaires de Dynamique Yachts en France et a discuté avec eux de la possibilité de construire des yachts de luxe. Dynamique était censée construire le S/Y Garbo pour OCGC. Après une longue période, M. Bellfield n’était pas parvenu à obtenir le financement nécessaire pour le S/Y Garbo, ni à remplir ses obligations financières envers Dynamique. Diverses ententes et notes ont été rédigées, et les options de paiement ont été restructurées. À maintes reprises, M. Bellfield a manqué à ses obligations financières. Un acompte de 50 000 $ a été versé, mais il a fallu longtemps avant qu’il soit suivi d’autres paiements. M. Bellfield s’exposait au risque de perdre l’acompte parce qu’il était incapable de payer le solde qu’il devait sur le S/Y Garbo. Après négociations, l’acompte a finalement été porté au crédit de l’achat d’un yacht de plus petite taille, le S/Y First Impressions.

[98]        OCGC a finalement payé les fonds qui étaient dus et fait l’acquisition du S/Y Garbo. Dynamique a fait traverser l’Atlantique à celui‑ci, jusqu’à Saint-Martin, et OCGC en a pris possession le 4 avril 1986. Il est apparu que le yacht n’était pas à la hauteur des critères qu’envisageait le concept de Fantaseas et qu’il avait subi, lors de son premier voyage, d’importants dommages structurels; il a donc dû être envoyé en cale sèche en Floride, aux États-Unis pour y être réparé. Le S/Y Garbo n’a pas pu être disponible pour des affrètements avant le mois d’avril 1987. Même là, il y a eu des problèmes de décoration intérieure, des ennuis électriques et de constants travaux de réparation générale à cause de la présence du yacht dans un climat méridional. OCGC était aux prises avec de constantes demandes de règlement de ses factures de réparation, etc., et le financement était lent à venir, sinon indisponible. Le titre de propriété n’a jamais été enregistré au de la SC S/Y Garbo. En fin de compte, en 1988, le S/Y Garbo a été vendu à Maxi Yacht International S.A.R.L. dans le cadre d’une opération de financement concernant la société de fabrication de yachts française.

e) L’Ondine (le S/Y Great Gatsby)

[99]        OCGC a négocié l’achat d’un yacht de course appelé l’Ondine, qui allait être rebaptisé le S/Y Great Gatsby. Le yacht de course était un yacht en aluminium d’une longueur de 80 pieds, qui ne cadrait pas avec le concept de Fantaseas. Malgré ce qui précède, OCGC a conclu le contrat d’achat de l’Ondine au prix de 298 500 $ le 24 décembre 1985. À terme, M. Bellfield a de nouveau accusé du retard sur ses paiements et le propriétaire de l’Ondine a intenté une poursuite judiciaire contre OCGC pour défaut de paiement ainsi que pour démantèlement du navire. L’affaire a été réglée en avril 1988 et le titre de propriété du yacht a été retransféré au propriétaire initial.

f) Le Med 86

[100]   Un Med 86 a été vu à un salon nautique tenu à Miami, et on a pensé qu’il pouvait être rénové de façon à cadrer avec le concept de Fantaseas. Un contrat d’achat et de vente a été signé le 30 janvier 1987 mais la vente n’a pas été conclue. Le prix du navire était de 1 425 000 $US, un acompte de 350 000 $ devant être placé en dépôt, et le solde devant être payé à la conclusion, fixée au 1er avril 1987. La conclusion a été repoussée au 1er mai 1987, et OCGC a convenu de payer une somme additionnelle de 200 000 $ placée en dépôt. En fin de compte, l’affaire n’a pas été conclue et OCGC a été mise en demeure. Au terme d’une procédure d’arbitrage avec le propriétaire, U.S. Yacht s’est vu accorder des dommages-intérêts de 367 167 $ plus les intérêts accumulés en raison du défaut de clore la transaction.

g) Le S/Y Gable

[101]   Le troisième yacht qu’OCGC a censément acquis était le S/Y Gable. Ce dernier a été conçu par Sparkman & Stephens pour la Société en commandite S/Y Gable. Il devait être construit par Michel Dufour, un fabricant français bien connu. Selon le plan établi, M. Dufour procéderait à la construction des yachts et M. Bellfield assurerait le financement requis. Les négociations entourant la conception des navires se sont poursuivies de 1986 à 1987. Maxi Yacht International a été créée, et les actionnaires étaient M. Bellfield et M. Dufour. L’installation de fabrication de navires de Maxi Yacht a été construite et, en fin de compte, trois yachts s’y sont trouvés à divers stades de construction. Le premier était le S/Y Gable, et deux autres étaient en voie de construction, l’un muni d’un pont et l’autre en voie de fabrication de la coque. Le S/Y Gable a été terminé, mis à l’eau et baptisé en novembre 1988, et il s’agissait du premier yacht pouvant être livré à une société en commandite qui répondait véritablement aux critères du concept de Fantaseas. Même là, il n’a jamais été transféré à la SC S/Y Gable ou à n’importe quelle autre société en commandite, pas plus qu’il n’a été utilisé au profit d’une société en commandite canadienne quelconque. Au lieu de cela, il a été vendu à Starlight S.A.M., une entité française.

h) Autres contrats

[102]   Les deux autres yachts construits dans les installations de Maxi Yacht était le Demoiselles de Rochefort et le Rocco Jr. Tous deux ont été vendus à des sociétés en commandite françaises.

[103]   De plus, deux contrats d’achat ont été signés avec Chantiers Yachting France pour deux yachts en mars 1985; cependant, la société a été mise sous séquestre en juillet 1985.

5. La vérification et l’enquête de l’ARC

[104]   L’ARC a commencé à s’intéresser aux affaires d’OCGC après avoir examiné le dossier d’un investisseur de cette dernière, appelé Steven Mitchell, le 14 octobre 1986. À cette époque, une vérificatrice de l’ARC, Karen McCordick, devait examiner la validité des pertes d’entreprise dont M. Mitchell avait demandé la déduction relativement à la SC S/Y Gable. Cela a été suivi d’une demande visant à obtenir les déclarations de revenus des particuliers de M. Mitchell et de son épouse pour les années 1984 et 1985. Il s’est avéré que Steven Mitchell était en fait le frère de Stacey Mitchell, qui avait participé de près à la prestation de services comptables à OCGC pour les sociétés en commandite du type 1, en plus d’avoir fait la promotion de certaines des sociétés en commandite et d’y avoir investi.

[105]   L’examen effectué par Mme McCordick quant aux pertes d’entreprise de Steven Mitchell l’a menée à la notice d’offre concernant la SC S/Y Gable ainsi qu’à M. Bellfield, qui était censément le dépositaire des dossiers d’OCGC ainsi que des déclarations d’entreprise de cette dernière pour les années 1984 et 1985. Au cours des mois qui ont suivi, Mme McCordick a tenté d’obtenir les registres et les documents concernant la SC S/Y Gable, mais sans succès. De plus, il a été constaté qu’à ce moment-là, OCGC n’avait produit aucune déclaration de revenus des sociétés. Le dossier a finalement été transmis à la Section de l’évitement fiscal et, au printemps de 1986, aux Enquêtes spéciales.

[106]   Au cours d’une période de plusieurs mois en 1987, l’ARC a fait de nombreuses tentatives pour avoir des entretiens avec OCGC et ses représentants, surtout M. Bellfield, en vue d’obtenir des renseignements concernant non seulement les déclarations de Steven Mitchell, mais aussi les activités générales d’OCGC et son plan concernant les sociétés en commandite. Certains des renseignements ont été fournis, et d’autres non. Il s’est avéré qu’une bonne partie des renseignements demandés étaient inventés au fur et à mesure que les demandes étaient faites.

[107]   Les Enquêtes spéciales et l’Évitement fiscal ont poursuivi leurs enquêtes et leurs recherches indépendamment l’une de l’autre, mais l’Évitement fiscal a pris un peu de recul par rapport aux Enquêtes spéciales. L’Évitement fiscal, semble-t-il, fait enquête sur les aspects civils des problèmes fiscaux, tandis que les Enquêtes spéciales font enquête et préparent des dossiers fiscaux en vue de la tenue de poursuites criminelles. L’Évitement fiscal a formulé sa position sur OCGC et le plan relatif aux sociétés en commandite en 1988.

[108]   En juin 1989, des perquisitions et des saisies ont été effectuées dans des installations d’OCGC ainsi que dans d’autres lieux, et des personnes affiliées à OCGC ainsi que des investisseurs ont été interrogés. Les enquêtes de l’ARC, menées tant par l’Évitement fiscal que par les Enquêtes spéciales, ont été longues et exhaustives, mais elles ne se sont pas déroulées sans problème, car l’Évitement fiscal était un service de l’ARC et les Enquêtes spéciales en étaient un autre. De plus, la GRC est intervenue dans le processus pour enquêter sur une éventuelle activité criminelle.

[109]   L’Évitement fiscal de l’ARC en est venu à croire qu’OCGC se livrait à une activité frauduleuse et a exprimé l’avis que :

a)       il y avait une demande prématurée de déductions, c’est-à-dire des déductions pour amortissement;

b)      OCGC était nettement sous-financée et il n’y avait aucun financement pour la construction de yachts;

c)       il n’y avait aucun apport en capital de la part des commanditaires – juste une circulation de prêts de la part d’OCGC aux commanditaires, et de ceux‑ci à OCGC. OCGC n’avait jamais disposé des fonds nécessaires pour consentir les prêts au départ;

d)      les dépenses étaient dans une certaine mesure déraisonnables et certains des montants déclarés à titre de dépenses étaient excessifs, par exemple en ce qui concerne les études de faisabilité;

e)       certaines dépenses n’avaient jamais été engagées;

f)       la fabrication et la livraison proprement dites des yachts pour les sociétés en commandite posaient des problèmes importants.

[110]   Au final, le ministre a refusé la totalité des pertes, des intérêts et des honoraires professionnels dont les investisseurs avaient demandé la déduction. Comme il a été signalé plus tôt, des accusations ont été déposées au pénal contre Pierre Rochat, M. Bellfield et le bras droit de ce dernier, M. Minchella. M. Rochat a plaidé coupable à l’accusation d’avoir employé des documents contrefaits. M. Bellfield et M. Minchella ont été inculpés de deux chefs de fraude ainsi que de deux chefs d’emploi de documents contrefaits, et leurs déclarations de culpabilité ont été confirmées en appel.

G. Les fausses déclarations : une fraude du début jusqu’à la fin

[111]   Les appelants soutiennent qu’en dépit des éléments de preuve produits sur les mensonges persistants d’OCGC et de M. Bellfield, il existe suffisamment d’indices de l’existence d’une entreprise parce qu’une somme de 13 à 14 millions de dollars a été dépensée sur ce que les appelants qualifient d’efforts déployés pour établir une entreprise d’affrètement de yachts. À l’annexe 1 de leurs observations finales, les appelants déclarent :

[traduction
3.         Même si l’entreprise s’est révélée infructueuse au final, et nonobstant la preuve de mensonges ou de fausses déclarations de la part de M. Bellfield, le fait est qu’OCGC a créé et établi des entreprises d’affrètement de yachts qui étaient à la fois visionnaires et d’une envergure mondiale.

[Souligné dans l’original]

[112]   Cet énoncé est partiellement exact; il devrait toutefois se lire de la manière suivante : [traduction] « OCGC a créé et établi l’illusion d’une entreprise d’affrètement de yachts ». Je conclus que cette entreprise n’était rien de plus qu’une illusion, une fraude du début jusqu’à la fin. Il y avait très certainement suffisamment d’indices présents pour donner une vraisemblance de légitimité. Il y avait très certainement des fonds qui ont été dépensés en vue de créer ces indices mais, pour M. Bellfield, ils avaient tous pour but de commettre la fraude auprès des investisseurs des sociétés en commandite, l’ARC et de nombreuses autres parties qui sont entrées en contact avec lui dans le cadre de cette entreprise.

[113]   Il ressort des éléments de preuve que les investisseurs ont été incités, au moyen de fausses déclarations, à investir non pas dans d’authentiques sociétés en commandite, mais plutôt dans une combine à la Ponzi, orchestrée par M. Bellfield. OCGC n’a jamais eu les capitaux nécessaires pour mettre en œuvre le plan d’investissement, malgré ses nombreuses déclarations en sens contraire. La seule source de fonds dont disposait OCGC était les paiements d’intérêt des investisseurs et les petits dépôts qu’ils faisaient au moment de souscrire aux sociétés en commandite du type 2 et du type 3. Manquant cruellement de capitaux, M. Bellfield devait continuer de vendre des parts dans les sociétés en commandite pour pouvoir continuer à recevoir des fonds et continuer de commettre la fraude. Pour continuer de donner l’impression que la possibilité d’investissement était réelle, M. Bellfield devait faire des efforts pour faire construire ou acheter des yachts et donner des indications qu’une entreprise d’affrètement était en voie de création. Cependant, ces efforts étaient toujours d’une portée limitée et souffraient toujours à la fois d’un manque de yachts pour la mise en œuvre d’une entreprise d’affrètement véritable et d’un sérieux manque de fonds. Presque aucun résultat n’a été produit si on tient compte de l’énormité des résultats qui ont été présentés aux investisseurs comme étant non seulement planifiés mais aussi, jusqu’à un certain point, déjà réalisés. Tous les efforts déployés par OCGC et ses entreprises apparentées relativement à la fabrication de yachts et la mise au point d’un système d’affrètement n’étaient qu’une façade. M. Bellfield gardait son stratagème pour lui-même ainsi que pour M. Minchella. Les investisseurs, les promoteurs, les avocats, les comptables et les membres du personnel d’OCGC étaient tous tenus dans l’ignorance.

[114]   Il ressort des documents versés aux débats que la fraude a commencé à partir du moment où les premières notices d’offre ont été préparées, c’est-à-dire en novembre 1984, sinon plus tôt. C’était avant que des investisseurs souscrivent des parts de société en commandite quelconques. La fraude s’est poursuivie sans interruption et a pris de l’ampleur jusqu’à ce que le stratagème tout entier s’écroule après que l’ARC et la GRC eurent commencé une vaste enquête et que les investisseurs eurent finalement cessé d’effectuer leurs paiements d’intérêt. Les catégories de fausses déclarations exposées dans la section qui suit montrent de quelle façon la fraude a évolué chronologiquement et a pris de plus en plus d’ampleur :

1)          les fausses déclarations fondamentales qui ont été faites dans les notices d’offre;

2)          les fausses déclarations faites à des professionnels au moment de la clôture, y compris les faux documents fournis à ce moment, comme :

a)     les faux certificats;

b)    les faux énoncés concernant les obligations d’OCGC;

c)     les fausses déclarations solennelles;

d)    les faux affidavits;

e)     les faux numéros d’immatriculation de coque;

3)          les fausses déclarations faites dans les documents et les campagnes de relations publiques d’OCGC concernant la [traduction] « flottille de yachts » et le [traduction] « commissariat hôtelier »;

4)          les nombreux faux éléments de revenus et de dépenses énumérés dans les états financiers, et la croissance annuelle de fausses dépenses;

5)          les fausses déclarations concernant les modalités de financement ainsi que de biens et de services de la part des entités étrangères Starlight S.A. et Neptune Marine;

6)          les documents antidatés et les faux documents, y compris les calendriers de livraison des yachts et les contrats de gestion;

7)          les fausses déclarations faites à divers fabricants ou vendeurs de yachts quant à la disponibilité des fonds nécessaires pour la fabrication ou l’achat des yachts;

8)          les fausses déclarations faites de manière constante à OCGC, aux employés de Starlight ainsi qu’à des tierces parties quant à l’état des activités d’affrètement et à la construction de yachts;

9)          de faux énoncés faits de façon constante aux investisseurs au sujet du nombre de yachts construits ou en voie de construction, ainsi que des dates de livraison prévues;

10)     de fausses déclarations faites de façon constante sur l’état des activités d’affrètement et le nombre d’affrètements réservés;

11)     de fausses déclarations de perte et d’autres faux documents destinés à tromper l’ARC et les investisseurs.

[115]   Les exemples recensés ci-après font ressortir les nombreux cas de fausses déclarations de la part d’OCGC, à commencer par les premières fausses déclarations qu’OCGC et M. Bellfield ont faites aux investisseurs de 1984 dans les notices d’offre, suivies de la multitude de fausses déclarations qu’OCGC a continué de faire pendant toutes les années d’imposition en question. L’intimée a consacré plus d’une centaine de pages, dans ses observations finales, à exposer en détail les nombreuses fausses déclarations. Ici, seules les principales faussetés sont recensées. Il existe un nombre suffisant d’exemples fournis pour faire comprendre la nature complexe et omniprésente de la fraude. J’ai fait abondamment référence aux observations de l’intimée sur les fausses déclarations, car j’ai trouvé que le sommaire et les observations de l’intimée à cet égard étaient excellents et succincts.

a) Les notices d’offre

(i) Les notices d’offre de 1984 : les fausses déclarations concernant des faits importants

[116]   Les deux notices d’offre de 1984 concernant le S/Y Garbo et le S/Y Gable regorgent de fausses déclarations importantes. Elles illustrent que dès le tout premier contact avec cette possibilité d’investissement, les investisseurs ont été frauduleusement incités à investir. De fausses déclarations importantes ont été faites aux investisseurs, aux professionnels du droit et de la comptabilité, aux responsables de la mise en marché et de la promotion des sociétés en commandite ainsi qu’aux fiscalistes dont les opinions ont été incluses dans les notices d’offre.

[117]   D’importantes fausses déclarations ont été faites dans la notice d’offre de 1984 concernant la SC S/Y Garbo ainsi que dans la notice d’offre concernant la SC S/Y Gable. Ces documents sont essentiellement les mêmes. Il est fait référence ci-après à la notice d’offre concernant la SC S/Y Garbo à titre d’exemple.

[118]   Lorsqu’on examine les fausses déclarations importantes qui suivent, il est important de souligner que M. Bellfield a attesté le 1er novembre 1984 que la teneur de la notice d’offre concernant la SC S/Y Garbo était véridique et constituait une communication complète des faits importants concernant la possibilité de placement, comme la loi l’exigeait. L’énoncé d’attestation est le suivant :

[traduction
Les informations qui précèdent constituent une communication complète, véridique et claire de tous les faits importants relatifs aux valeurs mobilières offertes par la présente notice d’offre, comme l’exige la partie XIV de la Loi sur les valeurs mobilières (Ontario) et le règlement y afférent[11].

Le financement et l’étude de faisabilité

[119]   La notice d’offre signale que les coûts de démarrage de l’entreprise de 953 200 $ seront déductibles dans la première année d’exploitation, et que ces coûts englobent principalement une étude de faisabilité ainsi que les frais relatifs à l’organisation du financement. Cependant, il ressort des éléments de preuve qu’aucun financement n’a jamais été organisé. De plus, il n’y a eu aucune étude de faisabilité au cours de la première année d’exploitation. Ce n’est qu’à la fin de 1985 qu’une étude de faisabilité a été commandée et elle n’a été remise par Bruce Kemp que le 28 janvier 1986, au prix de 4 000 $. De plus, il ressort des éléments de preuve que M. Kemp n’avait aucune expérience du tout de l’affrètement de yachts ou de la navigation à voile – il était rédacteur. La fausse affirmation selon laquelle le coût de l’étude de faisabilité était déductible dans la première année d’exploitation est reprise ailleurs dans la notice d’offre.

Les courtiers chargés des services de gestion et des réservations

[120]   La première page de la notice d’offre indique : [traduction] « OCG Corporation a pris des dispositions avec d’importants courtiers en vue de la prestation des services de gestion et de réservations nécessaires », mais rien ne prouve que de telles dispositions avaient été prises à l’époque où la notice d’offre a été diffusée. En fait, Ester Palmer, la belle-sœur de M. Bellfield, a affirmé qu’elle n’était même pas entrée au service de Starlight Charters avant le mois de janvier 1986 environ et que ce n’était qu’à cette époque que des efforts avaient été déployés pour procéder à la mise en marché des affrètements et nouer des relations avec divers agents de voyage. Ester Palmer a été la première employée d’OCGC, à part Tina Bellfield et M. Minchella, et elle était chargée de la mise au point et de la mise en marché de l’entreprise d’affrètement de yachts. J’ai trouvé que Mme Palmer était un peu naïve, et qu’elle s’en remettait entièrement à M. Bellfield. Par exemple, aucune facture approuvée par Mme Palmer n’était payée sans l’autorisation précise de M. Bellfield. Elle croyait tout ce que ce dernier disait, malgré la présence de documents qui auraient dû lui signaler le contraire. En tant que témoin, elle a très souvent évité de répondre à des questions en disant : [traduction] « Je ne le sais pas » ou [traduction] « Je ne m’en souviens pas », répétant très souvent ces phrases en contre-interrogatoire, en fait plus d’une centaine de fois, même au sujet de questions dont elle aurait dû être au courant.

[121]   Par exemple, en faisant référence à une brochure d’OCGC, Ester Palmer n’a pas pu se souvenir de la personne qui l’avait produite. Elle n’avait aucune connaissance personnelle de l’identité de la personne qui avait rédigé le texte, aucune connaissance de la source de certaines des informations qui y figuraient, elle n’a pas pu se souvenir si l’on avait mis en place un système international de réservations pour les affrètements de yachts, elle ignorait qui était chargé de payer Jacques Pépin, elle ne savait pas si Fabu D’Or était en exploitation, et ainsi de suite. Bien que le temps qui s’est écoulé entre les événements au sujet desquels elle témoignait et le procès puisse expliquer en partie ces trous de mémoire, cela n’explique pas de manière suffisante pourquoi elle n’aurait aucune connaissance ou compréhension de certaines affaires.

[122]   Mme Palmer a investi dans la société en commandite Forbidden Fruit en 1986 et a demandé la déduction de pertes pour un yacht qui n’existait pas. De plus, elle n’a jamais payé sa part, pas plus qu’elle n’a payé d’intérêts sur l’achat de cette dernière. Même si Mme Palmer était essentiellement chargée de la mise en marché de l’entreprise d’affrètement de yachts, et était elle-même investisseuse, elle n’a jamais lu les études de faisabilité, même si l’on y faisait expressément référence dans les notices d’offre concernant les sociétés en commandite. En fait, l’étude de faisabilité n’a jamais été l’objet de discussions quelconques au cours des opérations. Elle a semblé s’exprimer de manière assez véridique au sujet des choses dont elle était au courant, mais elle a paru terriblement naïve et a clairement cru ce que disait M. Bellfield, son beau-frère, au sujet de tous les aspects de l’opération, avec d’importants motifs personnels pour continuer de le faire.

Les frais de courtage, le financement des travaux de construction et les prêts relatifs aux achats

[123]   La notice d’offre fait état de 55 455 $ en frais de courtage, de 1 109 000 $ en financement de travaux de construction ainsi que de 66 545 $ en intérêts sur le financement des travaux de construction. Il n’existe cependant aucun élément de preuve dont il ressort que les frais de courtage étaient fondés sur la réalité ou qu’OCGC avait même organisé le financement des travaux de construction. En fait, toutes les références faites au financement dans la notice d’offre, soit pour les investisseurs, soit pour le projet, sont fausses. Dans l’avis fiscal du cabinet juridique Leve & Zeller, inclus dans la notice d’offre, un certain nombre de présomptions sont fondées sur de fausses déclarations d’OCGC, dont le fait que chaque commanditaire pouvait disposer d’un prêt de 54 166 $ auprès d’une banque à charte pour l’achat de leur part, et que ce prêt était garanti par une lettre de crédit. Ces déclarations étaient tout à fait fausses.

La coutellerie, le linge, la vaisselle et les ustensiles

[124]   La coutellerie, le linge, la vaisselle et les ustensiles sont énumérés à titre d’éléments de dépense déductibles, d’un montant de 15 000 $, alors qu’en fait ces articles n’ont pas été achetés avant qu’Ester Palmer entre au service de Starlight Charters en 1986.

La mise en marché et la publicité

[125]   La société en commandite est censée compter des dépenses déductibles de 60 000 $ au titre de la mise en marché et de la publicité. Il ressort des éléments de preuve que la principale personne chargée de la mise en marché et de la publicité des affrètements était Ester Palmer, mais elle a témoigné qu’elle n’est entrée au service de Starlight Charters qu’en 1986. Là encore, il est impossible que des dépenses de mise en marché et de publicité de 60 000 $ soient déductibles, comme il était affirmé dans la notice d’offre, car aucune dépense de cette nature n’aurait pu être engagée avant que Mme Palmer entre au service de Starlight Charters. Les observations finales de l’intimée résument de manière exacte pourquoi les déclarations concernant les dépenses de mise en marché et de publicité sont fausses :

[traduction
Mme Palmer était chargée de la mise en marché, des ventes et des activités. Le poste qu’elle occupait était, a-t-elle dit, comparable à celui d’un directeur général. Mme Palmer n’est entrée au service de Starlight que le 6 janvier 1986. Elle a déclaré que Starlight était une entreprise en démarrage et qu’elle partait de zéro. M. Minchella confirme le témoignage de Mme Palmer sur ce point. Quand M. Minchella s’est joint à OCGC en août 1985, le personnel se composait d’Einar Bellfield, de sa fiancée, Tina Bellfield, et de lui-même. Tina Bellfield était chargée des tâches administratives. Telle était l’équipe d’OCGC jusqu’au 31 décembre 1985, à l’exception de conseillers professionnels tels que M. Zeiler, M. Mitchell et l’adjointe de David Franklin, Elizabeth Burrows, qui était chargée des messageries. La déclaration selon laquelle la société en commandite avait des dépenses déductibles de 60 000 $ au titre de la mise en marchée et de la publicité est fausse[12].

[Notes de bas de page omises.]

La déduction pour amortissement

[126]   À maintes reprises dans la notice d’offre, il est indiqué que le yacht S/Y Garbo a été acheté ou était en voie de construction en 1984, et qu’il est possible de se prévaloir cette année-là de déductions pour amortissement. Il ressort du témoignage de Loïc LeGlatin qu’il est impossible que le S/Y Garbo ait été acheté en 1984 ou même que sa construction ait débuté cette année-là.

[127]   M. LeGlatin a été embauché par M. Bellfield censément pour trouver des yachts qui conviendraient aux sociétés en commandite. M. LeGlatin était certes hautement spécialisé en la matière car il comptait une vaste expérience du domaine de la navigation de plaisance. Il ressort de son témoignage qu’il était un témoin digne de foi qui n’avait aucun intérêt à présenter sous un faux jour le travail qu’il avait fait pour OCGC. Il s’agissait d’une personne franche et honnête qui a répondu aux questions directement, à partir des informations et des connaissances qu’il possédait. M. LeGlatin n’était pas une personne qui allait commencer à occulter de quelque façon la vérité, mais qui a simplement témoigné sur les questions dont il était au courant et qui a certainement paru être bien informé sur les aspects au sujet desquels il a été interrogé et contre-interrogé. M. LeGlatin a déclaré qu’il avait personnellement organisé la commande du navire qui serait le S/Y Garbo, au moyen d’une entente signée le 19 février 1985 entre OCGC et le fabricant de yachts Dynamique, au sujet d’un yacht de 80 pieds.

[128]   M. LeGlatin a également déclaré que l’allégation d’OCGC selon laquelle le contrat d’achat a été signé à la suite d’une lettre d’intention antérieure, censément signée en novembre 1984, était fausse et, en fait, impossible. En novembre 1984, OCGC menait encore ses activités à partir du coin-détente du condominium que possédait M. Bellfield. Seule Tina Bellfield était au service de l’entreprise, de pair avec une adjointe administrative/messagère. Les autres principaux points de contact d’OCGC étaient des comptables et des avocats. C’est M. LeGlatin qui a initialement mis en rapport M. Bellfield avec la société de fabrication de yachts Dynamique et il n’a même pas commencé à travailler pour OCGC avant le mois de janvier 1985 à peu près. Par ailleurs, il n’a rencontré Chantal Jeanneau, de Dynamique, qu’en février 1985.

[129]   Le S/Y Garbo n’était pas en construction en 1984, et OCGC n’en était pas propriétaire. OCGC n’a pris concrètement possession du S/Y Garbo qu’en avril 1986. Le titre de propriété du S/Y Garbo n’a jamais été transmis à la SC S/Y Garbo. M. Garber, l’investisseur de 1984 dans la présente affaire, a déclaré que, d’après ce qu’il avait compris, une déduction pour amortissement pouvait être demandée pour 1984 parce que le S/Y Garbo était, à tout le moins, déjà en voie de fabrication. La déclaration faite dans la notice d’offre selon laquelle une déduction pour amortissement pouvait être demandée pour 1984 est fausse.

[130]   Ce ne sont là que quelques exemples des fausses déclarations nombreuses et importantes que l’on relève dans la notice d’offre. Elles concernent à la fois les avantages fiscaux de l’investissement et l’entreprise commerciale, et illustrent la nature permanente et omniprésente de la fraude. Les faits importants qui ont été faussement présentés touchent à l’essentiel des valeurs mobilières offertes à l’investisseur, et le fait qu’OCGC n’ait pas veillé à ce que ces faits cadrent avec la réalité constitue un manquement fondamental à ses obligations.

[131]   M. Bellfield, par l’entremise d’OCGC, a fait ces fausses déclarations afin de s’assurer qu’un éventuel investisseur trouverait attrayant le fait d’investir dans l’affrètement de yachts. On évoquait le nouveau yacht de luxe d’une longueur de 80 pieds en voie de construction; les accessoires nécessaires à des affrètements de luxe comme la coutellerie, le linge et la vaisselle qui étaient achetés; les activités appropriées de mise en marché et de publicité qui étaient menées; les personnes dont on avait retenu les services pour gérer l’entreprise et réserver les affrètements, le tout soutenu par un financement et une étude de faisabilité, ainsi que la possibilité d’obtenir une déduction pour amortissement à l’égard du nouveau yacht de 80 pieds. Il s’agissait dans tous ces cas de fausses déclarations faites pour créer la perception qu’il existait une entreprise d’affrètement de yachts légitime dès le départ.

(ii) La notice d’offre de 1985 : les fausses déclarations importantes se poursuivent

[132]   L’ampleur des fausses déclarations d’OCGC s’est poursuivie dans les notices d’offre concernant les sociétés en commandite du type 2 de 1985, qui sont toutes sensiblement les mêmes que les sociétés en commandite du type 1. M. Bellfield a une fois de plus attesté que les notices d’offre constituaient la communication complète et véridique des faits importants, comme la loi l’exigeait. Les paragraphes qui suivent illustrent quelques exemples clés de ces fausses déclarations.

Les courtiers

[133]   À la première page de la notice d’offre de 1985, OCGC soutient qu’elle a conclu des ententes avec d’importants courtiers. Là encore, cela est impossible, car Ester Palmer n’a pas commencé à travailler pour Starlight Charters avant janvier 1986 et que ce n’est qu’à ce stade qu’elle a commencé à prendre des dispositions avec des courtiers.

Les bases des yachts affrétés

[134]   La première page contient l’affirmation selon laquelle des bases ont déjà été établies pour les yachts à Monaco et à Sainte-Lucie, par une société du nom de Starlight Charters S.A., de Genève (Suisse). Cette affirmation est impossible. Il ressort des éléments de preuve que Starlight Charters S.A. n’était rien de plus qu’une société fictive, qui n’a jamais fourni quelque bien ou service que ce soit. La première page de la notice d’offre de 1985 indique, et les fausses affirmations susmentionnées y sont soulignées :

[traduction
OCG Corporation est une société établie ayant des actifs dans l’industrie maritime. En collaboration avec Starlight Charters S. A. de Genève, OCG a déjà établi des bases pour yachts à affréter à Monaco et à Sainte-Lucie.

Les yachts à voile et à moteur ont de plus en plus de succès auprès des personnes qui les considèrent comme un moyen de prendre des vacances ainsi qu’auprès des personnes qui ne s’y intéressent qu’à titre d’investissement fiscal. Les yachts offrent de généreuses possibilités d’amortissement, ainsi qu’une possibilité d’un bon rendement du capital investi.

Même si les bateaux bénéficient d’un taux d’amortissement élevé, il n’en demeure pas moins qu’ils perdent fort peu de valeur et que celle-ci augmentera vraisemblablement. Les principales régions du monde où l’on mène des activités d’affrètement se trouvent dans les Antilles, dans la Méditerranée et à Tahiti dans le Pacifique. OCG Corporation a pris des dispositions avec d’importants courtiers tant pour la fourniture de services de gestion que pour les réservations nécessaires.

[Non souligné dans l’original.]

Le financement et l’étude de faisabilité

[135]   La fausse déclaration portant que des frais de démarrage d’entreprise d’un montant total de 953 200 $ ont été engagés et sont déductibles dans la première année d’exploitation est répétée dans la notice d’offre de 1985; là encore, on y lit que ces frais ont surtout trait à une étude de faisabilité et à des dispositions prises en matière de financement, mais il ressort des éléments de preuve que ces allégations sont fausses parce qu’il n’y a eu aucun financement d’organisé ou de fourni, et qu’aucune étude de faisabilité n’a été commandée avant la fin de 1985. De plus, l’étude de faisabilité a été produite en 1986, et elle n’a coûté que 4 000 $.

Le financement des travaux de construction, les frais de courtage, les prêts aux investisseurs et la lettre de crédit

[136]   Toutes les déclarations faites au sujet du financement étaient fausses. Il n’y a pas eu de financement des travaux de construction, pas de frais de courtage relatifs aux travaux de construction et donc, pas d’intérêts à payer sur le financement des travaux de construction. Aucun prêt n’a été fait aux investisseurs, et aucuns fonds n’ont été avancés pour la fabrication du yacht. La somme de 212 200 $ qui est inscrite dans les notices d’offre comme dépense déductible concerne les dispositions prises en vue d’une lettre de crédit qui n’a pas existé. La seule lettre de crédit qu’il y a eu était tout à fait fausse, censément organisée avec Neptune Marine Resource S.A., une société constituée par M. Bellfield et qui faisait partie de la fraude complexe qui a été commise. Le cabinet comptable Laventhol & Horwath a fondé une partie de son avis fiscal sur les fausses déclarations selon lesquelles il y avait des prêts disponibles et qu’OCGC avait obtenu une marge de crédit d’exploitation en vue de financer les activités.

La coutellerie, le linge, la vaisselle et les ustensiles

[137]   Les fausses déclarations selon lesquelles un montant de 15 000 $ en coutellerie, en ligne, en vaisselle et en ustensiles ainsi que des dépenses de 60 000 $ en mise en marché et en publicité avaient été engagées sont toutes deux répétées dans les notices d’offre de 1985. Les raisons militant en faveur de la conclusion selon laquelle ces déclarations sont fausses sont expliquées en détail ci-dessus, mais, pour résumer une fois de plus la situation brièvement, Ester Palmer a participé à la fois aux premiers achats de la coutellerie, etc. ainsi qu’aux premiers efforts de mise en marché et de publicité concernant l’affrètement du yacht, et elle n’a pas commencé à travailler pour Starlight Charters avant le mois de janvier 1986.

L’achat des yachts

[138]   Les notices d’offre de 1985 contiennent aussi de nombreuses déclarations selon lesquelles les sociétés en commandite de 1985 feraient l’acquisition de leurs yachts en 1985 alors que, en réalité, la fabrication de ces derniers n’avait même pas commencé et qu’un tel achat était impossible. Cette fausse déclaration est des plus importantes car l’achat d’un yacht se situait au cœur même des valeurs mobilières décrites dans les notices d’offre.

[139]   Ces fausses déclarations étaient là pour inciter des investisseurs à faire partie d’un stratagème frauduleux qui permettrait d’assurer un flux continu de fonds en vue de préserver l’illusion qu’il existait une entreprise légitime, le tout à l’insu des investisseurs.

(iii) Les notices d’offre de 1986 : encore de multiples fausses déclarations

[140]   Les notices d’offre de 1986 ont poursuivi la tradition, en ce sens qu’elles comportaient elles aussi une foule de fausses déclarations. Celles-ci sont résumées ci-après, en prenant comme exemple la SC S/Y Close Encounters. Il ressort de ces déclarations non seulement qu’OCGC a perpétré une fraude contre les investisseurs de 1986 dès le départ en les incitant à investir, mais aussi que la présumée préservation du statu quo des sociétés en commandite de 1986, par l’utilisation comme mécanisme d’OCG Enterprises, était tout simplement une autre fausse déclaration.

Le financement

[141]   La notice d’offre relative à la SC S/Y Close Encounters indique qu’OCGC a consenti des prêts à OCG Enterprises en vue de financer l’achat initial des 25 parts de la SC S/Y Close Encounters le 2 janvier 1986, mais il n’existe aucun élément de preuve dont il ressort que ces prêts ont bel et bien été consentis. La notice d’offre signale aussi qu’OCG Enterprises a fourni les capitaux de société en commandite initiaux de 2,9 millions de dollars à la SC S/Y Close Encounters, mais il n’existe aucun élément de preuve dont il ressort qu’OCG Enterprises a réellement fourni ces montants.

Les capitaux d’OCG Enterprises

[142]   Les notices d’offre signalaient qu’une somme de 1,45 million de dollars sur les capitaux qu’OCG Enterprises avait censément fournis pour capitaliser le yacht [traduction] « a été utilisée par la société en commandite pour acquérir le yacht et les services connexes », alors qu’en réalité ce yacht n’avait pas encore été acheté et n’était pas en voie de fabrication.

La marge de crédit

[143]   La notice d’offre signale qu’une marge de crédit a été établie et qu’elle était disponible sur une base annuelle jusqu’au 1er janvier 1992 en vue d’avancer des fonds à la SC S/Y Close Encounters quand celle-ci manquerait de liquidités. Elle signale que la SC S/Y Close Encounters a payé pour cet arrangement un droit d’usage unique à OCGC mais, en réalité, il n’y a aucun élément de preuve portant qu’une marge de crédit a été établie à ces fins ou qu’OCGC avait les moyens d’en établir une.

Les repas gastronomiques et les services connexes

[144]   La notice d’offre concernant la SC S/Y Close Encounters prétend que [traduction] « des repas gastronomiques et un service attentif sont actuellement offerts » dans le cadre de l’entreprise d’affrètement de yachts sur un [traduction] « catamaran à voile de 60 pieds ou un monocoque à voile de 80 pieds », alors qu’en réalité les affrètements réels qui étaient offerts et les yachts qui étaient disponibles étaient extrêmement restreints en 1986, si tant est qu’ils étaient disponibles. D’autres commentaires concernant l’absence de yachts et le peu d’affrètement proprement dit sont analysés dans les sections intitulées « La construction et l’achat de bateaux » et « Starlight Charters ».

L’étude de faisabilité

[145]   La notice d’offre prétendait qu’OCGC [traduction] « met à jour et modifie constamment l’étude de faisabilité », alors qu’il n’y a aucun élément de preuve portant que des études de faisabilité ont été mises à jour [traduction] « constamment ». Seules deux études de faisabilité ont été mises en preuve, la première datant de 1986, et la deuxième étant une mise à jour fournie en 1988.

La coutellerie, le linge, la vaisselle et les ustensiles

[146]   La notice d’offre contient également la déclaration, une fois de plus répétée, que des dépenses de coutellerie, de linge, de vaisselle et d’ustensiles ont été engagées, cette fois d’un montant total de 65 000 $. Ester Palmer a témoigné qu’elle avait fait le premier achat de tels articles en 1986, mais ils n’ont pas été destinés à la SC S/Y Close Encounters; celle-ci n’avait même pas encore un yacht et, à ce moment-là, n’aurait pas pu faire usage de ces articles.

Le cautionnement de garantie

[147]   L’affirmation selon laquelle OCGC a organisé une garantie d’achèvement pour la SC S/Y Close Encounters et a payé la somme de 29 000 $ pour ce cautionnement garantissant que le yacht serait construit à un prix fixe est fausse elle aussi. L’énoncé que comporte la notice d’offre, selon lequel OCGC a engagé la somme de 72 500 $ en frais de courtage pour l’organisation du financement des frais de construction, est faux. Aucun financement pour des travaux de construction n’a jamais été organisé, et il n’y a pas eu de dépenses déductibles de 150 000 $ pour des fonds avancés à OCGC pour qu’elle organise du financement pour des acheteurs visés par la notice secondaire.

Services d’inspection et de surveillance; matériel de service, de décoration et d’armement

[148]   Selon la notice d’offre, la somme de 60 000 $ était une dépense déductible pour l’inspection du [traduction] « yacht en voie de construction », afin de s’assurer qu’il était construit selon les spécifications exigées. La notice d’offre affirme aussi que la SC S/Y Close Encounters a engagé la somme de 69 000 $ en dépenses déductibles au titre du [traduction] « matériel de service, de décoration et d’armement ». Le S/Y Close Encounters n’a jamais été construit et aucun yacht n’était en voie de construction à ce moment-là, de sorte que ces deux déclarations sont fausses.

Starlight Charters S.A. et Neptune Marine

[149]   La notice d’offre de 1986 contient également de nombreuses références à Starlight Charters S.A. (« Starlight S.A. ») ainsi qu’à Neptune Marine Resource S.A. (« Neptune »). Bien que Starlight S.A. soit mentionnée dans des notices d’offre précédentes, les fausses déclarations faites en 1986 au sujet de Starlight S.A. et de Neptune sont nombreuses et importantes.

[150]   Ces deux entités ont été constituées par M. Bellfield en Suisse où, à l’époque, le droit des sociétés interdisait la communication de l’identité des personnes qui sont derrière les structures de société[13]. M. Bellfield s’est servi de ces entités pour faire de nombreuses fausses déclarations selon lesquelles il était possible d’obtenir du financement de Neptune et que Starlight S.A. avait conclu un contrat en vue de la fourniture de biens et de services liés à l’affrètement de yachts. L’une des principales raisons pour lesquelles ces entités sont intervenues dans le stratagème semble qu’elles aient été un élément d’une stratégie de dernière minute destinée à éviter une importante dette fiscale de société qui n’avait pas été prévue au départ.

