Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

Dossier : 2013-2981(GST)I

ENTRE :

PETERSON ROCHEFORT,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

____________________________________________________________________

Appel entendu le 24 janvier 2014, à Ottawa (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge Campbell J. Miller

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimée :

Me Tamara Watters

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise relativement à la taxe sur les produits et services et à la taxe de vente harmonisée, dont l’avis est daté du 15 mars 2012, est accueilli, et la nouvelle cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse une nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l’appelant satisfait bien à toutes les exigences du paragraphe 254(2) de la Loi sur la taxe d’accise concernant le remboursement pour habitation neuve.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de janvier 2014.

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge C. Miller

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de mars 2014.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice


 

 

 

 

Référence : 2014 CCI 34

Date : 20140131

Dossier : 2013-2981(GST)I

ENTRE :

PETERSON ROCHEFORT,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge C. Miller

[1]             En mars 2010, M. Rochefort et son épouse ont signé un contrat de vente en vue d’acheter une maison devant être construite pour leur servir de résidence habituelle. Comme ils n’avaient pas eu droit à une hypothèque, M. Rochefort a demandé à son neveu, M. Fontaine, d’être cosignataire pour l’hypothèque et, de ce fait, d’être tenant conjoint avec M. Rochefort sur le titre de propriété. M. Rochefort a présenté une demande de remboursement de la taxe sur les produits et services et de la taxe de vente harmonisée (la « TPS/TVH ») pour habitation neuve, et un remboursement de 27 277,29 $ a été porté au crédit du promoteur immobilier, DCR Phoenix Development Corporation Limited (« DCR »). Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi une cotisation à l’égard de M. Rochefort, dans laquelle il a refusé le remboursement, compte tenu du fait qu’il n’avait pas été satisfait à l’exigence prévue à l’alinéa 254(2)e) de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi »).

 

Les faits

 

[2]             Peu de temps après leur mariage, M. et Mme Rochefort ont décidé d’acheter une nouvelle maison. Ils ont envisagé plusieurs promoteurs immobiliers, et ont finalement choisi DCR. M. Rochefort était aussi allé à la Banque Nationale du Canada pour obtenir une hypothèque approuvée au préalable. Mme Rochefort et lui ont signé un contrat de vente avec DCR le 8 mars 2010 pour la construction d’une nouvelle maison au 1928 Pennyroyal Crescent, à Orléans, en Ontario, et ont fait ensemble un versement initial de 5 000 $. Ils ont aussi fait les versements suivants qui étaient requis. Ils ont convenu ensemble de certaines modifications à apporter au contrat de vente au cours des mois qui ont suivi. M. Rochefort a mis en vente la maison qu’il possédait, mais il n’a pas réussi à la vendre.

 

[3]             Peu de temps avant la conclusion de la vente en novembre 2010, la Banque Nationale du Canada a avisé M. Rochefort que, comme il n’avait pas vendu le bien qu’il possédait, et compte tenu de la piètre cote de crédit de son épouse à ce moment‑là, son épouse et lui n’avaient plus droit à une hypothèque. Les Rocherfort ont consulté leur avocat, qui leur a dit qu’ils perdraient leurs versements s’élevant à plus de 20 000 $ et qu’ils seraient peut‑être tenus de payer des dommages‑intérêts, les Rochefort ont décidé qu’ils ne pouvaient pas renoncer à l’achat. Ils ont demandé à leur courtier en hypothèques de trouver un autre prêteur. La TD Canada Trust était disposée à leur prêter l’argent, mais exigeait qu’il y ait ce que M. Rochefort a appelé un « cosignataire ». M. Rochefort a donc demandé à son neveu, M. Fontaine, d’être cosignataire.

 

[4]             M. Fontaine a témoigné qu’il était prêt à aider son oncle en signant les documents nécessaires. Il ressort clairement du témoignage de M. Fontaine que ce dernier ne savait pas quels documents l’avocat lui avait fait signer exactement, bien qu’il ait admis que c’était sa signature qui figurait sur le formulaire de promesse de prêt hypothécaire à taux fixe de la TD Canada Trust, qui a été signé le 3 novembre 2010, le jour précédent la conclusion de la vente – le jour avant que M. et Mme Rocherfort emménagent dans leur nouvelle maison. M. Fontaine a aussi signé un document d’instructions concernant le titre de propriété, tout comme M. et Mme Rochefort, lequel document autorisait les avocats à [traduction] « faire la grosse de l’acte translatif lors du transfert » à M. Rochefort et à M. Fontaine à titre de tenants conjoints; ce document a lui aussi été signé le 3 novembre 2010. Le titre de propriété a été transféré à M. Rochefort et à M. Fontaine à titre de tenants conjoints, et l’hypothèque de la TD Canada Trust a été inscrite sur le titre de propriété le 4 novembre 2010. M. Rochefort a obtenu les clés de la maison le 4 novembre 2010, et Mme Rochefort et lui ont emménagé dans leur nouvelle maison, qui leur sert de résidence habituelle depuis cette date. M. Rochefort n’a pas encore réussi à vendre son ancienne maison et continue de la louer.