[151]   Par souci de concision, voici un extrait des observations finales de l’intimée qui résume certaines des fausses déclarations les plus importantes concernant Starlight S.A. et Neptune que l’on relève dans la notice d’offre concernant la SC S/Y Close Encounters :

[traduction

112. Les fausses déclarations de fait dans la Société en commandite S/Y Close Encounters ainsi que dans d’autres sociétés en commandite de 1986 comprenaient les suivantes :

a. que certains des services de gestion prévus par le contrat de gestion et le contrat d’achat avaient été confiés en sous-traitance par OCG Corporation à Starlight Charters S.A. (« Starlight »), qui serait chargée de la prestation de ces services. Ces derniers devaient inclure, notamment, les activités de consultation et d’inspection concernant les travaux de construction, l’organisation des travaux de construction et le financement d’exploitation, les garanties d’achèvement des travaux de construction, la fourniture d’une étude de faisabilité, la fourniture de personnel, de membres d’équipage et de provisions, l’organisation des installations d’amarrage, l’entretien du yacht, l’exécution de programmes de mise en marché ainsi que l’exploitation de l’entreprise d’affrètement de yachts (p. 14) […].

b. que la plupart des services initiaux avaient été confiés en sous-traitance à Starlight Charters S.A., qui serait chargée de leur prestation (p. 26).

c. que les services continus avaient été confiés en sous-traitance à Starlight Charters S.A., laquelle serait chargée de leur prestation, OCGC ayant le droit de retenir des frais d’administration de 10 % sur tous les montants facturés à la société en commandite. (p. 27)

d. que Starlight Charters S.A. avait été engagée par OCGC pour gérer les activités de la société en commandite. (p. 33)

e. que Neptune Marine Resource S.A. avait assuré une aide financière considérable à OCGC pour l’achat du yacht et des services initiaux. (p. 33)

f. qu’un important contrat concernant le yacht qui avait été conclu et qui était demeuré pleinement en vigueur comprenait un accord de gestion entre OCGC et Starlight Charters S.A. en date du 2 janvier 1986. (p. 35)

[…]

[…] que la société en commandite avait engagé des dépenses déductibles de 300 000 $ à l’égard de droits d’usage relatifs à une lettre de crédit (p. 25), mais OCGC n’a jamais obtenu une marge de crédit d’exploitation. M. Minchella a convenu que la seule lettre de crédit était celle conclue avec Neptune. La déclaration selon laquelle la société en commandite avait engagé une dépense déductible relativement à une lettre de crédit était fausse.

[…]

[…] qu’OCGC avait organisé un cautionnement d’achèvement (p. 26). M. Minchella s’est souvenu que M. Forsey avait dit à M. Bellfield que s’il y avait une entente qui exigeait un cautionnement d’achèvement et qu’il n’en existait pas, il faudrait alors qu’ils en établissent un. Le cautionnement d’exécution de Neptune Marine Resources S.A. a été établi lors d’une séance de couper-coller dans les bureaux d’OCGC et imprimé à Toronto par Sibilia & Associates. Cette déclaration était fausse.

[…]

[…] qu’OCGC avait organisé une marge de crédit pour le compte de la société en commandite (p. 27). OCGC n’a jamais obtenu de marge de crédit d’exploitation. M. Minchella a convenu que la seule lettre de crédit était celle de Neptune Marine Resources S.A. que Sibilia & Associates avait imprimée, à Toronto. Cette déclaration était fausse.

[…]

[…] que Starlight Charters S.A. s’organiserait pour trouver des places d’amarrage pour le yacht dans les Antilles et en Méditerranée, et se chargerait des activités internationales de promotion, de mise en marché et de publicité, le tout en échange de frais fixes, devant être payés par OCGC, et pour lesquels OCGC aurait droit à des frais d’administration de 10 % (p. 28). Starlight Charters S.A. n’a fourni aucun bien ou aucun service à une société en commandite quelconque. Cette déclaration était fausse[14].

[Notes de bas de page omises.]

[152]   Malgré les nombreuses fausses déclarations importantes en sens contraire dans les notices d’offre de 1986, aucuns fonds n’ont jamais été réellement disponibles auprès de Neptune, non plus que des fonds ont été mis à la disposition de Starlight S.A. De plus, cette dernière n’a jamais réellement fourni de biens et de services relatifs à l’affrètement de yachts. En fait, il ressort des éléments de preuve qu’un grand nombre des services énumérés ci-dessus n’ont jamais été assurés du tout, par qui que ce soit, aux sociétés en commandite.

[153]   Je souligne une fois de plus que ces fausses déclarations ont incité des investisseurs à participer au stratagème frauduleux qui procurait une source d’argent comptant à M. Bellfield. À mesure que le temps avançait, les fausses déclarations ont été réitérées et amplifiées. Il est évident qu’il était nécessaire de faire des affirmations qui donneraient un aspect légitime au stratagème frauduleux à mesure que la fraude continuait de prendre de l’expansion.

b) Les fausses déclarations faites à des professionnels

[154]   À l’instar de la plupart des autres parties qui ont eu affaire à M. Bellfield et à OCGC, des spécialistes du droit et de la comptabilité ont été alimentés à maintes reprises en fausses déclarations, sur lesquelles ils ont fondé leurs avis juridiques ou comptables et/ou leurs efforts promotionnels. Certaines de ces fausses déclarations ont été analysées ci-dessus relativement aux avis fiscaux présentés dans les notices d’offre, mais d’autres exemples de fausses déclarations faites à des professionnels sont présentées ci-après. Là encore, il y en a eu tellement que celles qui sont énumérées ci-dessous n’en sont que quelques exemples clés.

(i) Les faux documents de clôture

[155]   Un certain nombre de faux documents ont été remis et de fausses déclarations ont été faites, au moment de la clôture, aux professionnels du droit qui représentaient des investisseurs. Ces professionnels ont examiné et utilisé les déclarations faites par OCGC au moyen de certificats, d’obligations signées, de déclarations solennelles ou d’affidavits, à l’appui de la légitimité de la possibilité d’investissement, ainsi qu’en représentant les intérêts de leurs clients, en vue de vérifier si les yachts étaient bel et bien en voie de construction et si du financement avait été obtenu auprès de tiers.

Les faux certificats

[156]   Les fausses déclarations que M. Bellfield et OCGC ont faites, aux environs de la clôture, aux investisseurs de 1985 et aux professionnels qui représentaient certains de ces derniers, étaient flagrantes, comme en font foi de multiples faux certificats signés et affidavits souscrits.

[157]   Au cours des premières semaines du mois de décembre 1985, M. Bellfield a signé des certificats, déclarant de manière carrément fausse que treize yachts étaient en voie de construction et seraient livrés avant le 31 décembre 1985. Selon ces certificats, cinq yachts de 80 pieds faisaient l’objet d’un contrat d’achat auprès du fabricant de yachts Dynamique, et huit catamarans de 60 pieds faisaient l’objet d’un contrat d’achat auprès de Chantiers Yachting France, et ces yachts étaient affectés aux sociétés en commandite. En fait, aucun des treize yachts n’était en voie de construction à l’époque. Les contrats exposés visant l’achat de yachts auprès des fabricants n’existaient pas et, de ce fait, il était impossible que les yachts puissent être livrés avant le 31 décembre 1985.

[158]   Il ressort des éléments de preuve que des avocats représentant certains des investisseurs se sont fondés sur ces faux certificats et d’autres fausses déclarations d’OCGC et que ces pièces ont été considérées comme des documents clés pour que l’on procède à la clôture. C’est ce qui est arrivé dans le cas de la SC S/Y Midnight Kiss et de Mme Leckie Morel. Comme l’a résumé l’intimée dans ses observations finales :

[traduction
142. […] Dans la lettre de compte rendu, le cabinet Kelsey, Melnik & Hendler a avisé les souscripteurs qu’il avait examiné la notice d’offre, les certificats d’OCGC, ainsi qu’un contrat et des télex entre OCGC et Dynamique Yachts, lesquels prévoyaient l’achat, par OCGC, d’un yacht de 80 pieds auprès de cette société. Le cabinet a également fait savoir qu’il s’était fondé sur un certain nombre de questions de fait, de certificats du commandité et sur l’avis du représentant du vendeur, Leve & Zeiler. Dans la lettre, le cabinet Kelsey Melnik & Hendler a de plus fait savoir aux souscripteurs qu’OCGC avait conclu une entente en vue de l’achat d’un yacht construit avant le 23 mai 1985 et que l’un des yachts commandés à Dynamique Yachts était destiné à la société en commandite et serait livré avant le 31 décembre 1985.

[…]

150. Dans leurs lettres de compte rendu destinées aux sociétés en commandite de 1985, dont faisait partie Midnight Kiss, le cabinet Kelsey, Melnik & Hendler a fait savoir qu’il avait, notamment, examiné la notice d’offre, le certificat d’OCG ainsi qu’un contrat et divers télex entre OCG et Chantiers Yachting France, lesquels prévoyaient l’achat, par OCG, d’un yacht de 80 pieds auprès de cette société. Le cabinet a également signalé qu’OCG avait conclu une entente en vue de l’achat du yacht construit et de l’acquisition de certains biens avant le 23 mai 1985. Il a ajouté que le yacht était en voie de construction et qu’il serait livré avant le 31 décembre 1985[15].

[Note de bas de page omise, non souligné dans l’original.]

[159]   M. Minchella a signé un certificat semblable pour la Société en commandite Human Desire le 9 mars 1986, affirmant faussement que treize yachts étaient en voie de construction et que l’un d’eux serait livré (ou, si les dates de livraison étaient véridiques, un yacht aurait déjà été livré) à la Société en commandite Human Desire avant le 31 décembre 1985.

Les obligations d’OCGC

[160]   Tant M. Bellfield que M. Minchella ont signé, au nom d’OCGC, un certain nombre [traduction] » [d’]obligations d’OCGC ». Dans ces documents, OCGC déclarait faussement qu’en contrepartie de la souscription des investisseurs dans les sociétés en commandite, OCGC avait conclu un contrat concernant la fabrication et la livraison d’un yacht de 80 pieds avant le 31 décembre 1985, un yacht qu’OCGC vendrait à la société en commandite de la manière décrite dans les contrats d’achat et de vente. L’obligation selon laquelle OCGC avait obtenu du financement auprès d’une tierce partie en vue de couvrir le coût de l’achat du yacht était également une fausse déclaration.

[161]   David Franklin a témoigné qu’il s’était fondé sur ces obligations, et que d’autres personnes s’étaient fondées sur ces mêmes fausses déclarations au moment de la clôture, dont l’appelante, la Mme Leckie Morel. Le témoignage de Me Franklin sur cette question est résumé de manière exacte dans l’extrait suivant des observations finales de l’intimée :

[traduction
147. Me Franklin a confirmé que l’obligation d’OCGC a été fournie en contrepartie de la clôture de la transaction. Il croyait que l’autre contrepartie de valeur était la fourniture, par les investisseurs, des billets à ordre. Il a dit s’être fondé sur les déclarations faites au moment de la clôture et avoir cru qu’elles étaient véridiques. Pour ce qui est de la déclaration concernant le financement, par une tierce partie, de l’obligation d’OCGC, Me Franklin a déclaré que cela était important parce qu’il ne voulait pas être appelé à payer de l’argent comptant pour l’achat du yacht. Me Franklin a convenu que l’obligation était fournie au cours de la clôture, qu’elle confirmait qu’il allait obtenir un yacht à une date particulière et qu’il existait un financement conclu avec un tiers en vue d’acquitter l’engagement. Il a convenu que les mêmes déclarations avaient été faites à Mme Leckie, l’appelante[16].

[Notes de bas de page omises, non souligné dans l’original.]

Les déclarations solennelles

[162]   David Franklin, en sa qualité d’avocat, a obtenu de M. Bellfield, le 16 décembre 1985, la déclaration solennelle que les certificats d’OCGC décrits plus tôt étaient véridiques, et que les contrats conclus avec Dynamique et Chantiers Yachts France existaient et que l’on obtiendrait un nombre total de treize yachts devant être livrés le 31 décembre 1985. Là encore, cette affirmation était impossible et il ressort des éléments de preuve qu’aucun des contrats exposés n’existait.

Les affidavits

[163]   M. Bellfield a également souscrit en novembre 1985 plusieurs affidavits qui contenaient un certain nombre de déclarations impossibles et fausses, dont celle qu’aucun mandataire ou sous-mandataire ne touchait une commission sur la vente des parts des sociétés en commandite. Il ressort des éléments de preuve que ces déclarations étaient manifestement fausses, parce que Me Franklin gagnait déjà des commissions et recourait à des sous-mandataires à l’époque où les affidavits ont été souscrits. L’affidavit contenait aussi une affirmation incompréhensible au sujet de la source du yacht destiné à la Société en commandite S/Y Great Gatsby. Comme l’a correctement résumé l’intimée dans ses observations finales :

[traduction
151. Par affidavit souscrit en novembre 1985, M. Bellfield a déclaré qu’OCGC avait signé un contrat en vue d’acheter des yachts auprès de Chantiers Yachting (France) avant le 21 mai 1985 et indiqué que trois des quatre yachts étaient destinés aux sociétés en commandite Bergman, Midnight Kiss et Great Gatsby. Me Franklin a déclaré qu’il ne pouvait pas expliquer comment il se pouvait que M. Bellfield dise en novembre 1985 qu’il avait acheté le Great Gatsby de Chantiers Yachting et que, en décembre 1985, il négociait en vue d’obtenir le Great Gatsby en tant que yacht remis à neuf. Par d’autres affidavits datés de novembre 1985, M. Bellfield a affecté les yachts qui faisaient censément l’objet de contrats conclus avec Chantiers Yachting (France) à des sociétés en commandite tout à fait différentes. En fait, Chantiers Yachting (France) était mise sous séquestre depuis juillet 1985. Me Franklin a pu reconnaître la signature de M. Bellfield sur les affidavits, mais il n’a pas pu expliquer les déclarations intrinsèquement contradictoires dans les affidavits ni faire de rapprochement entre les déclarations faites dans les trois affidavits[17].

Les faux numéros d’immatriculation de coque

[164]   Dans un autre exemple flagrant de fabrication de faux documents en vue d’étayer son stratagème frauduleux, M. Bellfield a pris les dispositions pour que l’on crée de faux numéros d’immatriculation de coque lorsqu’on lui a demandé instamment de fournir une preuve que les yachts étaient bel et bien en voie de construction. Étant donné que les numéros d’immatriculation de coque peuvent seulement être obtenus après la construction du tiers environ du yacht et après qu’une coque a été construite, la fourniture d’un numéro d’immatriculation indique également que la fabrication a suffisamment avancé pour que l’on soit sûr qu’un yacht puisse être livré avant une date précisée.

[165]   John Gartenburg semble avoir été à l’origine d’une demande qui a amené M. Bellfield à créer de faux numéros d’immatriculation de coque. Me Gartenburg est l’avocat qui représentait Donald Ubell, un éventuel investisseur dans la Société en commandite S/Y Main Event. Me Gartenburg a témoigné qu’il croyait que, vu son obligation de diligence raisonnable envers son client, il fallait qu’il obtienne le numéro d’immatriculation de coque qui, selon les contrats d’achat et de vente entre OCGC et la Société en commandite S/Y Main Event, devait être fourni au plus tard le 31 décembre 1985. Cette mesure avait pour but de garantir que le catamaran de 60 pieds que l’on avait promis à la SC S/Y Main Event était bel et bien en voie de construction, comme il était soutenu. Me Gartenburg a précisé l’obtention du numéro d’immatriculation comme étant le préalable essentiel à l’investissement. Il convient de signaler que, à cet égard, Me Gartenburg semble avoir été le professionnel du droit qui s’est le plus soucié de ses obligations professionnelles envers les éventuels investisseurs qu’il représentait.

[166]   Un certain nombre de témoins ont produit des déclarations qui tendent à établir que le numéro d’immatriculation de coque fourni à Me Gartenburg était faux. Un extrait des observations finales de l’intimée résume correctement une partie de ce témoignage :

[traduction
162. Le 30 avril 1986 ou aux environs de cette date, M. Minchella a écrit à Me Gartenburg une lettre à laquelle était jointe une copie des numéros d’immatriculation de coque concernant Chantiers Yachting France, et seul le numéro correspondant au S/Y Main Event était révélé « pour [son] seul usage ». Lors du témoignage de M. LeGlatin, on lui a montré la lettre de M. Minchella à Me Gartenburg, datée du 30 avril 1986 et à laquelle était jointe une lettre de Chantiers Yachting France datée du 24 avril 1985 et comportant un numéro d’immatriculation de coque pour le Main Event, un catamaran de 60 pieds. M. LeGlatin a déclaré qu’en avril 1985, Chantiers Yachting France n’avait pas construit de catamaran de 60 pieds, n’avait pas construit la coque d’un catamaran et n’avait pas le moule qu’il fallait pour un catamaran de 60 pieds.

163. M. Minchella a déclaré lors son témoignage principal que Me Zeiler lui avait demandé d’envoyer un numéro d’immatriculation de coque pour le Main Event à Me Gartenburg. M. Minchella l’avait fait, en joignant la lettre du 24 avril 1985 de Chantiers Yachting France, qui contenait un numéro de coque pour le Main Event, à sa propre lettre du 30 avril 1986, destinée à Me Gartenburg.

164. M. Minchella a déclaré en contre-interrogatoire qu’il sait maintenant que le numéro d’immatriculation de coque attribué au Main Event est une invention d’Einar Bellfield. M. Minchella sait maintenant qu’il a envoyé à Me Gartenburg un document faux et antidaté[18].

[167]   Au final, Me Gartenburg a conseillé à son client de se retirer de la transaction et il a exigé le remboursement des fonds parce qu’il était insatisfait du retard important dans la fourniture du (faux) numéro d’immatriculation de coque ait été fourni après d’importants délais, et qu’il estimait que l’absence d’un tel numéro viciait la transaction tout entière. M. Ubell a ensuite intenté une poursuite judiciaire en vue d’obtenir la restitution de ses fonds.

[168]   Comme nous le verrons plus loin quand il sera question des états financiers des sociétés en commandite, la déclaration frauduleuse d’un faux numéro de coque à Me Gartenburg n’est pas la seule occasion où des numéros de coque factices ont servi à déclarer faussement à des professionnels que des yachts étaient en voie de construction et que celle-ci était suffisamment avancée pour que les yachts soient prêts à la date précisée.

c) Les fausses déclarations faites dans les documents d’OCGC : la « flottille de yachts » et le « commissariat hôtelier »

(i) Les fausses déclarations au sujet de la « flottille de yachts » disponible

[169]   Les documents publicitaires d’OCGC contenaient aussi de fausses déclarations au sujet de l’état des activités d’affrètement de yachts ainsi que du nombre de yachts qui constituaient la « flottille » de Fantaseas. En voici quelques exemples représentatifs.

[170]   OCGC et M. Bellfield ont fait plusieurs fausses déclarations à propos du nombre de yachts qui étaient disponibles et des affrètements. L’intimée présente un assortiment de fausses déclarations de cette nature qui ont été faites au cours des années 1986 et 1987; en voici un extrait partiel :

[traduction
Pendant les années 1986 et 1987, OCGC a fait directement état de l’existence d’une flottille de yachts :

a. plan d’affaires présenté à la Société de développement nationale de Sainte-Lucie, 1er août 1986 : « Starlight Charters Ltd. se compose de la flottille la plus exclusive de yachts d’affrètement au monde ».

[…]

d. Lettre aux investisseurs, 5 décembre 1986 : « La flottille se compose des maxi-yachts d’affrètement les plus grands et les plus confortables au monde, inégalés en matière de conception, de confort et de luxe ».

[Notes de bas de page omises.]

[171]   Malgré les déclarations présentées ci-dessus, au cours des années 1986 et 1987, il n’y a eu aucune « flottille » de yachts d’une longueur de 80 pieds ou plus. À cette époque, il n’y avait que deux bateaux. Premièrement, le S/Y First Impressions, d’une longueur de 50 pieds, dont OCGC a acquis le titre de propriété en novembre 1985 et qui est arrivé à Sainte-Lucie en mars 1986, mais qui ne répondait pas aux critères du concept de Fantaseas. Deuxièmement, le S/Y Garbo, d’une longueur de 80 pieds, qui lui non plus n’était pas conforme aux critères de la marque Fantaseas, et qui n’a été disponible que peu de temps pour des affrètements à compter du mois d’avril 1987. D’autres exemples de fausses déclarations concernant les activités d’affrètement et les yachts disponibles figurent dans la section qui suit, où sont donnés des exemples des fausses déclarations concernant les activités de Starlight Charters.

(ii) Les fausses déclarations au sujet du commissariat hôtelier

[172]   Fabu D’Or était une entreprise appartenant à 100 % à M. Bellfield. Il devait s’agir d’un commissariat hôtelier dont le but présumé était d’approvisionner en nourriture d’excellente qualité les croisières de Starlight ainsi que d’autres clients éventuels. Selon un document décrivant Fabu D’Or : [traduction] « Fabu D’Or produit et vend au détail des aliments » et [traduction] « chaque repas est apprêté ici, depuis le début jusqu’à une fin fabuleuse ». Malgré ces déclarations faites à l’indicatif présent, en réalité Fabu D’Or ne produisait pas de repas et ne vendait pas de plats au détail à l’époque. Le plan de mise en marché de Fabu D’Or contenait lui aussi des fausses déclarations, dont le fait qu’une installation de cuisine était terminée et servait à mettre à l’essai des plats, même si en réalité elle n’était pas terminée.

[173]   Une brochure d’OCGC contenait elle aussi de fausses déclarations au sujet de Fabu D’Or; on pouvait y lire que [traduction] « de somptueux plats [du commissariat] tentent les invités » et que [traduction] « chaque aliment est apprêté au commissariat de Fabu D’Or ». Cela était impossible car, d’après les éléments de preuve, les installations du commissariat n’étaient pas opérationnelles à cette époque.

[174]   Les états financiers de Fabu D’Or se terminant le 31 octobre 1987 contribuent à illustrer l’ampleur des fausses déclarations au sujet de Fabu D’Or, de même que la tendance constante de M. Bellfield à la supercherie. Ces documents signalent qu’il y avait 68 362 $ en équipement et 82 298 $ en améliorations locatives, mais une lettre aux investisseurs soutenait qu’il y avait 500 000 $ d’équipement. Il ressort des éléments de preuve produits au procès que, jusqu’en octobre 1986, seule la somme de 250 $ avait été dépensée pour de véritable plats destinés au commissariat. Mary Crocco a témoigné qu’il s’agissait là d’une fausse déclaration. Mme Crocco était une belle-sœur de M. Bellfield et a cru tout ce que ce dernier disait. Lors de son témoignage, elle a donné des réponses évidentes à des questions évidentes, mais a semblé embrouillée au sujet de plusieurs aspects et n’a pas toujours pu se rappeler ou expliquer certains éléments de preuve.

[175]   Il est important aussi de signaler que l’on n’a pas fait croire que Fabu D’Or avait été créée dans l’unique but d’assurer des services de commissariat aux sociétés en commandite d’affrètement de yachts. Sa vision était d’une portée nettement plus large, selon les documents la concernant. Comme l’a résumé de manière exacte l’intimée dans ses observations finales, à la page 176 :

[traduction
548. Le concept tout entier de Fabu D’Or n’était pas seulement de fournir des plats pour les croisières, mais aussi à d’autres affréteurs, à des sociétés aériennes et à des magasins tels que Marks and Spencer et Loblaws. Le concept englobait aussi une boulangerie et un restaurant offrant des aliments fins qui vendraient aussi des aliments au détail dans le même lieu. Ces concepts ont fait l’objet de discussions mais n’ont jamais été mis en application.

[176]   De nombreuses dépenses de « démarrage » de Fabu D’Or sont incluses dans la liste des dépenses qui, d’après les appelants, constituent la somme de 13 à 14 millions de dollars, malgré l’intention que Fabu D’Or ait des visées plus grandes, dans un marché autre que l’affrètement de yachts. L’intimée a bien résumé une partie du témoignage de M. Minchella au sujet des objectifs multiples de Fabu D’Or, à la page 177 de ses observations finales :

[traduction
550. M. Minchella a déclaré que les commanditaires n’en auraient pas su plus, au sujet du commissariat, que son document de 1987 intitulé « The Charter Market and Competition » [Le marché de l’affrètement et la concurrence] leur en disait. M. Minchella ignore si les commanditaires auraient compris que leurs fonds était destiné à la construction d’une installation qui appartiendrait à OCGC et qui devait inclure un restaurant et était destinée à fournir des produits de boulangerie-pâtisserie à des magasins à succursales comme Loblaws.

d) Les états financiers concernant les sociétés en commandite

[177]   Les états financiers des sociétés en commandite d’affrètement de yachts regorgent d’informations fausses sur les dépenses engagées, les revenus gagnés et le moment auquel le bien promis, un yacht, a été acquis. Ces états financiers ont été présentés aux investisseurs comme illustrant l’état véritable des finances des sociétés en commandite dans lesquelles ils avaient investi. Les investisseurs se sont fondés entièrement sur la véracité des états financiers pour justifier les pertes dont ils ont demandé la déduction dans leurs déclarations de revenus annuelles, après avoir reçu chaque année un tableau des pertes par part.

[178]   Les sections qui suivent comportent des exemples d’importantes fausses déclarations faites dans les états financiers de chacun des types de société en commandite. Même si les sociétés en commandite d’affrètement de yachts des appelants sont utilisées comme exemples, les fausses déclarations sont essentiellement les mêmes dans tous les états financiers des sociétés en commandite du même type.

(i) Les états financiers concernant les sociétés en commandite du type 1

[179]   Les états financiers concernant la SC S/Y Garbo, pour les années 1984 à 1989 inclusivement, ont été établis par le cabinet comptable Hattin, Moses, Sugarman & Company dans le cadre d’une mission d’examen. Aucune vérification n’a été exécutée.

[180]   Le cabinet Hattin, Moses, Sugarman & Company a joué plusieurs rôles différents auprès de la SC S/Y Garbo et de la SC S/Y Gable. Le cabinet a aidé à la conception des aspects fiscaux de l’investissement, a mis en marché et vendu la possibilité d’investissement auprès de certains de ses clients et a reçu pour cela des commissions, et c’est également lui qui a établi les états financiers des sociétés en commandite. Certains membres du cabinet étaient également investisseurs, et M. Garber (l’appelant), qui travaillait pour le cabinet, était copropriétaire de la part de la SC S/Y Garbo, en compagnie de collègues du cabinet, M. Mitchell et M. Sugarman.

[181]   Il ressort des éléments de preuve que les états financiers de la SC S/Y Garbo et de la SC S/Y Gable regorgeaient de faux montants de dépenses et de revenus qui n’avaient aucun fondement dans la réalité. Voici quelques exemples clés des faux énoncés, retrouvés partout dans les bilans, les états des résultats et des notes.

[182]   Il y a de nombreux faux énoncés concernant le S/Y Garbo et le S/Y Gable, dont des énoncés concernant un yacht et des accessoires évalués à 1 095 236 $ qui sont énumérés dans le bilan pour l’exercice se terminant le 31 décembre 1984, pour les deux sociétés en commandite. Dans les deux bilans, l’amortissement est calculé au titre des éléments d’actif, même si ces derniers n’existaient pas et n’étaient pas en voie de construction à cette époque.

[183]   Les états financiers de 1985 à 1989 indiquent faussement aussi que la SC S/Y Garbo et la SC S/Y Gable possédaient un yacht au cours de ces exercices et font état d’une déduction pour l’amortissement au titre des éléments d’actif.

[184]   Il ressort des éléments de preuve qu’OCGC n’a pris possession du S/Y Garbo qu’en avril 1986, avant qu’il soit vendu pour financer Maxi Yacht International S.A.R.L. en février 1988. Nul élément de preuve ne porte que la SC S/Y Garbo elle-même ait jamais acquis le titre de propriété du yacht. Même si OCGC était en droit d’acquérir le titre de propriété pour le compte de la société en commandite, une telle mesure devait être prise pour le bénéfice de la société en commandite. La vente du yacht était assujettie à l’adoption d’une résolution extraordinaire par les commanditaires, comme il est signalé dans le contrat de société en commandite. Il n’existe aucune trace de vente ou d’hypothèque concernant le yacht dans les états financiers de la SC S/Y Garbo. À titre d’exemple de la nature omniprésente et de l’importance de la fraude commise à l’endroit des investisseurs, le S/Y Garbo est simplement inscrit de façon constante comme élément d’actif jusqu’en 1989, et des déductions pour amortissement sont calculées à son égard.

[185]   Les fausses déclarations concernant le S/Y Gable sont semblables. Même s’il était inscrit dans le bilan relatif à l’exercice se terminant le 31 décembre 1984, et à titre d’élément d’actif au cours des années 1985 à 1989 inclusivement, le S/Y Gable était toujours en voie de construction en août 1988. Le yacht n’a été livré à OCGC qu’en octobre 1988 et baptisé à Monaco en novembre 1988. Peu après son baptême, le yacht S/Y Gable a été vendu à une entité française, Starlight S.A.M. Tout comme dans le cas de la SC S/Y Garbo, la vente n’apparaît nulle part dans les états financiers de la SC S/Y Gable, ce qui illustre la déclaration frauduleuse selon laquelle le yacht était la propriété de la SC S/Y Gable à partir de 1984 jusqu’en 1989.

[186]   Des revenus d’affrètement fictifs apparaissent aussi dans les états des résultats concernant à la fois la SC S/Y Garbo et la SC S/Y Gable à partir des exercices 1986, 1987 et 1988. Il ressort des éléments de preuve que ces montants ne sont pas fondés dans la réalité et semblent avoir été inventés.

[187]   Pour l’année 1986, il était impossible que la SC S/Y Garbo ait tiré des revenus d’affrètement quelconques. Le yacht a été acquis en avril 1986 et n’a pu être disponible pour être affrété avant le mois d’avril 1987 parce qu’il subissait des réparations majeures en cale sèche. Pour l’année 1987, il ressort des éléments de preuve qu’il était impossible que la SC S/Y Garbo ait touché des revenus d’affrètement d’un montant aussi élevé que la somme de 123 000 $ inscrite, vu que le S/Y Garbo a été en cale sèche jusqu’en avril 1987. Tout affrètement réel qui aurait eu lieu pendant le reste de l’année aurait rapporté des revenus minimes. Les revenus d’affrètement qui, selon l’état des revenus de 1988, ont été gagnés par la société en commandite sont faux eux aussi, car le S/Y Garbo a été vendu pour financer Maxi Yacht International S.A.R.L. en février 1988.

[188]   Les revenus censés produits par l’affrètement du S/Y Gable en 1986, en 1987 et en 1988 sont, de la même façon, sans fondement. Le S/Y Gable a été terminé et (très brièvement) acquis par OCGC en 1988 et, ensuite, a été vendu presque immédiatement à l’entité française liée.

[189]   L’état des revenus de fin d’exercice (31 décembre 1984) concernant la SC S/Y Garbo regorge d’autres faux montants, dont des dépenses relatives à une étude de faisabilité, à des activités de mise en marché et de publicité, ainsi qu’au linge, à la coutellerie, à la vaisselle et aux ustensiles, dont aucun n’ont été achetés ou commandés avant 1986.

[190]   Bien que l’appelant, M. Garber, demande toujours la déduction des dépenses signalées aux paragraphes précédents, il a renoncé au milieu du procès à sa demande de déduction concernant les dépenses suivantes, qui étaient énumérées dans l’état des revenus de 1984 : frais de courtage concernant le financement des travaux de construction, intérêts sur le financement des travaux de construction, frais de courtage, droits d’usage concernant une lettre de crédit, et dépenses de bureau. Vu les éléments de preuve produits au procès, dont le témoignage de M. Minchella, les montants consignés à ce titre dans les états financiers sont fictifs. Par exemple, pour ce qui est des dépenses de bureau inscrites pour l’année 1984, la quasi-totalité du travail d’OCGC a été fait dans le coin-détente du condominium de M. Bellfield, et aucun autre local n’a été utilisé avant le mois de décembre 1984. Le loyer, si loyer il y avait, était si peu élevé que les montants inscrits au titre des dépenses de bureau étaient hautement disproportionnés. Et, si l’on considère que le montant est entouré d’autres faux montants, il y a fort peu de chances qu’il soit fondé.

[191]   Les observations qui suivent ne sont pas destinées à examiner les dépenses que l’appelant n’invoque plus devant la Cour; ils font plutôt partie d’un effort fait pour évaluer la véracité des états financiers à titre de document. Du tableau tout entier ressort le caractère malhonnête des états financiers concernant les sociétés en commandite du type 1. Là encore, c’est sur ces états financiers que les investisseurs se sont fondés pour faire valoir auprès de l’ARC qu’ils avaient le droit de demander la déduction de pertes.

(ii) Les états financiers concernant les sociétés en commandite du type 2

[192]   Les états financiers concernant les sociétés en commandite du type 2 sont tout aussi faux. Ici, nous prenons comme exemple la SC S/Y Midnight Kiss, mais les fausses déclarations sont essentiellement les mêmes pour toutes les sociétés en commandite du type 2.

[193]   Au départ, les états financiers concernant plusieurs sociétés en commandite du type 2 devaient être établis par le cabinet comptable Laventhol & Horwath mais, au final, c’est le cabinet Orenstein & Partners qui s’en est chargé. Le mandat de ces deux cabinets se limitait à un examen. Aucune vérification n’a été effectuée.

Les faux numéros d’immatriculation de coque fournis aux spécialistes en états financiers

[194]   Entre les mois de janvier et d’avril 1986, c’est Harvey Taraday, comptable stagiaire au cabinet Laventhol & Horwath, qui s’est chargé du travail sur place concernant l’établissement des états financiers. Ce témoin, qui ne s’est exprimé que sur des questions de faits, a semblé fiable, et son témoignage s’est limité strictement à la brève période pendant laquelle il a été chargé du dossier. Dans le cadre de l’examen qu’il effectuait, M. Taraday a demandé que l’on confirme que les yachts étaient en voie de construction en produisant des numéros d’immatriculation de coque. Il croyait comprendre qu’il n’était possible d’obtenir ces numéros qu’une fois que la coque d’un yacht avait été construite. Me Franklin a confirmé dans son témoignage que lui aussi recherchait les numéros d’immatriculation de coque afin de pouvoir confirmer si l’on pouvait se prévaloir d’une déduction pour amortissement.

[195]   M. Taraday a également déclaré qu’OCGC avait demandé au cabinet Laventhol & Horwath d’utiliser comme modèle les états financiers de la SC S/Y Garbo, qui contenait de fausses déclarations au sujet de l’existence d’un bien (le yacht) et de la possibilité d’obtenir une déduction pour amortissement.

[196]   M. Taraday a déclaré que M. Minchella lui avait fourni une liste de numéros d’immatriculation de coque pour les yachts de sept sociétés en commandite du type 2 : le S/Y Main Event, le S/Y Bogart, le S/Y Bergman, le S/Y Change of Seasons, le S/Y Casablanca, le S/Y Autumn Sonata et le S/Y Midnight Kiss. Ces mêmes numéros figuraient dans la lettre que M. Minchella a transmise à un associé du cabinet Laventhol & Horwath. M. Minchella a indiqué que les numéros se rapportaient aux yachts [traduction] « construits[19] ».

[197]   Le 7 avril 1986, M. Minchella a aussi envoyé une lettre à Me Franklin qui énumérait les numéros d’immatriculation de coque de [traduction] « yachts construits par Chantiers Yachting France » et de [traduction] « yachts construits par Dynamique ». Cette liste contenait dix-huit présumés numéros d’immatriculation de coque. M. Minchella a déclaré qu’il avait inclus dans cette liste trois sociétés en commandite auxquelles aucun investisseur n’avait jamais réellement souscrit[20].

[198]   Lors de son témoignage, M. Minchella a concédé qu’il sait maintenant que les numéros d’immatriculation de coque étaient faux. Les déclarations selon lesquelles des yachts étaient construits par Chantiers Yachting France et Dynamique n’étaient pas véridiques et, en fait, les yachts inscrits comme ayant un numéro d’immatriculation de coque dans les lettres adressées au cabinet Laventhol & Horwath et à Me Franklin n’avaient jamais été en voie de construction. Il a soutenu, cependant, qu’il ignorait à l’époque que les numéros étaient faux et que s’il avait dressé les listes et les avaient transmises conformément aux instructions de M. Bellfield, c’était probablement M. Bellfield lui-même qui avait fourni les faux numéros. Me Franklin a également déclaré qu’il avait plus tard découvert que les numéros d’immatriculation de coque fournis étaient faux.

[199]   Il ressort effectivement des éléments de preuve qu’aucun des yachts pour lesquels des numéros d’immatriculation de coque ont été fournis n’a jamais construit. Chantiers Yachting France a été mise sous séquestre en juillet 1985 et n’a jamais construit de yachts pour OCGC. La déclaration faite dans une lettre adressée à Me Franklin le 7 avril 1986 selon laquelle il existait des numéros d’immatriculation de coque pour treize yachts [traduction] « construits par Chantiers Yachting France » est donc impossible et tout à fait fausse. Dynamique n’a construit que deux yachts dont OCGC a fait l’acquisition au final. Aucun autre yacht de 80 pieds n’a été acheté par OCGC auprès de Dynamique pour les sociétés en commandite. La déclaration qu’a faite M. Minchella dans la lettre adressée à Me Franklin, à savoir que le S/Y Gable, le S/Y Queen of Hearts, le S/Y High Sierra et le S/Y Change of Seasons étaient construits par Dynamique est donc elle aussi tout à fait fausse. À la page 81 de ses observations finales, l’intimée résume bien une partie des éléments de preuve portant sur le sujet :

[traduction
219. Quand M. LeGlatin a rencontré pour la première fois les Jeanneau chez Dynamique, en janvier 1985, ils mettaient la dernière main au moule qui allait servir à la construction du nouveau bateau de 80 pieds. En juillet 1985, la coque serait terminée. Entre février 1985 et avril 1986, M. LeGlatin s’est rendu à plusieurs reprises au chantier de Dynamique, à La Rochelle. Il n’a jamais vu plus d’un Dynamique 80. L’architecte naval, Michel Joubert, le concepteur du Dynamique 80, a déclaré que Dynamique avait commencé à fabriquer la coque du premier Dynamique 80 avant février 1985 et qu’on l’avait informé en juillet 1986 que le premier Dynamique 80 avait été vendu et qu’il allait recevoir un versement de redevances. La fabrication d’un second Dynamique 80 a commencé au cours de 1986, et ce bateau a été vendu au plus tard en décembre 1986. M. Joubert déclare qu’il est impossible que l’on ait pu construire cinq bateaux Dynamique 80 avant le mois d’avril 1986.

220. Quand M. LeGlatin et M. Bellfield se sont rendus à Chantiers Yachting France le 20 février 1985, avant la faillite de cette dernière, M. LeGlatin a constaté que tout ce que Chantiers Yachting France avait dans son chantier était des moules de bateaux de plus petite taille et le moule du Lacoste 42. À ce stade, Chantiers Yachting France ne pouvait fabriquer qu’un bateau à la fois et n’avait aucune expérience de la fabrication de plus grands bateaux.

[Notes de bas de page omises.]

[200]   Un avis d’expert, établi pour l’intimée par Eric Ogden, architecte naval et évaluateur de yachts, confirme encore la fausseté des numéros d’immatriculation de coque qui ont été fournis au cabinet Laventhol & Horwath, auquel l’on avait confié la mission de créer des états financiers pour les sociétés en commandite de 1985[21]. Il ressort, de plus, de l’avis de M. Ogden que le numéro d’immatriculation de coque qui a été fourni, au moment de la clôture, à Me Gartenburg en sa qualité d’avocat représentant Donald Ubell, de même que les numéros d’immatriculation de coque figurant dans la longue liste qui a été fournie à Me Franklin, étaient faux. M. Ogden a conclu qu’aucun des numéros d’immatriculation de coque n’était conforme au style qu’employait l’une ou l’autre des entreprises françaises de fabrication de yachts et, de façon plus générale, ne concordaient pas avec le format officiel des numéros d’immatriculation de coque français.

Les fausses déclarations faites dans les états financiers

[201]   Une fois qu’OCGC eut mis fin à la mission confiée au cabinet Laventhol & Horwath, le cabinet comptable Orenstein & Partners s’est ensuite chargé de huit des états financiers concernant les sociétés en commandite du type 2. Ce n’est là qu’une des nombreuses missions que Peter Browning et son cabinet ont remplies pour les sociétés en commandite et OCGC. Le cabinet comptable de M. Browning avait tout d’abord fourni des avis fiscaux sur le caractère raisonnable des dépenses, dont les sociétés en commandite, comme il était exposé dans les notices d’offre, pouvaient demander la déduction. Son cabinet a ensuite établi les états financiers de certaines des sociétés en commandite. Il est également devenu un agent de vente et un promoteur actif pour OCGC, et a représenté OCGC et la société en commandite auprès de l’ARC. Enfin, à une date ultérieure, le cabinet a procédé à une vérification du financement d’OCGC.

[202]   M. Browning est un mordu de navigation à voile, comptable agréé de formation et, depuis peu, placeur. Lors de son témoignage, M. Browning s’est exprimé en termes prudents au sujet du programme d’investissement en matière d’affrètement de yachts, qu’il a qualifié de [traduction] « subterfuge fiscal ». Il a toujours choisi ses mots avec beaucoup de soin et a eu tendance à n’accepter que ce qui était évident quand on le lui présentait. Il lui est arrivé souvent de mettre de l’avant d’autres explications ou d’autres qualifications en vue d’étayer sa thèse personnelle au sujet de l’affaire.