 

[5]             M. Fontaine a témoigné qu’il n’avait jamais rien payé pour l’hypothèque ou pour les factures liées au bien. M. Rochefort et lui ont clairement affirmé que, si le bien était vendu, M. Fontaine n’aurait droit à rien. Comme M. Rochefort l’a dit, il n’aurait [traduction] « pas un cent ». De toute évidence, il ne s’agissait pas d’un investissement pour M. Fontaine, mais d’un service rendu à des membres de sa famille, les Rochefort, pour les aider à acheter leur nouvelle maison. Comme Mme Rochefort l’a déclaré, M. Fontaine leur a simplement offert son aide à la dernière minute.

 

[6]             M. Rochefort ne se souvenait pas précisément d’avoir signé la demande de remboursement pour habitation neuve, mais il l’a signée en 2010, et un crédit de 27 278 $ a été accordé à DCR. L’intimée a établi une cotisation à l’égard de M. Rochefort en tenant pour acquis qu’il n’avait pas droit au remboursement.

 

La question en litige

 

[7]             M. Rochefort a‑t‑il droit au remboursement de la TPS/TVH pour habitation neuve au titre du paragraphe 254(2) de la Loi?

 

Analyse

 

[8]             La disposition qui prévoit le remboursement pour habitation neuve est le paragraphe 254(2) de la Loi, qui est libellé ainsi :

 

254(2)  Le ministre verse un remboursement à un particulier dans le cas où, à la fois :

 

a)         le constructeur d’un immeuble d’habitation à logement unique ou d’un logement en copropriété en effectue, par vente, la fourniture taxable au profit du particulier;

 

b)         au moment où le particulier devient responsable ou assume une responsabilité aux termes du contrat de vente de l’immeuble ou du logement conclu entre le constructeur et le particulier, celui-ci acquiert l’immeuble ou le logement pour qu’il lui serve de lieu de résidence habituelle ou serve ainsi à son proche;

 

c)         le total des montants — appelé « contrepartie totale » au présent paragraphe — dont chacun représente la contrepartie payable pour la fourniture de l’immeuble ou du logement et pour toute autre fourniture taxable, effectuée au profit du particulier, d’un droit sur l’immeuble ou le logement est inférieur à 450 000 $;

 

d)         le particulier a payé la totalité de la taxe prévue à la section II relativement à la fourniture et à toute autre fourniture, effectuée à son profit, d’un droit sur l’immeuble ou le logement (le total de cette taxe prévue au paragraphe 165(1) étant appelé « total de la taxe payée par le particulier » au présent paragraphe);

 

e)         la propriété de l’immeuble ou du logement est transférée au particulier une fois la construction ou les rénovations majeures de ceux-ci achevées en grande partie;

 

f)          entre le moment où les travaux sont achevés en grande partie et celui où la possession de l’immeuble ou du logement est transférée au particulier en vertu du contrat de vente :

 

(i)         l’immeuble n’a pas été occupé à titre résidentiel ou d’hébergement,

 

(ii)        le logement n’a pas été occupé à titre résidentiel ou d’hébergement, sauf s’il a été occupé à titre résidentiel par le particulier, ou son proche, qui était alors l’acheteur du logement aux termes d’un contrat de vente;

 

g)         selon le cas :

 

(i)         le premier particulier à occuper l’immeuble ou le logement à titre résidentiel, à un moment après que les travaux sont achevés en grande partie, est :

 

(A)       dans le cas de l’immeuble, le particulier ou son proche,

 

(B)       dans le cas du logement, le particulier, ou son proche, qui, à ce moment, en était l’acheteur aux termes d’un contrat de vente,

 

(ii)        le particulier effectue par vente une fourniture exonérée de l’immeuble ou du logement, et la propriété de l’un ou l’autre est transférée à l’acquéreur de cette fourniture avant que l’immeuble ou le logement n’ait été occupé à titre résidentiel ou d’hébergement.

 

Le remboursement est égal au montant suivant :

 

h)         si la contrepartie totale est de 350 000 $ ou moins, un montant égal à 6 300 $ ou, s’il est inférieur, le montant représentant 36 % du total de la taxe payée par le particulier;

 

i)          si la contrepartie totale est supérieure à 350 000 $ mais inférieure à 450 000 $, le montant calculé selon la formule suivante :

 

A × [(450 000 $ - B)/100 000 $]

 

où :

 

A         représente 6 300 $ ou, s’il est moins élevé, 36 % du total de la taxe payée par le particulier;

 

B         la contrepartie totale

 

[9]             Pour la question qui nous occupe, l’article 133 de la Loi décrit ce qu’est une fourniture taxable :

 

133      Pour l’application de la présente partie, la fourniture objet d’une convention est réputée effectuée à la date de conclusion de la convention. La livraison du bien ou la prestation du service aux termes de la convention est réputée faire partie de la fourniture et ne pas constituer une fourniture distincte.

 

[10]        L’article 254 de la Loi renvoie à un « particulier ». Lorsqu’il y a plus d’un acheteur, le paragraphe 262(3) de la Loi énonce clairement que le terme « particulier » vise tous les acheteurs. Le paragraphe est rédigé en ces termes :

 

262(3)  Lorsque la fourniture d’un immeuble d’habitation ou d’une part du capital social d’une coopérative d’habitation est effectuée au profit de plusieurs particuliers ou que plusieurs particuliers construisent ou font construire un immeuble d’habitation, ou y font ou font faire des rénovations majeures, la mention d’un particulier aux articles 254 à 256 vaut mention de l’ensemble de ces particuliers en tant que groupe. Toutefois, seulement l’un d’entre eux peut demander le remboursement en application des articles 254, 254.1, 255 ou 256 relativement à l’immeuble ou à la part.

 

 

[11]        Il est clair que la fourniture taxable a été effectuée à M. et Mme Rochefort : ils ont signé le contrat de vente et ils ont fait le versement initial. M. Fontaine n’a rien fait de tout ça. Pour l’application de la Loi, aucune fourniture n’a été effectuée à M. Fontaine.

 

[12]        Comment, alors, la Loi s’applique-t-elle à M. et Mme Rochefort? L’alinéa 254(2)e) de la Loi exige que la « propriété » soit transférée au particulier, soit, en l’espèce, à M. et Mme Rochefort. L’intimée fait simplement valoir que la propriété n’a pas été transférée à M. et Mme Rochefort, mais à M. Rochefort et à M. Fontaine, et qu’il n’a donc pas été satisfait à l’exigence. L’avocate de l’intimée m’a renvoyé aux décisions Davidson v R[1] et Goyer c R[2], qui, selon elle, permettent de trancher l’affaire. En toute déférence, je ne suis pas d’accord. Dans la décision Davidson, le juge McArthur a conclu qu’une personne, Mme Waterhouse, qui était devenue tenante conjointe avec M. Davidson, mais seulement pour aider financièrement M. Davidson, qui occupait la nouvelle maison, était un particulier au même titre que M. Davidson, étant donné qu’elle avait signé le contrat de vente. Elle devait donc satisfaire aux exigences du paragraphe 254(2) de la Loi, et elle n’y satisfaisait pas. Dans la présente affaire, M. Fontaine n’était pas un particulier : la situation est tout simplement différente.

 

[13]        L’intimée m’a aussi renvoyé à l’affaire plus récente Goyer, mais, là encore, cette décision confirme le même principe que celui qui est énoncé dans la décision Davidson : c’est‑à‑dire que, lorsqu’une fourniture taxable est effectuée à un « particulier », si le particulier est un groupe, tous les membres du groupe doivent satisfaire aux exigences du paragraphe 254(2) de la Loi.

 

[14]        En l’espèce, les « particuliers » sont M. et Mme Rochefort. De toute évidence, M. Rochefort satisfait à toutes les exigences du paragraphe 254(2) de la Loi. La question qui se pose est la suivante : Mme Rochefort satisfait-elle à toutes les exigences?; plus particulièrement, la propriété du bien lui a-t-elle été transférée, comme l’exige l’alinéa 254(2)e) de la Loi?