[203]   M. Browning a déclaré que lors de l’établissement des états financiers concernant les huit sociétés en commandite du type 2, dont la SC S/Y Midnight Kiss, seul un examen avait été effectué, sans aucune validation ou justification de l’existence des biens ou de la véracité des opérations déclarées. Le cabinet s’était entièrement fondé sur les déclarations de la direction.

[204]   M. Browning a déclaré qu’il avait dressé les états financiers relatifs à l’année d’imposition 1985 en tenant pour acquis qu’une déduction pour amortissement pouvait être demandée parce qu’un yacht avait été livré aux sociétés en commandite au plus tard le 31 décembre 1985. Il s’était fondé sur le fait qu’OCGC avait fourni ses factures relatives au yacht aux sociétés en commandite et que les numéros d’immatriculation de coque avaient été fournis. À ce moment-là, aucune des sociétés en commandite du type 2 pour lesquelles M. Browning avait établi des états financiers n’avait même un yacht en voie de construction, et cela inclut le S/Y Midnight Kiss. Les demandes de déduction pour amortissement étaient dépourvues de fondement. Dans les états financiers de 1986 concernant la SC S/Y Midnight Kiss qu’un autre membre du cabinet de M. Browning avait établis, aucune déduction pour amortissement n’est demandée.

[205]   M. Browning a également déclaré qu’il avait dressé les états financiers relatifs à l’année d’imposition 1985 en se fondant en partie sur des factures qu’OCGC avait fournies. M. Minchella a témoigné que ces factures avaient été établies pour les sociétés en commandite du type 1 et du type 2 en mars 1986, manifestement en prévision de la création des états financiers. Il a ajouté qu’il s’était fondé sur les notices d’offre pour déterminer l’origine des chiffres inscrits dans les factures, et que les factures ne se rapportaient en aucune façon à la question de savoir si OCGC avait réellement fourni les services ou les biens aux sociétés en commandite.

[206]   À l’instar des états financiers concernant les sociétés en commandite du type 1, les états financiers de la SC S/Y Midnight Kiss et des autres sociétés en commandite du type 2 regorgeaient de faussetés. L’intimée, dans ses observations finales, a bien résumé la vaste nature des fausses déclarations :

[traduction
241. Le bilan et les notes connexes jointes aux états financiers de Midnight Kiss pour l’exercice ayant pris fin le 31 décembre 1985 sont faux.

242. Le bilan relatif à l’exercice ayant pris fin le 31 décembre 1985, pour la Société en commandite S/Y Midnight Kiss, fait état d’immobilisations d’un montant total de 1 284 800 $. Les notes 1 et 2 jointes aux états financiers décrivent la politique d’amortissement et le fait que l’amortissement s’applique à l’immobilisation. Les immobilisations sont décrites à la note 3 comme étant un yacht ainsi que de la coutellerie, du linge, de la vaisselle et des ustensiles. La note 3 indique : « Aucune déduction pour amortissement n’a été demandée, car les immobilisations n’ont pas été mises en service au cours de cette période ».

243. Il n’y a jamais eu de yacht Midnight Kiss, ni en 1985, ni à quelque autre moment. Le bilan relatif à Midnight Kiss pour l’exercice ayant pris fin le 31 décembre 1985 était faux.

244. L’état des revenus concernant la Société en commandite S/Y Midnight Kiss pour l’exercice ayant pris fin le 31 décembre 1985 fait état de dépenses d’un montant de 100 000 $ pour une étude de faisabilité, d’un montant de 60 000 $ pour des frais de mise en marché et de publicité, d’un montant de 212 200 $ pour le droit d’usage relatif à une lettre de crédit, d’un montant de 66 545 $ pour les intérêts relatifs au financement des travaux de construction, ainsi que d’un montant de 55 455 $ pour des frais de courtage relatifs au financement des travaux de construction. Aucune étude de faisabilité n’a jamais été commandée avant la fin de 1985 ou produite avant 1986, aucune activité de mise en marché et de publicité n’a été effectuée avant 1986 et aucun financement n’a jamais été fourni à Midnight Kiss.

245. L’état des revenus concernant la Société en commandite S/Y Midnight Kiss pour l’exercice ayant pris fin le 31 décembre 1985 est faux.

246. Les états des revenus concernant la Société en commandite S/Y Midnight Kiss pour les exercices ayant pris fin les 31 décembre 1986, 1987, 1988 et 1989 sont faux eux aussi. Les états des revenus concernant ces années font, de diverses façons, des demandes non fondées concernant les frais d’organisation de services d’amarrage, des frais d’amarrage, des frais relatifs à une étude de faisabilité, des intérêts sur une marge de crédit, des droits d’usage concernant une lettre de crédit, des intérêts sur le financement de travaux de construction ainsi que des frais de courtage relatifs au financement de travaux de construction.

247. Les états de revenus concernant la Société en commandite S/Y Midnight Kiss, pour chacune des années 1985, 1986, 1987, 1988 et 1989, sont faux.

(iii) Les états financiers concernant les sociétés en commandite du type 3

[207]   De la même façon, les états financiers concernant les sociétés en commandite du type 3 comportent des dépenses fictives. Dans la présente section, nous prenons comme exemple les états financiers de la SC S/Y Close Encounters, mais les fausses déclarations sont essentiellement les mêmes pour les autres sociétés en commandite du même type.

[208]   Des montants de 116 000 $, qui apparaissent dans les états relatifs aux années 1986, 1987 et 1988, semblent correspondre au même montant indiqué dans la notice d’offre pour de présumés frais de garantie d’achèvement. La somme additionnelle de 29 000 $ est indiquée en 1986 pour l’organisation de la garantie d’achèvement. Il ressort des éléments de preuve qu’aucune garantie de cette nature n’a existé ou n’a été constitué.

[209]   Les frais de financement de travaux de construction qui sont indiqués dans l’état des revenus de 1986, ainsi que les montants de 50 000 $ qui sont inscrits pour un droit d’usage relatif à une lettre de crédit dans les exercices 1986, 1987 et 1988, sont faux. Aucun financement de cette nature n’a jamais été obtenu, même s’il ressort des éléments de preuve à quel point il était capital d’obtenir ce financement pour rendre la proposition d’investissement d’OCGC faisable et attrayante pour des investisseurs. On n’a pas non plus obtenu une marge de crédit d’exploitation pour les sociétés en commandite du type 3, malgré les frais de 11 675 $ inscrits à titre de dépense d’intérêts dans l’état des revenus de 1987.

[210]   La somme de 60 000 $ qui a été inscrite à titre de dépense pour l’inspection de la construction du yacht n’est pas fondée dans la réalité. Aucun yacht n’était en voie de construction pour la SC S/Y Close Encounters en 1986, en 1987 ou en 1988. Malgré le fait que la prétention selon laquelle l’inspection de yachts antérieurs pourrait profiter aux sociétés en commandite ultérieures aurait pu revêtir une certaine importance dans un autre contexte, l’étendue de la fraude dans le cas présent fait qu’il s’agit là d’un faible argument à l’appui de la véracité de cette dépense. Dans le même ordre d’idées, la dépense de 100 000 $ en 1987 et celle de 59 000 $ en 1988 au titre de frais d’organisation de services d’amarrage n’ont aucun fondement réel. Il n’y avait aucun yacht en voie de construction et, au rythme où l’on construit des yachts en général, il était peu plausible que l’on doive organiser à l’avance des services d’amarrage. La dépense de 25 000 $ en 1987 pour l’autre étude de faisabilité est fausse elle aussi, comme il a été expliqué plus tôt au sujet des dépenses engagées par les autres types de sociétés en commandite pour la réalisation d’études de faisabilité.

e) Les fausses déclarations concernant les entités étrangères

[211]   Les appelants font valoir qu’une bonne partie de la fraude commise était liée au fait que M. Bellfield s’était rendu compte qu’OCGC aurait à supporter une lourde dette fiscale. Les appelants soutiennent que, en réponse à cela, M. Bellfield, ainsi que d’autres, ont créé une série de faux documents de manière à réduire le revenu imposable de la société. La thèse des appelants est résumée à la page 26 de leurs observations finales :

[traduction
OCGC, à titre de fournisseur de biens et de services aux sociétés en commandite, avait un revenu imposable considérable à cause des factures qu’elle établissait à l’endroit des sociétés en commandite. Pour réduire son revenu imposable, elle a créé de fausses relations et de faux documents, ce qui inclut la création de fausses opérations entre elle-même et certaines entités étrangères suisses, Neptune Marine Resources Ltd. et Starlight SA.

[212]   Les fausses déclarations et les faux documents que l’on avait créés pour donner l’illusion d’une relation entretenue avec les entités étrangères Neptune et Starlight S.A. ne sont qu’un volet de l’énorme fraude que M. Bellfield a commise. Comme les appelants le font valoir, ces éléments ne peuvent pas être disjoints du reste pour être traités au chapitre de la relation distincte d’OCGC et des affaires fiscales de celle‑ci parce que, comme je l’ai répété, il n’y a jamais eu d’entreprise quelconque et le programme tout entier a été une fraude du début jusqu’à la fin. Les faux documents relatifs à Starlight S.A. et à Neptune contribuent à établir qu’OCGC n’a jamais eu accès à un financement, mais a constamment faussement déclaré que c’était le cas et qu’elle fournissait ce financement dans le cadre de ses obligations contractuelles envers les sociétés en commandite. Les faux documents aident aussi à illustrer toute l’ampleur de la fraude commise. Voici, dans les grandes lignes, quelques exemples de ces faux documents.

[213]   Comme il a été signalé plus tôt, M. Bellfield a établi deux entités en Suisse et a fait croire que ces dernières offraient un financement ou des biens et des services à OCGC ainsi qu’aux sociétés en commandite. À l’appui de ces prétentions frauduleuses, M. Bellfield et ses coconspirateurs, MM. Minchella et Pierre Rochat, ont collaboré pour créer de fausses ententes, de fausses factures, de faux états de compte et d’autres faux documents, qu’OCGC a fournis à l’ARC. Cela montrait censément que Neptune avait consenti des prêts à Starlight S.A. et à OCGC. Au nombre de ces documents figuraient un contrat de financement de yacht, un contrat de garantie ou d’indemnisation, un contrat de fourniture d’une marge de crédit d’exploitation, ainsi que des factures et des états de compte échangés entre la SC S/Y Close Encounters et Neptune pour la période du 1er janvier 1986 au 31 janvier 1987.

[214]   De fausses factures et d’autres documents ont également été créés et présentés à l’ARC. Ceux‑ci montraient censément que Starlight S.A. fournissait des biens et des services liés à l’affrètement de yachts. Ces documents comprenaient un contrat de gestion entre OCGC et Starlight Charters S.A., une facture de Starlight Charters S.A. adressé à OCGC et datée du 1er janvier 1986 pour des frais de consultation, une étude de faisabilité, une étude mise à jour, etc. Il ne s’agit là que de quelques exemples.

[215]   L’un des exemples les plus flagrants de présentation erronée des faits à propos du financement pouvant être obtenu auprès de Neptune provenait de la création de faux cautionnements d’exécution. L’intimée, à la page 135 de ses observations finales, a bien résumé les éléments de preuve concernant ces cautionnements :

[traduction
388. La pièce R‑77 est une reliure contenant des cautionnements d’exécution.

a. L’onglet 1 est le cautionnement d’exécution de Neptune Marine Resources S.A, d’un montant de 1 450 000 $, où Neptune est la caution, Maxi Yacht la débitrice principale et OCGC l’obligataire. Le cautionnement vise le Gable et fait référence au contrat écrit entre Maxi Yacht et OCGC, en date du 1er novembre 1984, en vue de la construction d’un yacht à voile de luxe de 86 pieds, conçu par Sparkman & Stephens. M. Minchella a déclaré qu’il n’existait aucun contrat de ce genre.

b. L’onglet 2 est le cautionnement d’exécution de Neptune Marine Resources S.A., d’un montant de 1 450 000 $, où Neptune est la caution, Maxi Yacht la débitrice principale et OCGC l’obligataire. Le cautionnement vise le Garbo et fait référence à un contrat écrit entre Maxi Yacht et OCGC, en date du 1er novembre 1984, en vue de la construction d’un yacht à voile de luxe de 86 pieds, conçu par Sparkman & Stephens. M. Minchella a déclaré qu’il n’existait aucun contrat de ce genre.

c. M. Minchella a relevé une autre lacune concernant le cautionnement d’exécution du Garbo, qui indique que celui-ci a été signé le 2 janvier 1986. Il a déclaré que cela n’aurait pas pu se passer non plus. Il a expliqué que c’était M. Forsey qui avait constaté qu’il ne s’agissait pas de cautionnements d’exécution, même si la documentation l’exigeait et que M. Forsey n’était pas au service de la société le 2 janvier 1986. M. Minchella a dit penser que la date de signature viciée figurait sur tous les cautionnements d’exécution.

d. M. Minchella a relevé un autre motif pour conclure que les cautionnements d’exécution avaient été antidatés. Les cautionnements d’exécution concernant les sociétés en commandite de 1985 étaient tous d’un montant de 1,45 million de dollars, et cette valeur provient des contrats de modification, qui n’ont pas été signés avant le mois d’avril 1987.

[Notes de bas de page omises.]

[216]   D’après les éléments de preuve, il semble qu’OCGC ait créé les faux cautionnements d’exécution dans le cadre d’une opération de couper-coller et qu’ils ont été imprimés par Sibilia and Associates. OCGC a reçu une facture pour ces dépenses ainsi que pour des dépenses liées à de faux documents concernant Starlight S.A. et Neptune. Les dépenses relatives aux documents par lesquels la fraude a été commise sont incluses dans les sommaires des fonds des appelants qui, disent-ils, ont été dépensés dans le cadre de l’entreprise d’affrètement de yachts.

[217]   Tous les documents de Neptune et de Starlight S.A. étaient faux. Neptune n’a jamais fourni un financement quelconque, et Starlight S.A. n’a jamais fourni de biens et de services.

f) D’autres documents faux et antidatés

(i) Les calendriers de livraison des yachts

[218]   Pendant toute la durée du procès, de multiples calendriers de livraison de yachts fournis par OCGC et/ou M. Bellfield ont été mentionnés et produits en preuve. Tous ces calendriers contenaient de fausses déclarations quant au moment où les yachts seraient livrés.

(ii) Les contrats de gestion

[219]   OCGC a créé de nombreux contrats de gestion faux et antidatés, dont des contrats de gestion censément conclus avec « Louic LeGlatin » en fiducie pour une société qui devait être constituée dans les îles Anglo-Normandes, ou attestés par une personne du même nom. M. Loïc LeGlatin a témoigné qu’il n’avait pas conclu ces contrats, pas plus qu’il ne les reconnaissait, et que son nom était mal écrit. Il a de plus déclaré qu’il était impossible qu’il ait conclu un contrat en fiducie pour la société indiquée dans le contrat, et il a souligné le fait que les contrats portaient une date antérieure à sa première rencontre avec M. Bellfield. M. LeGlatin a également expliqué qu’il n’avait présenté M. Bellfield à Pierre Rochat qu’en février 1985 et que, de ce fait, les contrats censément conclus entre M. Rochat et OCGC en novembre 1984 et en janvier 1985 étaient faux.

g) D’autres fausses déclarations aux investisseurs

[220]   Comme il a été signalé plus tôt, il est inutile d’énumérer toutes les fausses déclarations qu’OCGC et M. Bellfield ont faites. Le but ici est de donner suffisamment d’exemples pour illustrer l’ampleur de la fraude. À cette fin, l’extrait suivant, tiré des observations finales de l’intimée, aux pages 119 à 124, sert à présenter d’autres exemples des fausses déclarations fondamentales et continues que M. Bellfield et OCGC ont faites aux investisseurs. En voici le premier extrait :

[traduction
347. Le 24 juin 1985, Einar Bellfield a envoyé une lettre à Larry Magelonsky [sic] annonçant l’achèvement et la livraison du Garbo avant la fin du mois de juillet 1985, ainsi que l’achèvement du Gable avant la fin de 1985 et le début des affrètements du Gable en janvier 1986.

[Notes de bas de page omises.]

[221]   Cette affirmation est fausse, comme il est expliqué plus loin, dans la prochaine section qui porte sur la construction et l’achat des yachts. OCGC n’a pris possession du S/Y Garbo qu’en avril 1986. Le S/Y Gable n’a été mis à l’eau qu’en novembre 1988.

[222]   Voici le texte du deuxième extrait :

[traduction
349. La croisière du groupe Stafford a eu lieu sur un navire loué, le Med 86, entre le 22 février et le 1er mars 1987. Les Stafford étaient investisseurs d’une société en commandite. Dorothy Louie a témoigné que M. Bellfield ne voulait pas que les clients sachent que le Med 86 loué n’était pas leur yacht; M. Bellfield leur a donné instruction de dire qu’il s’agissait de l’un des yachts d’OCGC. À la page 4 (no 0360000093) de son rapport, elle a écrit :

Je puis voir que ses préoccupations sont valables, surtout quand on nous donne instruction de donner l’impression que le Med 86 est notre yacht et que nous avons eu des croisières tout l’hiver. Au cours de la conversation et parfois lorsque les clients nous posaient des questions, la vérité nous échappait et cela pouvait devenir une source d’embarras, non seulement pour l’équipage mais l’entreprise elle aussi.

350. Tant le capitaine, Hugues Chiffoleau, que Mme Louie avaient reçu d’Einar Bellfield des instructions sur ce qu’ils devaient dire aux clients. Ils devaient donner l’impression que le Med 86 était leur yacht, ce qui n’était pas vrai. Ils devaient également dire qu’ils avaient eu des croisières tout l’hiver, même si elle savait que ce n’était que leur seconde croisière. Ils devaient dire des choses qui n’étaient pas vraies afin de donner aux clients une fausse impression. En parlant avec d’autres membres de l’équipage du bateau, les clients ont découvert que ce dernier était loué et qu’il s’agissait seulement de la seconde croisière. Les clients lui ont posé des questions; elle a dû faire du camouflage, ce qui l’a mise très mal à l’aise.

Comme dans ce cas-ci, Bill a vendu la mèche en disant aux clients que le yacht n’appartenait pas à Starlight Charters et que, en fait, nous avions affrété le Med 86 d’US Yachts. De plus, il s’agissait seulement de notre seconde croisière. On m’a posé des questions sur ces deux points, et j’ai camouflé la réalité en disant que nous avions en fait acheté deux Med 86 que nous faisions remettre en état en Floride et que, comme il y avait des retards, nous ne pouvions pas arriver à temps dans les Antilles pour leur croisière, et le propriétaire de US Yacht, qui se sentait responsable, nous avait prêté son yacht personnel.

Au sujet des autres croisières, là encore parce que les yachts étaient en retard, nous avions dû annuler la plupart de nos réservations mais, parce que nous ne voulions pas gâcher leurs vacances prévues, nous avions pris des dispositions pour que ce yacht soit mis à leur disposition. Ils ont accepté ces explications, mais, comme ils étaient investisseurs, je puis comprendre qu’ils ont des raisons d’être contrariés par le fait qu’on ne leur ait pas dit la vérité. Comme la prochaine croisière aura lieu en avril et que les yachts ne sont pas disponibles, il faudrait signaler très clairement ce qu’il faut dire aux clients de façon à ne pas nous retrouver de nouveau dans une position gênante. Nous ne pouvons pas forcer l’équipage à mentir et, dans l’intérêt de toutes les personnes concernées, il vaudrait peut-être mieux que l’on explique la situation aux clients avant la croisière.

[Notes de bas de page omises; non souligné dans l’original.]

[223]   Comme on peut le voir dans le compte rendu post-croisière qu’a rédigé Mme Dorothy Louie, les employés d’OCGC ont participé de diverses façons à la fraude. Certains d’entre eux sont devenus inquiets, mais la plupart n’étaient pas au courant de la fraude considérable à laquelle ils étaient mêlés. J’ai trouvé que Mme Louie était un témoin assez crédible. Elle a répondu aux questions qui lui étaient posées de manière concise et précise. Il était évident qu’elle croyait ce qu’on lui avait dit au début mais que, avec le temps, elle avait eu des problèmes relationnels et avait commencé à comprendre la supercherie de M. Bellfield. Par exemple, à l’époque où des croisières sur le Med 86 étaient offertes, on lui avait donné l’impression que le Med 86 était un yacht d’OCGC. On ne leur avait pas dit que le yacht était loué. Einar Bellfield avait donné instruction de dire aux invités que le yacht appartenait à OCGC. C’est par mégarde que l’on a dit que le yacht n’appartenait pas à OCGC et qu’il s’agissait là de la deuxième location seulement. Mme Louie a déclaré qu’elle avait dû faire de son mieux pour dissimuler les faussetés qu’on lui avait racontées.

[224]   Comme l’intimée l’a bien résumé, les fausses déclarations faites aux investisseurs se sont poursuivies de manière flagrante, par exemple :

[traduction
351. Il est arrivé que l’on dise aux investisseurs :

a. Lettre du 10-11 mars 1987 : « La réunion a pour but de ratifier certains changements qu’OCG a apportés à la conception et à la construction du yacht et de mettre à jour certains des frais de gestion et d’exploitation en vue de refléter la situation actuelle. […] pour ratifier et confirmer les modifications apportées par le commandité aux divers contrats d’exploitation conclus avec Overseas Credit and Guarantee Corporation et Starlight Charters S.A. de manière à tenir compte de l’augmentation des coûts et de l’amélioration des opérations. »

b. Lettre du 22 février 1988 : « Au cours du mois de janvier, OCGC a pris part à une longue réunion avec Neptune Marine Resources, à Genève, en vue d’obtenir les documents requis des institutions financières. »

c. Lettre du 15 mars 1988 : « Nous aimerions porter à votre attention qu’Overseas Credit and Guaranty Corporation fait de son mieux pour obtenir de l’Europe les documents de tiers en vue de répondre à la demande de Revenu Canada. »

d. Lettre du 7 septembre 1988 : « À cette réunion, il a été établi que le seul problème sérieux qu’avait Revenu Canada avait trait à leur compréhension des mécanismes de financement mis en place par Overseas Credit and Guaranty Corporation. »

e. « […] Cela est partiellement exact, en ce sens qu’OCGC a utilisé la somme de 750 $ par mois des investisseurs pour fabriquer les bateaux. Cependant, la majeure partie de ces fonds a servi à fabriquer de l’outillage et à faire en sorte que la production atteigne le stade où il est possible d’obtenir un financement relatif aux travaux de construction. En même temps, un financement relatif aux travaux de construction a été monté par l’entremise de Neptune Marine Resources S.A., et une preuve de cela est disponible au bureau d’OCGC. De plus, Maxi Yacht (France) continue d’effectuer de fréquents prélèvements sur le financement des travaux de construction organisé par Neptune et continuera de le faire à l’avenir. » – « OCGC ne peut pas montrer qu’elle a payé ces services [Starlight Charters S.A.] parce que ces services ont été payés pour le compte d’OCGC par Neptune Marine Resources S.A. (OCGC doit donc de l’argent à Neptune pour ces services). Des confirmations bancaires de ces paiements ont été présentées à Revenu Canada. » – « OCGC a utilisé les billets à ordre des investisseurs pour garantir le financement et fournir les divers services. » – « Starlight Charters S.A. est une société de services suisse contrôlée par des personnes autres que M. E. Bellfield […] elle a fourni à Revenu Canada une lettre […] ainsi qu’un affidavit de M. E. Bellfield selon lequel ce dernier ne contrôle pas Starlight. » – « Neptune Marine Resources a fourni le financement des travaux de construction pour Maxi et a payé les services que Starlight a assurés à OCGC pour le compte des sociétés en commandite […] M. E. Bellfield ne contrôle pas Neptune et est prêt à faire citer des témoins pour qu’ils témoignent en ce sens. »

f. Procès-verbal du Centre des congrès, 6 décembre 1988 : « Blonde avec des lunettes – Où est l’argent que nos billets garantissent? – M. Bellfield a répondu : il s’agit d’une garantie accessoire pour des fonds obtenus en Europe. » – « Nous avons dépensé nos liquidités en partie pour la marge de crédit de soutien dont nous avons besoin. » – « Un autre yacht sera terminé d’ici deux ou trois mois et, de là, à intervalles de deux mois. En 1989 – un tous les mois. »

g. Lettre du 3 février 1989 : « […]OCGC a préparé une trousse d’information qui répond à un certain nombre de questions qu’ont soulevées les investisseurs à l’égard de leur investissement dans des yachts. Cette trousse, qui est jointe à la présente, contient […] (ii) Énoncé de la société en commandite – Source et application des fonds. »

h. Assemblée générale annuelle du 30 août 1989 – Le point sur les activités : « Des améliorations ont été apportées au deuxième et au troisième bateau […] le quatrième bateau a aussi éprouvé des problèmes de retard semblables […]. Il est également intéressant de constater qu’il y a actuellement deux bateaux à l’eau qui sont actifs en matière d’affrètement. Cependant, Revenu Canada conteste encore ces deux sociétés en commandite pour la même raison. Notre troisième bateau a été mis à l’eau en date d’avril 1989, et le quatrième le sera au début du mois d’août. »

i. Lettre du 28 septembre 1990 de M. Browning aux investisseurs : « Notre engagement consistait à aider M. Scace à évaluer si les opérations de financement menées avec Neptune Marine Resources S.A. relativement à la fabrication des yachts et la prestation de services relatifs à l’entreprise d’affrètement de yachts/croisières de luxe avaient bel et bien eu lieu. Cette structure de financement a été exposée par M. Bellfield et illustrée dans son schéma manuscrit auquel il a été fait référence plus tôt. »

j. Lettre du 28 mars 1991 : « Nous vous informons officiellement par la présente qu’Overseas Credit s’est conformée à l’entente de sûreté conclue avec Neptune Marine Resources S.A. et, de ce fait, a cédé votre dette impayée à 937325 Ontario Inc. »

[Notes de bas de page omises.]

[225]   Comme nous l’avons vu plus tôt, toutes les déclarations concernant Starlight Charters S.A. et Neptune étaient fausses. Les déclarations d’OCGC citées précédemment au sujet du nombre de yachts en voie de fabrication, disponibles aux fins de location et sur le point d’être acquis par les sociétés en commandite ne reflétaient pas véritablement la situation, comme l’illustre la section qui suit.

h) La fabrication et l’achat des yachts

(i) Un survol

[226]   Au cours de la fraude orchestrée par M. Bellfield, plusieurs stratégies différentes ont été utilisées pour la fabrication et l’acquisition des yachts. Comme nous le verrons ci-après, la plupart des possibilités que M. Bellfield a étudiées ont été de courte durée, habituellement parce qu’OCGC n’avait pas les fonds nécessaires pour s’acquitter de ses obligations contractuelles.

[227]   Comme il a été signalé plus tôt, OCGC s’était engagée à livrer trente-six yachts. Pour les sociétés en commandite de 1984, le S/Y Garbo et le S/Y Gable étaient censés être en voie de fabrication en 1984 et livrés avant la fin de 1985. Pour ce qui est des sociétés en commandite du type 2, quatorze autres yachts devaient être prêts au plus tard le 31 décembre 1985, ce qui portait à seize le nombre total de yachts de luxe qui auraient dû être prêts au plus tard à la fin de 1985. Aucun n’a été livré dans le délai convenu. En 1986, OCGC s’est engagée à livrer un nombre additionnel de vingt yachts au plus tard dans les derniers mois de 1989 ou au début de 1990.

[228]   Il ressort des éléments de preuve produits au procès que, à maintes reprises, OCGC n’avait pas les capitaux nécessaires pour financer l’achat des yachts. L’intimée a fait remarquer que, pour s’acquitter de ses obligations d’achat des seize yachts avant le 31 décembre 1985, OCGC aurait eu besoin d’au moins 16 millions de dollars. Elle aurait eu besoin d’une somme additionnelle d’au moins 20 millions de dollars pour les vingt autres yachts qui avaient été promis aux sociétés en commandite restantes. Cette somme ne tient même pas compte des frais accessoires liés à l’achat des biens relatifs aux yachts, ni d’aucune des dépenses courantes et élevées afférentes à la mise sur pied d’une entreprise d’affrètement de yachts de luxe, frais qu’OCGC était tenue de prendre en compte à titre de commandité en vertu des clauses de ses contrats de société en commandite. Sans source de financement, OCGC dépendait entièrement des dépôts et des paiements d’intérêts des investisseurs. Comme l’a fait remarquer l’intimée, OCGC n’avait même pas reçu de tous les investisseurs une somme totale de 16 millions de dollars à la fin de 1988. L’intimée a résumé correctement le fait qu’il était impossible qu’OCGC donne suite à ses promesses de livraison de yachts en raison de son manque de fonds :

[traduction
Le coût approximatif d’un yacht Fantaseas a été exposé dans les éléments de preuve. À la demande de M. Bellfield, Robert Forsey a informé ce dernier, par lettre datée du 28 août 1986, que le coût de construction d’un tel yacht serait de l’ordre de 1 300 000 $ à 1 500 000 $. Dans les états financiers datés du 31 octobre 1985 d’OCGC, elle indique, à la note no 5, que la société avait pris les dispositions nécessaires pour financer la construction des seize bateaux destinés à l’entreprise d’affrètement au prix de 16 800 000 $, ou 1 050 000 $ pour chacun. Le 30 janvier 1987, U.S. Yacht et OCGC ont conclu un contrat d’achat et de vente concernant un Med 86 au prix de 1 425 000 $US. En tenant d’obtenir un financement provisoire pour Picton auprès de la CIBC, OCGC a dit à Robert Callander qu’elle estimait le coût de la construction de chaque yacht à 1 450 000 $ (mais qu’elle ne cherchait pas de financement auprès de la CIBC).

OCGC avait donc besoin d’une somme allant de 16 000 000 $ à 24 000 000 $ avant le 31 décembre 1985, ne serait-ce que pour payer le coût des seize yachts, sans tenir compte des frais accessoires. OCGC n’avait même pas reçu cette somme des investisseurs à la fin de 1988, au moment où, avait-elle promis, elle fournirait trente-six yachts[22].

[Notes de bas de page omises.]

[229]   En tout, OCGC n’a pris possession que de trois yachts, bien qu’elle eût promis qu’il y aurait trente-six yachts de luxe avant 1990. Les circonstances détaillées de la possession de ces trois yachts ont déjà été examinées (voir les paragraphes [94] à [101]).

(ii) Dynamique : le S/Y Garbo et le S/Y First Impressions

[230]   C’est Loïc LeGlatin, dont les services avaient été retenus par M. Bellfield pour aider à acheter des yachts pour OCGC, en se fondant sur sa vaste connaissance du monde nautique, qui a présenté M. Bellfield à Chantal et à Yann Jeanneau, de Dynamique, en février 1985 en vue de discuter de la possibilité de construire des yachts de luxe. Chantal Jeanneau était le principal point de contact chez Dynamique. M. LeGlatin a coordonné la négociation du contrat entre M. Bellfield et Dynamique, est intervenu comme conseiller technique auprès de M. Bellfield. Dynamique a pris part à la construction de deux yachts pour OCGC, le S/Y Garbo et le S/Y First Impressions.

Le S/Y Garbo

[231]   OCGC et Dynamique ont signé le premier contrat concernant le S/Y Garbo le 19 février 1985. Comme nous l’avons vu plus tôt, malgré des présentations erronées en sens contraire, les déclarations d’OCGC selon lesquelles le S/Y Garbo ou le S/Y Gable étaient en voie de construction en 1984 étaient fausses, étant donné que la première rencontre avec Dynamique n’a eu lieu qu’en 1985.

[232]   Le 6 mars 1985, Dynamique était devenue nerveuse parce que M. Bellfield n’avait pas pris de dispositions au sujet de la lettre de crédit qui était exigée pour effectuer le versement initial. Moins de dix jours plus tard, M. Bellfield a commandé deux autres yachts de Dynamique, même s’il n’avait pas encore effectué le versement initial pour le premier yacht. M. LeGlatin a témoigné qu’il s’agissait là d’une ruse pour faire patienter davantage Dynamique.

[233]   Dynamique a relancé M. Bellfield le 17 avril 1985 au sujet du versement initial qui devait être effectué aux termes du contrat initial concernant le S/Y Garbo. En mai 1985, Dynamique a communiqué avec M. LeGlatin pour l’informer qu’elle n’avait toujours pas reçu le versement initial et qu’elle tentait de savoir si ce versement serait un jour versé ou si le contrat était annulé pour inobservation de cette condition. M. LeGlatin a témoigné qu’il avait passé plusieurs mois en France jusqu’en juillet 1985, et qu’il avait souvent téléphoné dans l’espoir d’avoir des nouvelles de M. Bellfield au sujet du versement initial destiné à Dynamique. Cette dernière a continué de fabriquer le yacht de 80 pieds mais a présumé que M. Bellfield n’était pas en mesure de l’acheter. Dynamique a terminé la coque en juillet 1985. Là encore, il convient de signaler que ce n’est qu’après qu’une coque est terminée qu’il est possible d’obtenir sur demande un numéro d’immatriculation de coque et de l’attribuer à un yacht particulier.

[234]   Il ressort des éléments de preuve qu’une autre ébauche de contrat a été proposée en septembre 1985. Le contrat exigeait un versement initial et OCGC devait payer le solde avant le mois d’octobre 1985 avant que le titre de propriété puisse être transféré. M. LeGlatin a témoigné qu’à l’époque il ne recevait plus de fonds pour sa propre rémunération et qu’OCGC n’avait toujours versé aucuns fonds à Dynamique. Sa situation financière personnelle est devenue si difficile que, a-t-il témoigné, il lui a fallu emprunter de l’argent à Chantal Jeanneau pour pouvoir acheter un billet d’avion de retour.

[235]   M. LeGlatin, Mme Jeanneau et M. Bellfield se sont réunis en octobre 1985 au Salon nautique d’Annapolis, à Annapolis (Maryland), où M. Bellfield disait encore s’intéresser au yacht en voie de construction même s’il n’avait versé aucuns fonds. M. Bellfield a proposé de louer d’abord le yacht pendant quelques mois avant de le payer. Un protocole d’entente a été rédigé, et il énonçait diverses options de paiement, dont une qui exigerait que M. Bellfield suive un calendrier de paiements. Ce calendrier prévoyait le versement d’une somme de 100 000 $ avant le 15 octobre 1985 mais, une fois de plus, M. Bellfield a manqué à cette obligation. Il a quand même fini par effectuer un versement initial de 50 000 $US en novembre 1985.

Le S/Y First Impressions

[236]   Dynamique en a eu assez de négocier avec M. Bellfield. La question est ensuite devenue celle de savoir si M. Bellfield allait perdre la somme de 50 000 $ qu’il avait payée jusque-là à Dynamique. M. LeGlatin a témoigné qu’il a suggéré que M. Bellfield prenne un yacht de 50 pieds plutôt que de perdre le dépôt. Le dépôt de 50 000 $US destiné à Dynamique a servi plutôt à acheter le bateau de 50 pieds, et l’acte de vente a été daté du 27 novembre 1985. Le titre de propriété du S/Y First Impressions, un yacht qui ne répondrait pas aux obligations qu’OCGC avait prises envers les sociétés en commandite, a été transféré à OCGC environ huit mois après la conclusion du contrat initial concernant le S/Y Garbo. À ce stade, il restait un mois avant la date à laquelle les seize yachts promis aux sociétés en commandite du type 1 et du type 2 devaient être livrés. OCGC n’était parvenue qu’à payer 50 000 $ à ce moment-là et, manifestement, avait même des difficultés à payer son employé, M. LeGlatin.

[237]   Ester Palmer a déclaré que le S/Y First Impressions était censé servir de bateau d’approvisionnement pour les affrètements de yachts de luxe mais, en novembre 1985, il n’y avait aucun yacht à approvisionner. Le bateau est arrivé à Sainte-Lucie en mars 1986. M. Steven Leibtag, gestionnaire des opérations auprès de Starlight Canada, a témoigné qu’il avait visité le centre d’opérations de Sainte-Lucie à cette époque. Il a ajouté qu’il y avait un sérieux différend avec l’équipage du S/Y First Impressions au sujet du non-paiement des services qu’il avait fournis lors de la traversée transatlantique. M. Leibtag était vendeur d’expérience, qui a semblé répondre avec exactitude aux questions qui lui ont été posées. Il a déclaré que la raison pour laquelle il avait quitté OCGC était qu’elle n’avait pas besoin de son expertise puisqu’elle n’avait aucun yacht. Un sentiment de frustration semblable a été exprimé par d’autres qui ont plus tard quitté OCGC, comme Bruce Oekler.

[238]   Jusqu’en mars 1986, le S/Y First Impressions a été le seul bateau disponible et, même s’il ne cadrait pas avec la marque Fantaseas, il a servi à effectuer un petit nombre de croisières dans les Antilles. Aucune de ces croisières n’a profité à l’une ou l’autre des sociétés en commandite. Ces activités faisaient simplement partie d’efforts constants pour camoufler la situation et montrer aux investisseurs qu’OCGC était capable d’affréter un yacht. Même la propriété du S/Y First Impressions a été transférée à l’épouse de M. Bellfield le 26 juin 1992, et le bateau s’est retrouvé à Toronto, où M. Jack Moles l’a vu plus tard. Ce dernier était  employé par OCGC et il a supervisé les travaux de réparation du S/Y Garbo en Floride. David Martin a lui aussi déclaré qu’il savait que le yacht se trouvait en Ontario pendant toute sa période de travail, mais il a considéré que le S/Y First Impressions n’entrait pas dans le cadre des activités relatives à Fantaseas. David Martin avait été au service de Starlight au Canada, entre mars 1988 et 1989, et s’était occupé d’activités de mise en marché et de vente pour Fantaseas. J’ai trouvé que M. Martin faisait un bon témoin, qu’il a semblé bien au fait des questions posées et qu’il s’est exprimé de manière directe et honnête.

Le S/Y Garbo, suite

[239]   Le 15 décembre 1985, Dynamique et OCGC ont créé encore un autre contrat; cette fois-ci, OCGC intervenait à tire de fiduciaire pour le S/Y Garbo. M. LeGlatin a témoigné qu’il s’est retrouvé une fois de plus en France, où il communiquait souvent avec M. Bellfield et OCGC à la recherche de fonds pour payer le yacht de 80 pieds, mais toujours sans succès. Dynamique a finalement expédié le yacht de l’autre côté de l’Atlantique, à Saint-Martin. Parmi les documents versés aux débats, il y a une facture et un acte de vente de Dynamique à OCGC, et le S/Y Garbo a finalement été vendu à OCGC le 4 avril 1986.

[240]   À ce stade, il y avait un yacht de société en commandite, quinze autres yachts en suspens et aucuns fonds ou aucune capacité pour construire ces autres yachts. Il y avait aussi deux problèmes que présentait le seul yacht « Fantaseas » dont OCGC avait finalement pu prendre possession.

[241]   Premièrement, le S/Y Garbo ne répondait pas aux normes. Ester Palmer, vice-présidente des opérations chez Starlight Canada, a dit du S/Y Garbo qu’il s’agissait d’un yacht magnifique et très racé. Elle a toutefois expliqué que le S/Y Garbo ne correspondait pas au concept de Fantaseas parce qu’il n’était pas doté des quatre cabines égales et qu’il était donc impossible de vendre les affrètements sur une base égale. David Martin, directeur général de Starlight Canada, a lui aussi indiqué que le S/Y Garbo n’était pas conforme au concept de Fantaseas.

[242]   Deuxièmement, lors de son voyage inaugural, le S/Y Garbo avait subi d’importants dommages structurels et il avait fallu l’envoyer dans un chantier naval en Floride pour lui faire subir d’importantes réparations. Cela voulait dire qu’aucun yacht de 80 pieds n’était disponible pour les affrètements. Là encore, le seul yacht que l’on pouvait utiliser jusqu’à ce que le S/Y Garbo quitte la cale sèche en avril 1987 était le S/Y First Impressions, qui n’était pas un yacht appartenant à une société en commandite et qui était trop petit pour le concept de Fantaseas. À l’automne 1986, Bruce Oekler, un conseiller en voyages de Miami chargé d’activités de mise en marché et de vente pour Starlight Canada, a témoigné qu’il avait dû retarder ses activités de mise en marché parce que le S/Y Garbo n’avait toujours pas été mis à l’eau.

[243]   Jack Moles est entré en fonction à titre de superviseur de projet en octobre 1986 en vue de superviser les travaux de réparation du S/Y Garbo dans le chantier maritime Guy Couach, en Floride. Il a essayé de faire accélérer les choses parce que les travaux se déroulaient très lentement. M. Moles a semblé très bien connaître les aspects au sujet desquels il a témoigné. Il était direct et professionnel et il a répondu de façon juste aux questions. Il a témoigné que le S/Y Garbo avait eu de sérieux problèmes structurels du fait de sa conception. Il a aussi témoigné que l’une de ses priorités avait été de régler les paiements tardifs concernant les travaux de réparation, qui ralentissaient l’achèvement des travaux. Il a établi un compte en banque local afin de s’assurer que les travaux soient payés à temps et que le yacht pourrait quitter le chantier le plus tôt possible.

[244]   M. Moles a déclaré qu’il y avait parfois une certaine tension entre OCGC et lui parce qu’il était difficile d’obtenir des fonds d’OCGC. Il s’efforçait de faire sortir le S/Y Garbo du chantier et de payer le décorateur d’intérieur. La règle était qu’il fallait que les gens soient payés avant que le yacht puisse quitter le chantier. À l’époque où OCGC était déjà censée avoir livré seize yachts, OCGC avait de la difficulté à payer les réparations de son tout premier yacht appartenant à une société en commandite. Qui plus est, OCGC n’avait pas les moyens de payer les réparations d’un seul yacht alors qu’elle avait fait croire qu’elle disposait d’au moins 16 millions de dollars pour faire l’acquisition des yachts devant être livrés au plus tard le 31 décembre 1985.