 

[15]        L’avocate de l’intimée a soutenu que la « propriété » signifiait le titre de propriété. Elle m’a renvoyé à la décision qu’a rendue le juge Bell dans l’affaire 277287 Alberta Ltd. v R[3], dans laquelle ce dernier examine le sens du terme « propriété » dans le contexte de l’article 336 de la Loi. Il s’est fondé sur les lois provinciales, dans ce cas‑là le Land Titles Act[4] de l’Alberta, pour définir la propriété de façon à inclure la propriété effective. L’avocate de l’intimée a souligné que, dans la Loi sur l’enregistrement des droits immobiliers[5] de l’Ontario, le terme « propriétaire » s’entend de propriétaire en fief simple. Elle laisse entendre que cela devrait être la définition pour l’application de la Loi. Je ne suis pas d’accord pour dire que cela tranche l’affaire.

 

[16]        Je renvoie à mon tour à la décision 277287 Alberta Ltd., dans laquelle le juge Bell a déclaré ce qui suit :

 

11.       […] Les personnes qui ont rédigé ces dispositions législatives auraient facilement pu employer des termes clairs si elles avaient cherché à limiter le sens de « propriété » au titre légal.

 

[17]        Le transfert de propriété exigé par la Loi peut s’appliquer à la propriété effective en Alberta, mais pas en Ontario. Pour l’application de la Loi, et plus particulièrement du paragraphe 254(2), l’interprétation du terme « propriété » devrait être uniforme. Je suis d’accord avec le juge Bell pour dire que, si le législateur avait voulu donner au terme « propriété » le sens de « titre », il aurait pu le faire, au lieu de laisser les différentes lois provinciales compléter le sens du terme. Non, pour les besoins du remboursement de la TPS/TVH pour habitation neuve, il faut étudier le terme « propriété » en fonction du texte, du contexte et de l’objet visé pour avoir un sens plus complet que le simple fait qu’il s’agit d’un titre de propriété.

 

[18]        Pour ce qui est du texte, comme je l’ai déjà mentionné, je n’assimile pas la « propriété » au titre juridique. Le Black’s Law Dictionary donne une définition plus complète du terme :

 

[traduction]

Ensemble de droits permettant à une personne d’utiliser un bien et d’en jouir, dont le droit de transférer le bien à d’autres personnes : la propriété suppose le droit de posséder une chose, qu’il y ait contrôle réel ou implicite ou non.

 

[19]        En ce qui concerne le contexte, le paragraphe 254(2) de la Loi doit être lu conjointement avec l’article 133 de la Loi. Cette disposition établit l’existence d’une fourniture taxable et le moment auquel elle est effectuée. L’alinéa 254(2)e) suppose qu’il y a eu une fourniture taxable et que, maintenant, il faut que quelque chose de différent se produise pour qu’il soit satisfait à l’exigence, qu’il y ait transfert de propriété. Ainsi, la conclusion d’un contrat de vente et la réception du titre afférent à un bien ne sont pas suffisantes en soi pour qu’il y ait propriété pour l’application de l’alinéa 254(2)e). Le contexte confirme qu’il faut donner un sens plus large au terme « propriété », ce qui mène à une interprétation fondée sur l’objet.

 

[20]        À qui le paragraphe 254(2) de la Loi est‑il censé profiter? De toute évidence, à l’acheteur d’une nouvelle maison qui a l’intention d’y vivre. D’après ce que je comprends de l’alinéa 254(2)e) de la Loi, il s’agit principalement d’une exigence relative au moment – la propriété est transférée une fois que la construction est achevée en grande partie. Dans la publication du gouvernement intitulée « Remboursement pour habitation construite par un constructeur (fond acheté) », de juillet 1998, et ses modifications en 2002 et en 2005, le gouvernement fait état de ce qui suit au paragraphe 6 :

 

6.         Remboursement aux particuliers – Un particulier peut avoir droit, en application de l’article 254 de la Loi, à un remboursement portant sur une partie de la TPS/TVH qu’il a payée sur une habitation si toutes les conditions suivantes sont réunies :

 

[…]

 

f)         Moment de l’occupation – personne n’occupe l’habitation à titre résidentiel ou d’hébergement entre la date à laquelle la construction ou les rénovations majeures sont achevées en grande partie et la date à laquelle la possession est transférée au particulier.

 

Il semble que le gouvernement a reconnu qu’à l’alinéa 254(2)e) de la Loi, on met l’accent sur le moment.

 

[21]        En ce qui concerne la politique, il est clair que le remboursement est censé profiter aux Rochefort, étant donné qu’ils sont les acheteurs du bien, qu’ils sont tenus de payer la TPS et qu’ils ont pris possession du bien une fois que la construction a été achevée en grande partie pour qu’il leur serve de résidence habituelle.