[245]   Le S/Y Garbo a finalement quitté le chantier en Floride et a été expédié à Sainte-Lucie pour commencer à être affrété le 6 avril 1987. La première croisière à bord du S/Y Garbo a eu lieu en avril 1987. Après ce moment, M. Moles a eu régulièrement des nouvelles d’Eraldo Marcolongo, gestionnaire des opérations auprès de Starlight Canada, qui opérait de Sainte-Lucie. M. Marcolongo était souvent en contact avec M. Moles, à la recherche de matériaux ou de pièces pour le S/Y Garbo. Ce dernier avait des problèmes de décoration d’intérieur ainsi que des problèmes électriques et il nécessitait des travaux de réparation constants à cause de sa présence dans un climat méridional. Comme cela a toujours été le cas dans l’histoire de la fraude d’OCGC, il a fallu que M. Marcolongo demande à maintes reprises des fonds pour payer les factures. Il se plaignait régulièrement de la difficulté d’obtenir des fonds régulièrement, en temps utile, et il souhaitait obtenir un budget d’entretien.

[246]   Même si le S/Y Garbo n’a pas été disponible pour affrètement avant le mois d’avril 1987, les états financiers de 1986 concernant le S/Y Garbo comportent des frais d’affrètement et des fausses déclarations au sujet de la disponibilité de ce bateau pour affrètement. Le nombre d’affrètements réels du S/Y Garbo a été restreint, et un grand nombre des passagers qui ont séjourné à bord de ce bateau l’ont fait à des tarifs réduits pour investisseur ou sans frais. M. Bellfield avait tout intérêt à continuer d’avoir recours à des artifices pour dissimuler la fraude impliquant l’affrètement de yachts de luxe. David Martin, directeur général de Starlight Canada, a déclaré que le S/Y Garbo a été hors service pendant l’été de 1988. Le bateau a finalement été amené à Saint-Martin et ensuite à des salons nautiques pour la mise en marché du concept de Fantaseas. Un calendrier de navigation déposé en preuve montre que le S/Y Garbo a fait partie de salons nautiques dans les îles Vierges, à Saint-Thomas et à Antigua et qu’il a servi pour une croisière à l’automne de 1988.

[247]   En 1988, le S/Y Garbo a été vendu à Maxi Yacht International S.A.R.L. dans le cadre du financement de cette entreprise de fabrication de yachts. La vente du S/Y Garbo à Maxi Yacht ne figure dans aucun des états financiers des sociétés en commandite.

(iii) Le S/Y Great Gatsby

[248]   Le S/Y Great Gatsby fait partie d’un certain nombre de yachts dont OCGC a négocié l’achat éventuel sans finalement les acheter. Aux termes de ses contrats avec la Société en commandite S/Y Great Gatsby, une société en commandite du type 2, OCGC était tenue de livrer le S/Y Great Gatsby au plus tard le 31 décembre 1985.

[249]   Initialement un yacht de course baptisé l’Ondine, le S/Y Great Gatsby était un yacht en aluminium d’une longueur de 80 pieds qui, d’après plusieurs témoins, se trouvait dans un état pitoyable. Il aurait été très difficile, voire impossible, de le faire correspondre aux spécifications qu’exigeait le concept de Fantaseas. Néanmoins, OCGC avait en main un contrat d’achat de cet ancien bateau de course. M. Moles a déclaré que le S/Y Great Gatsby était loin de convenir au concept de Fantaseas. Il ne répondait pas à la vision et à la norme qui avaient été établies. Au sujet des problèmes que présentait le yacht, M. Moles a également déclaré qu’il fallait refaire en entier l’aluminium et qu’il y avait aussi un problème d’électrolyse. Selon l’évaluation de Jack Moles, fondée sur une inspection personnelle visant à déterminer l’épaisseur de la coque, le yacht ne pourrait être utilisé que comme vedette de promenade. M. LeGlatin a remarqué aussi les lacunes du yacht lorsqu’il a procédé à l’inspection de cet ancien bateau de course. Le coût que représenterait la mise aux normes du S/Y Great Gatsby était excessif. Bruce Oekler a témoigné qu’il était au courant de l’existence de l’Ondine (le S/Y Great Gatsby), mais qu’il s’agissait, selon lui, d’une coque incomplète sans gréement. Manifestement, le S/Y Great Gatsby n’était pas en mesure de répondre aux normes d’un yacht de Fantaseas.

[250]   Malgré les lacunes évidentes de l’ancien bateau de course, OCGC a conclu un contrat en vue d’acheter l’Ondine le 24 décembre 1985 au prix de 298 500 $US, avec un paiement initial suivi du solde, payé par versements mensuels durant 24 mois, sans garantie aucune quant à l’état du bateau. Il allait devenir le yacht de la Société en commandite S/Y Great Gatsby. Diverses négociations prolongées ont suivi, assorties de divers aspects juridiques à déterminer. Cependant, une fois de plus, OCGC (M. Bellfield) a eu des retards de paiement. Cette situation a donné lieu à la non-exécution du contrat parce qu’il manquait encore la somme de 12 652 $US pour conclure l’affaire. Le propriétaire de l’Ondine a, en fait, intenté une action judiciaire contre OCGC en septembre 1987, pour défaut de paiement ainsi que pour démantèlement du bateau. L’affaire a finalement été réglée par M. Bellfield le 29 avril 1988, et la possession du yacht a de nouveau été transférée au propriétaire.

[251]   Même si le yacht ne répondait pas aux normes, et n’a finalement jamais été acquis ni utilisé pour affrètement, le S/Y Great Gatsby a été inscrit comme un élément d’actif dans les états financiers de la Société en commandite S/Y Great Gatsby pur l’année se terminant le 31 décembre 1985.

(iv) Le Med 86 (le premier Gable)

[252]   Deux yachts différents offraient la possibilité de devenir le yacht destiné à la SC S/Y Gable. Le premier était un « Med 86 » devant être acheté auprès d’U.S. Yacht. Là encore, cette affaire n’a pas été conclue parce qu’OCGC n’a pas pu payer les fonds nécessaires pour conclure l’achat. OCGC a finalement fait l’acquisition du second Gable, mais elle n’a détenu que brièvement le titre de propriété de ce bateau.

[253]   M. Moles a vu le Gable Med 86 à un salon nautique tenu à Miami et a pris les dispositions nécessaires pour faire examiner le yacht. Il était d’avis que la cabine du Med 86 pouvait être rénovée de façon à créer quatre cabines convenant au concept de Fantaseas. Au final, malgré le réaménagement proposé par M. Moles, ainsi qu’un contrat d’achat et de vente daté du 30 janvier 1987, l’achat n’a jamais été conclu. Le prix était de 1 425 000 $US, avec un versement initial de 350 000 $US, payé en main tierce avant la clôture, et le solde payé à la clôture. La date de clôture a été fixée au 1er avril 1987. Un autre contrat, repoussant cette date de clôture au 15 mai 1987, a été conclu, et OCGC a convenu de payer une somme additionnelle de 200 000 $US en main tierce. Malgré cette entente, OCGC n’a jamais conclu le marché et a été mise en demeure.

[254]   OCGC a exigé l’arbitrage avec U.S. Yacht, et diverses plaintes ont été échangées. Cependant, les conclusions de l’arbitrage ont souligné la nature véritable des problèmes d’OCGC. Le problème était la même question récurrente du manque de capitaux. L’arbitre a conclu qu’OCGC n’avait pas assez de liquidités pour payer le montant dû le 15 mai 1987 et a accordé à U.S. Yacht un montant considérable en dommages-intérêts, totalisant plus de 379 167 $. OCGC n’a reçu que la somme de 162 298 $ en remboursement du montant payé en main tierce.

(v) Chantiers Yachting France

[255]   Des contrats d’achat ont été signés avec Chantiers Yachting France pour deux yachts en mars 1985, mais l’entreprise a informé OCGC qu’elle avait été mise sous séquestre en juillet 1985. En fait, Chantiers Yachting France n’a construit aucun yacht pour OCGC. Comme il a été expliqué plus tôt, après la mise sous séquestre de Chantiers Yachting France, OCGC a fait de nombreuses déclarations inexactes et frauduleuses au sujet de contrats d’achat censément valides avec l’entreprise, ainsi qu’au sujet de numéros d’immatriculation de coque applicables à des yachts construits ou en voie de construction par Chantiers Yachting France, malgré l’impossibilité de ces faits.

(vi) Maxi Yacht

[256]   Le second Gable a été construit en France, à partir de plans conçus par Sparkman & Stephens, un cabinet d’architecture navale hautement respecté, et construit par Michel Dufour, un fabricant de bateaux français de grande renommée. L’entente concernait en fait la construction d’un certain nombre de yachts, et M. Bellfield fournirait les fonds nécessaires pour financer le fabricant en France pendant que M. Dufour s’occupait de la construction. Les négociations entourant la conception du bateau se sont poursuivies, depuis le début du 1er janvier 1986 jusqu’au 30 septembre 1987. Un certain nombre d’autres personnes ont également pris part aux discussions concernant la conception du yacht, notamment avec un concepteur italien qui s’occupait de l’intérieur, et des consultations ont également eu lieu avec des membres du personnel d’OCGC, comme Mary Crocco, au sujet des appareils de cuisine appropriés, etc.

[257]   M. Moles s’est rendu en France à plusieurs reprises à titre d’agent de liaison technique pour OCGC. Il a vu le nouveau bâtiment de Maxi Yacht et a signalé qu’il y avait vu trois yachts à divers stades de fabrication. Le premier yacht (le S/Y Gable) était muni d’un pont. Le deuxième yacht avait un intérieur complet et le pont était prêt à y être installé, et le troisième yacht était laminé dans le moule.

[258]   M. Martin s’est également rendu à l’installation de Maxi Yacht en France, en août 1988. Il a rencontré Michel Dufour, les concepteurs italiens et les représentants de l’entreprise en Europe. Son impression a été que Maxi Yacht était une installation de première classe. M. Moles a témoigné que l’installation de Maxi Yacht en France semblait avoir été construite sur mesure, les activités semblaient se dérouler rondement et les installations convenaient à la construction du nombre de yachts prévus. Des photographies des installations de Maxi Yacht ont été produites en preuve, et l’on y aperçoit des yachts en voie de fabrication.

[259]   Il ne fait aucun doute, au vu des éléments de preuve, que l’architecte, le fabricant, le concepteur et le conseiller technique associés à Maxi Yacht bénéficiaient d’une grande expertise. L’usine créait manifestement un produit superbe. Mais cela ne change rien au fait que le produit a simplement été utilisé pour faire durer la fraude complexe. Au moment où le S/Y Gable a été achevé et baptisé en 1988, le yacht de la société en commandite était attendu depuis longtemps, tout comme de nombreux autres yachts dus aux sociétés en commandite. Pire, les états financiers de la SC S/Y Gable indiquent que le yacht est un élément d’actif en propriété exclusive, alors que le véritable Gable n’a été construit, achevé et livré par Maxi Yacht qu’en octobre 1988.

[260]   Le S/Y Gable est le seul yacht livré (brièvement) qui répondait véritablement aux normes de Fantaseas. Mme Palmer s’est trouvée à bord du S/Y Gable pour prendre des photographies aux fins de mise en marché, ainsi qu’à titre d’invitée en vue d’évaluer l’expérience des clients. Elle a déclaré que le yacht était un bateau magnifique, et que le service et la cuisine étaient à la hauteur du concept de Fantaseas. M. Moles a vu lui aussi le S/Y Gable en voie de fabrication en France, dans les installations de Maxi Yacht. En octobre 1988, il s’est trouvé en France pour des essais en mer de ce bateau. Il a qualifié le S/Y Gable de yacht de grande taille, racé, semblable à un cheval de course, qui répondait au concept de Fantaseas, et qui donnait une impression généralement favorable. M. Martin, directeur général de Starlight Canada entre mars 1988 et 1989, a dit aussi que le S/Y Gable était à l’époque un bateau spectaculaire.

[261]   OCGC a pris grand soin de s’assurer que le baptême du S/Y Gable soit un grand événement qui capterait l’attention. Cela était particulièrement important pour OCGC parce que, à l’époque, l’ARC avait entrepris une vaste opération de vérification, et OCGC voulait souligner de façon marquée la nature grandissante de son entreprise « à succès ». Même le prince Albert de Monaco était présent au baptême. Il s’agissait, essentiellement, d’un élégant exemple du subterfuge auquel OCGC recourait continuellement pour donner juste assez d’indices que son entreprise était véritable pour éviter que l’on soupçonne que l’opération d’investissement tout entière était une fraude.

[262]   Peu après la mise à l’eau, la propriété du S/Y Gable a été transférée à Starlight S.A.M., une entité française liée.

[263]   L’usine de Maxi Yacht a construit deux autres yachts, le Demoiselle de Rochefort et le Rocco Jr. Ils semblent avoir été les deux yachts que M. Moles avait vus à l’usine de Maxi Yacht. Ces deux bateaux ont été vendus à des sociétés françaises en décembre 1988 et n’ont pas servi à l’acquittement des obligations contractuelles envers les sociétés en commandite canadiennes.

(vii) Picton

[264]   Picton est l’endroit où est situé un entrepôt pour lequel OCGC a conclu un contrat d’achat et de vente en août 1986 et où, malgré de nombreuses déclarations en sens contraire, OCGC n’a pas fait grand‑chose. Par exemple, parmi les éléments de preuve (mars 1987 – [traduction] « Proposition d’Overseas Credit and Guaranty Corporation en vue d’établir des ententes de crédit »), Picton a été faussement décrit, de la manière suivante :

[traduction
Les installations [de Picton] sont d’une superficie de 25 000 pieds carrés et des moules ont été créés en vue de la construction d’un catamaran de 75 pieds, lui aussi conçu pour l’expérience de croisière ultime. Il est prévu que ces installations en pleine exploitation produiront douze bateaux par année, et la production débutera au printemps de 1987.

[Notes de bas de page omises.]

[265]   En fait, ces installations n’étaient pas en exploitation; elles étaient bien loin d’être opérationnelles. Ross Price a été embauché comme employé d’OCGC pour travailler à l’entrepôt de Picton, qu’OCGC avait acheté de sa famille. M. Price a témoigné de manière franche et directe, et il se souvenait de manière très claire des détails requis de son témoignage. J’ai considéré qu’il était très crédible.

[266]   M. Price a géré sur place les installations de Picton pendant une période d’environ un an, depuis l’automne de 1987 jusqu’au printemps de 1988. Ses fonctions consistaient essentiellement à gérer les installations, à les nettoyer et à les préparer à servir d’installations de production. Les installations étaient mal éclairées et sales, et seuls des travaux d’électricité mineurs y avaient été effectués. Des moules de catamarans achetés d’occasion ont été mis en place dans le bâtiment et assemblés, mais à part cela rien d’autre n’a été fait. M. Price a ouvert quelques comptes auprès de fournisseurs locaux, mais le temps passait et les fournisseurs n’ont jamais été payés. Les installations de Picton n’étaient qu’un entrepôt. Elles avaient besoin d’améliorations importantes, dont un système d’éclairage, un système d’aération, un atelier spécialisé en verre, une alimentation électrique, un système de compresseur, un atelier de travail du bois ainsi qu’un atelier mécanique. Le bâtiment était essentiellement une coquille vide, non adapté à un travail de production quelconque, et il est resté tel quel. Le bâtiment était simplement un entrepôt qui contenait des moules d’occasion. Ces derniers avaient passé un temps considérable à l’extérieur, exposés aux intempéries, et se trouvaient dans un état si mauvais qu’ils étaient inutilisables. Entre le mois d’août 1986, quand le bâtiment a été vendu, et le printemps de 1988, seuls les moules d’occasion ont été livrés. Comme l’a résumé l’intimée dans ses observations finales :

[traduction
490. M. Bellfield a acheté un portique de transbordement d’occasion et démonté auprès des Price en octobre 1986, au prix de 38 000 $, afin qu’il soit assemblé par Ross Price à l’intérieur de l’entrepôt.

491. M. Bellfield a acheté des moules de catamaran de 60 pieds d’Andrews Trucking au prix de 40 000 $ et les a fait déménager à Picton en janvier 1987.

492. Ross Price a été embauché par OCGC pour être affecté à l’entrepôt de Picton au printemps de 1988; il a fait un peu de nettoyage, a tiré les moules qui se trouvaient dans la cour jusque dans l’entrepôt, les a boulonnés ensemble et a tenté d’obtenir une série de tracés à partir des moules, parce qu’il n’existait aucun dessin pour ces derniers. Ensuite, M. Bellfield a voulu vendre le bâtiment de sorte qu’ils ont déplacé à l’extérieur, dans un champ, les moules et le portique de transbordement. Ross Price est demeuré au service d’OCGC pendant tout l’hiver de 1989 mais, en octobre 1989, il n’y était plus employé. L’installation de Picton n’a jamais produit de catamarans pendant la période où Ross Price était en fonction.

493. En octobre 1986, le concepteur de catamarans britannique Derek Kelsall a fourni les plans préliminaires d’un catamaran de 75 pieds à OCGC, au prix de 3 000 $. En mars 1987, M. Kelsall s’est rendu à Picton, en Ontario, et a examiné les moules de catamaran de 63 pieds qui se trouvaient dans la cour. Il n’a pas été impressionné par ces derniers. M. Kelsall a fourni une évaluation écrite des moules et de la possibilité de les intégrer à un plan de catamaran de 75 pieds, et il a touché pour ce travail la somme de 2 000 $. Il n’y a pas eu d’autre échange de lettres avec OCGC, le travail de conception n’a pas eu lieu et M. Kelsall n’a eu aucun autre rapport avec OCGC ou Maxi Yacht.

[267]   M. Price a témoigné qu’un investisseur, George Ward, s’était présenté aux installations pour voir ce qui se passait. M. Ward avait l’impression qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas avec l’investissement fait dans la société en commandite, et il a fait part de ses préoccupations à la Commission des valeurs mobilières, à Toronto. M. Price a également témoigné qu’à son avis, certains des faits énoncés dans la brochure qu’OCGC avait diffusée étaient tout simplement inexacts.

[268]   M. Moles a également témoigné au sujet de ce qu’il savait de l’entrepôt de Picton. Dans l’ensemble, il avait l’impression que les installations étaient de mauvaise qualité et il a jugé qu’il aurait fallu faire des dépenses et des efforts considérables pour les rendre opérationnelles. Même si elles avaient été opérationnelles, il n’aurait été possible de construire qu’un seul catamaran à la fois en raison de l’espace restreint. Dans un rapport qu’il a produit en juillet 1987, il a prévu que la date la plus rapprochée à laquelle il serait possible de produire le premier catamaran dans les installations de Picton, si l’on mettait en œuvre ses nombreuses recommandations, serait en 1989. Un plan d’affaires datant de 1988 disait des installations qu’elles seraient opérationnelles à compter de l’automne de 1988 et que M. Moles déménagerait dans le secteur en vue de coordonner le lancement des activités. M. Moles a déclaré que le plan d’affaires ne suivait pas ses recommandations et qu’il n’avait jamais eu l’intention de déménager à Picton.

[269]   Dans ses observations finales, aux pages 160 à 162, l’intimée a bien résumé d’autres fausses déclarations qu’OCGC a faites au sujet des installations de Picton :

[traduction
494. Contrairement à ce qui est indiqué à la page 10 de la brochure d’entreprise d’OCGC, M. Kelsall n’était pas celui qui dirigeait le projet de construction et de conception des maxi-catamarans d’OCGC. M. Kelsall n’était pas au courant que l’on avait utilisé sa photographie et son nom dans la brochure et, à sa connaissance, sa technologie n’a pas été utilisée dans la prétendue construction et la prétendue conception des maxi-catamarans d’OCGC.

[…]

503. La prévision du nombre de bateaux qui seraient à l’eau en 1990, laquelle était jointe à la note de service datée du 24 février 1987 que Robert Forsey a envoyée à M. Bellfield, faisait état d’un catamaran de 75 pieds, le Main Event, dont la construction serait terminée en 1987, quatre catamarans construits en 1988 et d’autres en 1989. À la connaissance de M. Moles, aucun de ces bateaux n’a jamais été produit.

504. M. Minchella a reçu une copie de la note de service de M. Forsey, intitulée « Calendrier de livraison des bateaux », datée du 24 février 1987 et adressée à M. Bellfield, à laquelle était joint un document intitulé « Prévision des bateaux mis à l’eau avant l’année 1990 » (pièce R‑14 – onglet 173), qui faisait état de la construction, par Maxi Yacht International, à son usine de Picton, de dix catamarans. M. Minchella a déclaré qu’il n’était pas responsable de ce projet, de sorte qu’il ne pouvait pas dire d’où proviendrait le financement nécessaire à la construction des catamarans. Cependant, il savait tout de même qu’au mois de mars 1987 OCGC ne disposait d’aucun financement bancaire ou externe en vue de la construction des yachts, à part les paiements d’intérêts d’investisseurs et les billets à ordre.

505. On a montré à M. Minchella la page 10 de la brochure d’OCGC, à la pièce A‑22 – onglet 5, qui comporte une photographie de Derek Kelsall, qui qualifie ce dernier de chef de projet, et qui signale que l’on se sert de sa technologie pour la construction et la fabrication des catamarans d’OCGC. M. Minchella a déclaré qu’il n’avait pas pris part à la production de la brochure mais que, après avoir vu les faits concernant M. Kelsall, ce document présente erronément le poste de M. Kelsall et le rôle qu’il joue et, de plus, déclare faussement que des travaux de fabrication se déroulaient à Picton, ce qui ne s’est jamais produit avec la technologie de fabrication de catamarans de qui que ce soit.

506. En 1989, Loïc LeGlatin, qui, à ce moment-là, avait sa propre entreprise de fabrication de catamarans, a vu dans le journal une annonce au sujet d’une ancienne usine de fabrication de bateaux à Picton, en Ontario; il s’est donc rendu dans ce lieu en automobile pour y jeter un coup d’œil. Il y a rencontré une personne qui était peut-être l’ancien propriétaire et qui en avait les clés, de sorte que celle-ci a pu lui faire faire une visite. Il y a vu un moule de catamaran, d’une conception très ancienne, qui se trouvait là et qui était endommagé. Il a voulu obtenir plus d’informations et a reçu une lettre de Stephen Sobot, d’OCGC, datée du 21 décembre 1989, qui incluait un dessin du catamaran qu’il a reconnu comme étant le dessin de Derek Kelsall que M. LeGlatin avait montré à M. Bellfield en 1985. M. LeGlatin savait que le dessin ne correspondait pas aux moules qu’il avait vus. Une fois qu’il s’est rendu compte qu’il avait affaire à OCGC, il a mis fin à toutes les discussions.

[Notes de bas de page omises.]

i) Starlight Charters

(i) Starlight Canada

[270]   Starlight Canada a été constituée en société en 1986, et Ester Palmer s’est jointe à l’entreprise peu de temps après. Ce n’est qu’après son arrivée dans l’organisation que des activités de mise en marché ont eu lieu. Selon son témoignage, une part importante du travail qu’elle a fait pour Starlight Charters a consisté à promouvoir la possibilité d’investir dans des affrètements de yachts de luxe auprès d’éventuels investisseurs de société en commandite. Ce travail a été fait soit en « vendant » le concept au moyen de présentations audiovisuelles, soit après un investissement, en prenant les dispositions nécessaires pour que les investisseurs profitent d’affrètements de yacht à taux réduits.

[271]   Il ressort clairement du témoignage de Mme Palmer qu’elle n’était pas au courant de l’énormité du stratagème frauduleux auquel elle était mêlée. Elle a exécuté quelques activités qui, de prime abord, peuvent sembler être des dépenses véritables dans le cadre de l’établissement d’une entreprise d’affrètement de yachts. Mme Palmer a tenté de promouvoir les affrètements de yacht auprès de divers agents de voyage et de participer à diverses activités promotionnelles, comme des salons nautiques, des concours et des articles de revue. Aucun de ces efforts n’a atteint le niveau qui aurait été nécessaire pour créer une véritable entreprise d’affrètement de yachts de luxe, et il semble que Mme Palmer ne comptait pas assez d’expérience pour savoir dans quelle mesure M. Bellfield se servait d’elle pour l’aider à donner une apparence de légitimité à ses activités frauduleuses. Par exemple, une vidéo de présentation de Fantaseas, une dépense qui a été facturée à Starlight Canada, a souvent été utilisée pour promouvoir l’investissement dans une société en commandite d’affrètement de yachts. Il s’agissait d’un élément clé de la présentation que l’on faisait pour séduire d’éventuels investisseurs.

[272]   Il ressort des éléments de preuve que les activités de Starlight Canada, bien qu’à l’insu d’un grand nombre des personnes impliquées, avaient pour principal objectif de promouvoir la vente des parts de société en commandite, et de donner l’illusion que la fraude était légitime. Certaines personnes, participant aux efforts de mise en marché de Starlight Charters, ont tout de même pris conscience de cette réalité. Par exemple, Bruce Oekler a témoigné que le manque de yachts disponibles l’empêchait de continuer de faire la mise en marché du produit. Bruce Oekler était entré en contact avec environ 200 agents de voyage pour leur présenter le concept de Fantaseas; il a déclaré qu’après son départ de Starlight Charters en décembre 1986, aucun de ces agents n’a été contacté au sujet des affrètements de yachts de luxe.

[273]   Toutes les activités de mise en marché de Starlight Charters nécessitaient de fausses déclarations quant au nombre de yachts dont elle disposait et l’état de ses activités. Ces déclarations étaient généralement faites sur la foi des déclarations de M. Bellfield. Plusieurs brefs exemples sont donnés ci-après, mais ils ne servent qu’à illustrer l’existence d’éléments de preuve encore plus considérables.

[274]   En mai 1986, Starlight Canada a coordonné la publication dans une revue d’un article promotionnel dont l’auteur était un amateur de voile qui décrivait avec enthousiasme son séjour à bord d’un yacht en avril 1986, et qui mentionnait que dix yachts allaient être disponibles. Ce fait était manifestement faux et impossible vu le nombre de yachts qui avaient été achetés à l’époque. L’article n’a servi qu’à faire la promotion de l’entreprise et à lui donner une apparence additionnelle de légitimité.

[275]   À plusieurs reprises, Starlight Canada a fait croire qu’elle possédait une flottille de yachts ainsi qu’une entreprise d’affrètement de yachts prête à fonctionner, y compris les exemples suivants, que l’intimée a résumés dans ses observations, à la page 125 :

[traduction
Lettre du 25 septembre 1986, de Mme Ashworth à Voyages Sears : « La flottille Fantaseas, exploitée par Starlight Charters Ltd., se compose des maxi-yachts à affréter les plus gros et les plus supérieurement confortables au monde. »

Lettre du 14 octobre 1986, de Mme Ashworth à Tour Desk One Inc. : « Pour vos clients les plus exigeants, il s’agit du parfait moyen de se détendre, de fermer les yeux et d’être dorloté à bord de la flottille de yachts à affréter la plus supérieurement luxueuse au monde. »

Lettre du 9 janvier 1987, de Mme Ashworth à Jack Haughton, d’Osler, Wills & Bickle : « La flottille Fantaseas, qu’exploite Starlight Charters Ltd., se compose des maxi-yachts à affréter les plus gros et les plus supérieurement confortables au monde, tous d’une longueur d’au moins quatre-vingts pieds. »

Lettre du 20 février 1987, à Don McLeod; Mme Ashworth a écrit : « La flottille Fantaseas, qu’exploite Starlight Charters Ltd., se compose des maxi-yachts à affréter les plus gros et les plus supérieurement confortables au monde, tous d’une longueur d’au moins quatre-vingts pieds. »

Lettre du 22 mai 1987 à une agence de voyages incitatifs; Mme Ashworth a écrit : « La flottille Fantaseas, qu’exploite Starlight Charters Ltd., se compose des maxi-yachts à affréter les plus gros et les plus supérieurement confortables au monde, tous d’une longueur d’au moins quatre-vingts pieds. Nous tirons une grande fierté de notre service personnalisé. »

[276]   L’objectif principal de Starlight Charters était de mettre en marché le stratagème frauduleux auprès d’éventuels commanditaires et de préserver l’illusion que le stratagème était légitime. Il faudrait considérer que les dépenses qu’elle a engagées n’étaient pas au profit des sociétés en commandite, mais qu’elles avaient plutôt pour but de faire durer la fraude.

(ii) Les opérations dans les Antilles

[277]   Il ressort clairement des éléments de preuve que l’ensemble des activités d’OCGC et le concept de Fantaseas a été, dès le départ, une opération sous-capitalisée. Comme il a été signalé plus tôt, je suis d’avis que les activités d’OCGC et le concept de Fantaseas présentaient toutes les caractéristiques distinctives d’une combine à la Ponzi. Sans capitaux dès le départ, il a été impossible de financer les activités de la base des Antilles. Cela comprenait les activités d’affrètement, la pierre angulaire des efforts de mise en marché, ainsi que le lieu où devait être fourni le produit mis en marché (les croisières de grand luxe).

[278]   Le succès d’une entreprise à long terme appelle d’importants frais de démarrage. Dans le cas présent, il était nécessaire de disposer d’une infrastructure pour les activités que Starlight Charters prévoyait mener dans les Antilles vu son concept, comme on l’avait promis aux sociétés en commandite. Cette infrastructure aurait inclus la base des Antilles, laquelle comprenait un bureau, une marina, des bateaux, des membres d’équipage formés, un approvisionnement et des services, de façon à pouvoir répondre à la demande prévue du marché en matière de services d’affrètement de yachts de grand luxe. La prestation des services a été un problème dès le départ à cause d’un financement insuffisant, c’est-à-dire pas de liquidités, pas même pour les aspects les plus fondamentaux du produit à livrer en réponse aux promesses faites aux sociétés en commandite. Comme il a été signalé, il y a eu quelques activités de mise en marché visant à susciter l’intérêt à l’égard du service d’affrètement de yachts de grand luxe de Starlight Charters, mais je conclus que ces activités de mise en marché n’ont pas été exécutées au profit des sociétés en commandite, mais plutôt pour faire mousser la combine à la Ponzi. Il ne s’agissait pas d’une opération de vol à la tire; il s’agissait d’une fraude à long terme qui a pris de l’ampleur au cours d’une longue période au profit de M. Bellfield, ainsi qu’au détriment à long terme des investisseurs dans les sociétés en commandite.

[279]   Selon le directeur des opérations des Antilles, M. Marcolongo, très tôt dans la mise sur pied des activités il n’y avait pas de fonds pour elles et, à quelques occasions, il n’y a pas eu de fonds du tout. Les exemples de manque de financement sont nombreux. Il n’y avait pas assez de fonds, sinon pas de fonds du tout, pour la sécurité et pour la réparation des yachts. Il était impossible de s’acquitter des obligations en matière de loyer. Il n’y avait même pas assez de fonds pour approvisionner les croisières qui allaient être offertes en contrepartie. Il n’y avait pas assez de fonds pour engager et former un équipage, acquitter les frais de marina, payer les frais de téléphone et de télécopieur et, d’après M. Marcolongo, il n’y avait même pas assez de fonds pour acheter des chaussures de voile. Il a même volé de l’électricité à un restaurant local. M. Marcolongo s’est renseigné pour voir s’il pouvait vendre une partie du matériel pour payer certaines des activités mais, en fin de compte, il a dû puiser dans ses propres fonds pour financer les activités.

[280]   Il s’agit là de la situation qui existait avant même l’acquisition du premier yacht qui est venu près de répondre aux exigences du concept de Fantaseas. Cela s’est poursuivi même après que l’on fasse l’acquisition du S/Y Garbo et que celui‑ci soit apte à prendre la mer. Il est difficile de ne pas conclure que les aspects opérationnels de Starlight Charters et du concept de Fantaseas n’étaient rien de plus que du maquillage, lorsqu’on se rend compte que les dépenses opérationnelles de base de la marina de Starlight Charters dans les Antilles, pour un yacht seulement qui ne répondait pas aux exigences du concept de Fantaseas, ne pouvaient pas être acquittées. La simple raison pour laquelle les activités menées dans les Antilles ont échoué était qu’il n’y avait ni capitaux ni financement; il n’y avait rien de ce que l’on avait promis aux investisseurs. Tout ce qu’il y avait, c’était des paiements d’intérêts et des acomptes peu élevés sur la vente de parts de société en commandite, dont le siège social d’OCGC s’est servi pour continuer ses activités frauduleuses. Cela incluait l’acquisition d’un ou plusieurs bateaux qui répondraient aux exigences du concept de Fantaseas et qui permettraient de ce fait de vendre plus de parts de sociétés en commandite et, par ricochet, de créer davantage de liquidités en vue de s’acquitter des obligations constantes de tout le stratagème frauduleux.

[281]   L’argumentation des appelants est fondée en partie sur le fait que les dépenses qu’ils ont payées à l’égard de la fourniture et du déroulement de certaines croisières faites entre 1986 et 1990 signifie qu’il devait s’agir d’une entreprise légitime. Les présumées croisières peuvent être réparties en cinq catégories. Premièrement, il semble y en avoir eu vingt-cinq en tout. Sur ces vingt-cinq, il y a eu environ cinq contreparties, c’est-à-dire des croisières offertes à la place du paiement de factures ou de dépenses engagées par OCGC. Il y a eu huit croisières d’investisseurs faites par des investisseurs dans les sociétés en commandite, à tarifs réduits. Il y a eu quatre croisières de familiarisation, visant à faire la promotion du produit. Il y a eu trois croisières qui ont été annulées en tout ou en partie parce que les clients étaient insatisfaits du produit. Cela laisse environ cinq croisières qui ont été réellement payées à ce titre sur une période de cinq ans.

[282]   Sur ces vingt-cinq croisières, il semble qu’environ quatre ont eu lieu à bord du S/Y First Impressions, deux à bord du Med 86, quinze à bord du S/Y Garbo, quatre à bord du S/Y Gable, et une à bord d’un yacht appartenant à une société en commandite française, le Demoiselle de Rochefort. Sur les croisières faites à bord du S/Y Garbo, il y a eu quatre croisières de familiarisation, deux croisières de contrepartie et quatre croisières d’investisseurs. Pour ce qui est du S/Y Gable, il y a eu environ deux croisières de contrepartie, et deux autres dont les clients ont été mécontents. À part les vingt-cinq croisières qui ont censément eu lieu, il y en a eu quatorze autres qui ont été, paraît-il, annulées. Dix ont été annulées pour des raisons techniques, des problèmes d’équipage ou des problèmes d’entretien, et deux ont été annulées par des investisseurs.

[283]   Ce qui est particulièrement frappant au sujet de l’analyse des présumées croisières et des annulations qui ont eu lieu entre 1986 et 1990, c’est qu’il n’y a pas eu de véritable amélioration au fil du temps pour ce qui est de la capacité d’assurer le service mis en marché au profit des sociétés en commandite – au contraire, la situation a simplement empiré, et ce, à un point tel qu’en 1990, il n’y a eu en fait aucune croisière et s’il y en a eu une, elle a été menée à bord d’un yacht appartenant à une société en commandite non canadienne.

[284]   Une importante majorité des croisières étaient des croisières de contrepartie, d’investisseurs ou de familiarisation. Ces croisières ont été organisées dans le but de : a) satisfaire des investisseurs de façon à en attirer davantage, et b) promouvoir le produit auprès de rédacteurs ou de personnes fournissant des services à l’entreprise, là encore dans le but d’attirer davantage d’investisseurs, ce qui mènerait à plus d’argent et, en fin de compte, à une fraude de plus grande envergure.

[285]   Beaucoup d’artifices sont nécessaires pour faire durer une fraude de cette envergure. Il fallait constamment vendre d’autres parts de sociétés en commandite pour faire durer la fraude. Pour mousser ces ventes, il était nécessaire de faire de la promotion par le bouche-à-oreille et de recourir aussi à une légitimation plus générale, en recourant à diverses parties, dont des agents de voyage. La simple participation d’un certain nombre de membres légitimes du secteur des voyages ne crée pas une véritable entreprise; M. Bellfield avait besoin de ces activités pour atteindre un certain degré de présumée légitimité. À l’instar de nombreuses autres combines à la Ponzi bien connues, cela a consisté à recourir à divers intervenants légitimes ne se doutant de rien et qui, à leur insu, ont aidé à promouvoir la fraude comme s’il s’agissait d’une opération véritable. Les dépenses qui ont été engagées pour assurer le fonctionnement des activités dans les Antilles sont des dépenses qui ont été engagées pour faire durer la fraude. Les dépenses ne constituaient pas de véritables dépenses d’entreprise qu’il était possible d’imputer, à titre de dépenses admissibles, aux sociétés en commandite.

j) Autres activités d’OCGC

[286]   La constitution d’OCGC en société en mai 1984 a été rapidement suivie de la constitution en société et de l’établissement de diverses autres entreprises. Certaines de ces entités ont fait partie intégrante d’OCGC, d’autres étaient accessoires et d’autres encore n’avaient rien à voir avec les activités centrales d’OCGC, mais elles étaient toutes des entités dont Einar Bellfield était l’âme dirigeante. Les entités liées à OCGC comprenaient les suivantes :

1)                OCG Financial Holdings Ltd. : une société de portefeuille;

2)                Overseas Credit and Guaranty (Alberta) Corporation : constituée pour déplacer des actifs immobilisés d’OCGC vers l’Alberta en vue d’obtenir un meilleur avantage fiscal;

3)                OCGC Enterprises Inc. : une entreprise dont M. Minchella était le secrétaire et le trésorier et qui a été le commanditaire initial de toutes les sociétés en commandite du type 3;

4)                Overseas Mortgage Corporation;

5)                OCG Investments Alberta;

6)                The Baron Group :

a)     Baron Securities : une entité vendant des investissements qui n’étaient pas les sociétés en commandite d’affrètement de yacht et dont les bureaux étaient situés à l’intersection de la rue Yonge et de l’avenue Finch, et non à l’adresse qu’avait OCGC sur la rue Richmond;

b)    Baron Insurance Agencies Inc.;

c)     Baron Investment Services Inc.;

d)    Baron National Securities Inc.;

7)                The American Diversified Realty Group :

a)     American Diversified Realty Fund : a vendu des parts dans un fonds immobilier dans lequel M. Minchella et son épouse détenaient des pouvoirs de signature avec M. Bellfield;

b)    American Diversified Realty Inc. : M. Minchella en était le vice-président. Il s’agissait d’une entreprise d’exploitation pour American Diversified Realty Fund;

c)     ADR Management and Construction Inc. : une entreprise qui devait superviser la construction sur un nouveau chantier;

8)                780807 Ontario Ltd.;

9)                750070 Ont. Ltd.;

10)           Starlight Group :

1)    Starlight Charters Ltd. : société ayant son siège à Toronto et établie en vue de produire et de mettre en marché le programme Fantaseas pour les sociétés en commandite d’OCGC;

2)    Starlight St. Martin S.A.R.L.;

11)           Brock Yacht Charter Inc. : l’entreprise de Jill Brock, qui a été embauchée au départ pour mener des activités de mise en marché et de consultation pour le compte de Starlight Charters mais qui, au final, a vendu l’entreprise;

12)           Maxi Yacht International Ltd. : une société créée en vue d’acquérir et de fabriquer des yachts en Ontario, et dont M. Minchella était le secrétaire-trésorier;

13)           Maxi Yacht International Inc. : une société de la Floride, chargée de réparer et d’entretenir les yachts qui étaient mis en exploitation, comme le S/Y Garbo;

14)           Superior Group :

1)    Superior Salmon Farms Limited : Einar Bellfield et son frère Jelleto ont ouvert une ferme d’élevage de saumons dans l’Est du Canada, et ont acheté du gouvernement de petits saumons à faire grandir et à vendre ensuite à profit. Les avocats qui ont œuvré pour cette entreprise particulière l’ont ensuite facturé à OCGC;

2)    Superior Cumberland Bay Limited : une filiale de Superior Salmon Farms;

15)           780315 Ontario Limited;

16)           Lauderdale Marina (1988) Ltd. : une marina achetée à Orillia (Ontario), au nom de M. Minchella, en fiducie, en 1988. Une « caravane flottante » a été achetée en 1984, a été transférée à cette société et a ensuite été louée à la marina Lauderdale;

17)           Coastal Cruisers Inc. : a exploité un bateau de croisière appartenant conjointement et à parts égales à M. Minchella et à M. Bellfield;

18)           Fabu D’Or Cuisine Incorporated : un service de commissariat qu’OCGC a censément lancé et qui devait servir à produire des aliments et des repas pour les affrètements des sociétés en commandite dans le cadre d’autres activités commerciales;

19)           Lease Invest Ltd. : une société destinée à vendre un produit financier qui consistait à investir dans des baux, par exemple pour louer à bail du matériel à Fabu D’Or, et dont M. Minchella était le secrétaire-trésorier;

20)           Marine Indemnity Fund.

[287]   Parmi toutes ces entités, seules OCGC Enterprises Inc., Starlight Charters, Maxi Yacht International Limited et Fabu D’Or Cuisine Inc. ont eu quelque chose à voir avec la vente des sociétés en commandite d’affrètement de yachts et l’établissement du stratagème des sociétés en commandite. La Cour n’a été saisie d’aucun élément de preuve dont il ressort que les autres entités avaient participé au stratagème d’affrètement de yachts de luxe. La seule participation de ces entités a été la suivante : une partie des fonds qui, d’après les appelants, ont été dépensés par OCGC pour acquérir des biens et des services pour les sociétés en commandite ont en réalité servi à acquérir des biens et des services pour ces sociétés.

[288]   Trois entreprises liées à OCGC qui ne relevaient pas du secteur de l’entreprise d’affrètement de yachts de luxe sont mises en lumière ci-après parce que les circonstances les concernant sont particulièrement éclairantes. La première, American Diversified, est digne de mention vu les constatations relevées par une décision de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario relativement à ses activités. Elle illustre également de quelle façon les biens et les services qui, d’après les appelants, ont été acquis pour les sociétés en commandite d’affrètement de yachts ont en fait servi à diverses autres entreprises de M. Bellfield. Les deuxième et troisième exemples, Lauderdale Marina et Coastal Cruises, illustrent la même situation.

(i) American Diversified

[289]   L’American Diversified Realty Fund Limited Partnership a fait l’objet d’une enquête et d’une audience menées par la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario. Les constatations de cette dernière, à savoir qu’American Diversified était un simple subterfuge, présentent de nombreuses similitudes avec les conclusions que la Cour a tirées au sujet du programme d’affrètement de yachts d’OCGC. Comme l’a bien résumé l’intimée à la page 7 de ses observations finales, la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario a tiré les conclusions suivantes :

[traduction
5. Le 5 février 1991, la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario a rendu publique sa décision concernant l’enquête et l’audience menées en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières, à l’égard d’American Diversified Realty Fund Limited Partnership, d’American Diversified Realty Inc., d’OCGC, d’OCGC Financial Holdings Ltd., d’OCGC (Alberta) Corporation, de Baron Securities Inc, d’Einar Bellfield et de Paul Brooks, imposant à tous les intimés l’interdiction d’effectuer des opérations de négociation.

6. Le 11 février 1991, le Globe and Mail a rendu compte des conclusions de l’enquête de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario au sujet d’American Diversified Realty, une entreprise dans laquelle M. Minchella avait été impliqué de près. Ce dernier croyait qu’étant donné que certains investisseurs des sociétés en commandite d’affrètement de yachts étaient également des investisseurs d’ADR, ils étaient au courant de l’enquête, des interdictions de négociation et de la fermeture d’ADR. L’article était intitulé « Real Estate Firm Shut Down for Sham Financing Scheme » [Entreprise immobilière fermée en raison d’un stratagème de financement] et, après avoir rendu compte de l’interdiction de négociation pendant huit ans imposée au principal architecte du stratagème, Einar Bellfield, il a résumé de la manière suivante les conclusions de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario concernant le stratagème de financement :

a. le stratagème faisait en sorte que les fonds tournaient en rond;

b. l’entreprise qui était censée effectuer les investissements immobiliers avait fini par détenir des billets qui n’étaient pas adossés à des actifs;

c. l’entreprise qui était censée effectuer les investissements immobiliers n’avait pas de fonds pour les réaliser;

d. les investisseurs ont fini par payer des intérêts d’un-demi pourcent sur leurs propres fonds.

(Notes de bas de page omises.)

[290]   L’American Diversified Realty Fund Limited Partnership donne un autre exemple de dépenses qui sont incluses dans la somme de 13 ou 14 millions de dollars qui, selon la prétention des appelants, aurait été affectée à des activités d’affrètement de yachts. Les paiements versés à la personne intervenant comme premier dirigeant de l’American Diversified Realty Fund Limited Partnership sont inclus dans les calculs menant à ces chiffres totaux. De plus, d’après les éléments de preuve, le travail que M. Minchella faisait en dehors du cadre des sociétés en commandite d’affrètement de yachts comprenait beaucoup de travail relatif à l’American Diversified Realty Fund effectué entre 1985 et 1989. Les paiements faits à M. Minchella sont également inclus dans la somme de 13 ou 14 millions de dollars qui, d’après les appelants, a été dépensée en vue d’établir une entreprise d’affrètement de yachts légitime. M. Minchella, comme on peut le voir dans la liste d’entreprises qui précède ainsi que dans l’exemple qui suit, a agi à de nombreux titres dans des entreprises de M. Bellfield qui n’étaient pas liées aux sociétés en commandite d’affrètement de yachts.

(ii) Lauderdale Marina et Coastal Cruisers

[291]   Lauderdale Marina est une autre entreprise d’OCGC qui n’était pas liée aux activités d’affrètement de yachts de luxe. Lauderdale Marina était liée à la société Coastal Cruisers, qu’OCGC a qualifié d’entreprise de location de « caravane flottante ». Le gestionnaire de Lauderdale Marina était Rick Crocco, l’ex‑époux de Mary Crocco.

 

[292]   Mme Crocco soutient qu’elle a travaillé à Lauderdale Marina pendant une période d’environ trois semaines, mais une partie des éléments de preuve contredit cette prétention. Il existe des éléments dont il ressort qu’elle a travaillé en vue d’obtenir une assurance pour Lauderdale Marina pendant qu’elle était au service d’OCGC. Il y a aussi des éléments dont il ressort qu’elle a travaillé relativement à la cuisine de Lauderdale Marina pendant qu’elle était au service de Fabu D’Or, et il y a des éléments dont il ressort qu’elle a aidé à obtenir un contrat de toiture pour Lauderdale Marina. Il y a eu aussi un certain nombre de fois où on a montré que la carte de crédit d’entreprise de Mme Crocco a été utilisée pour Lauderdale Marina, notamment pour la location d’une automobile à Midland, en Ontario, un repas à Gravenhurst ainsi que des dépenses de carburant. De plus, par une lettre que Mary Crocco a envoyée à tous les membres du personnel d’OCGC, Mme Crocco, sous le titre de [traduction] « directrice générale, Coastal Cruisers », informait ces derniers de s’assurer que la ligne de réservation de Coastal Cruisers reste libre.

[293]   Mme Crocco a affirmé dans son témoignage qu’elle avait consacré à Fabu D’Or 90 % de son temps de travail pour OCGC. On peut se demander si cela reflète correctement la ventilation de son temps. Il ressort des éléments de preuve que le pourcentage de temps qu’elle a consacré à des activités d’OCGC non liées aux activités d’affrètement de yachts était vraisemblablement supérieur. En fait, vu les éléments de preuve, Mme Crocco n’était pas différente d’autres employés d’OCGC, dont le temps était accaparé par divers programmes et entreprises d’OCGC, comme la mise en marché et la promotion des sociétés en commandite et, par-dessus tout, la mise au point des activités d’affrètement de yachts ou, à tout le moins, l’illusion de telles activités.

[294]   Pour ce qui est de Coastal Cruisers, il s’agit là d’un autre exemple du travail non rattaché aux sociétés en commandite d’affrètement de yachts que M. Minchella accomplissait, mais qui n’a pas été exclu des calculs relatifs à la somme de 13 ou 14 millions de dollars que les appelants disent avoir été dépensée pour établir une entreprise d’affrètement de yachts. Par exemple, M. Minchella a consacré une partie de son temps de travail à l’achat avec M. Bellfield d’une « caravane flottante » dont ils ont été conjointement propriétaires et dont Coastal Cruisers s’est servie.

H. Les dispositions législatives pertinentes et l’analyse

1. Les trois sociétés en commandite constituaient-elles une source de revenus aux termes des articles 3 et 4 de la Loi de l’impôt sur le revenu et
pouvaient-elles subir une perte aux termes de l’article 3, du paragraphe 9(2) et de l’article 96?

a) Existe-t-il une source de revenus pour l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu?

[295]   Les appelants soutiennent que leurs sociétés en commandite exploitaient une entreprise et constituaient une source de revenus aux fins de la Loi. Ils soutiennent qu’indépendamment des activités frauduleuses qu’ont perpétrées M. Bellfield et ses comparses relativement à OCGC, l’entreprise d’affrètement de yachts en soi ne constituait pas une fraude. Sur la somme d’environ 15 millions de dollars que les investisseurs ont fournie à OCGC, ajoutent-ils, une somme de 13 à 14 millions de dollars a servi à obtenir des biens et des services destinés à la création d’une entreprise d’affrètement de yachts. Comme les appelants l’ont signalé dans leurs observations finales :

[traduction
158. Dans les présents appels, les droits des sociétés en commandite, relativement à OCGC, ont été respectés, ne serait‑ce qu’en partie. Les sociétés en commandite ont conclu des contrats dans le cadre desquels elles avaient droit à divers biens et services qu’OCGC devait fournir, et elles ont reçu un grand nombre de ces biens et services, y compris la totalité de ceux qui sont décrits à l’annexe 1 ci-jointe. Autrement dit, les appelants […] ont reçu, en partie du moins, ce qu’ils s’attendaient à recevoir.

159. […] en l’espèce, les appelants faisaient partie d’une entreprise qui a fait d’importants efforts en vue de générer un profit. Il ne s’est jamais concrétisé, mais le fait que le processus a été lancé suffit. En d’autres termes, le fait que la majorité des sociétés en commandite n’ont jamais reçu de bateau n’est pas déterminant pour ce qui est de savoir si les pertes ont été engagées pendant que l’on exploitait une entreprise.

160. Des fonds importants ont été payés à des tiers sans lien de dépendance afin de commencer à établir l’infrastructure qu’exigeait l’entreprise d’affrètement de yachts.

[…]

162. Dans le même ordre d’idées, des sommes importantes ont aussi été consacrées à l’embauche et à la formation de membres du personnel en vue d’exploiter OCGC, les bureaux de Starlight Charters à Toronto, les bases de service situées à Sainte-Lucie et à Monte-Carlo, ainsi que l’usine de fabrication de yachts appartenant à OCGC, située à Rochefort, en France, en vue de la fabrication des yachts eux-mêmes. Fantaseas a été mise en marché dans le cadre de salons nautiques, dans des revues, dans des journaux ainsi qu’auprès de particuliers qui se présentaient aux bureaux de Starlight Charters à Toronto.

163. Comme il a été expliqué plus tôt, il n’existe aucun niveau de référence en matière de revenus qu’OCGC devait atteindre pour que son entreprise soit légalement reconnue. De plus, le fait que la société n’ait pas réalisé de profits importe peu pour ce qui est de déterminer si les sociétés en commandite ont été exploitées ou si l’entreprise a commencé ses activités en dépit d’agissements frauduleux.

[296]   Les appelants soutiennent également qu’il faut évaluer les sociétés en commandite en tenant pour acquis qu’elles utilisaient un modèle d’entreprise de franchisage. Les activités et l’expertise d’OCGC ont pris de l’ampleur au cours de la période en cause, et certains biens et certains services ont profité à l’ensemble des sociétés en commandite, qui, au fond, avaient négocié en vue d’obtenir essentiellement les mêmes biens et services liés à l’affrètement de yachts.

[297]   Les appelants font valoir de plus qu’il incombe à l’intimée de prouver que l’entreprise d’affrètement de yachts a été frauduleuse du début jusqu’à la fin car le ministre n’a pas formulé cette hypothèse au cours de la période de cotisation. La thèse des appelants sur cette question est que l’ARC a tout simplement conclu qu’étant donné que M. Bellfield avait commis une fraude, il s’ensuivait que les sociétés en commandite étaient une fraude elles aussi. Ils soutiennent que l’ARC n’a jamais vérifié si les sociétés en commandite exploitaient elles-mêmes une entreprise, séparée et distincte de la fraude, ou en coexistence avec cette dernière. Ils ajoutent que l’ARC n’a jamais évalué la somme de 13 ou 14 millions de dollars qui a été consacrée à l’établissement d’une entreprise d’affrètement de yachts, pas plus qu’elle n’a interrogé des tiers fournisseurs et des sous-traitants, car les autorités fiscales ont toujours soutenu que les sociétés en commandite étaient tout simplement une fraude. Cela a été fait pour cadrer avec les accusations portées au pénal contre M. Bellfield et d’autres personnes. Les appelants soulignent qu’étant donné que l’hypothèse n’a pas été formulée au moment de la cotisation, le ministre avait le fardeau de prouver qu’il y a eu fraude du début jusqu’à la fin, et il ne l’a pas fait.

[298]   L’intimée fait valoir que les sociétés en commandite ont été une fraude du début jusqu’à la fin et qu’elles ne peuvent donc pas constituer une entreprise et ne sont donc pas une source de revenus au sens de la Loi. Elle soutient qu’il ressort on ne peut plus clairement des éléments de preuve que, dès le premier jour, les appelants ont été frauduleusement incités à investir dans les sociétés en commandite en recourant à de fausses déclarations importantes, et que les sociétés en commandite n’ont jamais été rien de plus qu’une fraude pendant toute la durée de leur existence.

(i) Les dispositions législatives pertinentes

Le principe de la source

[299]   Pour l’application de la Loi, un revenu, pour qu’il soit imposable, doit être tiré d’une source[23].

[300]   L’article 9 de la Loi expose les règles de calcul permettant de déterminer ce qui constitue, pour un contribuable, un revenu ou une perte découlant d’une entreprise ou d’un bien :

9. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le revenu qu’un contribuable tire d’une entreprise ou d’un bien pour une année d’imposition est le bénéfice qu’il en tire pour cette année.

(2) […] la perte subie par un contribuable au cours d’une année d’imposition relativement à une entreprise ou à un bien est le montant de sa perte subie au cours de l’année relativement à cette entreprise ou à ce bien, calculée par l’application, avec les adaptations nécessaires, des dispositions de la présente loi afférentes au calcul du revenu tiré de cette entreprise ou de ce bien.

[301]   L’entreprise est définie de façon générale au paragraphe 248(1) de la Loi, où l’on indique simplement qu’une entreprise englobe « les professions, métiers, commerces, industries ou activités de quelque genre que ce soit et […] les projets comportant un risque ou les affaires de caractère commercial ». Cette définition exclut le revenu tiré d’une charge ou d’un emploi. Elle n’est cependant pas exhaustive et il est donc nécessaire de se reporter aussi à la jurisprudence.

[302]   A l’occasion de l’affaire Stewart, la Cour suprême a rejeté le critère de l’expectative raisonnable de profit et a retenu la définition de l’entreprise consacrée par la common law. La Cour a expliqué de la manière suivante quelles étaient les caractéristiques distinctives nécessaires pour déterminer si le contribuable a une source de revenu constituée d’une entreprise au sens de la Loi :

[50]      Il est manifeste que, pour que l’art. 9 s’applique, le contribuable doit d’abord déterminer s’il a une source de revenu constituée soit d’une entreprise, soit d’un bien. Comme nous l’avons vu, une activité commerciale qui ne constitue pas véritablement une entreprise peut néanmoins être une source de revenu constituée d’un bien. […]

[51]      Assimiler la « source de revenu » à une activité exercée « en vue de réaliser un profit » concorde avec la définition traditionnelle du mot « entreprise » qui est donnée en common law, à savoir [traduction] « tout ce qui occupe le temps, l’attention et les efforts d’un homme et qui a pour objet la réalisation d’un profit » : Smith, précité, p. 258; Terminal Dock, précité. De même, la distinction entre le revenu tiré d’une entreprise et le revenu tiré d’un bien repose généralement sur le fait qu’une entreprise exige un niveau d’activité plus élevé de la part du contribuable : voir Krishna, op. cit., p. 240. Il est donc logique de conclure qu’une activité exercée en vue de réaliser un profit, quel que soit le niveau d’activité du contribuable, sera une source de revenu constituée soit d’une entreprise, soit d’un bien.

[303]   La question qui se pose donc lorsqu’il faut rechercher s’il existe une source de revenu d’entreprise consiste à rechercher si l’activité en question est exercée en vue de réaliser un profit. S’il existe un niveau suffisant d’activité nettement commerciale, cela constitue une source de revenu d’entreprise. Si le niveau d’activité est inférieur à celui que l’on associe à une entreprise, il peut quand même s’agir d’une source de revenu tiré d’un bien. C’est l’extrait suivant, tiré de l’arrêt Stewart, qui résume le mieux la recherche qu’il convient de faire :

[61]      […] la question de savoir si l’activité exercée par un contribuable constitue une source de revenu est tranchée en se demandant si le contribuable a l’intention d’exercer cette activité en vue de réaliser un profit et s’il existe des éléments de preuve étayant cette intention. De même, lorsqu’une activité est nettement commerciale et ne comporte aucun aspect personnel, il n’est pas nécessaire d’aller plus loin. De telles activités sont des sources de revenu.

Une fraude peut-elle constituer une source de revenu ou une entreprise?

[304]   À l’occasion de l’affaire Hammill c. Canada[24], la Cour d’appel fédérale a examiné la déductibilité de dépenses que le contribuable avait payées à un commissionnaire dans le but de vendre des pierres précieuses. Le juge de la Cour canadienne de l’impôt avait conclu que ces dépenses n’étaient pas déductibles aux termes de l’alinéa 18(1)a) parce que le contribuable avait été « victime d’une fraude du début à la fin[25] » et que, dans ce contexte, on ne pouvait pas considérer que les dépenses étaient rattachées à une entreprise au sens de la Loi. La Cour canadienne de l’impôt a également conclu que les dépenses déduites n’étaient pas raisonnables dans les circonstances, au sens de l’article 67 de la Loi.

[305]   En confirmant la décision de la Cour canadienne de l’impôt, la Cour d’appel fédérale a souligné la conclusion de fait du juge de première instance selon laquelle la fraude avait commencé dès le début des activités en question. Le juge Noël, s’exprimant également au nom des juges Létourneau et Nadon, a résumé les principales conclusions de fait qui avaient été tirées au procès, dont une partie figure dans l’extrait suivant :

[26]      Au tout début de son analyse (soit aux paragraphes reproduits ci-dessous), le juge de la CCI formule une conclusion de fait qui n’a pour l’essentiel pas été contestée et qui, à mon sens, porte un coup fatal aux moyens de l’appelant touchant la première question :

[traduction
[114]    La Cour ne doute pas un instant que l’appelant a été la victime d’une fraude importante du début à la fin. Elle est convaincue que cette fraude a commencé lorsque l’appelant a été contacté au sujet des bénéfices qu’il pouvait escompter de l’achat et de la vente de pierres précieuses et qu’elle s’est poursuivie avec les efforts soi-disant déployés par les escrocs pour vendre les pierres. […]

[…]

Le juge de la CCI répète plus loin que [traduction] » [...] toute l’affaire était une fraude depuis le début » (paragraphe 127).

[Souligné dans l’original.]

[306]   La Cour d’appel fédérale a ensuite confirmé que, tant qu’il ressortait des éléments de preuve qu’il y avait eu une fraude du début jusqu’à la fin, il était impossible qu’une entreprise existe et qu’il n’y avait donc aucune source de revenus d’où des dépenses pouvaient être déduites à des fins fiscales. La Cour a observé :

[27]      Cette conclusion du juge de la CCI selon laquelle l’appelant a été la victime d’une fraude du début à la fin, si elle se révèle étayée par la preuve, est incompatible avec l’existence d’une entreprise pour l’application de la Loi. Nous n’avons pas ici affaire à un cas où la Cour devrait prendre en considération l’état d’esprit du contribuable ou l’importance d’un élément personnel pour établir si une activité donnée constitue une source de revenu sous le régime de la Loi (Stewart, précité; Tonn c. La Reine, 96 DTC 6001; etc.). Il ne s’agit pas non plus ici d’une affaire de détournement de fonds de la nature définie dans les décisions précitées Parkland Operations, Cassidy’s Limited et Agnew, ainsi que dans le bulletin d’interprétation IT-185R, où une entreprise est escroquée par un employé ou un tiers et où la question devient celle de savoir si la perte qui en résulte est suffisamment dépendante des activités productrices de revenus.

[28]      Une affaire qui s’avère frauduleuse du début à la fin (ou, si l’on veut, une « arnaque » ) ne peut donner naissance à une source de revenu du point de vue de la victime, et donc ne peut être considérée comme une entreprise, quelque définition qu’on donne de ce terme. […]

[Non souligné dans l’original.]

[307]   Dans l’année qui a suivi l’arrêt Hammill, la Cour d’appel fédérale a eu une fois de plus l’occasion de se pencher sur la déductibilité de certaines dépenses engagées dans le cadre d’une activité frauduleuse, et ce, à l’occasion de l’affaire Vankerk c. La Reine[26]. Dans cette dernière, les contribuables s’étaient prévalus de déductions relativement aux investissements qu’ils avaient faits dans des sociétés en nom collectif qui allaient faire la production d’enregistrements sonores.

[308]   Devant la Cour canadienne de l’impôt[27], les parties avaient déposé un exposé conjoint des faits qui qualifiait les sociétés en nom collectif d’entités entièrement frauduleuses. Le juge Little a résumé les principaux faits constants en ces termes :

[2]        […]
a)         en 1987, Mark Allan Eizenga et, par la suite, James Sylvester ont ourdi un stratagème en vue d’escroquer des millions de dollars au gouvernement du Canada et à des investisseurs;

b)         le stratagème comportait la création de multiples prétendues « sociétés en nom collectif » . Ces « sociétés en nom collectif » n’étaient pas de véritables sociétés en nom collectif, parce que ni M. Eizenga ni M. Sylvester, en leurs qualités de dirigeants de la commanditée, faisant affaires sous la raison sociale Advanced Business Opportunities, n’avaient l’intention d’exploiter une entreprise en commun avec les investisseurs. Messieurs Eizenga et Sylvester avaient plutôt l’intention de frauder les investisseurs et le gouvernement du Canada;

c)         Messieurs Eizenga et Sylvester, ainsi que d’autres personnes, ont déclaré aux investisseurs que les « sociétés en nom collectif » s’occuperaient de la production d’enregistrements sonores, de disques et ainsi de suite. Cette déclaration était fausse, et MM. Eizenga et Sylvester savaient qu’elle était fausse;

d)         en fait, MM. Eizenga et Sylvester, ainsi que leurs sociétés et prête-noms, empochaient simplement la plupart des sommes reçues à titre de placements effectués dans les diverses sociétés en nom collectif. Les quelques sommes que M. Eizenga, M. Sylvester et d’autres personnes n’ont pas soutirées ont servi à du camouflage destiné à montrer que des activités commerciales étaient exercées par la société en nom collectif, alors qu’en fait aucune activité n’était exercée;

e)         Messieurs Eizenga et Sylvester ont commercialisé les « sociétés en nom collectif » en tant que véhicules destinés à permettre de réaliser d’importantes économies d’impôt. Messieurs Eizenga et Sylvester ont également promu les « sociétés en nom collectif » en tant qu’entreprises de production de disques à risque élevé;

f)         une bonne partie des placements effectués dans les « sociétés en nom collectif » l’ont été au moyen d’obligations selon lesquelles il fallait verser de l’argent comptant et signer des billets, obligations qui n’étaient pas honorées ou qui ne l’étaient qu’au moment où des remboursements d’impôt étaient générés;

g)         les remboursements d’impôt en faveur des investisseurs étaient générés au moyen des états frauduleux produits par MM. Eizenga et Sylvester, ainsi que par leurs prête-noms, en vue de créer, en faveur des investisseurs, un droit apparent à la déduction de pertes et d’intérêts courus;

h)         les remboursements ainsi générés étaient ensuite transmis de nouveau à MM. Eizenga et Sylvester, ainsi qu’à leurs sociétés et prête-noms, ou ils étaient empochés par les investisseurs;

i)          le ministre a par la suite refusé les diverses déductions demandées par les investisseurs, compte tenu du fait, entre autres, que les dépenses y afférentes n’avaient pas été engagées pour produire ou tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien.

[…]

v)         aucune des prétendues sociétés en nom collectif n’exploitait l’entreprise désignée et aucune n’était capable d’exploiter l’entreprise désignée. Dans la mesure où une activité était exercée par les prétendues sociétés en nom collectif, l’activité était conçue pour camoufler le subterfuge ainsi que les intentions de M. Eizenga, de M. Sylvester et de leurs sociétés. Aucune de ces activités n’était exercée au profit des détenteurs d’unités. Au contraire, elles étaient uniquement exercées au profit de M. Eizenga, de M. Sylvester et de leurs sociétés.

[309]   Le juge Little a ensuite conclu que la seule activité associée aux « sociétés en nom collectif » était l’activité frauduleuse menée par les maîtres d’œuvre du stratagème. Il n’y avait aucune entreprise exploitée en commun ni aucune intention de réaliser un bénéfice et il n’existait donc aucune société en nom collectif valide au sens de l’article 2 de la Loi sur les sociétés en nom collectif de l’Ontario[28]. Le juge Little a fait remarquer que les parties l’avaient toutes deux admis dans l’exposé conjoint des faits.

[310]   Le juge Little a recherché si les appelants avaient participé à l’exploitation d’une entreprise au sens de la Loi, ce qui leur aurait permis de déduire leurs dépenses aux termes de l’alinéa 18(1)a). La Cour a fait remarquer, entre autres faits pertinents, que les sociétés en nom collectif n’avaient jamais vu le jour et que les montants déduits étaient fondés sur des déclarations frauduleuses que les auteurs de la fraude avaient faites. En concluant qu’il n’existait aucune entreprise, mais qu’il s’agissait plutôt d’un stratagème entièrement frauduleux, la Cour a déclaré, en partie :

[26]      Eu égard aux faits contenus dans l’exposé conjoint des faits et des faits présentés à la Cour, j’ai conclu que les dépenses qui ont été déduites n’étaient pas des dépenses au sens de l’alinéa 18(1)a) de la Loi, parce que les prétendues dépenses étaient du camouflage et qu’il s’agissait de fausses dépenses ou de dépenses fictives.

[27]      J’ai donc conclu qu’eu égard à ces faits, aucune entreprise n’était exploitée. Il s’agissait tout simplement d’un stratagème frauduleux que MM. Eizenga et Sylvester avaient ourdi.

[28]      En arrivant à cette conclusion, je me suis reporté aux décisions judiciaires suivantes :

Dans la décision Tonn et al. c. La Reine, [1996] 2 C.F. 73, 96 D.T.C. 6001, la Cour fédérale a dit qu’il doit exister une possibilité de gagner un revenu, sinon la dépense n’est pas déductible.

Dans la décision Moloney, Young, Russell et Fullard c. La Reine, no T‑1059-85, 20 janvier 1989, 89 D.T.C. 5099, la Cour fédérale a dit qu’un stratagème n’a aucune fin commerciale réelle s’il consiste seulement à transmettre des documents et déclarations d’une façon circulaire, transmission qui est uniquement générée par des déductions fiscales. (Nota - Cette décision a été confirmée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Moloney c. La Reine, no A‑73‑89, 5 octobre 1992, 92 D.T.C. 6570.

Dans l’arrêt Stewart c. Canada, [2002] 2 R.C.S. 645, la Cour suprême a dit ce qui suit, à la page 679 :

[...] la question de savoir si l’activité exercée par un contribuable constitue une source de revenu est tranchée en se demandant si le contribuable a l’intention d’exercer cette activité en vue de réaliser un profit et s’il existe des éléments de preuve étayant cette intention.

[29]      Dans ce cas-ci, aucune activité commerciale n’était exercée par l’une ou l’autre des trois sociétés en nom collectif

[Souligné dans l’original.]

[311]   Enfin, le juge Little a conclu que les frais d’intérêts de 280 087 $ et de 344 003 $ que chacun des appelants avaient déduits, respectivement, étaient fondés sur des montants payés pour de « prétendus billets[29] ». Les dépenses n’étaient pas déductibles au sens de l’alinéa 20(1)c) de la Loi parce qu’il ne ressortait d’aucun élément de preuve que les intérêts avaient été réellement payés, et qu’il n’existait aucune entreprise rattachée aux frais d’intérêts déduits, ainsi que l’exigeait l’alinéa 20(1)c). Enfin, le juge Little a conclu qu’aux termes de l’article 67 de la Loi, les pertes déduites n’étaient pas raisonnables dans les circonstances :

[35]      Dans ce cas-ci, Willem Vankerk a versé un montant de 92 275 $ et a déduit des pertes s’élevant à 899 066 $, plus des intérêts d’un montant de 344 004 $. Elsbeth Vankerk a versé un montant de 109 650 $ et a déduit des pertes s’élevant à 750 060 $, plus des intérêts d’un montant de 280 087 $. L’écart entre le montant qui a été versé en espèces par rapport aux pertes qui ont été déduites n’est pas raisonnable dans les circonstances.

[312]   En confirmant en appel la décision du juge Little, la Cour d’appel fédérale a fait remarquer qu’il n’était pas controversé entre les parties que toutes que les appelants avaient été victimes de fraude. La juge Sharlow, s’exprimant en son nom personnel ainsi qu’au nom des juges Evans et Malone, a ensuite souligné que le fait important était qu’il n’existait aucune entreprise et que, dans un tel cas, il ne pouvait y avoir aucune dépense d’entreprise déductible. La juge Sharlow a observé, en partie :

[2]        Il n’est pas contesté que les appelants ont été victimes de fraude, et qu’aucune des présumées sociétés de personnes n’a exploité d’entreprise. Il n’existe que quelques traces de documents fictifs qui avaient été créés par Mark Allan Eizenga et James Sylvester pour faire croire que les sociétés de personnes existaient et qu’elles avaient des dépenses d’entreprises, alors qu’en fait tout ceci était faux. Les appelants soutiennent qu’ils croyaient honnêtement avoir investi dans des sociétés de personnes qui exploitaient des entreprises, qu’on leur avait présenté des plans d’entreprise qui semblaient raisonnables, et qu’ils s’étaient fiés raisonnablement à des avocats, à des experts-comptables, à des conseillers en placement et à des banquiers qui étaient dignes de confiance. Ils soutiennent aussi qu’ils sont d’innocentes victimes d’un stratagème visant à les frauder, ainsi qu’à frauder le gouvernement du Canada, et qu’il serait injuste qu’ils aient à supporter l’ensemble des pertes.

[3]        Ces arguments ne sont pas pertinents. Il ne s’agit pas d’une affaire où la déductibilité des pertes peut être légitimée par des preuves que les appelants ont agi avec la prudence nécessaire. Il ne s’agit pas du cas d’une entreprise qui a essuyé des pertes parce qu’elle était mal conçue ou mal gérée, et où le fisc met en doute le sens des affaires d’un contribuable. Il s’agit d’une affaire où, en fait, il n’y avait pas d’entreprise. Il n’y avait pas de dépenses d’entreprises. Il n’y a aucun fondement factuel pour les déductions que demandaient les appelants. Les appels seront rejetés avec dépens.

[Non souligné dans l’original.]

[313]   Après les arrêts Vankerk et Hammill de la Cour d’appel fédérale, un certain nombre de décisions ont repris le principe juridique portant que si le contribuable est victime d’une fraude du début jusqu’à la fin, ses dépenses ne peuvent pas être déduites parce qu’il n’existe aucune source au sens de la Loi. Par exemple, à l’occasion de l’affaire Lefebvre c. La Reine[30], la juge Lamarre a observé que les dépenses servant à financer un stratagème fiscal n’étaient pas déductibles au sens de la Loi. La Cour a conclu, notamment, que les pertes locatives en question n’étaient pas déductibles parce qu’elles se rapportaient à des dépenses que l’on n’avait jamais engagées en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien, mais qui avaient plutôt servi à financer le stratagème. Comme elle l’a observé :

[9]        De plus, le remboursement d’impôt remis à monsieur Avard ne peut être une dépense déductible non plus pour les appelants, telle que le réclame leur représentant. Le montant ainsi remis par les appelants à monsieur Avard n’a pas servi à tirer un revenu de bien; il a servi à financer le stratagème fiscal organisé par monsieur Avard. Une telle dépense ne peut être déductible même si les appelants ont été victimes d’une fraude fiscale (voir Vankerk c. The Queen, 2006 FCA 96, [2006] F.C.J. No. 371 (QL)).

[314]   Autre exemple, à l’occasion de l’affaire Heppner c. La Reine[31], la juge Woods a cité le principe selon lequel les pertes ne peuvent pas être déduites si elles constituent des sommes qui ont été payées et perdues dans le cadre d’un stratagème frauduleux :

[4]        Selon la thèse de la Couronne, il n’existe aucune source de revenu de laquelle l’appelant pourrait déduire une somme puisque l’argent a été perdu dans le cadre d’un stratagème frauduleux.

[5]        Le principe juridique qu’invoque la Couronne n’est pas en litige, et il a été énoncé par la Cour d’appel fédérale dans plusieurs arrêts récents : Hammill c. The Queen, 2005 D.T.C. 5397, Vankerk c. Canada, [2006] 3 C.T.C. 53, et The Queen c. Nunn, 2007 D.T.C. 5111.

La juge Woods a ensuite conclu qu’il ressortait des éléments de preuve que les opérations tout entières étaient un subterfuge et que, de ce fait, sans lien suffisant entre une entreprise véritable et les pertes déduites, les pertes n’étaient pas déductibles.

 

La coexistence d’une fraude et d’une entreprise

[315]   Les appelants soutiennent que même s’il est conclu qu’il y a eu fraude, il est possible qu’une fraude et une entreprise coexistent et que cela constitue quand même une source. Des exemples clés de la jurisprudence qu’invoquent les appelants à l’appui de cet argument sont examinés ci-après, et les motifs par lesquels la Cour est arrivée à sa conclusion sont soulignés.

[316]   À l’occasion de l’affaire Agnew c. La Reine[32], le juge O’Connor a entendu des appels représentatifs d’environ 138 appels de la part de contribuables dont les investissements étaient structurés de manière quasi-identique. Le promoteur des investissements avantageux sur le plan fiscal, de même que le prestataire de services dans le cadre de la possibilité d’investissement, avaient détourné des fonds. Malgré ces détournements, le juge O’Connor a accueilli les appels des contribuables parce que, vu les éléments de preuve,  l’on pouvait conclure en l’existence d’une activité commerciale suffisante. La Cour a résumé les principaux motifs pour lesquels elle faisait droit aux appels :

[123]    À mon avis, les appels doivent être admis, avec dépens, et ce, pour les raisons principales suivantes :

1)   Il est clair qu’une activité commerciale était exercée. Des embryons étaient achetés, importés et implantés dans des vaches porteuses en vue de produire des veaux dont la qualité de la viande serait la même que dans le cas des donneurs des embryons. L’ensemble de la preuve indique que, n’eussent été les détournements de fonds, le plan aurait réussi.

2)   Il y avait une ferme en exploitation, où des activités étaient exercées. Les activités peuvent ne pas avoir été d’aussi grande envergure que ce qui était prévu dans le ME, mais il est indubitable qu’elles ont été exercées.

3)   Les investisseurs se sont fiés aux protagonistes du projet, à savoir M. Kennedy, qui était un avocat ayant une bonne réputation, Ernst & Young, les Coles, M. Costello, qui était un conseiller financier bien connu et par qui le plan était proposé, et AIC. Quoique le rôle de ces diverses personnes et entités puisse ne pas avoir été aussi important qu’il aurait dû l’être, il semble que les investisseurs aient été impressionnés par ces personnes et entités. Il est en outre avéré qu’au moins M. Watters a fait des recherches approfondies sur le concept et qu’il s’est renseigné auprès de divers organismes dont même M. Betteridge disait que c’était les organismes auxquels il convenait de s’adresser pour avoir des renseignements. M. Watters avait apparemment déterminé au début que le placement n’était pas intéressant pour lui, mais, par la suite, il a changé d’idée et est allé de l’avant.

4)   Les appelants ont payé leur placement avec leur argent. Bien qu’ils aient emprunté cet argent à la Compagnie Trust National, ils ont donné en garantie leur maison ou d’autres actifs. Ils utilisaient donc en fait leurs propres actifs / fonds pour faire le placement.

5)   L’opération devait être effectuée sans aucun financement de la part de la société en commandite ou de la part des sociétés de capitaux devant ultérieurement jouer un rôle.

6)   Le plan a été exécuté à long terme, était vaste et approfondi et incluait huit contrats importants. Il a attiré 135 investisseurs. Ce n’était pas un plan douteux.

7)   Il est bien établi que le désir d’obtenir un avantage fiscal ou une perte aux fins de l’impôt ne stigmatise pas automatiquement le placement et n’en fait pas simplement un plan d’évasion fiscale, bien qu’une entreprise ait été envisagée.

8)   Et, facteur très important, il n’y avait pas d’élément personnel quant au placement. Dans l’arrêt Stewart c. Canada, [2002] A.C.S. n° 46, soit une décision de la Cour suprême du Canada rendue après l’audition des présents appels, une analyse approfondie du concept d’attente raisonnable de profit est effectuée.

[Non souligné dans l’original.]

[317]   Comme l’illustrent les extraits qui précèdent, le juge de première instance a accordé une importance considérable à l’existence d’une activité commerciale qui, n’eût été des détournements de fonds, aurait mené à une entreprise fructueuse. De plus, la Cour canadienne de l’impôt a aussi souligné, entre autres facteurs, l’existence d’installations opérationnelles où les activités se déroulaient, le fait que les appelants avaient fourni des fonds garantis par leurs propres biens ainsi que le fait que la société en commandite ou les sociétés de capitaux ne devaient offrir aucun financement.

[318]   Dans l’affaire Hayter c. Canada[33], l’appelant avait investi dans un programme comportant l’achat d’un nombre élevé d’ordinateurs portables qui allaient être ensuite revendus. En fin de compte, les ordinateurs portables n’ont pas été livrés et le contribuable a été victime de fraude. La Cour canadienne de l’impôt a rejeté la thèse du ministre portant qu’il n’existait aucune entreprise, et la Cour a souligné que même si les ordinateurs portables n’avaient jamais été livrés, ils avaient quand même été achetés. Le juge Pizzitelli a opéré une distinction entre les faits de l’affaire Hayter et ceux de l’affaire Vankerk :

[27]      L’intimée a pris la position selon laquelle, étant donné que l’opération n’a jamais été menée à bonne fin, c’est‑à‑dire que les ordinateurs portatifs n’ont jamais été livrés, cela prouve qu’il n’y avait pas d’entreprise, et elle invoque l’arrêt Vankerk c. Canada, 2006 CAF 96, [2006] 3 C.T.C. 53 (C.A.F.). Toutefois, dans cette dernière affaire, les investisseurs avaient acheté des unités de sociétés de personnes qui, selon ce qui a été conclu, n’avaient pas exercé d’activités commerciales, et les deux individus qui avaient ourdi un stratagème en vue de frauder les investisseurs et le gouvernement en sollicitant des fonds pour de fausses sociétés de personnes avaient détourné les fonds investis. Au paragraphe 3 de ses motifs, la juge Sharlow s’est exprimée en ces termes :

3          […] Il s’agit d’une affaire où, en fait, il n’y avait pas d’entreprise. Il n’y avait pas de dépenses d’entreprise. Il n’y a aucun fondement factuel pour les déductions que demandaient les appelants. […]

[28]      En l’espèce, on n’a pas utilisé les fonds pour les investir dans une soi-disant société de personnes existante. Il n’y avait aucune société de personnes à laquelle SCQ et les personnes dirigeant SCQ participaient. Les fonds ont été avancés à un associé dans une coentreprise, qui a versé ces fonds en vue d’acquérir des ordinateurs portatifs, mais qui n’a pas détourné les fonds.

[319]   Le juge Pizzitelli a ensuite opéré une autre distinction entre les faits dont il était saisi et ceux d’une autre affaire, Kleinfelder c. The Minister of National Revenue[34]. Il a insisté sur le fait que, dans le cas de l’investissement dans les ordinateurs portables, contrairement au stratagème d’investissement dont il était question dans l’affaire Kleinfelder, les fonds avaient servi à l’achat du bien qui était au cœur même du stratagème d’investissement, tandis que, dans l’affaire Kleinfelder, les automobiles n’avaient jamais été achetées. Et d’ajouter la Cour canadienne de l’impôt :

[29]      L’intimée a également invoqué la décision Kleinfelder c. The Minister of National Revenue, 91 DTC 913, dans laquelle l’appelant, qui s’occupait de l’achat et de la vente d’immeubles, avait accepté de participer à une coentreprise avec une autre personne et avait avancé des fonds en vue de lancer une entreprise dans le cadre de laquelle on devait acheter des voitures de marque Mercedes de successions et les revendre en faisant un bénéfice, ce bénéfice devant être partagé moitié‑moitié. Au paragraphe 28, le juge Hamlyn a affirmé ce qui suit :

28        L’opération d’achat des automobiles n’a jamais eu lieu, leur vente ne s’est jamais réalisée et les éléments de preuve portant sur la façon dont l’entreprise devait concrètement être exploitée sont vagues et imprécis. L’injection de capitaux qu’a effectuée l’appelant visait à lancer l’entreprise, mais cette opération commerciale n’a jamais vu le jour. L’argent n’a pas été dépensé par la société dans le but de gagner ou de produire un revenu parce que l’autre associé, M. Gee, a mal employé les fonds.

[30]      La décision Kleinfelder est un précédent qui peut être écarté puisque, dans la présente affaire, les fonds qui ont été avancés à la coentreprise visaient en fait à payer le prix d’achat des ordinateurs portatifs et que M. Solleveld ne s’était pas approprié les fonds. La coentreprise a de fait pris toutes les mesures voulues pour s’acquitter de ses obligations en vue d’acquérir les ordinateurs portatifs, et seuls le vendeur ou ses dirigeants s’étaient approprié les fonds. Certaines lettres et certaines ententes montraient également les conditions de l’achat, bien que celles‑ci eussent de temps en temps changé par suite du stratagème du vendeur de soutirer un prix d’achat de plus en plus élevé.

[Non souligné dans l’original.]