 

[22]        Dans les faits, la question est de savoir si Mme Rochefort a acquis suffisamment de droits pour devenir propriétaire et donc de savoir si M. Rochefort satisfaisait aux exigences énoncées à l’alinéa 254(2)e) de la Loi. Mme Rochefort a signé un contrat en vue de devenir propriétaire, elle a fourni l’argent pour les versements afin de devenir propriétaire, elle a agi comme propriétaire lorsqu’elle a pris des décisions concernant la modification du contrat de vente, elle était tenue de payer la TPS, elle a pris possession du bien avec son époux et, lorsqu’elle a utilisé le bien et en a joui, elle s’est en tout point comportée comme si elle en était propriétaire. Quant à la question de savoir si elle avait des droits concernant le transfert du bien, elle aurait pu obtenir de tels droits de différentes façons : premièrement, en tant que propriétaire effective et, deuxièmement, en tant qu’épouse demeurant dans le foyer conjugal.

 

[23]        Quels éléments de preuve permettent d’affirmer que Mme Rochefort était propriétaire effective du bien? M. Fontaine détenait‑il en fiducie pour Mme Rochefort le droit de propriété en common law sur le bien? C’est minimiser la situation que de dire que l’entente conclue entre les Rochefort et M. Fontaine était vague. En quoi consiste la preuve?

 

a)       M. Fontaine n’avait pas l’intention d’avoir à payer quoi que ce soit concernant le bien, que ce soit pour le prix d’achat de la maison ou pour les dépenses courantes relatives à celle‑ci;

 

b)      M. Fontaine et les Rochefort croyaient que M. Fontaine n’avait pas le droit de tirer quelque gain que ce soit du bien;

 

c)       M. Fontaine ne s’était pas rendu compte que son nom figurerait sur le titre de propriété en tant que propriétaire; il rendait simplement service aux Rochefort;

 

d)      les Rochefort et M. Fontaine considéraient que le bien appartenait aux Rochefort;

 

e)       M. Rochefort croyait qu’il pouvait exiger en tout temps que M. Fontaine transfère le titre de propriété aux Rochefort.

 

[24]        Dans les circonstances, je conclus que M. Fontaine a accepté de détenir le titre de propriété uniquement pour le bénéfice des Rochefort, et qu’à titre de fiduciaire du bien, il était tenu de transférer le titre de propriété aux Rochefort sur demande, ou bien à un tiers à leur demande. À mon avis, il s’agissait du marché qui avait été conclu, et cela me convainc que Mme Rochefort était une propriétaire effective du bien.

 

[25]        Quant au droit de la famille, je signale que l’article 21 de la Loi sur le droit de la famille de l’Ontario prévoit qu’un conjoint ne peut pas aliéner un droit sur un foyer conjugal à moins que l’autre conjoint consente à l’opération. Cela donne à penser qu’il y avait un certain droit concernant le transfert de la maison.

 

[26]        Si j’adopte une interprétation libérale du terme « propriété », qui ne se limite pas au titre juridique, si je considère que, mis ensemble, les droits de Mme Rochefort sont suffisants pour établir l’existence d’un droit de propriété, si je tiens compte du fait que le but visé par le paragraphe 254(2) de la Loi serait atteint si le remboursement était accordé, et si je distingue la présente affaire de celles dans lesquelles le tiers ayant garanti des fonds pour aider l’acheteur était considéré comme un « particulier », je conclus que M. Rochefort a droit au remboursement pour habitation neuve, conformément aux exigences du paragraphe 254(2) de la Loi. L’appel est accueilli et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément aux présents motifs.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de janvier 2014.

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge C. Miller

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de mars 2014.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice

 


RÉFÉRENCE :                                 2014 CCI 34

 

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :   2013-2981(GST)I

 

 

INTITULÉ :                                      PETERSON ROCHEFORT c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Ottawa (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 24 janvier 2014

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge Campbell J. Miller

 

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 31 janvier 2014

 

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimée :

Me Tamara Watters

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                      s.o.

 

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]           2002 CarswellNat 479, [2002] G.S.T.C. 25.

 

[2]           2010 CCI 511.

 

[3]           1997 CarswellNat 750, [1997] G.S.T.C. 44.

 

[4]           RSA 2000, c L-4.

 

[5]           L.R.O. 1990, ch. L.5.

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.