[320]   Dans l’affaire Johnston c. Canada[35], le contribuable avait déduit des pertes de plus de 230 000 $ relativement aux tentatives qu’il avait faites pour lancer une entreprise d’affrètement de yachts dans les îles Vierges. Dans la présente affaire, les appelants soulignent que [traduction] « les efforts déployés par l’appelant dans l’affaire Johnston paraissent bien dérisoires par rapport aux activités qu’OCGC a entreprises pour le compte des sociétés en commandite[36]. » Cependant, dans l’affaire Johnston, il a été conclu que le contribuable était un témoin digne de foi qui avait acheté un yacht et signé un contrat de gestion d’affrètement avec une société des îles Vierges, entre autres efforts importants. Le juge Bell a rejeté la thèse du ministre portant que l’appelant n’avait aucune expectative raisonnable de profit et il a conclu que le contribuable avait déployé de sérieux efforts et avait été victime des circonstances. En concluant que les pertes étaient déductibles, la Cour a observé :

[26] L’appelant était un témoin tout à fait crédible. J’accepte son témoignage. L’appelant était et continue à être un entrepreneur pour qui il faut créer des entreprises commerciales et les poursuivre, ou les abandonner si on n’est pas convaincu qu’elles seront fructueuses. La preuve étaye l’existence de cet esprit d’entreprise et de cette activité d’entrepreneur. Elle fait nettement état du succès de l’appelant dans la création et le maintien de la Custom.

[27] On imagine difficilement que l’appelant aurait pu faire plus pour s’assurer que son examen du domaine de l’exploitation de yachts dans lequel il cherchait à se lancer a été non seulement raisonnable, mais profond. La preuve indique clairement qu’il a consulté des spécialistes concernant le bateau et le type d’exploitation, et qu’il s’est adressé à des personnes expérimentées pour de l’aide sur d’autres questions. Le fait qu’il a eu des difficultés dans un milieu où on semblait non seulement faire fi de l’éthique commerciale, mais commettre des actes frauduleux, ne milite pas contre son sens des affaires. Il a éprouvé des difficultés d’origine humaine et naturelle qui n’avaient pas été prévisibles. On pourrait dire qu’il a été extrêmement malchanceux en ce qui a trait à plusieurs des événements décrits précédemment. Toutefois, il est clair dans mon esprit que cet homme s’est lancé dans l’affrètement de yachts pour parvenir à en faire une activité rentable. La réponse à l’avis d’appel a dit qu’avant de se lancer dans cette activité, l’appelant n’avait [traduction] « établi aucun plan d’entreprise pour déterminer si cette entreprise serait rentable » . Il est clair que cette déclaration est inexacte, comme l’ont manifestement démontré la preuve présentée par l’appelant et les aveux faits par le vérificateur du ministère du Revenu.

[Non souligné dans l’original.]

L’arrêt Johnson de la Cour d’appel fédérale

[321]   A l’occasion de l’affaire Canada c. Johnson[37], la Cour d’appel fédérale a récemment eu l’occasion de réexaminer le traitement fiscal approprié en matière de fraude. Mme Johnson avait investi dans ce qui s’était révélé être une combine à la Ponzi. Cependant, contrairement à un grand nombre des autres investisseurs, elle avait tiré profit de son investissement sans savoir que le produit qu’elle touchait découlait des fonds qu’avaient fournis de nombreux autres investisseurs qui, en fin de compte, les avaient perdus. La Cour canadienne de l’impôt a conclu que le revenu n’était pas imposable entre ses mains parce que, selon la jurisprudence Hammill, un stratagème frauduleux ne pouvait pas constituer une source de revenus. 

[322]   La décision de la juge Woods a été infirmée en appel. La Cour d’appel fédérale a conclu qu’étant donné que les droits contractuels de Mme Johnson avaient été respectés, son revenu constituait une source, indépendamment du fait que les fonds qu’elle avait reçus venaient d’autres investisseurs, et sans égard à la question de savoir si elle était au courant de la source des fonds. En concluant que le revenu de Mme Johnson était imposable, la juge Sharlow, s’exprimant en son nom personnel ainsi qu’au nom du juge en chef Blais et de la juge Trudel, a discuté la jurisprudence Hammill et a ensuite exposé en détail dans quelles circonstances une combine à la Ponzi (ou une « fraude pyramidale ») peut quand même donner lieu à une source de revenus, signalant notamment :

[43]      Je ne conteste pas l’idée selon laquelle une fraude pyramidale consiste à brasser de l’argent et qu’elle s’écroulera à un moment donné. Cependant, aux fins de l’impôt sur le revenu, le revenu est calculé sur une base annuelle, et non par rapport à la durée de vie d’une entreprise. Une fraude pyramidale peut très bien être une source de revenu pour des participants pendant une partie de sa durée. La présente affaire en fait une démonstration. Hypothétiquement, si Mme Johnson avait fait ses paiements à M. Lech en sachant qu’il utiliserait les fonds pour diriger une fraude pyramidale, elle en aurait bénéficié exactement de la même manière qu’elle l’a fait durant les années en cause dans le présent appel, soit 2002 et 2003.

[…]

[46]      La thèse de Mme Johnson pose problème à deux égards. Premièrement, son raisonnement part d’une erreur en ce qui a trait au fondement sur lequel elle a été imposée, c’est‑à‑dire non pas parce qu’elle a innocemment bénéficié d’une fraude pyramidale, mais bien parce qu’elle a conclu une série d’ententes avec M. Lech pour tirer un bénéfice de ses investissements avec lui, et qu’elle a reçu ce qu’elle attendait. Le fait que M. Lech l’ait payée grâce aux produits d’une fraude pyramidale est dépourvu de pertinence.

[47]      La deuxième difficulté vient de ce que la thèse de Mme Johnson est fondée sur une incompréhension du régime législatif régissant le calcul du revenu aux fins de l’impôt sur le revenu. La question de savoir si une fraude pyramidale constitue une source de revenu pour une personne en particulier, innocente ou pas, doit être examinée à la lumière des faits qui la concernent. En principe, la personne qui participe à une fraude pyramidale, soit comme comploteur principal soit en association avec d’autres, peut être mêlée à une activité reconnue aux fins de l’impôt sur le revenu comme une entreprise, même si elle s’avère illégale. Cette personne est imposable sur tous les bénéfices tirés de la fraude pyramidale et pourra, selon les circonstances particulières de l’affaire, être autorisée à déduire les pertes afférentes.

[48]      Il se peut très bien que la victime d’une fraude pyramidale ne soit pas en mesure de réclamer d’allégement fiscal pour les pertes qu’elle a subies, par exemple dans des circonstances analogues à celles de l’affaire Hammill c. Canada, 2005 CAF 252. M. Hammill avait été amené à acheter des pierres précieuses en vue d’une revente ultérieure et s’est retrouvé avec un inventaire important. Lorsqu’il a décidé qu’il était temps de les vendre, il a remis une somme d’argent substantielle à une personne qui avait promis de faciliter la vente. Cette promesse n’a jamais été tenue et les pierres précieuses ont été volées. M. Hammill a réclamé une déduction pour les montants payés en vue de faciliter la vente, car cette dépense devait servir à vendre ses pierres précieuses avec profit. Cependant, il a été établi au moment du procès que M. Hammill avait été victime d’une fraude qui a débuté à partir du moment où on l’a contacté pour lui parler des bénéfices liés à l’achat et à la vente de pierres précieuses, et qui s’est poursuivie par les soi‑disant efforts des responsables pour les vendre. La Cour a confirmé que ses dépenses n’étaient pas déductibles, car elles ne se rapportaient à aucune source de revenu – ou, en d’autres termes, il n’y avait en fait pas d’entreprise même si M. Hammill croyait honnêtement le contraire. Le juge Noël, s’exprimant au nom de la Cour, a résumé de la manière suivante sa conclusion au paragraphe 28 des motifs :

Une affaire qui s’avère frauduleuse du début à la fin (ou, si l’on veut, une « arnaque ») ne peut donner naissance à une source de revenu du point de vue de la victime, et donc ne peut être considérée comme une entreprise, quelque définition qu’on donne de ce terme.

[49]      Cependant, le principe en vertu duquel M. Hammill ne pouvait pas réclamer d’allégement fiscal pour les pertes qu’il avait subies ne s’applique pas à la situation de Mme Johnson. Les faits sont totalement différents, non pas parce que Mme Johnson a tiré un bénéfice des opérations conclues avec M. Lech, mais parce que ses droits contractuels ont été respectés. D’un point de vue juridique, le fait que M. Lech ait utilisé les produits de sa fraude pyramidale illégale pour financer les bénéfices que le contrat l’obligeait à verser à Mme Johnson n’est pas pertinent quant à l’impact fiscal de leurs opérations.

[Non souligné dans l’original.]

[323]   Comme l’enseigne la jurisprudence Johnson, la question de savoir si une combine à la Ponzi donne lieu à une source de revenus est une question que l’on tranche au vu des faits qui sont propres à l’affaire, pour chacune des années d’imposition en question. Le simple fait que l’on tire un revenu d’une combine à la Ponzi, soit sciemment soit à son insu, n’exclut pas l’existence d’une source. Par ailleurs, le contribuable qui exploite avec succès une combine à la Ponzi gagne vraisemblablement un revenu, quoique de façon illégale, à partir des activités frauduleuses qu’il commet. La clé, selon la Cour d’appel fédérale, est de rechercher si les droits contractuels du contribuable ont été respectés, et si le contribuable a reçu ce qu’il s’attendait à obtenir.

La définition de la fraude

[324]   Aux fins des présents motifs, il est utile de faire référence à plusieurs définitions de la fraude. Selon le Black’s Law Dictionary, la fraude est : 

[traduction]

1)    Une déformation de la vérité ou une dissimulation d’un fait important, faites en toute connaissance de cause et visant à inciter une autre personne à agir à son détriment […].

2)    Une fausse déclaration faite de manière insouciante et sans croire en sa vérité, en vue d’inciter une autre personne à agir.

3)    Un délit découlant d’une fausse déclaration faite sciemment, de la dissimulation d’un fait important ou d’une fausse déclaration faite de manière insouciante, en vue d’inciter une autre personne à agir à son détriment […].

4)    Une opération inique, surtout en droit des contrats […][38].

[325]   Le Dictionary of Canadian Law définit la fraude de la manière suivante : [traduction] « [l]es éléments essentiels de la fraude sont la malhonnêteté, ce qui peut inclure la non-communication de faits importants, ainsi que la privation ou le risque de privation […][39]. »

[326]   Selon le Black’s Law Dictionary, une déclaration frauduleuse (fraudulent misrepresentation) est :

[traduction
Une fausse déclaration que l’on sait être fausse ou qui est faite d’une façon insouciante – sans savoir ou sans se soucier de savoir si elle est véridique ou fausse – et qui vise à inciter une partie à s’y fier à son détriment […][40].

[327]   L’intimée invoque également un certain nombre de décisions jurisprudentielles qui consacrent une définition de la fraude en matière civile. En voici des extraits :

[traduction
599. Les éléments constitutifs de la fraude civile ont été énoncés pour la première fois à l’occasion de l’affaire Pasley c. Freeman; ils ont été intégrés au droit canadien en 1909 par la décision du Conseil privé rendue à l’occasion de l’affaire United Shoe Machinery et résumés succinctement par la Cour d’appel de l’Alberta par l’arrêt Kelemen c. El-Homeira :

1) il doit y avoir une fausse présentation de faits;

2) la présentation doit être faite en sachant qu’elle est fausse;

3) elle doit être faite dans l’intention que le demandeur y donne suite […] d’une manière qui lui cause préjudice;

4) il doit être prouvé que le demandeur a agi en se fondant sur les faux énoncés et que, ce faisant, il a subi un préjudice.

600. La source, dans le droit anglais, du deuxième élément est la jurisprudence Derry c. Peek; à l’ occasion de cette affaire, l’on a opéré une distinction entre la déclaration inexacte faite par négligence (qui ne donnait lieu à nul recours à l’époque) et le critère plus rigoureux de la déclaration inexacte frauduleuse, qui constitue le délit de tromperie :

[…] la fraude est prouvée lorsqu’il est démontré qu’une fausse déclaration a été faite : 1) sciemment, 2) sans la croire vraie ou 3) inconsidérément, sans se soucier qu’elle soit véridique ou fausse.

601. La jurisprudence Derry c. Peek a été suivie et appliquée par la jurisprudence canadienne, tout récemment par la Cour suprême du Canada à l’occasion de l’affaire BG Checo International Ltd., qui a également réitéré qu’une déclaration inexacte frauduleuse pouvait faire l’objet d’une action parallèle en matières délictuelle et contractuelle[41].

[328]   A l’occasion de l’affaire Motkoski Holdings Ltd. c. Yellowhead (County)[42], la Cour d’appel de l’Alberta a fait référence à certains des extraits que l’intimée a cités en résumant de la manière suivante la définition de la fraude :

[traduction
[57]      La définition juridique de la fraude est bien fixée : Derry c. Peek (1889), 14 A.C. 337; BG Checo International Ltd. c. British Columbia Hydro and Power Authority1993 CanLII 145 (CSC), [1993] 1 R.C.S. 12, aux p. 22, 54, 74-75; TWT Enterprises Ltd. c. Westgreen Developments 1992 ABCA 211 (CanLII), (1992), 3 Alta. L.R. (3d) 124, 127 A.R. 353 (C.A.). Cette définition comporte deux volets, qui reposent sur la conclusion qu’un énoncé faux ou inexact a été fait. Selon le premier volet, la fraude est constituée si le défendeur « savait » que l’énoncé était faux, et s’il l’a fait en sachant que le demandeur s’y fierait, ou en ayant l’intention que ce soit le cas.

[58]      Selon le second volet, il suffit que le demandeur ne savait pas réellement que l’énoncé était faux, pour autant que cet énoncé ait été fait avec insouciance. « Avec insouciance » dans ce contexte signifie que l’énoncé a été fait « sans se soucier qu’il soit véridique ou faux ». « Avec insouciance » ne veut pas seulement dire que l’énoncé a été fait avec « très grande négligence », pas plus qu’il n’a été fait dans un contexte hautement risqué, de façon à améliorer les chances qu’une personne se fie à cet énoncé à son détriment. Comme l’a fait remarquer lord Herschell à l’occasion de l’affaire Derry c. Peek, à la p. 375 : « faire une fausse déclaration par manque de diligence n’équivaut pas à une fraude et en est même très différent, et l’on peut en dire autant d’une fausse déclaration à laquelle on a ajouté foi honnêtement mais pour des motifs insuffisants ». Selon ni l’un ni l’autre de ces deux volets du critère  est-il suffisant que le défendeur « aurait dû connaître » la vérité, ou aurait dû être plus prudent et se renseigner davantage; il est nécessaire d’avoir une connaissance réelle de la vérité ou de faire preuve d’une réelle indifférence à l’égard de cette dernière.

(ii) L’analyse

Une fraude du début à la fin

[329]         Je conclus que l’entreprise d’affrètement de yachts d’OCGC a constitué une opération frauduleuse du début à la fin et que, pendant toute cette période, les droits contractuels des investisseurs n’ont pas été respectés. Cela dit, conformément à l’enseignement des arrêts de la Cour d’appel fédérale Johnson et Hammill, cette entreprise ne peut pas donner naissance à une source de revenus pour les appelants et elle ne peut pas être considérée comme une entreprise, quelle que soit la définition que l’on emploie. Les appelants font valoir que le fardeau relatif à certaines hypothèses repose sur les épaules de l’intimée. Il n’est toutefois pas nécessaire que la Cour se livre à une analyse complexe pour rechercher qui a le fardeau de prouver ou de réfuter toute hypothèse selon laquelle les sociétés en commandite ont été une fraude du début à la fin. Si le fardeau incombait aux appelants, ils ne sont pas parvenus à s’en acquitter, et si le fardeau incombait à l’intimée, elle a prouvé selon la prépondérance des probabilités que les droits contractuels des investisseurs n’ont pas été respectés et que les sociétés en commandite ont constitué une fraude d’un bout à l’autre.

[330]         Il ressort des éléments de preuve que, conformément aux définitions de la fraude qui ont été énoncées plus tôt, l’entreprise d’affrètement de yachts d’OCGC constituait un stratagème frauduleux. Dès le départ, M. Bellfield et OCGC ont incité les investisseurs à souscrire des parts des sociétés en commandite en faisant sciemment de fausses déclarations concernant de multiples faits importants. Pendant toutes les années d’imposition en question, M. Bellfield et OCGC ont fait des déclarations frauduleuses concernant la situation de l’entreprise d’affrètement de yachts, la disponibilité de capitaux et l’accès à du financement, le nombre de yachts en voie de fabrication, de même que les dates de livraison de ces derniers. Toutes les interactions d’OCGC étaient entachées de malhonnêteté, depuis la relation d’OCGC avec les investisseurs jusqu’à ses relations avec les professionnels et les tierces parties. Ces fausses déclarations se retrouvent dans un large éventail d’activités et de documents d’OCGC, dont les documents de promotion relatifs à l’affrètement de yachts, les certificats et les déclarations faites aux investisseurs, aux experts-comptables et aux juristes, les renseignements fournis aux banques, les bulletins distribués aux investisseurs, les états financiers sur lesquels les investisseurs se sont fondés pour demander la déduction de leurs pertes, les renseignements fournis à l’ARC et, plus important encore, dès le départ, les notices d’offre. Nous n’avons pas affaire ici à une situation dans laquelle une entreprise s’est transformée en une fraude au fil du temps – la fraude existait déjà au moment où les notices d’offre ont été conçues.

[331]         OCGC, à titre de vendeur des parts de société en commandite et à titre de commandité des 36 sociétés en commandite, ainsi que M. Bellfield à titre d’unique actionnaire, administrateur et président d’OCGC, exerçaient le contrôle complet sur tous les aspects du stratagème et, de manière persistante et à maintes reprises, ils ont fait de fausses déclarations importantes. Ces faussetés étaient d’une telle importance qu’elles soit au cœur même des obligations contractuelles d’OCGC envers les parties qui avaient affaire à la société, ce qui inclut les engagements pris envers les investisseurs et les fabricants de yachts, de même que les affirmations faites à des juristes et à des experts-comptables.

Le montant des fonds dépensés

[332]         Le simple fait que l’on ait dépensé un montant considérable d’argent n’est pas surprenant vu l’énormité du stratagème, qui a attiré au départ plus de 600 investisseurs. Il a fallu recourir à bien des artifices pour poursuivre une fraude d’une telle envergure visant des particuliers ayant une valeur nette élevée et créant censément une entreprise d’affrètement de yachts de luxe qui se situait à l’extrémité supérieure d’un marché d’affrètement auquel personne n’avait encore eu accès. En réalité, le fait de dépenser une bonne part des fonds obtenus des investisseurs en vue de donner l’illusion d’une entreprise fructueuse est la caractéristique distinctive d’une combine à la Ponzi.

[333]         De plus, il ne ressort pas des éléments de preuve que la somme mentionnée de 13 ou 14 millions de dollars a en fait été affectée aux activités se rapportant expressément à une entreprise d’affrètement de yachts. Une partie de ces fonds a été consacrée à des activités d’OCGC qui étaient sans rapport avec les sociétés en commandite, comme les paiements faits à des employés qui travaillaient aussi dans le cadre d’autres entreprises d’OCGC. OCGC a dépensé la majeure partie de ces fonds pour assurer la mise en marché et la promotion des sociétés en commandite à titre de possibilités d’investissement servant d’abri fiscal et pour créer les artifices qui étaient nécessaires pour atteindre cet objectif. Ces dépenses n’ont pas été engagées en vue d’établir une entreprise d’affrètement de yachts mais plutôt pour faire durer la fraude. M. Bellfield s’est servi d’autres parties des fonds pour son profit personnel, ce qui inclut le transfert du titre de propriété du S/Y First Impressions d’OCGC à Tina Bellfield.

[334]   Le fait d’avoir aménagé des bureaux et des locaux professionnels en vue d’impressionner les investisseurs ou celui d’utiliser les mêmes présentations pour les investisseurs font tous partie du décor planté pour faire durer une combine à la Ponzi. Tout le concept de Fantaseas faisait partie du contexte factuel sans cesse grandissant qui était nécessaire pour attirer des investisseurs et les convaincre d’adhérer à la combine fiscale que M. Bellfield présentait et vendait. Cela comprenait l’établissement d’activités dans les Antilles, l’établissement d’installations de fabrication, dont des prototypes, l’établissement du concept du commissariat hôtelier ainsi que les activités promotionnelles. Par ailleurs, les tentatives faites pour faire appel à des personnes importantes dans le cadre d’activités promotionnelles ont été menées dans le but de préserver l’illusion de légitimité. En voici quelques exemples : a) Sparkman & Stephens pour la conception des yachts; b) des fabricants de yachts tels que M. Dufour, chez Maxi Yacht, Chantier Yacht France et Dynamique; c) Jacques Pépin, en tant que concepteur et créateur de menus (contre son gré, à un certain point); d) faire baptiser le S/Y Gable par le prince Albert de Monaco. M. Bellfield s’est servi de professionnels pour mettre au point des états financiers et des prospectus frauduleux, le tout dans le but d’acquérir une apparence de légitimité. La plupart de ces professionnels se sont fait prendre par tout le concept parce qu’ils touchaient des honoraires professionnels et des commissions sur la vente de parts dans les sociétés en commandite.

[335]   Comme il a été expliqué plus tôt au moment de signaler les nombreuses fausses déclarations d’OCGC, il aurait fallu avoir en main une somme d’au moins 16 millions de dollars ne serait-ce que pour acheter les yachts promis aux seize sociétés en commandite avant la fin de 1985. Il aurait fallu un montant additionnel d’au moins 20 millions de dollars pour payer les yachts dus aux sociétés en commandite restantes dans lesquelles des parts avaient été achetées, soit une somme totale de 36 millions de dollars juste pour l’achat des yachts. Ce chiffre n’inclut pas les frais indirects liés à l’achat des yachts. Plus important encore, cette estimation de 36 millions de dollars n’inclut pas les millions de dollars qu’il aurait fallu obtenir pour établir, mettre en marché et gérer l’entreprise d’affrètement de yachts véritable qu’OCGC promettait. L’ampleur de la fraude qui a été perpétrée dans la présente affaire était telle que le nombre de yachts réellement livrés et de croisières réellement effectuées est remarquablement négligeable en comparaison. Au vu des éléments de preuve versés aux débats, il est indiscutable que la part des 13 ou 14 millions de dollars qui ont été réellement affectés à des activités rattachées aux sociétés en commandite n’a rien été de plus que des fonds consacrés à une opération de camouflage complexe visant à faire durer la fraude.

[336]   Les appelants déclarent que l’ampleur même des dépenses signifie nécessairement que les sociétés en commandite avaient atteint le stade où elles exploitaient une entreprise. Je regrette d’avoir à me répéter, mais il ne s’agissait pas d’un vol à la tire; il s’agissait d’une combine à la Ponzi, complexe, planifiée et bien orchestrée, dont la taille et la portée ont pris de l’ampleur au fur et à mesure que plus de personnes ont été dupées par l’illusion de la légitimité des activités d’OCGC. Il est indubitable que, un jour ou l’autre, la combine à la Ponzi se serait effondrée, mais les fonds dépensés étaient nécessaires pour que M. Bellfield maintienne l’illusion de légitimité. Si ces fonds n’avaient pas été dépensés, cette illusion se serait rapidement dissipée et la combine à la Ponzi se serait effondrée.

M. Bellfield a tiré profit de la fraude

[337]   Certains fonds ne peuvent pas être retracés, mais il semble raisonnable de conclure, vu les éléments de preuve, que M. Bellfield s’en est approprié une partie pour son propre profit. Par exemple, le S/Y Garbo a été vendu dans le cadre du financement de Maxi Yachts International, qui construisait trois bateaux pour OCGC, le S/Y Gable, le Demoiselle et le Rocco Jr. Aucun de ces trois yachts n’a jamais été acquis par une société en commandite canadienne. Selon l’affidavit de Michel Dufour, deux des yachts, le Demoiselle et le Rocco Jr, ont été vendus à des sociétés en commandite françaises. Par suite de la vente, OCGC France a touché des commissions d’environ 10 000 000 FF. M. Dufour déclare de plus que M. Bellfield, à titre d’actionnaire majoritaire, contrôlait directement ou indirectement OCGC France et que la plupart des fonds utilisés pour fabriquer le Demoiselle et le Rocco Jr provenaient d’OCGC à Toronto. M. Dufour n’a jamais été contre-interrogé sur ses déclarations parce qu’il est décédé, mais je conclus qu’elles étaient suffisamment fiables et qu’il était nécessaire de les admettre au procès sous forme d’affidavit, selon l’exception de principe à la règle du ouï-dire. Pour ce qui est de la déposition de M. Dufour, je suis d’avis qu’elle est fiable et qu’elle a une valeur probante. Premièrement, elle a été faite sur bande magnétoscopique, deuxièmement, elle a été faite sous affirmation solennelle et, troisièmement, M. Dufour n’avait aucune raison ni aucun motif apparents de faire une déposition moins que véridique. De plus, il faisait partie intégrante de la présumée fabrication des yachts correspondant au concept de Fantaseas, et il était certainement bien placé pour s’exprimer sur les questions soulevées lors de son témoignage. Ce dernier semble être corroboré jusqu’à un certain point par les éléments de preuve qui on été versés aux débats, quoique de manière accessoire ou indirecte. Cela dit, je retiens le témoignage de M. Dufour sur les rapports qu’il a eus avec M. Bellfield et OCGC et sur les activités de Maxi Yacht. Aucun élément de preuve en sens contraire n’a été présentée au sujet d’éléments quelconques de sa déposition que les appelants auraient pu mettre en doute, plus particulièrement au sujet de la destination de leurs fonds.

[338]   Les appelants soutiennent que M. Bellfield devait avoir eu l’intention qu’une partie au moins de l’entreprise soit véritable, parce qu’il avait dépensé la quasi-totalité des fonds fournis par les investisseurs et en avait affecté une bonne part à des activités liées aux sociétés en commandite. De fausses déclarations importantes, répétées et persistantes, de même que le défaut de s’acquitter d’obligations contractuelles, ne cessent pas d’être qualifiés de fraude simplement parce que le stratagème n’a pas laissé au fraudeur beaucoup d’argent en poche après que celui-ci eut payé la totalité des dépenses nécessaires pour faire durer sa fraude. Il ressort clairement aussi des éléments de preuve que diverses obligations contractuelles assumées avec des tiers dans le but de maintenir l’illusion de l’existence d’une entreprise d’affrètement de yachts ont été entreprises sans qu’il soit tenu compte des coûts ni de la capacité à long terme de payer. Il est évident que, dans la présente affaire, M. Bellfield espérait probablement que le stratagème dure nettement plus longtemps que cela n’a été le cas.

[339]   Il ne s’agit sûrement pas ici de l’histoire d’un homme d’affaires qui avait une grande vision et dont les échecs l’ont amené à perpétrer quelques actes frauduleux tout en persistant à bâtir une entreprise véritable. Les fausses déclarations faites au début sont trop importantes; les faussetés trop constantes et prépondérantes. M. Bellfield a été un fraudeur depuis le début.

M. Bellfield était un « cerveau »

[340]   M. Bellfield s’est servi de sa personnalité, de ses aptitudes à la communication et de sa capacité de convaincre. Il a échangé des faveurs avec les avocats, les comptables, les promoteurs et les notables en vue de créer cette illusion. Après que M. Bellfield eut créé les fondations nécessaires à l’établissement des sociétés en commandite et attiré les personnes qui avaient les ressources nécessaires pour attirer les investisseurs, c’est-à-dire les comptables, les avocats et les personnes telles que Me Franklin, le stratagème a commencé à se perpétuer de lui‑même grâce au caractère attrayant de l’investissement à titre de combine fiscale.

[341]   Selon les appelants, entre 1984 et 1991, M. Bellfield a employé au moins 68 personnes, exclusion faite des entrepreneurs indépendants et des personnes externes, au coût de 1,6 million de dollars. Il a été reconnu que certaines de ces personnes étaient chargées d’autres intérêts d’OCGC, mais les appelants soutiennent que la majorité de ces personnes avaient pour fonction de créer l’entreprise d’entreprise d’affrètement de yachts de luxe. Je conclus que le modus operandi de M. Bellfield avait consisté à commettre une fraude du début jusqu’à la fin. Cette fraude a commencé avec deux seules personnes : M. Bellfield et son épouse Tina. Plus tard, elle a inclus M. Minchella et la belle-sœur de M. Bellfield, Ester Palmer. Il y a eu au fil du temps une augmentation du nombre de sociétés en commandite mises en marché, du nombre de sociétés en commandite établies, du nombre d’investisseurs qui ont souscrit les parts, du nombre de promesses faites et d’engagements pris, et de l’étendue des activités qui devaient être menées. Tout cela a créé le besoin d’accroître les effectifs. Certains membres du personnel ont pris conscience de la nature frauduleuse des activités et n’ont plus voulu être impliqués, comme M. LeGlatin et M. Garthson. D’autres n’ont pas été en mesure de reconnaître qu’il s’agissait d’une fraude, soit en raison de leur manque d’expérience professionnelle, soit en raison des liens étroits qu’ils entretenaient avec M. Bellfield. Il ne fait nul doute que les témoins qui avaient l’impression que l’entreprise était véritable y croyaient fermement mais, malheureusement, ils ont été amenés par duperie à prendre part à une illusion créée par M. Bellfield. L’entreprise tout entière a été une fraude dès le départ.

[342]   Einar Bellfield était passé maître dans l’art de la supercherie et de la manipulation. Il ressort clairement, des éléments de preuve que nul autre que lui-même et, à terme, M. Minchella, étaient tout à fait au courant de la portée et de l’ampleur de la combine à la Ponzi qui était perpétrée. M. Bellfield prenait grand soin de s’assurer que les employés et les associés d’OCGC travaillent isolément, et il appliquait le principe du besoin de connaître aux affaires d’OCGC. Presque tous les employés œuvraient dans leur propre sphère d’activités professionnelles, sans connaître les activités des autres. Par exemple, Ester Palmer était principalement chargée de la mise en marché et de la promotion. M. Dufour se concentrait sur la conception et la fabrication des yachts. M. Marcolongo était essentiellement chargé des activités dans les Antilles. Jack Moles devait acquérir et adapter les yachts correspondant au concept de Fantaseas. M. LeGlatin faisait à peu près le même travail que M. Moles, mais dans le contexte européen. Les seules personnes qui collaboraient réellement étaient certains membres de l’équipe de mise en marché : Ester Palmer, Stephen Leibtag, David Martin et Rose Ashworth, et eux-mêmes ne collaboraient pas tous en même temps. Du côté du « commissariat hôtelier », il y avait Dorothy Louie et Mary Crocco. Du côté de la vente de parts dans les sociétés en commandite, il y avait notamment David Franklin et Peter Browning. Aucune de ces personnes ne savait grand-chose des activités des autres. Seul M. Bellfield savait comment les pièces du casse-tête s’emboîtaient, et il s’est assuré que cet isolement se poursuive jusqu’à la toute fin. Même dans le cas de son propre bras droit, M. Minchella, il l’a tenu dans l’ignorance, à coups de mensonges et de tromperies.

Les thèses concernant le comportement de l’ARC

[343]   Pendant toute la durée du procès, les appelants ont fait maints sous-entendus au sujet de divers comportements insistants ou inappropriés de la part de fonctionnaires de l’ARC. Ma mission ne consiste pas à apprécier la conduite de l’ARC, mais plutôt à rechercher si les dépenses dont la déduction a été demandée et dont il est question dans les présents appels sont légitimes. Il n’est pas question ici d’une poursuite au pénal. Comme il a été observé à l’occasion de l’affaire Ereiser c. Canada[43] :

[31]      […] la mission de la Cour canadienne de l’impôt lors d’un appel dirigé contre une cotisation d’impôt sur le revenu consistait à déterminer la validité et le bien-fondé de la cotisation en fonction des dispositions applicables de la Loi de l’impôt sur le revenu et des faits donnant lieu à l’obligation du contribuable prévue par la loi. En toute logique, la conduite du fonctionnaire du fisc qui autorise l’établissement d’une cotisation n’est pas pertinente pour déterminer cette obligation prévue par la loi. Il est évident que la conduite fautive d’un fonctionnaire du fisc n’est pas pertinente quant à la détermination de la validité ou du bien-fondé de la cotisation.

[344]   Comme il a été signalé, la combine à la Ponzi tout entière allait inévitablement s’effondrer. La conduite ou l’intervention de l’ARC n’a pas transformé cette combine – une fraude du début à la fin – en une entreprise véritable. L’intervention a simplement soulevé le voile qui dissimulait la nature générale de la fraude.

Le manque de capitaux et d’accès à des capitaux

[345]   En ce qui concerne le manque de capitaux ou d’accès aux capitaux, les appelants ont fait valoir qu’OCGC aurait pu hypothéquer les yachts pour obtenir des fonds additionnels. Plusieurs autres personnes ont témoigné en ce sens. OCGC aurait peut-être pu disposer de ce droit, mais celui-ci était sérieusement limité. La simple existence du droit d’hypothéquer les yachts à titre de commandité ne change rien aux nombreuses fausses déclarations qu’OCGC a faites à de multiples parties, à savoir qu’elle disposait de capitaux et qu’elle avait accès à des capitaux. De plus, il n’était possible d’hypothéquer le yacht d’une société en commandite que si cette mesure était au mieux des intérêts de la société en commandite. Les associés ne pouvaient pas vendre un yacht sans une résolution spéciale. Il ne ressort pas des éléments de preuve que les sociétés en commandite avaient un intérêt quelconque à ce que l’on hypothèque leurs yachts. Leur intérêt était qu’un yacht soit livré et opérationnel et qu’une entreprise d’affrètement de yachts soit constituée afin que l’on puisse offrir des croisières. Les intérêts fiscaux des investisseurs découlaient également de la livraison des yachts pour qu’ils puissent commencer à se prévaloir de déductions pour amortissement et que les dépenses soient facturées aux sociétés en commandite, afin qu’ils puissent commencer à bénéficier des avantages fiscaux.

[346]   Aucun élément de preuve n’a été produit sur la possibilité d’hypothéquer ou de vendre des yachts en vue d’avoir accès à des capitaux d’une manière qui aurait été avantageuse pour les sociétés en commandite. Par exemple, lorsque le S/Y Garbo a été vendu pour financer un fabricant de yachts français, aucun renseignement n’a été présenté à la Société en commandite S/Y Garbo au sujet de la vente, et le produit de celle-ci n’a pas été affecté au bénéfice de la société en commandite. Cette dernière n’a pas autorisé la vente ou la disposition de la totalité ou de la quasi-totalité des éléments d’actif de la société en commandite, c’est-à-dire le yacht, par la voie d’une résolution spéciale de la société en commandite, comme l’exigeait le contrat de société en commandite. Le S/Y Garbo a été vendu parce que OCGC avait encore une fois besoin de capitaux pour s’acquitter de ses obligations, soit la livraison de yachts aux sociétés en commandite, et la société manquait de fonds. La source de fonds se limitait aux paiements d’intérêt entrants et aux petits acomptes des investisseurs. OCGC a vendu le S/Y Garbo à un fabricant de yachts français dans son empressement pour financer un effort visant à faire durer le stratagème. De plus, seuls trois yachts ont été réellement construits, et au moins l’un d’eux ne convenait pas aux fins d’affrètement. Le fait d’hypothéquer les quelques yachts qui existaient n’aurait pas fait grand-chose pour combler le manque fondamental de capitaux d’OCGC.

L’analyse des présumés « indices d’une entreprise »

[347]   Les appelants se sont concentrés sur les indices d’une entreprise, et ils ont soutenu avec force que vu la présence de tels indices, qui ont pris de l’ampleur au fil du temps, ils étaient [traduction] « en affaires et [ont] continué de l’être pendant toutes les années visées par l’appel ». Pris isolément, cet argument est très solide. Cependant, il ne résiste pas à l’examen.

[348]   Pour pouvoir faire durer ce stratagème frauduleux à long terme, il fallait mettre en place les indices d’une entreprise, les présenter et les préserver en vue de donner une impression de légitimité. La perception de légitimité et l’attrait fiscal ont intéressé d’innocents investisseurs et ont rapporté à M. Bellfield une somme de plus de 460 000 $ par mois environ en liquidités. Une grande partie des indices d’une entreprise qui ont existé ont été de courte durée. Par exemple, à part M. Minchella et des membres de la famille, tous les employés d’OCGC étaient des employés à court terme, qui ont été au service d’OCGC pendant une période de six mois à un an. Pour le reste des spécialistes, l’histoire a été la même : changer de cabinets comptables et juridiques, ou utiliser un cabinet pour une transaction et un autre pour une transaction différente, de façon à ce que personne ne sache réellement ce qui se passait. Presque tous les contrats d’acquisition ou de construction de yachts ont été catastrophiques, sauf en ce qui concerne le S/Y Gable, et aucun d’eux n’a résulté en la transmission du titre de propriété d’un yacht à l’une quelconque des trente-six sociétés en commandite.

[349]   La légitimité exigeait la présence d’une société en première ligne : OCGC. Elle exigeait une notice d’offre, mais une notice d’offre exempte de fausses déclarations frauduleuses. Il n’y avait aucune étude de faisabilité initiale, pas d’évaluation de marché, pas de préparation professionnelle d’une notice d’offre et aucune capitalisation. Ce sont là tous les éléments qu’OCGC avait déclaré avoir en main lorsqu’elle avait signé des contrats avec des investisseurs. Tous les efforts déployés pour établir une entreprise d’affrètement de yachts ne pouvaient aller plus loin en l’absence d’un produit.

[350]   La somme de 13 ou 14 millions de dollars semble élevée, et elle l’est, mais pas tant que cela lorsqu’on la considère au regard de l’ampleur de cette fraude. Il y a eu trente-six sociétés en commandite souscrites, capitalisées à hauteur d’environ 2,5 millions de dollars chacune, ce qui représente une capitalisation totale de 90 millions de dollars. Au 31 décembre 1985, des engagements avaient été pris en vue de la livraison de seize yachts à un prix minimum d’un million de dollars chacun. Avant cette date, aucun yacht n’avait été construit et il avait fallu attendre plus d’un an et demi avant qu’un seul yacht soit même disponible en vue d’un affrètement. Pour que la fraude puisse se poursuivre, pour continuer d’attirer des investisseurs et pour préserver le flux de liquidités qui, à un moment ou à un autre, s’élevait à au moins 460 000 $ par mois, il fallait dépenser de l’argent pour donner l’illusion qu’il existait une entreprise légitime.

[351]   À mesure que le temps avançait, il allait falloir dépenser plus d’argent pour poursuivre l’illusion, mais les fonds dont on disposait n’étaient pas suffisants. Là encore, OCGC a eu besoin d’au moins 16 millions de dollars ne serait-ce que pour fabriquer les seize yachts promis aux seize premières sociétés en commandite avant le 31 décembre 1985, et ce, sans tenir compte des millions de dollars qu’il aurait fallu pour établir et tenir un siège social pour une véritable entreprise d’affrètement de yachts, lancer des activités de mise en marché et de publicité en vue de vendre le produit, répondre aux exigences comptables et juridiques, payer les commissions, former un effectif complet pour la présumée flottille de trente-six yachts, bâtir un véritable commissariat hôtelier fonctionnel, et ainsi de suite. Les monocoques allaient être construits en France et les catamarans à Picton. Tout cela devait être fait sans un seul sou de capitalisation au départ, et sans aucune capitalisation ou aucun financement à quelque moment que ce soit, à l’exception des acomptes en espèces et des paiements d’intérêts mensuels versés par les investisseurs.

[352]   Les indices d’une entreprise dont parlent les appelants sont simplement les activités de maquillage qui ont été nécessaires pour perpétrer la fraude du début jusqu’à la fin auprès de tous ceux avec lesquels M. Bellfield entrait en contact. Il n’existe aucun élément de preuve tendant à établir l’intention d’exploiter une activité quelconque dans un but lucratif, comme l’a exigé la Cour suprême du Canada par la jurisprudence Stewart. Les fait de la présente espèce ne sont pas semblables à ceux des affaires déférées à la Cour canadienne de l’impôt qui ont été mentionnées précédemment dans les décisions Johnston c. Canada[44] et Agnew c. La Reine[45], dans lesquelles on avait entrepris des activités d’entreprise véritables suffisantes. La présente affaire ressemble davantage à l’affaire Vankeerk. Dans cette dernière, un exposé conjoint des faits établissait la nature frauduleuse du stratagème et le fait que les sociétés en commandite n’étaient pas véritables. En l’espèce, la nature frauduleuse du stratagème tout entier est établie par les faits exposés dans les nombreux exemples de fausses déclarations qui précèdent.

OCGC présentait les caractéristiques distinctives d’une combine à la Ponzi

[353]   Outre la révélation de l’existence d’une fraude du début jusqu’à la fin, il ressort ainsi des éléments de preuve que l’investissement fait dans l’opération d’affrètement de yachts d’OCGC était bel et bien une combine à la Ponzi, qui présentait les caractéristiques essentielles et distinctives d’un tel stratagème.

[354]   La planification et la mise sur pied de l’entreprise d’affrètement de yachts – qu’il s’agisse d’une idée ou d’un investissement nouveau, entrepreneurial ou assimilable à une entreprise – ont été sous-capitalisées et sous-financées depuis la constitution en société d’OCGC, en mai 1984. En fait, j’irais jusqu’à dire que cette entreprise n’a jamais été financée et qu’elle n’a jamais été capitalisée.

[355]   Le Black’s Law Dictionary définit une combine à la Ponzi (Ponzi scheme) de la manière suivante :

[traduction
Un programme de placement frauduleux dans lequel les fonds que contribuent des investisseurs ultérieurs génèrent des dividendes ou des rendements artificiellement élevés pour les investisseurs initiaux, et dont l’exemple attire des placements encore plus importants. Les fonds des nouveaux investisseurs servent directement à rembourser ou à payer des intérêts aux investisseurs antérieurs, habituellement sans aucune activité productrice de revenus autre que la souscription continue de fonds nouveaux. Cette combine tire son nom de Charles Ponzi qui, à la fin des années 1920, a été reconnu coupable de programmes frauduleux qu’il avait orchestrés à Boston[46].

[356]   Même si l’entreprise d’affrètement de yachts était une combine à la Ponzi modifiée, en ce sens qu’il s’agissait d’une combine à la Ponzi ayant pour objet de donner l’illusion de pertes fiscales importantes plutôt que l’illusion de rendements élevés, il s’agissait quand même d’une combine à la Ponzi. Les fonds des investisseurs constituaient la seule source de fonds, et ils n’ont pas servi à payer des rendements ou à rembourser les investisseurs antérieurs, mais plutôt à maintenir l’illusion de l’existence d’une entreprise de façon à ce que des investisseurs continuent d’y souscrire, attirés par la possibilité de demander la déduction de pertes considérables à des fins fiscales sans avoir à investir de fonds élevés. À l’instar de la plupart des combines à la Ponzi, l’entreprise d’affrètement de yachts n’a jamais eu accès à des capitaux et n’a jamais consisté en de véritables opérations ou activités productrices de revenus, hormis celles qui étaient nécessaires pour établir la façade qui préserverait une apparence de légitimité.

[357]   Je me reporte au mémoire des faits et du droit de l’intimée, aux paragraphes 82 à 92, qui corrobore, au moyen des références qui y figurent, le fait que la seule source de revenus pour les entreprises d’affrètement de yachts était les paiements d’intérêts mensuels des investisseurs ainsi que les acomptes minimes de certains d’entre eux :

[traduction

82. M. Minchella a soutenu qu’il était entendu dès le début que la fabrication des bateaux serait financée au moyen des paiements d’intérêts des investisseurs.

83. M. Bellfield a pu payer Dynamique pour le yacht Garbo de la société en commandite de 1984 le 4 avril 1986 parce qu’il avait touché les fonds des investisseurs de 1985 qui avaient envoyé leur argent à la fin de décembre 1985 et au cours des quelques premiers mois suivant cet achat, et les achats additionnels dépendaient du succès des efforts de mise en marché et de vente.

90. M. Minchella a déclaré qu’une autre source de fonds pour la construction du Gable par Maxi Yachts a été une hypothèque qui a grevé le Garbo après qu’OCGC a vendu le Garbo à Maxi Yachts. Il a reconnu que les fonds de l’une des sociétés en commandite avaient dû servir à répondre aux promesses faites à une autre société en commandite, mais il a soutenu qu’OCGC avait le droit d’hypothéquer les bateaux.

91. M. Minchella a soutenu que ce sont les défauts de paiement relatifs aux sociétés en commandite de 1986, qui représentaient environ 70 % de toutes les créances d’OCGC, qui ont empêché les sociétés en commandite de 1985 d’obtenir leurs yachts.

92. En fait, les défaillances des investisseurs, dans les années ultérieures, n’ont rien eu à voir avec le fait qu’OCGC n’honore pas son engagement envers même une société en commandite de 1985. OCGC s’était engagée dans les notices d’offre à construire et à livrer en 1985 des yachts aux sociétés en commandite de 1985. Ce sont la combine à la Ponzi de M. Bellfield et son manque de capitaux dès le départ qui expliquent pourquoi OCGC n’a pas pu s’acquitter de ses engagements en 1985, et non les faits qui sont survenus après coup.

[358]   Au cours des témoignages rendus au procès, lors du contre-interrogatoire de John Garthson, les options de financement dont disposait OCGC ont été examinées. Elles comprenaient ce qui suit :

1)    un financement accordé par le vendeur;

2)   une institution de prêts avançant des fonds aux investisseurs, qui s’en serviraient ensuite pour acheter les parts;

3)   la mise en gage de billets à ordre d’investisseurs auprès d’une institution financière;

4)   l’obtention d’un financement d’un tiers pour la fourniture de biens et de services;

5)   l’obligation, prise par le fabricant, de financer les travaux de construction en attendant la vente des yachts;

6)   une combinaison des options 1 à 5;

7)   l’autofinancement, par OCGC, de la fabrication des yachts en se fondant sur les paiements d’intérêts reçus des investisseurs, et l’hypothèque sur les yachts.

[359]   Il ne pouvait y avoir aucun financement accordé par le vendeur parce que ce dernier était OCGC et qu’il ressort des éléments de preuve que celle-ci n’a jamais eu accès à un financement, pas plus qu’elle n’aurait pu raisonnablement s’attendre à bénéficier d’un tel accès. OCGC n’avait pas la solvabilité requise pour :

a)  un financement accordé par le vendeur;

b)  un financement d’un tiers.

Les fabricants ne pouvaient pas assumer l’obligation de financer les travaux de fabrication parce qu’OCGC ne s’était jamais acquittée de ses obligations financières envers les fabricants, ou parce que ceux‑ci avaient été mis sous séquestre. Les fabricants, au final, appartenaient essentiellement, en tout ou en partie, à M. Bellfield. Les institutions de prêt pouvaient avancer des fonds aux prêteurs pour l’achat de parts, mais il s’agissait là d’un processus qui serait établi au cas par cas. Les banques ne pouvaient pas assurer un financement à OCGC. Au lieu de cela, les banques ont invité OCGC à orienter les investisseurs vers elles à cette fin. De plus, nul élément de preuve ne porte que des billets à ordre ont été mis en gage auprès d’institutions financières, mais il ressort de certains éléments que des tentatives avaient été faites pour obtenir un financement auprès d’institutions financières, ce qui s’était révélé en grande partie infructueux.

[360]   Il ressort des éléments de preuve qu’aucune des mesures qui précèdent n’a été prise, sauf : a) les paiements d’intérêts mensuels des investisseurs, et b) la vente du S/Y Garbo, qui n’a servi qu’à la fin limitée de financer Maxi Yacht International. Le résultat incontournable est qu’il n’y a eu aucun financement. Toute tentative en vue d’obtenir du financement par l’entremise d’institutions financières véritables a été un échec, tout au plus, et les autres présumées tentatives de financement n’ont été faites que sur papier, auprès d’entreprises que M. Bellfield contrôlaient.

[361]   Je suis d’avis que, dès le départ, le programme tout entier a été une fraude commise à l’endroit des appelants et d’autres investisseurs et, en fin de compte, envers l’ARC. Un aspect crucial de la perpétration d’une fraude de l’ampleur de celle qu’a commise M. Bellfield, et d’autres de concert avec lui, consistait à avoir de son côté des investisseurs innocents. Comment M. Bellfield y est-il parvenu? En prenant trois mesures classiques dans une fraude de cette nature :

1)  la création d’un produit attrayant aux yeux d’un marché cible;

2)  des déclarations et la prise d’engagements auprès d’investisseurs du marché cible en vue de gagner leur confiance et d’obtenir un investissement de leur part;

3)  la conclusion des relations contractuelles avec des investisseurs afin de garantir un flux ininterrompu de fonds.

Il a ensuite répété ces trois mesures à de très nombreuses reprises auprès d’investisseurs nouveaux, innocents et pleins d’espoir.

[362]   L’examen des éléments de preuve versés aux débats révèle clairement tout ce qui précède :

1)  une preuve de la nature d’un produit et de son attrait aux yeux d’investisseurs naïfs, pleins d’espoir et innocents, que l’on pourrait même considérer comme cupides, c’est-à-dire les notices d’offre;

2)  une preuve de déclarations et d’engagements auprès d’éventuels investisseurs naïfs, pleins d’espoir et innocents. Les déclarations et les engagements sont un incitatif fondamental à l’établissement d’une relation contractuelle avec les investisseurs, c’est-à-dire de faux documents fournis avant la signature d’une entente et au moment de cette dernière;

3)  la preuve d’une relation contractuelle créée avec chaque investisseur particulier au moyen de tous les documents appropriés, afin d’établir ce qui pourrait paraît être à première vue une relation contractuelle solide mais qui, essentiellement, n’est que de la poudre aux yeux pour un jeu de mascarade auprès de tous les investisseurs et de tous ceux qui seraient susceptibles de poser des questions ou de vérifier l’authenticité du programme, c’est-à-dire tous les documents relatifs aux souscriptions;

4)  une preuve des aspects financiers de chaque société en commandite, c’est-à-dire les pertes subies par chacune et la façon dont ces pertes ont été présentées dans les sociétés en commandite. Les états des pertes ont ensuite servi à demander la déduction de pertes, comme dans les états financiers et les documents connexes;

5)  la mise en circulation d’informations à l’intention des investisseurs et du grand public ainsi que la création d’indices d’une entreprise légitime pour chaque société en commandite, c’est-à-dire la façade que représentaient Starlight Charters et le commissariat hôtelier;

6)  la création et la diffusion de renseignements sur l’exclusivité du produit et sur la bonne occasion qu’il représente pour le marché cible. Cela comprenait des renseignements destinés à susciter l’enthousiasme d’investisseurs innocents, comme le caractère luxueux des croisières sous des cieux ensoleillés, avec de somptueux repas et des logements ultramodernes, le tout sans risques financiers pour les investisseurs et avec d’attrayants rendements en espèces grâce à une combine fiscale.

[363]   La preuve des fausses déclarations qui a été présentée au procès a été suffisante pour me convaincre de tout ce qui précède. Le volume des preuves est à ce point accablant, abondant et non-contredit que lorsqu’on examine les éléments dans leur ensemble, on ne peut faire autrement que de conclure qu’il s’agissait là d’une fraude du début jusqu’à la fin, perpétrée par un « cerveau », M. Bellfield. Il n’a eu aucun scrupule à duper le public, les investisseurs, l’ARC, sa propre équipe et d’autres personnes, dans le cadre des efforts qu’il déployait pour favoriser ses propres intérêts personnels et ceux des membres de sa famille. Il n’y a pas eu d’entreprise véritable et je conclus donc que les appelants n’ont aucune source de revenus qui leur permet de déduire des dépenses ou des pertes.

b) Les sociétés en commandite étaient-elles de véritables sociétés exploitant une entreprise en commun en vue de réaliser un bénéfice?

[364]   L’intimée soutient que les sociétés en commandite ne constituaient pas de véritables sociétés en commandite parce qu’elles faisaient simplement partie d’une fraude perpétrée sur le dos des investisseurs. Elle affirme qu’il n’y a eu aucun objectif commun d’exploiter une entreprise avec les investisseurs, disant à la page 218 de ses observations finales :

[traduction
695 […] l’on ne saurait conclure vu les éléments de preuve versés aux débats que la S/Y Garbo, la Midnight Kiss ou la Close Encounters étaient des « sociétés en commandite » authentiques. Pendant qu’elle exploitait une entreprise frauduleuse aux dépens des investisseurs, OCGC n’exploitait pas une entreprise en commun avec ces derniers.

[Souligné dans l’original.]

[365]   Les appelants affirment que les sociétés en commandite exploitaient bel et bien une entreprise d’affrètement de yachts, dans le cadre de laquelle on avait prévu d’importants coûts de démarrage. Ils soulignent que même si un yacht n’a pas été livré au final et même si l’entreprise n’a pas été fructueuse, d’autres biens et services payés avec une partie de la somme de 13 à 14 millions de dollars qui a été dépensée avaient trait à l’entreprise d’affrètement de yachts. Ils ajoutent que le ministre ou la Cour n’ont pas à apprécier après coup le sens des affaires des contribuables, mais simplement à évaluer si l’on est en présence d’un nombre suffisant d’indices de commercialité.

[366]   Les appelants font valoir que, pour rechercher si les sociétés en commandite exploitaient une entreprise, l’examen doit porter principalement sur les sociétés en commandite elles-mêmes, plutôt que sur d’autres relations dans lesquelles de la fraude ou de fausses déclarations étaient présentes. Ils affirment que l’examen ne doit pas porter non plus sur la relation entre OCGC et l’ARC relativement aux impôts d’OCGC, relation dans le cadre de laquelle OCGC a commis une fraude en vue de se soustraire à une dette fiscale considérable. Les appelants affirment de plus que l’examen ne doit pas non plus être concentré sur la relation entre OCGC à titre de vendeur et les investisseurs à titre d’acheteurs de parts dans les sociétés en commandite, relation dans laquelle diverses fausses déclarations ont été faites dans le cadre des transactions de vente. Les appelants soutiennent que la seule question pertinente est plutôt celle de savoir si les sociétés en commandite présentaient suffisamment d’indices de l’existence d’une entreprise pour démontrer qu’elles étaient des entreprises véritables. À la page 30 de leurs observations finales, les appelants soutiennent que la Cour doit se concentrer sur ce qui suit :

[traduction
74. Pour rechercher si les sociétés en commandite exploitaient une entreprise, il faut examiner ce pour quoi ces dernières ont payé et ce qu’elles ont reçu en échange de ces paiements sous forme de biens et de services dans le cadre du démarrage de leurs entreprises respectives.

(i) Les dispositions législatives applicables

L’imposition des sociétés

[367]   Bien qu’une société de personnes ne soit pas considérée comme un contribuable au sens de la Loi, le paragraphe 96(1) dispose que les revenus ou les pertes d’une société de personnes doivent être calculés au niveau de la société de personnes comme si elle était une entité distincte, et ensuite répartis proportionnellement entre les divers associés, conformément aux parts qu’ils détiennent. Les passages pertinents de cette disposition sont les suivants :

96.(1) Lorsqu’un contribuable est un associé d’une société de personnes, son revenu, le montant de sa perte autre qu’une perte en capital, de sa perte en capital nette, de sa perte agricole restreinte et de sa perte agricole, pour une année d’imposition, ou son revenu imposable gagné au Canada pour une année d’imposition, selon le cas, est calculé comme si :

a) la société de personnes était une personne distincte résidant au Canada;

b) l’année d’imposition de la société de personnes correspondait à son exercice;

c) chaque activité de la société de personnes (y compris une activité relative à la propriété de biens) était exercée par celle-ci en tant que personne distincte, et comme si était établi le montant :

(i) de chaque gain en capital imposable et de chaque perte en capital déductible de la société de personnes, découlant de la disposition de biens,

(ii) de chaque revenu et perte de la société de personnes afférents à chacune des autres sources ou à des sources situées dans un endroit donné, […]

[…]

f) le montant du revenu de la société de personnes, pour une année d’imposition, tiré d’une source quelconque ou de sources situées dans un endroit donné, constituait le revenu du contribuable tiré de cette source ou de sources situées dans cet endroit donné, selon le cas, pour l’année d’imposition du contribuable au cours de laquelle l’année d’imposition de la société de personnes se termine, jusqu’à concurrence de la part du contribuable;

 

gle montant de la perte de la société, pour une année d’imposition, afférente à une source quelconque ou à des sources situées dans un endroit donné, constituait la perte du contribuable, découlant de cette source ou de sources situées dans cet endroit donné, selon le cas, pour l’année d’imposition du contribuable au cours de laquelle l’année d’imposition de la société se termine, jusqu’à concurrence de la part du contribuable.

Les éléments essentiels d’une société en nom collectif valide

[368]   Les pertes que subit la société en nom collectif ne sont déductibles au sens de la Loi que s’il est établi qu’il existait une telle société. La Loi sur les sociétés en nom collectif de l’Ontario[47] définit une telle société en ces termes :

2. La société en nom collectif est la relation qui existe entre des personnes qui exploitent une entreprise en commun en vue de réaliser un bénéfice. […]

[369]   Les éléments essentiels qu’exige une société en nom collectif véritable ont été recensés par le juge Bastarache, s’exprimant en dissidence dans l’arrêt Continental Bank Leasing Corp. c. Canada[48]. Essentiellement, il existe une société en nom collectif véritable quand les parties :

1) exploitent une entreprise;

2) en commun;

3) en vue de réaliser un bénéfice.

[370]   Les trois éléments essentiels du juge Bastarache ont été retenus par la Cour suprême du Canada à l’occasion de deux affaires ultérieures : Backman c. Canada[49] et Spire Freezers Ltd. c. Canada[50]. Ces deux affaires appliquent la définition législative que l’on trouve dans la Loi sur les sociétés en nom collectif de l’Ontario ainsi que dans la plupart des lois de common law sur les sociétés de cette nature.

 

[371]   Lorsqu’on entreprend l’examen des faits qui se révèle nécessaire pour rechercher s’il existait une société en nom collectif, il faut prendre en compte les intentions des parties, tout comme divers autres indices tels que l’apport des parties à l’entreprise, l’existence d’un droit de propriété conjointe, le partage des revenus ou des pertes, le droit mutuel de contrôle ou de gestion et l’existence de comptes bancaire conjoints. Le juge Bastarache a exposé de la manière suivante l’examen des fais que l’on doit faire pour conclure en l’existence d’une société en nom collectif :

[23]      L’existence d’une société en nom collectif est tributaire des faits et circonstances propres à chaque espèce. Elle est également fonction de l’intention véritable des parties. Comme il est indiqué dans Lindley & Banks on Partnership (17e éd. 1995), à la p. 73: [traduction] « pour déterminer l’existence d’une société en nom collectif [. . .] il faut tenir compte du contrat et de l’intention véritables des parties ressortant de l’ensemble des faits de l’affaire ».

[24]      La Loi sur les sociétés en nom collectif ne précise pas les critères qui permettent de déterminer si une telle société existe. Cependant, comme la plupart des décisions des tribunaux en matière de société en nom collectif résultent de litiges dans lesquels une des parties prétend qu’une telle société n’existe pas, un certain nombre de critères indiquant l’existence d’une société en nom collectif ont été reconnus par les tribunaux. Parmi ces indices, mentionnons les suivants: apport des parties à l’entreprise commune sous forme de numéraire, biens, travail, connaissances, habiletés ou autres éléments; droit de propriété conjointe dans l’objet de l’entreprise; partage des profits et des pertes; droit mutuel de contrôle ou de gestion de l’entreprise; production de déclarations de revenus à titre de société en nom collectif et comptes bancaires conjoints. (Voir A. R. Manzer, A Practical Guide to Canadian Partnership Law (1994 (édition à feuilles mobiles)), aux pp. 2‑4 et suiv., et la jurisprudence qui y est citée.)

Le premier élément : l’exploitation d’une entreprise

[372]   En examinant de quelle façon analyser le premier élément, soit « exploiter une entreprise », la Cour suprême du Canada, à l’occasion de l’afffaire Backman, a précisé que, au regard du critère relatif à une société en nom collectif, une entreprise n’a pas à être forcément nouvelle, pas plus qu’elle ne doit être exploitée pendant un temps considérable. En fait, une seule transaction peut être suffisante pour que l’on puisse conclure que les parties exploitaient une entreprise, pour autant que la présumée société n’équivaille pas à une « coquille vide ». Comme l’a déclaré la Cour suprême du Canada :

19        En droit, le sens de l’expression « exploiter une entreprise » peut varier selon le contexte dans lequel cette expression est utilisée. Dans les lois provinciales sur les sociétés en nom collectif, les mots « entreprise » ou « affaires » sont généralement définis comme visant également les « commerces, occupations et professions ». Les facteurs susceptibles d’être pertinents pour statuer sur l’existence d’une entreprise se trouvent dans les définitions juridiques existantes. L’ouvrage Black’s Law Dictionary (6e éd. 1990) donne, à la p. 214, une définition simple de l’expression » carrying on trade or business » ([traduction] « exploiter une entreprise »), savoir : [traduction] « Se présenter à autrui comme faisant la vente de biens ou services ». Une autre définition requiert la présence d’au moins trois éléments : (1) un apport sous forme de temps, d’attention et de travail; (2) le fait de contracter des obligations envers d’autres personnes; (3) l’objectif de gagner sa vie ou de réaliser un bénéfice : voir Gordon c. La Reine, [1961] R.C.S. 592, le juge Cartwright, dissident mais non sur ce point, p. 603.

20                L’existence d’une société de personnes valable ne dépend pas de la création d’une nouvelle entreprise, car il suffit qu’une entreprise qui existait déjà ait été maintenue. Une telle société peut être formée lorsque deux parties conviennent d’exploiter ensemble l’entreprise que l’une d’elles possède déjà. Il n’est pas nécessaire d’établir que les associés ont exploité une entreprise pendant une longue période. Une société de personnes peut être créée en vue d’une seule opération. Comme l’a souligné notre Cour dans l’arrêt Continental Bank, précité, par. 48, « [t]ant que les parties ne créent pas l’équivalent d’une coquille vide qui n’exploite dans les faits aucune entreprise, le fait que la société en nom collectif ait été créée pour une seule opération est sans conséquence. » En outre, pour établir qu’il y avait exploitation d’une entreprise, il n’est pas nécessaire de démontrer que les parties tenaient des réunions, faisaient de nouvelles opérations ou prenaient des décisions : Continental Bank, précité, par. 31-33. On peut établir une entreprise même dans des circonstances où l’unique activité de celle-ci consiste à accepter passivement des revenus de location, comme l’a indiqué le juge L’Heureux-Dubé dans l’arrêt Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336, par. 46 […].

Le deuxième élément : « en commun »

[373]   A l’occasion de l’affaire Backman, la Cour suprême du Canada a ensuite analysé ce que signifiait l’exploitation d’une entreprise « en commun ». La Cour a réitéré que même si un seul associé se charge de la gestion et du contrôle de la société, l’on peut conclure que l’entreprise est exploitée en commun. Elle a également signalé que l’on peut se fonder en partie sur une entente contractuelle valide entre associés, mais que l’existence d’une telle entente ne suffit pas pour trancher la question. Il est nécessaire de satisfaire aux trois critères relatifs à l’existence d’une société valide. La Cour a ensuite résumé d’autres facteurs qui peuvent être pertinents pour rechercher si les parties avaient l’intention d’exploiter une entreprise « en commun » :

21        Pour déterminer si une entreprise est exploitée « en commun », il faut se rappeler qu’une société de personnes naît d’un contrat. L’objectif commun nécessaire à l’établissement d’une société de personnes sera habituellement présent lorsque les parties auront conclu un contrat de société valide énonçant leurs droits et obligations respectifs en tant qu’associés. Comme il a été souligné dans l’arrêt Continental Bank, précité, par. 34-35, la reconnaissance du pouvoir de tout associé de lier la société est certes pertinente, mais le fait que la gestion de celle-ci ait été confiée à un seul associé n’oblige pas à conclure que l’entreprise n’était pas exploitée en commun. Cette constatation est confirmée dans Lindley & Banks on Partnership (17e éd. 1995), p. 9, où l’on mentionne qu’une ou plusieurs parties peuvent, dans les faits, gérer l’entreprise pour leur propre compte et celui des autres parties sans pour autant menacer le statut juridique de l’arrangement. Ce fait peut être pertinent si les parties se sont présentées à des tiers comme étant des associés, tout comme peut l’être le fait pour les parties de ne pas se présenter comme tel. Parmi les autres éléments de preuve qui sont compatibles avec l’intention d’exploiter l’entreprise en commun, mentionnons les suivants : apport à l’entreprise commune sous forme d’habiletés, de connaissances ou de biens, propriété conjointe de l’objet de l’entreprise, partage des profits et des pertes, production de déclarations de revenus à titre de société de personnes, existence d’états financiers et de comptes bancaires conjoints et échange de correspondance avec des tiers : voir Continental Bank, précité, par. 24 et 36

[…]

27        En l’espèce, considérés seuls, le contrat de société et les autres documents indiquent l’intention de créer une société de personnes. Toutefois, cela ne suffit pas, car les conditions fondamentales d’existence d’une société de personnes valable doivent également être respectées.

[374]   À l’occasion de l’affaire Teelucksingh c. Canada[51], la Cour canadienne de l’impôt a signalé que l’approche suivie à l’égard du critère relatif à l’existence d’une société diffère en matière de sociétés en commandite qui, vu leur nature propre, requièrent que leur gestion et leur contrôle ne soient exercés que par le commandité. Comme l’a observé le juge Miller :

[68]      […] De toute évidence, en ce qui concerne une société en commandite, la question du centre de gestion et de contrôle est quelque peu différente et seul le commandité exerce le contrôle et est responsable de la gestion.

Le troisième élément : en vue de réaliser un bénéfice

[375]   Pour ce qui est du troisième élément, « en vue de réaliser un bénéfice », la Cour suprême du Canada, à l’occasion de l’affaire Backman, a souligné que ce sont les intentions des parties qui constituent le facteur clé. Les motivations fiscales pour participer à la société n’ont pas d’incidence sur la validité de cette dernière, dans la mesure où il existe aussi une intention accessoire de réaliser un bénéfice. Comme l’enseigne la Cour suprême :

22        Pour déterminer si une entreprise est exploitée « en vue de réaliser un bénéfice », il faut se demander quelles étaient les intentions des parties lorsqu’elles auraient formé la société de personnes. Il importe au départ de distinguer la motivation de l’intention. La motivation est ce qui pousse la personne à agir, alors que l’intention est l’objectif ou la fin que vise l’acte qui a été accompli. À maintes reprises, notre Cour a jugé qu’une motivation d’ordre fiscal n’enlève rien à la validité d’opérations faites à des fins fiscales : Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622; Canada c. Antosko, [1994] 2 R.C.S. 312; Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [ 1984] 1 R.C.S. 536, p. 540. De même, une motivation d’ordre fiscal n’enlève rien à la validité d’une société de personnes lorsque les éléments essentiels d’une telle société sont réunis : Continental Bank, précité, par. 50-52. À ce stade-ci, la question est de savoir si le contribuable peut établir qu’il avait l’intention de réaliser un bénéfice, peu importe s’il était motivé par des considérations fiscales. Pour une analyse plus approfondie, voir D. Nathanson, « Tax Motive Kills Partnership: Spire Freezers (cf. Continental Bank) » (1999), 7 Tax Litigation 458.

23        En outre, dans l’arrêt Continental Bank, précité, notre Cour a jugé que l’intention prédominante du contribuable n’est pas déterminante pour statuer sur l’existence de l’élément essentiel que constitue la volonté de « réaliser un bénéfice ». Il suffit que le contribuable établisse l’existence d’un objectif accessoire visant la réalisation d’un bénéfice. Cela ressort de l’observation suivante, faite aux p. 10-11 de Lindley & Banks on Partnership, op. cit., et adoptée dans l’arrêt Continental Bank, précité, par. 43 :

[traduction] […] lorsqu’une société est constituée dans quelque autre but dominant [autre qu’un but lucratif], notamment pour éviter l’impôt, mais qu’il existe aussi un élément véritable, bien qu’accessoire, de profit, il est possible d’en conclure que l’entreprise est exploitée « dans le but de réaliser un bénéfice ». Cependant, lorsqu’il peut être établi que l’unique raison pour laquelle une société est mise sur pied est de conférer à un associé l’«avantage», par exemple, d’une perte fiscale, alors que les parties n’envisagent nullement qu’un bénéfice [. . .] puisse être tiré de l’exploitation de l’entreprise en cause, la société ne peut véritablement être considérée comme ayant été créée «dans le but de réaliser un bénéfice».

24        Un objectif accessoire est, par définition, un objectif subordonné ou de moindre importance. Les tribunaux appelés à décider s’il y avait intention de réaliser un bénéfice ne doivent pas adopter ou utiliser une analyse purement quantitative. Le montant du bénéfice escompté n’est qu’un des divers facteurs à considérer. Le droit relatif aux sociétés de personnes n’exige pas la réalisation d’un gain net pendant une période déterminée afin d’établir qu’une activité est exercée dans le but de réaliser un bénéfice. Par exemple, une société de personnes peut subir des pertes lors du démarrage de son entreprise. Cela ne signifie pas que la relation qui existe n’est pas une société de personnes, pourvu toujours que l’entreprise soit exploitée dans le but de réaliser un bénéfice dans le futur. En conséquence, lorsque le motif prédominant de la création d’une société de personnes est l’acquisition d’une perte fiscale, le contribuable n’a pas à établir qu’il avait l’intention de réaliser un bénéfice suffisant pour effacer les pertes acquises ou produire un gain net.

[376]   La jurisprudence Spire Freezers Ltd. souligne également qu’une motivation d’ordre fiscal, ou le fait qu’une entreprise subit au départ des pertes considérables, ne suffisent pas pour conclure en l’absence d’intention de réaliser un bénéfice, tant qu’il existe une intention accessoire de le faire. La Cour a observé :

25        […] le fait que les appelants aient admis avoir effectué les opérations principalement en vue de réduire leurs impôts au Canada en acquérant les pertes n’empêche pas de conclure à l’existence de la société.

26                Les juges majoritaires de la Cour d’appel ont également rejeté l’idée que les parties avaient comme objectif de réaliser un bénéfice, puisqu’elles n’avaient pas envisagé de récupérer la perte initiale. Toutefois, la détermination de l’existence de l’objectif de réaliser un bénéfice n’est pas fonction d’une analyse strictement quantitative. Le montant de la perte initiale par rapport au bénéfice escompté n’empêche pas de conclure à l’existence d’une société de personnes en l’espèce. Le droit relatif aux sociétés n’exige pas, comme preuve qu’une activité est exercée en vue de réaliser un bénéfice, qu’un gain net ait été réalisé dans une période déterminée. Par exemple, une société peut subir des pertes au cours de la période de démarrage de son entreprise. Cela ne signifie pas que la relation qui existe n’est pas une société de personnes, dans la mesure où l’entreprise est exploitée en vue de réaliser un bénéfice dans le futur. […]

[377]   Cependant, l’on ne saurait conclure qu’il existait « une intention de réaliser un bénéfice » si l’intention singulière des parties était d’avoir accès à d’importants avantages fiscaux, sans exploiter en commun, en vue de réaliser un bénéfice, une entreprise proprement dite. C’est ce qu’ enseignent les décisions Rouleau c. La Reine[52] et McKeown c. The Queen[53]. Comme l’a déclaré le juge Archambault par la décision Rouleau :

[25]      Compte tenu des conclusions de fait décrites plus haut, j’adopterai en très grande partie l’approche de feu le juge en chef Garon dans McKeown. Dans cette affaire‑là, le juge Garon s’est d’abord posé la question suivante : est-ce que Cablotel constituait une société de personnes? Il a répondu par la négative puisque « les investisseurs en cause ne recherchaient que l’obtention d’avantages fiscaux importants et qu’ils n’ont jamais manifesté l’intention de travailler en commun à la poursuite d’activités de recherche scientifique et de développement expérimental. Bref, ils n’avaient pas l’intention de constituer une véritable société » (par. 393 de ses motifs). À mon avis, cette question mériterait davantage de réflexion pour que je puisse me prononcer. Par contre, comme le juge en chef Garon l’a conclu aux paragraphes 394 et suivants, je conclus que Cablotel n’exploitait aucune entreprise :

394 Au surplus, aucune entreprise n’a été exploitée par l’appelant ni par les groupements Commu-Sys Enr. et Cablotel Enr. relativement à la poursuite des travaux de recherche. La présente affaire ressemble à l’espèce Bendall c. The Queen, précitée, où le juge Bonner formulait les commentaires suivants :

[Traduction]
La question en litige est de savoir si l’appelant exploitait une « entreprise » au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). Il faut donner à ce terme son sens ordinaire et ce sens n’inclut pas un projet d’évitement fiscal, qui n’est rien de plus qu’une pâle imitation d’une entreprise. L’appelant ne participait pas à une activité commerciale, que ce soit directement ou par l’entremise d’Omni, son mandataire. La preuve objective concernant la manière dont le projet fonctionnait ainsi que les actes et les omissions des parties portent nettement à conclure que l’appelant et les auteurs du projet n’étaient pas intéressés à commercialiser les cours de lecture rapide et à tirer des profits de cette activité. Il est indubitable que ce qui était recherché, c’était une déduction d’impôt donnant lieu à un remboursement qui irait en partie aux auteurs du projet et en partie à l’appelant.

[Note infrapaginale omise.]

395 Dans la présente cause, il n’y a eu aucune démarche ou demande quelconque pour s’assurer de la rentabilité du projet. Je ne peux déceler aucun indice laissant entrevoir une possibilité de rentabilité dans le cas de ces groupements. Aucune étude du marché n’avait été faite. Aucun plan de commercialisation n’avait été mis sur pied. De plus, la structure mise en place a été montée uniquement à des fins fiscales, comme l’a d’ailleurs démontré le « Programme de participation » créé uniquement pour donner l’illusion de répondre aux critères du gouvernement.

[378]   Comme il a été déclaré dans la décision Teelucksingh, l’intention de réaliser un bénéfice ne se limite pas forcément au moment où l’entreprise se présente sous la forme d’une société :

74        […] l’intention de réaliser un bénéfice est une intention de tirer profit de l’entreprise, et non strictement de la forme particulière de l’entité juridique.

75        […] Le fait qu’aucun bénéfice n’a été réalisé lorsque l’entreprise était exploitée sous la forme d’une société de personnes ne suffit pas pour nier la légitimité de ce genre d’arrangement. Il s’agissait d’un véhicule de placement brillamment conçu, fondé sur l’existence d’une entreprise réelle.

La façon appropriée d’aborder l’examen de la société

[379]   Par la jurisprudence Backman, la Cour suprême du Canada a donné des directives sur la façon d’effectuer la recherche relative à une société, en soulignant qu’il est nécessaire de qualifier le contrat véritable entre les parties ainsi que leurs intentions au regard des faits de chaque affaire. La Cour a déclaré :

25                Conformément à l’observation suivante, énoncée dans Lindley & Banks on Partnership, op. cit., p. 73, et adoptée dans Continental Bank, précité, par. 23 : [traduction] « pour déterminer l’existence d’une société en nom collectif [. . .] il faut tenir compte du contrat et de l’intention véritables des parties ressortant de l’ensemble des faits de l’affaire ». En d’autres termes, pour statuer sur l’existence d’une société de personnes, les tribunaux doivent se demander si la preuve documentaire objective et les circonstances de l’affaire, notamment les actes concrets des parties, sont compatibles avec l’existence d’une intention subjective d’exploiter une entreprise en commun dans le but de réaliser un bénéfice.

26                Les tribunaux doivent se montrer pragmatiques dans l’examen des trois éléments essentiels d’une société de personnes. Pour déterminer si une telle société a été établie dans une affaire donnée, il faut analyser et soupeser les facteurs pertinents eu égard à toutes les circonstances. Le fait que l’existence de la prétendue société de personnes doive être examinée au regard de l’ensemble des circonstances est incompatible avec l’application mécanique d’une liste de contrôle ou d’un critère comportant des paramètres définis de façon plus précise.

[380]   A l’occasion de l’affaire Rezek c. Canada[54], la Cour d’appel fédérale a également discuté le rôle que jouent l’intention et la documentation dans le cadre de l’examen relatif à l’existence d’une société et elle a souligné qu’indépendamment du fait qu’il existe une entente ou non, il faut toujours se concentrer sur le fait de savoir s’il ressort des faits dont on dispose que les trois éléments essentiels de l’existence d’une société sont présents :

[80]      La déclaration des parties qu’elles ne sont pas en société de personnes a peu de poids, sinon aucun. Lindley & Banks, au paragraphe 5-05, cite la déclaration sans ambiguïté du maître des rôles Cozens-Hardy, dans Weiner c. Harris, [1910] 1 K.B. 285 :

[traduction]
Deux parties réalisent une transaction et disent : « Nous déclarons par les présentes qu’il n’existe pas de société de personnes entre nous. » La Cour ne tient aucun compte d’une telle déclaration. Elle examine la transaction et se pose la question suivante : « En droit, existe-t-il ici une société de personnes? » On ne peut rien conclure du fait que les parties ont utilisé une terminologie qui tend à indiquer que la transaction est autre chose que ce qu’en dit le droit.

[81]      L’existence ou l’absence d’un contrat de société ne suffit pas non plus à régler la question. Dans l’arrêt Backman c. Canada, [2001] 1 R.C.S. 367, au paragraphe 27, les juges Iacobucci et Bastarache ont conclu que, même en présence d’un contrat de société et d’autres documents constitutifs, il n’existait pas de société de personnes parce que les conditions fondamentales de son existence n’étaient pas respectées.

[82]      Des parties bien informées peuvent se doter d’une documentation élaborée. D’autres, moins bien informées, peuvent ne pas posséder une telle documentation et ne pas être au fait du droit des sociétés. La question consiste toujours à savoir si une entreprise est exploitée en commun en vue de réaliser un bénéfice. Si c’est le cas, le droit nous dit qu’il existe une société de personnes quelle que soit l’intention déclarée des parties, qu’il y a ait présence ou absence d’un contrat de société, et quel que soit ce que les parties connaissent du droit.

(ii) L’analyse

[381]   Lorsqu’on applique le critère relatif à l’existence d’une société de personnes ou en nom collectif à la vaste preuve qui a été présentée en l’espèce, la question qu’il convient de poser est donc celle de savoir si les sociétés en commandite d’affrètement de yachts exploitaient une entreprise en commun en vue de réaliser un bénéfice. Compte tenu des nombreuses fausses déclarations qu’ont faites M. Bellfield et ses collaborateurs, les parties avaient-elles l’intention d’exploiter l’entreprise des sociétés en commandite en commun en vue de réaliser un bénéfice, de sorte que ces sociétés en commandite constituent des sociétés valides? Si l’on se concentre sur les éléments de preuve relatifs à l’intention des parties, OCGC étant le commandité et les investisseurs étant les commanditaires, de même que sur la nature contractuelle fondamentale d’une société, y avait-il rencontre de volontés entre les parties?

[382]   Outre ma conclusion selon laquelle l’entreprise d’affrètement de yachts a constitué une fraude du début à la fin et présentait toutes les caractéristiques distinctives d’une combine à la Ponzi, je conclus également que les sociétés en commandite n’étaient pas de véritables sociétés en droit. Les trois éléments requis pour satisfaire au critère relatif à une société de personnes ou en nom collectif ne sont pas réunis. Les nombreuses fausses déclarations qui ont été présentées à titre d’exemple dans le sommaire des faits qui précède illustrent la nature exhaustive des fausses déclarations qu’OCGC et M. Bellfield ont faites, et la façon dont elles ont vicié toute intention commune de conclure et de poursuivre une relation dans le cadre d’une société de personnes ou en nom collectif. J’applique ci-dessous les trois facteurs relatifs à l’existence d’une société de personnes ou en nom collectif.

[383]   Il n’y a pas eu d’« entreprise exploitée ». Il n’y a eu qu’une fraude perpétrée par M. Bellfield. Il y a eu fraude du début à la fin, même si certains des investisseurs croient toujours qu’il existait une véritable entreprise d’affrètement de yachts. La seule entreprise qui existait était celle que représentait la fraude perpétrée par M. Bellfield et le mécanisme qu’il a utilisé à cette fin, à savoir OCGC. L’entreprise avait pour objectif de frauder les investisseurs et l’ARC. Il ressort des éléments de preuve que de fausses déclarations fondamentales ont été faites aux investisseurs dès le départ, dans les documents de base de chaque société en commandite. Les fausses déclarations étaient à ce point importantes que les notices d’offre ont été fondamentalement trompeuses au point d’empêcher les investisseurs d’avoir une « rencontre de volontés » avec l’auteur de la fraude. En bref, il suffit de se reporter au témoignage de M. Belchetz, qui a admis que s’il avait su que les mesures censément prises d’après les notices d’offre ne l’avaient pas été, il n’aurait probablement pas fait l’investissement en question.

[384]   Il n’y a eu aucune entreprise « en commun », malgré l’existence de contrats de société. Ces documents, ainsi que tous ceux qui se rapportaient aux sociétés en commandite, regorgeaient de déclarations frauduleuses. Ils faisaient partie d’une opération de maquillage – une partie de la fiction. Je me demande comment il pourrait y avoir « rencontre de volontés » quand les deux parties avaient des motifs différents – M. Bellfield, pour perpétrer une fraude, et les investisseurs, pour jouir des avantages d’une combine fiscale et, à titre de but accessoire à plus long terme, investir dans une entreprise d’affrètement de yachts. Comment pourrait-il y avoir « rencontre de volontés » lorsque le fondement même du programme est frauduleux et que les investisseurs ne sont pas au courant de la fraude dont ils sont victimes ou l’ignorent? Au vu des faits de la présente espèce, il ne peut y avoir aucune intention d’exploiter une entreprise « en commun ».

[385]   Quant à l’« intention de réaliser un bénéfice », il n’y a eu aucune intention de ce genre dans le cas des sociétés en commandite. Comme l’a déclaré l’intimée, il ressort des éléments de preuve que M. Bellfield avait l’intention de réaliser un bénéfice aux dépens des sociétés en commandite. M. Bellfield n’a jamais eu l’intention de réellement poursuivre, en commun avec les investisseurs, une entreprise qui donnerait lieu à des bénéfices pour les sociétés en commandite elles-mêmes ou pour les investisseurs. Le nombre de fausses déclarations qui ont été faites est trop élevé et le degré de fraude trop généralisé pour que l’on en décide autrement. Les activités d’affrètement de yachts étaient si sous-financées, les activités si restreintes et infructueuses, la livraison des yachts si retardée et le nombre de yachts si peu élevé par rapport au nombre prévu par les contrats, la vaste entreprise d’affrètement de yachts de luxe promise si importante et les activités réellement exécutées si minimes que je ne puis que conclure que les seules activités qu’OCGC a exploitées n’étaient que des tentatives de sa part pour donner l’illusion d’une entreprise en exploitation.

2. S’il est conclu que les sociétés en commandite constituent une source de revenus, ont-elles réellement subi les pertes dont les appelants ont demandé la déduction?

a) Les dispositions législatives pertinentes

(i) Le critère que prévoit le paragraphe 18(1)

[386]   Le paragraphe 18(1) de la Loi précise que pour que des dépenses soient déductibles il faut que le contribuable les ait engagées dans le but de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien :

18. (1) Dans le calcul du revenu du contribuable tiré d’une entreprise ou d’un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles :

a) les dépenses, sauf dans la mesure où elles ont été engagées ou effectuées par le contribuable pour produire ou tirer un revenu de l’entreprise ou du bien;

[387]   Le juge Iacobucci, s’exprimant au nom de la majorité à l’occasion de l’affaire Symes c. Canada[55], et après avoir passé en revue la jurisprudence pertinente, a conclu que le critère de l’objet, fondé sur le libellé de l’alinéa 18(1)a), était celui qui convenait le mieux pour apprécier si la dépense est déductible aux termes du paragraphe 18(1) :

En conséquence, à la réflexion, on n’a proposé aucun critère qui améliorerait ou modifierait sensiblement un critère reposant directement sur le libellé de l’al. 18(1)a). L’analyse nous ramène à la source, et je peux simplement me poser la question suivante : l’appelante a‑t‑elle engagé des frais de garde d’enfants en vue de tirer un revenu de l’entreprise ou de faire produire un revenu à l’entreprise[56]?

[388]   Le critère applicable est donc le suivant : les dépenses ont-elles été engagées en vue de tirer un revenu des sociétés en commandite?

(ii) L’analyse

[389]   Si j’ai commis une erreur en concluant que les sociétés en commandite n’exploitaient pas une entreprise véritable qui constituait une source de revenus, je conclus subsidiairement que les dépenses dont la déduction a été demandée n’ont pas été engagées en vue d’exploiter l’entreprise d’affrètement de yachts des sociétés en commandite et qu’elles ne sont donc pas déductibles en vertu du paragraphe 18(1). Un aspect fondamental du stratagème frauduleux de M. Bellfield a été la création d’une piste documentaire en vue de tenter de légitimer une présentation par ailleurs illégitime, illégale et frauduleuse de dépenses, ainsi que de pertes, le tout en vue d’étayer la fraude pour que lui-même et d’autres puissent vendre les parts des sociétés en commandite.

[390]   M. Bellfield devait créer des pertes en vue d’encourager la vente des sociétés en commandite en tant qu’avantages fiscaux. Étant donné qu’il n’engageait pas réellement les dépenses qu’il fallait pour légitimer ces pertes, il a dû créer des dépenses qui n’ont jamais été engagées au cours de l’année dans laquelle il a été indiqué qu’elles l’ont été. Ou, si elles ont été engagées, elles l’ont été dans le simple but d’entretenir l’illusion d’une entreprise véritable capable de livrer trente-six yachts et d’exploiter, pour cette flottille de bateaux, une entreprise d’affrètement de luxe. Les dépenses étaient une fiction!

[391]   Dans le contexte des éléments de preuve concernant les informations erronées et les fausses déclarations diffusées par M. Bellfield et d’autres, il sera fait référence aux états financiers que M. Bellfield a établis et manipulés pour les différentes sociétés et dont les investisseurs se sont servis comme fondement pour justifier leurs pertes. En s’appuyant sur des faits constants au sujet de : a) l’existence de yachts pour chaque société en commandite particulière; b) la disponibilité de yachts afin que les sociétés en commandite particulières puissent s’en servir dans le cadre d’une entreprise d’affrètement; c) les dépenses censément engagées et facturées mais non réellement payées ou engagées, on doit conclure que la plupart des dépenses n’ont pas été engagées ou que, si elles l’ont été, elles n’ont jamais réellement été payées parce qu’OCGC n’avait pas les ressources nécessaires pour les acquitter.

[392]   Certes, il y a eu quelques dépenses engagées et quelques dépenses payées, mais, comme dans l’affaire Vankerk, les dépenses non fictives ont été engagées pour jeter de la poudre aux yeux dans le but de perpétrer un stratagème frauduleux. L’objet de ces dépenses était de faire durer le stratagème frauduleux de M. Bellfield, et non de tirer un revenu d’une entreprise. Les dépenses étaient payées grâce aux paiements d’intérêts des investisseurs ou n’ont jamais été acquittées.

[393]   Même s’il n’était pas le « cerveau » derrière cette fraude de très grande envergure, mais plutôt une personne qui a joué un rôle clé dans le maintien et l’expansion de cette fraude, M. Minchella a exprimé l’avis que tant que l’on dispose d’une piste documentaire pour montrer que les dépenses ont été engagées ou payées, c’est tout ce qu’il faut pour justifier et confirmer les états financiers et les pertes dont la déduction a été demandée. Cela, il l’a appris aux côtés du « cerveau », M. Bellfield. Pour préparer les états financiers relatifs aux sociétés en commandite, M. Minchella consultait les notices d’offre de chacune des sociétés en commandite, recopiait les dépenses indiquées dans les états pro forma et inscrivait les dépenses dans les ébauches d’états financiers. Même si ces dépenses n’ont jamais été engagées, selon M. Minchella, elles pouvaient légitimement être consignées dans les états financiers.

[394]   Les conclusions qui précèdent suffisent amplement pour trancher les présents appels. Je fonde ma conclusion en premier sur la décision fondamentale selon laquelle les sociétés en commandite ont constitué une fraude du début à la fin et que cette fraude présentait les caractéristiques distinctives d’une combine à la Ponzi; deuxièmement, les sociétés en commandite n’étaient pas d’authentiques sociétés de personnes en droit; enfin, la conclusion subsidiaire selon laquelle l’objet de ces dépenses – si elles étaient engagées – n’était pas de tirer un revenu d’une entreprise mais plutôt de maquiller la fraude.

[395]   Compte tenu de la durée du procès, du nombre de parties touchées par la décision ainsi que des efforts faits par les avocats, j’examinerai aussi ci-après, brièvement, d’autres thèses subsidiaires de l’intimée.

3. Si les sociétés en commandite ont réellement subi les pertes dont la déduction a été demandée, ont-elles correctement rattaché ces dépenses qu’elles ont déduites aux années d’imposition en question?

a) Les dispositions législatives pertinentes

(i) Le critère prévu au paragraphe 18(9)

[396]   Le paragraphe 18(9) de la Loi exige que le contribuable fasse correspondre de manière raisonnable toutes les dépenses au titre de services, d’intérêts, de taxes, de loyers, de redevances ou d’assurances, à l’année à laquelle elles se rapportent :

18. (9) Malgré les autres dispositions de la présente loi :

a) dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition tiré d’une entreprise ou d’un bien […], il n’est accordé aucune déduction au titre d’une dépense dans la mesure où il est raisonnable de la considérer comme engagée ou effectuée, selon le cas :

(i) en contrepartie de services à rendre après la fin de l’année,

(ii) à titre ou en paiement intégral ou partiel d’intérêts, d’impôts ou de taxes (à l’exclusion des taxes imposées aux assureurs sur les primes prévues par une police d’assurance contre les accidents et la maladie non résiliable ou à renouvellement garanti ou par une police d’assurance-vie autre qu’une police d’assurance-vie collective temporaire d’une durée maximale de douze mois), de loyer ou de redevances visant une période postérieure à la fin de l’année,

(iii) en contrepartie d’assurance visant une période postérieure à la fin de l’année […]

b) la fraction de chaque dépense engagée ou effectuée (sauf celle d’une société, d’une société de personnes ou d’une fiducie au titre ou en règlement total ou partiel d’intérêts) qui, sans l’alinéa a), serait déductible dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition est déductible dans le calcul de son revenu pour l’année postérieure à laquelle il est raisonnable de considérer qu’elle se rapporte;

b) L’analyse

[397]   Comme il a été expliqué plus tôt, la piste documentaire que M. Bellfield a créée pour justifier les pertes fiscales déduites était sans rapport avec les dépenses réellement engagées ou avec le moment où les dépenses avaient été engagées censément pour l’affrètement de yachts, et ces dépenses sont donc elles aussi non déductibles aux termes du paragraphe 18(9).

4. S’il y avait une source à l’égard de laquelle des pertes véritables ont été déduites aux bons moments, quel est le montant de la déduction pour amortissement, le cas échéant, dont la Société en commandite S/Y Garbo a le droit de se prévaloir?

a) Les dispositions législatives pertinentes

[398]   L’intimée soutient que même si l’on concluait que les sociétés en commandite constituaient des sources de revenus qui avaient subi des pertes véritables déclarées au bon moment, on ne pourrait pas se prévaloir d’une déduction pour amortissement à l’égard du S/Y Garbo parce que la SC S/Y Garbo n’a jamais fait l’acquisition du yacht.

[399]   À l’occasion de l’affaire Hewlett Packard (Canada) Ltd. c. R.[57], la Cour d’appel fédérale a confirmé que le « critère classique de l’acquisition » est celui qu’a énoncé le juge Cattanach à l’occasion de l’affaire Minister of National Revenue c. Wardean Drilling Ltd. :

[traduction]
[...] je suis d’avis que l’acheteur a acquis des biens d’une catégorie prévue à l’Annexe B quand le titre est transféré, en supposant que les biens existent à ce moment, ou lorsque l’acheteur détient tous les attributs du titre de propriété, c’est-à-dire la possession, l’usage et le risque, même si le fournisseur conserve le titre légal à titre de garantie pour le prix d’achat comme le veut la pratique commerciale en matière de contrats de vente conditionnelle. À mon avis, tel est là le véritable critère pour déterminer s’il y a eu acquisition d’un bien décrit à l’Annexe B du Règlement de l’impôt sur le revenu[58].

[400]   Une déduction pour amortissement est possible aux termes de l’alinéa 20(1)a) de la Loi avec la fraction du coût en capital déductible que prescrit le Règlement de l’impôt sur le revenu. Le paragraphe 1102(1) du Règlement exclut de toute déductibilité les biens non acquis en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien.

b) L’analyse

[401]   Il ressort des éléments de preuve versés aux débats qu’en tant qu’élément clé de la mise en marché des sociétés en commandite, les déductions pour amortissement ont été annoncées comme étant déductibles dès le départ. Cependant, lorsque M. Bellfield s’est trouvé coincé par cette fausse déclaration, il a dû se rétracter mais il a ensuite créé d’autres déductions en vue de justifier les pertes.

[402]   En ce qui concerne précisément la déduction pour amortissement demandée pour le S/Y Garbo, ce yacht a censément été livré au printemps de 1986 mais il a fallu l’envoyer en cale sèche pendant une année entière. Le S/Y Garbo n’a pas été disponible pour effectuer des croisières avant le printemps de 1987, au moment où sa principale fonction a été d’impressionner des investisseurs et d’autres personnes. Il n’a été produit aucun élément preuve portant que le titre de propriété du S/Y Garbo a jamais été acquis par la SC S/Y Garbo. OCGC a pu conserver le titre de propriété du S/Y Garbo, mais cela devait être fait dans l’intérêt de la SC S/Y Garbo. Ce ne l’était pas. Je conclus que même si j’ai commis une erreur en décidant qu’il n’existait aucune source de revenus, la déduction pour amortissement que l’appelante a demandée pour le S/Y Garbo ne saurait être autorisée aux termes de l’alinéa 1102(1)c) du Règlement. OCGC ne s’est servie du yacht que comme façade pour perpétrer la fraude et la SC S/Y Garbo ne l’a jamais acquis en vue d’en tirer un revenu.

5. Chacun des appelants a-t-il engagé les dépenses d’intérêts déduites aux termes des alinéas 18(1)a) et 20(1)c) de la Loi de l’impôt sur le revenu?

a) Les dispositions législatives pertinentes

[403]   Le contribuable peut déduire certains frais d’intérêts de son revenu selon la méthode de la comptabilité d’exercice aux termes des alinéas 18(1)a) et 20(1)c) de la Loi. Aux termes du sous-alinéa 20(1)c)(i), le montant doit viser des intérêts payés ou à payer pour de l’argent emprunté en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien. Le sous-alinéa 20(1)c)(ii) autorise la déduction des intérêts à payer pour un bien acquis en vue d’en tirer un revenu ou de tirer un revenu d’une entreprise. Pour être admissibles aux termes des deux sous-alinéas, les montants d’intérêts doivent être raisonnables et payés ou à payer cette année-là en vue d’acquitter une obligation légale de verser les intérêts. Voici, en partie, le texte de cette disposition :

20.(1) Malgré les alinéas 18(1)a), b) et h), sont déductibles dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d’une entreprise ou d’un bien pour une année d’imposition celles des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qu’il est raisonnable de considérer comme s’y rapportant […]

c) la moins élevée d’une somme payée au cours de l’année ou payable pour l’année (suivant la méthode habituellement utilisée par le contribuable dans le calcul de son revenu) et d’une somme raisonnable à cet égard, en exécution d’une obligation légale de verser des intérêts sur :

(i) de l’argent emprunté et utilisé pour produire ou tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien (autre que l’argent emprunté et utilisé pour acquérir un bien dont le revenu serait exonéré ou pour contracter une police d’assurance-vie),

(ii) une somme payable pour un bien acquis en vue d’en tirer un revenu ou de tirer un revenu d’une entreprise (à l’exception d’un bien dont le revenu serait exonéré ou à l’exception d’un bien représentant un intérêt dans une police d’assurance-vie), […]

[404]   À l’occasion de l’affaire Shell Canada Ltd. c. Canada[59], la Cour suprême du Canada a examiné la déductibilité des intérêts en vertu du sous-alinéa 20(1)c)(i) et a résumé de la manière suivante les conditions requises :

[28]      Le sous‑al. 20(1)c)(i) permet au contribuable de déduire de son revenu l’intérêt payé relativement à de l’argent emprunté et utilisé pour produire ou tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien. Il s’agit d’une exception à l’art. 9 et à l’al. 18(1)b), qui interdisent par ailleurs la déduction des sommes dépensées au titre du capital, c’est‑à‑dire l’intérêt payé à l’égard de fonds empruntés et utilisés pour produire un revenu: [...]. La disposition comporte quatre conditions: (1) la somme doit être payée au cours de l’année ou être payable pour l’année au cours de laquelle le contribuable cherche à la déduire; (2) elle doit l’être en exécution d’une obligation légale de verser des intérêts sur l’argent emprunté; (3) celui‑ci doit être utilisé pour produire ou tirer un revenu non exonéré d’une entreprise ou d’un bien; et (4) la somme doit être raisonnable compte tenu des trois premiers critères.

[405]   À l’occasion de l’affaire Ludco Enterprises Ltd. c. Canada[60], la Cour suprême du Canada s’est penchée sur l’examen qu’il convient d’effectuer pour le critère relatif à la fin de tirer un revenu aux termes du sous-alinéa 20(1)c)(i). Après avoir passé en revue un certain nombre de méthodes, la Cour a conclu que la question à poser consiste à savoir si le contribuable avait une expectative raisonnable de revenus au moment d’effectuer l’investissement pour lequel les fonds ont été empruntés :

[50]      En ce qui concerne le sens ordinaire du sous-al. 20(1)c)(i), la seule condition explicite liée à la notion de « fin » est que l’argent emprunté ait été « utilisé pour produire ou tirer un revenu ». Outre l’emploi de l’article défini « the » avant le mot « purpose » dans la version anglaise, fait qui, si on y regarde de près, est loin d’être suffisant pour trancher la question dont notre Cour est saisie, rien dans le texte de la disposition n’indique que la fin requise doit être la fin exclusive, première ou dominante ou que, en présence de fins multiples, celles-ci doivent d’une certaine manière être classées par ordre d’importance pour déterminer quelle est la fin « réelle » poursuivie par le contribuable. Par conséquent, il est parfaitement compatible avec le texte du sous‑al. 20(1)c)(i) de permettre à un contribuable qui utilise de l’argent emprunté afin d’effectuer un investissement visant plus d’une fin de déduire ses frais d’intérêt lorsque l’une de ces fins est de tirer un revenu.

[…]

[54]           Maintenant qu’il a été décidé qu’une fin accessoire consistant à tirer un revenu peut constituer la fin requise pour que les intérêts soient déductibles, il reste encore à se demander de quelle façon les tribunaux doivent déterminer si la fin requise — soit celle de tirer un revenu — est présente. Quelle norme faut-il appliquer? Dans l’interprétation de la Loi, tout comme dans d’autres domaines du droit, les tribunaux appelés à dégager l’objet d’une mesure ou l’intention de son auteur doivent déterminer objectivement la nature de la fin poursuivie en tenant compte à la fois des éléments subjectifs et objectifs pertinents : voir les arrêts Symes, précité, p. 736; Continental Bank, précité, par. 45; Backman, précité, par. 25; et Spire Freezers, précité, par. 27. Par conséquent, voici le critère applicable pour déterminer la fin visée par l’utilisation des fonds empruntés et décider si l’intérêt est déductible en application du sous-al. 20(1)c)(i) : Compte tenu de toutes les circonstances, le contribuable avait-il, au moment de l’investissement, une expectative raisonnable de tirer un revenu?

[Non souligné dans l’original.]

[406]   La distinction entre le sous-alinéa 20(1)c)(i) et le sous-alinéa 20(1)c)(ii) est expliquée dans la décision de la Cour canadienne de l’impôt Penn Ventilator Canada Ltd. c. La Reine[61]. La juge Lamarre-Proulx a conclu qu’au vu de l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada à l’occasion de l’affaire Minister of National Revenue c. TE McCool Ltd.[62], à savoir qu’un billet à ordre ne constitue pas de l’argent emprunté, le sous-alinéa 20(1)c)(i) ne pouvait pas viser les intérêts payés sur un billet à ordre. Elle a ensuite conclu que le sous-alinéa 20(1)c)(ii) jouait dans cette affaire et que, de ce fait, les intérêts sur le billet à ordre étaient déductibles.

[407]   La jurisprudence Shell est souvent cité lorsqu’on veut invoquer le principe qu’il importe de respecter les rapports juridiques établis par le contribuable sauf si une disposition de la Loi l’exige ou si les rapports juridiques sont un trompe-l’œil. Comme l’a observé la Cour suprême du Canada :

[39]      Notre Cour a statué à maintes reprises que les tribunaux doivent tenir compte de la réalité économique qui sous-tend l’opération et ne pas se sentir liés par la forme juridique apparente de celle‑ci: Bronfman Trust, précité, aux pp. 52 et 53, le juge en chef Dickson; Tennant, précité, au par. 26, le juge Iacobucci. Cependant, deux précisions à tout le moins doivent être apportées. Premièrement, notre Cour n’a jamais statué que la réalité économique d’une situation pouvait justifier une nouvelle qualification des rapports juridiques véritables établis par le contribuable. Au contraire, nous avons décidé qu’en l’absence d’une disposition expresse contraire de la Loi ou d’une conclusion selon laquelle l’opération en cause est un trompe‑l’œil, les rapports juridiques établis par le contribuable doivent être respectés en matière fiscale. Une nouvelle qualification n’est possible que lorsque la désignation de l’opération par le contribuable ne reflète pas convenablement ses effets juridiques véritables: Continental Bank Leasing Corp. c. Canada, [1998] 2 R.C.S. 298, au par. 21, le juge Bastarache.

b) L’analyse

[408]   J’examinerai ensuite la thèse subsidiaire de l’intimée quant à la déductibilité des frais d’intérêts dont les appelants ont demandé la déduction aux termes du sous-alinéa 20(1)c)(ii). Pour être admissibles aux termes de ce sous-alinéa, les intérêts doivent répondre aux quatre mêmes éléments cités plus tôt et tirés de la jurisprudence Shell : 1) le montant doit être payé ou payable dans l’année où la déduction est demandée; 2) il doit y avoir une obligation légale de verser des intérêts sur le montant payé ou payable; 3) le montant doit être engagé aux fins de la réalisation d’un revenu non exonéré; 4) le montant doit être raisonnable. Il y a une légère modification à apporter au critère de l’objet pour que le montant d’intérêt soit admissible aux termes du sous-alinéa 20(1)c)(ii). La question qu’il faut poser est la suivante : y avait-il une expectative raisonnable de revenus au moment où le bien a été acquis en vue de tirer un revenu (non exonéré) d’une entreprise ou d’un bien? Comme il a été expliqué par la jurisprudence Ludco, il n’est pas nécessaire que la réalisation d’un revenu soit le but principal ou prédominant de l’investissement.

[409]   Je conclus que seules trois des quatre conditions du critère sont réunies. Premièrement, les montants déduits à titre d’intérêts se rapportent à l’année dans laquelle les déductions sont demandées. Deuxièmement, comme il a été indiqué ci-dessus, je conclus qu’il n’y avait aucune source de revenus d’entreprise parce que les investisseurs ont été fraudés du début à la fin. L’enseignement de l’arrêt Ludco rendu par la Cour suprême du Canada oriente mon examen vers les manifestations objectives et subjectives des intentions qu’avaient les contribuables au moment où l’investissement a été fait. Je conclus qu’en dépit du fait que les appelants ont été frustrés de leurs paiements d’intérêts, ils avaient une expectative raisonnable de revenu au moment où ils ont fait leur investissement, comme l’exige le sous-alinéa 20(1)c)(ii) et comme l’enseigne l’arrêt Ludco. L’expectative de revenus des appelants n’était qu’à long terme et il s’agissait là d’une fin accessoire d’un investissement par ailleurs motivé par des considérations fiscales, mais elle est néanmoins admissible en vertu de la loi. Troisièmement, je conclus que les montants des intérêts étaient raisonnables.

[410]   En fin de compte, toutefois, je conclus que la quatrième condition n’est pas remplie. Les frais d’intérêts ne sont pas déductibles en vertu du sous-alinéa 20(1)c)(ii) parce qu’il n’y avait aucune obligation légale de payer des intérêts. Les billets à ordre reposaient sur la fausse déclaration fondamentale selon laquelle ils devaient servir de garantie pour des prêts censément organisés par OCGC. Cette dernière soutenait que ces présumés prêts devaient financer le prix d’achat d’une part de société en commandite, dont OCGC se servirait ensuite pour capitaliser chaque société en commandite et financer ses activités. Il n’existait aucun prêt de cette nature, et les sociétés en commandite n’ont jamais été capitalisées. Les appelants ont fourni les billets à ordre en se fondant sur des déclarations frauduleuses, et toute obligation contractuelle de payer des montants d’intérêts est viciée par la fraude.

6. Autres questions

a) Les dispositions concernant la fraction à risques et la Société en commandite S/Y Close Encounters

(i) Les dispositions législatives pertinentes

[411]   La SC S/Y Close Encounters, de pair avec les autres sociétés en commandite du même type, ont tenté de contourner les dispositions concernant la fraction à risques qui ont été introduites en date du 25 février 1986. Le paragraphe 96(2.1) a limité la déductibilité des pertes d’un commanditaire au montant de capital que ce commanditaire a investi, sous réserve de certains rajustements. Voici, en partie, le texte de cette disposition :

96.(2.1) Malgré le paragraphe (1), dans le cas où un contribuable est commanditaire d’une société de personnes au cours d’une année d’imposition, l’excédent éventuel :

a) du total des montants dont chacun représente la part, dont il est tenu, d’une perte de la société de personnes résultant d’une entreprise — à l’exclusion d’une entreprise agricole — ou d’un bien, calculée conformément au paragraphe (1), pour un exercice de la société de personnes se terminant au cours de l’année,

sur :

b) l’excédent éventuel :

(i) de la fraction à risques de l’intérêt du contribuable dans la société de personnes à la fin de l’exercice, […]

est à la fois :

c) non déductible dans le calcul de son revenu pour l’année;

d) exclu du calcul de sa perte autre qu’une perte en capital pour l’année;

e) réputé être la perte comme commanditaire subie par le contribuable dans la société de personnes pour l’année.

[412]   Les dispositions relatives aux droits acquis sur lesquelles se fondent la SC S/Y Close Encounters et d’autres sociétés en commandite du type 3 figurent au paragraphe 96(2.5). La condition qu’il faut remplir en vue d’éviter l’application des dispositions concernant la fraction à risques est la suivante : la société de personnes doit avoir « immédiatement avant le 26 février 1986, [exploité] activement une entreprise sur une base régulière et continue […]. »

[413]   À l’occasion de l’affaire Goren c. R.[63], le juge Bowman (plus tard juge en chef) a conclu qu’une société en commandite n’était pas dispensée de l’application des dispositions concernant la fraction à risques parce qu’elle ne répondait pas à la condition des droits acquis. La Cour a observé :

9          J’ai beaucoup de difficulté à m’imaginer comment l’on pourrait considérer que THCLP exploitait activement un centre de soins de santé le 26 février 1986, alors que la construction de l’établissement n’était pas terminée à cette date et que THCLP n’en était pas la propriétaire. THCLP n’avait pas obtenu l’argent nécessaire pour acquérir le foyer de soins infirmiers et, en fait, cet établissement était toujours la propriété de Medi-Villas. On peut bien sûr se reporter à des affaires telles que MP Drilling Limited c. M.N.R., 76 D.T.C. 6028 (C.A.F.) et Gartry c. The Queen, 94 D.T.C. 1947, où il a été conclu qu’une entreprise avait été démarrée avant que l’opération ne commence à produire des revenus, mais dans ces affaires, les activités du contribuable, y compris les sommes déboursées, l’acquisition des actifs et la création d’une structure d’entreprise en étaient à un tel stade que, du point de vue de la réalité commerciale, on pouvait dire que le processus d’exploitation d’une entité à but lucratif avait été amorcé.

10        À la date pertinente du 26 février 1986, rien de tel n’existait en l’espèce. Il est vrai que des bulletins de souscription ont été reçus, mais la société de personnes n’était, à toutes fins utiles, qu’une société inactive sans capital qui projetait toutefois d’acquérir un foyer de soins infirmiers qu’elle avait l’intention d’exploiter. On peut difficilement voir comment le législateur aurait pu formuler plus clairement son intention lorsqu’il a décrété que, pour que les membres d’une société en commandite évitent l’application des règles touchant la fraction à risques d’un intérêt dans une société de personnes, il fallait que la société de personnes exploite activement l’entreprise qui devait produire des revenus. Même si l’on peut soutenir, dans des affaires telles que MP Drilling et Gartry, que l’exploitation d’une entreprise peut commencer avant que les activités ne produisent un revenu, le terme « activement » et l’expression « sur une base régulière et continue » suggèrent (en fait indiquent) un degré d’activité commerciale qu’il est impossible de trouver en l’espèce.

[Non souligné dans l’original.]

(ii) L’analyse

[414]   Il ressort des éléments de preuve versés aux débats qu’indépendamment de toutes les autres conclusions, les sociétés en commandite du type 3 n’exploitaient pas une entreprise sur une base régulière et continue avant l’introduction des dispositions concernant la fraction à risques le 26 février 1986. Comme l’enseigne la jurisprudence Goren, il faut plus que le simple fait de souscrire des parts d’une société en commandite pour exploiter une entreprise sur une base régulière et continue. Tout ce qui a eu lieu avant le mois de février 1986 relativement aux sociétés en commandite du type 3 a été la souscription de parts par une entité qu’exploitait et que contrôlait M. Bellfield. Aucune des dépenses antérieures à la date relative aux droits acquis n’a été engagée en vue de permettre aux sociétés en commandite du type 3 de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien. Il s’agit simplement là d’un autre exemple d’étoffement du dossier pour tenter de légitimer le stratagème et procurer à M. Bellfield une autre année pour vendre des sociétés en commandite en vue de faire durer la combine à la Ponzi malgré l’introduction de nouvelles règles fiscales.

b) L’article 67

(i) Les dispositions législatives pertinentes

[415]   L’article 67 de la Loi impose une limite générale à la déductibilité des dépenses qui sont par ailleurs déductibles sous le régime de la Loi, et il exige que les dépenses soient raisonnables dans les circonstances. Le texte de cette disposition est le suivant :

67. Dans le calcul du revenu, aucune déduction ne peut être faite relativement à une dépense à l’égard de laquelle une somme est déductible par ailleurs en vertu de la présente loi, sauf dans la mesure où cette dépense était raisonnable dans les circonstances.

[416]   Les appelants ont bien résumé les règles de droit qui portent sur cette question, aux pages 35 et 36 de leurs observations finales :

[traduction
Dans une décision clé portant sur cet article, la Cour, à l’occasion de Gabco Limited c. Canada (Minister of National Revenue – M.N.R.) a conclu :

Il s’agit non pas que le ministre ou notre cour substitue son jugement à celui du contribuable lorsqu’il s’agit de déterminer ce qu’est un paiement raisonnable, mais plutôt que le ministre ou la Cour arrive à la conclusion qu’aucun homme d’affaires raisonnable ne se serait engagé par contrat à verser une telle somme en n’ayant à l’esprit que les intérêts commerciaux de l’appelante.

La raisonnabilité mesure la dépense en fonction de son importance ou de son montant. Même s’il peut y avoir un élément subjectif de la part du juge des faits, il devrait y avoir une recherche de l’élément objectif.

Mohammad c. Canada, [1997] A.C.F. no 1020 (C.A.F.), au paragraphe 28, […]

La détermination de la question de savoir si une dépense est « raisonnable » doit être faite au moment où la dépense a été faite et non après coup. De plus, la raisonnabilité est un concept non limitatif qui exige le jugement et le bon sens d’un observateur objectif et bien informé qui fait référence au marché ouvert.

Williams c. Canada, 2009 CCI 93, au paragraphe 16, [Williams] […]

Safety Boss Ltd. c. Canada, [2000] A.C.I. no 18 (C.C.I.), au paragraphe 27 […]

Le simple fait de payer plus que la juste valeur marchande pour un produit n’est pas forcément déraisonnable. Sur ce point, la Cour d’appel fédérale a conclu :

Sans doute est-il vrai, comme on l’a vu dans l’affaire Mohammad, que le fait de payer la juste valeur marchande de quelque chose est à première vue raisonnable, mais il m’est impossible de me ranger à l’avis de la Couronne pour qui il en découle que le fait de payer davantage que la juste valeur marchande est nécessairement déraisonnable. Il peut y avoir des cas où la décision de payer quelque chose davantage que sa juste valeur marchande est une décision raisonnable.

Petro-Canada c. Canada, 2004 CAF 158, au paragraphe 64, [Petro] […]

[…]

Il est bien établi en droit qu’il n’appartient pas à la Cour d’évaluer après coup le jugement commercial des contribuables. On parle souvent en ce sens de la règle de l’appréciation commerciale. Les erreurs de jugement commercial, sauf disposition contraire de la loi, n’interdisent pas à une personne de demander des déductions pour des pertes découlant de ces erreurs.

Tonn c. Canada, [1995] A.C.F. no 1635 (C.A.), au paragraphe 39 […]

Dans le même ordre d’idées, l’article 67 n’est pas un mécanisme qui permet de réduire les dépenses en se fondant sur une mauvaise appréciation commerciale. De ce fait, les dépenses ne seront pas refusées juste parce qu’une personne, se rend-on compte après coup, a pris une mauvaise décision commerciale.

Hammill c. Canada, [2005] A.C.F. no 1197 (C.A.F.), aux paragraphes 52 et 53, [Hammill], […] Williams, précitée, au paragraphe 16 […]

[417]   L’intimée à son tour a invoqué, entre autres arguments, l’observation  maintes fois citée de l’arrêt que la Cour d’appel fédérale a rendu à l’occasion de l’affaire Hammill au sujet de l’application de l’article 67 :

53.       Le choix des termes (réduire ou supprimer) n’a en l’occurrence rien de fortuit. La Cour suprême définissait l’article 67 comme le moyen légitime d’apprécier le caractère raisonnable d’une dépense une fois établie l’existence d’une entreprise. Elle le faisait après avoir expliqué que, au premier niveau de l’examen (c’est-à-dire celui qui concerne l’existence d’une source de revenu et le rapport entre une dépense donnée et cette source), les tribunaux ne devraient pas contester le jugement commercial du contribuable (Stewart, précité, paragraphes 55, 56 et 57). L’article 67 se trouvait ainsi caractérisé comme étant la disposition législative autorisant un examen du caractère raisonnable de la dépense. À mon sens, la Cour suprême a établi dans Stewart qu’il n’existe pas de limite intrinsèque à l’application de l’article 67 et que, lorsque les circonstances le justifient, celui-ci peut être invoqué pour refuser la déduction de la totalité d’une dépense, si son caractère déraisonnable est établi.

(ii) L’analyse

[418]   Selon toute conception du simple bon sens, les dépenses censément engagées n’étaient pas raisonnables dans les circonstances et ne peuvent pas être déduites aux termes de l’article 67 parce qu’un grand nombre d’entre elles n’ont pas été engagées en tout ou en partie, ou si elles ont été engagées, elles ne l’ont pas été dans un but lucratif autre que le profit de M. Bellfield. Dans l’ensemble, les dépenses n’étaient pas raisonnables dans les circonstances, compte tenu du stratagème tout entier. Pour ce qui est des dépenses elles-mêmes, qui ont été consignées dans les états financiers et sur lesquelles se sont fondés les investisseurs pour déduire leurs pertes, ni M. Bellfield ni OCGC ne se sont demandés : a) si elles étaient légitimes ou b) si leur montant était raisonnable compte tenu des services assurés, si tant est qu’ils ont été assurés. Un grand nombre des montants déduits paraissaient avoir été inventés de toutes pièces et n’avaient aucun lien avec la réalité.

I. La conclusion

[419]   Je m’abstiendrai de discuter toutes les thèses subsidiaires que l’intimée a défendues. L’examen que j’ai fait des questions de droit en cause en l’espèce, de même que les conclusions que j’ai tirées, soit l’absence d’une source de revenus, l’inexistence de sociétés en commandite véritables, la conclusion additionnelle selon laquelle les dépenses, quand elles ont été engagées, ne l’ont pas été à des fins commerciales, de même que les thèses subsidiaires que j’ai brièvement discutées, suffisent amplement pour trancher le présent appel. Par les motifs exposés, les quatre appels sont rejetés.

J. Les dépens

[420]   La Cour recevra les observations écrites sur les dépens dans les 45 jours suivant la date de la présente décision, et ces observations seront d’une longueur maximale de quinze pages de texte. Les observations relatives aux dépens devront porter sur les questions suivantes : a) l’une ou l’autre des parties doit-elle avoir droit à des dépens; b) si la réponse à la première question est affirmative, des dépens de quel type? C’est-à-dire, les dépens fondés sur le tarif, ou une adjudication de dépens autres que ceux prévus par le tarif en prenant pour base l’article 147 des Règles, y compris l’examen d’offres de règlement, s’il y a lieu. En ce qui concerne la preuve portant sur la question des dépens, les parties s’en tiendront en principe à la production d’affidavits, et chaque partie aura le droit de produire un affidavit en réponse, dans les 15 jours suivant la réception des observations relatives aux dépens de l’autre partie. Si les parties veulent être entendues de vive voix sur la question des dépens, qu’elles en avisent la Cour par écrit, autre les observations écrites, au moment du dépôt des observations écrites, et la Cour fera savoir si elle y souscrit.

 

Signé à Ottawa (Ontario), ce 7e jour de janvier 2014.

« E.P. Rossiter »

Juge en chef adjoint Rossiter

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de septembre 2014.

 

 

François Brunet, réviseur

 

 


RÉFÉRENCE :                                 2014 CCI 1

Nos DE DOSSIER DE LA COUR :   2004-2787(IT)G; 91-1946(IT)G;
91-1816(IT)G et 91-509(IT)G

INTITULÉ :                                      ALLAN GARBER c. SMR
GEOFFREY D. BELCHETZ c. SMR
LINDA LECKIE MOREL c. SMR

LIEU DE L’AUDIENCE :                Toronto (Ontario)

DATES DES AUDIENCES :            Semaines du 10 janvier 2012, 6 février 2012, 14 février 2012, 21 février 2012, 27 février 2012, 26 mars 2012, 24 avril 2012, 15 mai 2012, 4 juin 2012, 11 juin 2012, 2 octobre 2012, 9 octobre 2012, 30 octobre 2012, 5 novembre 2012, 4 décembre 2012, 10 décembre 2012, 22 janvier 2013, 5 février 2013, 12 février 2013, 16 avril 2013, 29 avril 2013 et 15 mai 2013.

MOTIFS DU JUGEMENT :             Le juge en chef adjoint E.P. Rossiter

DATE DU JUGEMENT :                 Le 7 janvier 2014

COMPARUTIONS

Pour les appelants :

Me Howard Winkler

Pour l’intimée :

Mes Gordon Bourgard, John Shipley et Julian Malone

AVOCATS INSCRITS AU
DOSSIER :

       Pour les appelants :

                             Nom :                   Me Howard Winkler

                        Cabinet :                   Aird & Berlis LLP
Toronto (Ontario)

              Pour l’intimée :                   William F. Pentney
Sous-procureur général du Canada
Ottawa, Canada

 



[1] Pièce A-44, onglet 1 - notice d’offre de la SC Garbo de 1984, p. 1.

[2] Pièce A-44, onglet 1 - notice d’offre de la SC Garbo de 1984, p. 5.

[3] Pièce A-44, onglet 1 - notice d’offre de la SC Garbo de 1984, p. 5.

[4] Revenu Canada à l’époque, appelé ARC dans le reste des présents motifs.

[5] Comme il sera signalé plus tard, il y a de nombreuses autres questions à examiner s’il est conclu que les sociétés en commandite constituent une source de revenus.

[6] Il s’agit d’une copie du tableau qui figure aux pages 12 et 13 des observations finales de l’appelant.

[7] Il s’agit d’une copie du tableau qui figure aux pages 13 et 14 des observations finales de l’appelante.

[8] Il s’agit d’une copie du tableau qui figure aux pages 14 et 15 des observations finales de l’appelant.

[9] Pièce A-44, onglet 7, la convention de rachat de la Société en commandite S/Y Garbo.

[10] Observations finales des appelants, annexe 1, à la page 2.

[11] Pièce A-44, La notice d’offre concernant la Société en commandite S/Y Garbo, page 21.

[12] Observations finales de l’intimée, page 36.

[13] Voir la page 13 de la troisième réponse modifiée, admise à la page 1 de la réponse des appelants.

[14] Observations finales de l’intimée, aux pages 43 à 49.

[15] Observations finales de l’intimée, aux pages 59 et 60.

[16] Observations finales de l’intimée, aux pages 61 et 62.

[17] Observations finales de l’intimée, aux pages 63 et 64.

[18] Observations finales de l’intimée, aux pages 66 et 67.

[19] Pièce A-5, onglet 11, ou pièce R-15, onglet 82.

[20] Pièce A-5, onglet 11, ou pièce R-15, onglet 82.

[21] Pièce R-144, rapport d’un témoin expert établi pour le ministère de la Justice du Canada par Eric A. Ogden.

[22] Observations finales de l’intimée, à la p. 137.

[23] Voir l’article 3 de la Loi.

[24] Hammill c. Canada, 2005 CAF 252 [Hammill].

[25] Hammill c. Canada, 2004 CCI 595 [Hammill], au par. 15. 

[26] Vankerk c. La Reine, 2006 CAF 96 [Vankerk].

[27] Vankerk c. La Reine, 2005 CCI 292.

[28] Loi sur les sociétés en nom collectif, L.R.O. 1980, ch. 370, art. 2.

[29] Vankerk, au par. 31.

[30] Lefebvre c.La Reine, 2006 CCI 247.

[31] Heppner c. La Reine, 2007 CCI 667.

[32] Agnew c. La Reine, 2002 CanLII 1030 (CCI).

[33] Hayter c. Canada, 2010 CCI 255.

[34] Kleinfelder c. The Minister of National Revenue, 91 DTC 913.

[35] Johnston c. Canada, [1998] A.C.I. no 63.

[36] Observations finales de l’intimée, au par. 157.

[37] 2012 CAF 253, autorisation d’interjeter appel refusée en 2013, CanLII 14327 (CSC), [Johnson].

[38] Black’s Law Dictionary, 9e éd., s.v. « fraud ».

[39] The Dictionary of Canadian Law, 3e éd., s.v. « fraud ».

[40] Black’s Law Dictionary, 9e éd., s.v. « fraudulent misrepresentation ».

[41] Observations finales de l’intimée, aux p. 191 et 192.

[42] Motkoski Holdings Ltd. c. Yellowhead (County), 2010 ABCA 72.

[43] Ereiser c. Canada, 2013 CAF 20.

[44] Johnston c. Canada, [1998] A.C.I. no 63.

[45] Agnew c. La Reine, 2002 CanLII 1030 (C.C.I.).

[46] Black’s Law Dictionary, 9e éd., s.v. « Ponzi scheme ».

[47] Loi sur les sociéts en nom collectif, LRO 1990, ch. P.5.

[48] Continental Bank Leasing Corp. c. Canada[1998] 2 RCS 298.

[49] Backman c. Canada, 2001 CSC 10, aux par. 17-18 [Backman].

[50] Spire Freezers Ltd. c. Canada, 2001 CSC 11, aux par. 14-16, [Spire Freezers Ltd.].

[51] Teelucksingh c. Canada, 2011 CCI 22 [Teelucksingh].

[52] Rouleau c. La Reine, 2007 CCI 338 [Rouleau].

[53] McKeown c. La Reine, [2001] 4 CTC 2197 [McKeown].

[54] Rezek c. Canada, 2005 CAF 227 [Rezek].

[55] Symes c. Canada, [1993] 4 RCS 695.

[56] Ibidem, au par. 48.

[57] Hewlett Packard (Canada) Ltd. c. R., 2004 CAF 240.

[58] Minister of National Revenue c. Wardean Drilling Ltd. (1969), 69 D.T.C. 5194 (C. de l’É. Can.), à la p. 5198.

[59] Shell Canada Ltd. c. Canada, [1999] 3 RCS 622 [Shell].

[60] Ludco Enterprises Ltd. c. Canada, 2001 CSC 62.

[61] Penn Ventilator Canada Ltd. c. The Queen, 2002 CanLII 871.

[62] M.N.R. c. TE McCool Ltd, [1949] C.T.C. 395.

[63] Goren c. R., [1997] 3 C.T.C. 2025, 98 D.T.C. 1963 [Goren].

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