Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier : 2013-12(IT)I

ENTRE :

LUCIE DESCARRIES,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de René Leroux (2013‑13(IT)I), Suzanne Gauthier (2013-16(IT)I), Nicole Beauregard (2013‑18(IT)I), Jean Leroux (2013-20(IT)I) et Denise L. Bissonnette (2013‑21(IT)I), les 4 et 5 décembre 2013, à Montréal (Québec).

 

Devant : L’honorable juge Robert J. Hogan

 

Comparutions :

 

Avocate de l’appelante :

Me Marie-Josée Michaud

Avocate de l’intimée :

Me Natalie Goulard

 

 

JUGEMENT

 

          L’appel des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu  pour les années d’imposition 2005 et 2008 est accueilli en partie et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de mars 2014.

 

 

 

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

 

 

 

 

Dossier : 2013-13(IT)I

ENTRE :

RENÉ LEROUX,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Lucie Descarries (2013‑12(IT)I), Suzanne Gauthier (2013-16(IT)I), Nicole Beauregard (2013‑18(IT)I), Jean Leroux (2013-20(IT)I) et Denise L. Bissonnette (2013‑21(IT)I), les 4 et 5 décembre 2013, à Montréal (Québec).

 

Devant : L’honorable juge Robert J. Hogan

 

Comparutions :

 

Avocate de l’appelant :

Me Marie-Josée Michaud

Avocate de l’intimée :

Me Natalie Goulard

 

 

JUGEMENT

 

          L’appel des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu  pour les années d’imposition 2005 et 2008 est accueilli en partie et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de mars 2014.

 

 

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan


 

 

 

 

Dossier : 2013-16(IT)I

ENTRE :

SUZANNE GAUTHIER,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Lucie Descarries (2013-12(IT)I), René Leroux (2013-13(IT)I), Nicole Beauregard (2013‑18(IT)I), Jean Leroux (2013-20(IT)I) et Denise L. Bissonnette (2013‑21(IT)I), les 4 et 5 décembre 2013, à Montréal (Québec).

 

Devant : L’honorable juge Robert J. Hogan

 

Comparutions :

 

Avocate de l’appelante :

Me Marie-Josée Michaud

Avocate de l’intimée :

Me Natalie Goulard

 

 

JUGEMENT

 

          L’appel des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu  pour les années d’imposition 2005 et 2008 est accueilli en partie et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de mars 2014.

 

 

 

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan


 

 

 

 

Dossier : 2013-18(IT)I

ENTRE :

NICOLE BEAUREGARD,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Lucie Descarries (2013-12(IT)I), René Leroux (2013-13(IT)I), Suzanne Gauthier (2013‑16(IT)I), Jean Leroux (2013-20(IT)I) et Denise L. Bissonnette (2013‑21(IT)I), les 4 et 5 décembre 2013, à Montréal (Québec).

 

Devant : L’honorable juge Robert J. Hogan

 

Comparutions :

 

Avocate de l’appelante :

Me Marie-Josée Michaud

Avocate de l’intimée :

Me Natalie Goulard

 

 

JUGEMENT

 

          L’appel des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu  pour les années d’imposition 2005 et 2008 est accueilli en partie et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de mars 2014.

 

 

 

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan


 

 

 

 

Dossier : 2013-20(IT)I

ENTRE :

JEAN LEROUX,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Lucie Descarries (2013-12(IT)I), René Leroux (2013-13(IT)I), Suzanne Gauthier (2013‑16(IT)I), Nicole Beauregard (2013-18(IT)I) et Denise L. Bissonnette (2013‑21(IT)I), les 4 et 5 décembre 2013, à Montréal (Québec).

 

Devant : L’honorable juge Robert J. Hogan

 

Comparutions :

 

Avocate de l’appelant :

Me Marie-Josée Michaud

Avocate de l’intimée :

Me Natalie Goulard

 

 

JUGEMENT

 

          L’appel des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu  pour les années d’imposition 2005 et 2008 est accueilli en partie et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de mars 2014.

 

 

 

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

 

 

 

Dossier : 2013-21(IT)I

ENTRE :

DENISE L. BISSONNETTE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Lucie Descarries (2013-12(IT)I), René Leroux (2013-13(IT)I), Suzanne Gauthier (2013‑16(IT)I), Nicole Beauregard (2013-18(IT)I) et Jean Leroux (2013‑20(IT)I), les 4 et 5 décembre 2013, à Montréal (Québec).

 

Devant : L’honorable juge Robert J. Hogan

 

Comparutions :

 

Avocate de l’appelante :

Me Marie-Josée Michaud

Avocate de l’intimée :

Me Natalie Goulard

 

 

JUGEMENT

 

          L’appel des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu  pour les années d’imposition 2005 et 2008 est accueilli en partie et l’affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de mars 2014.

 

 

 

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan


 

 

Référence : 2014 CCI 75

Date : 20140307

Dossiers : 2013-12(IT)I

2013-13(IT)I

2013-16(IT)I

2013-18(IT)I

2013-20(IT)I

2013-21(IT)I

 

ENTRE :

LUCIE DESCARRIES,

RENÉ LEROUX,

SUZANNE GAUTHIER,

NICOLE BEAUREGARD,

JEAN LEROUX,

DENISE L. BISSONNETTE,

appelants,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Hogan

 

I.       Introduction

 

[1]             Entre 2004 et 2008, les appelants ont effectué la série d’opérations décrite au paragraphe 6 ci-dessous en se fondant sur les conseils de leur fiscaliste. Les opérations en cause comprenaient le rachat par 9149-7321 Québec inc. (« 9149 ») d’actions détenues par les appelants. Ce rachat fut financé par Oka inc. (« Oka »), une filiale à 100 % de 9149 au moment du rachat. Au départ, Oka fut détenue directement par les appelants.

 

[2]              Lors de la présentation de sa planification fiscale aux appelants, leur fiscaliste a comparé les conséquences fiscales pour les appelants du rachat de leurs actions d’Oka avec le résultat fiscal de l’exécution des opérations proposées par lui. Dans le cas du rachat par Oka des actions détenues par les appelants, l’ensemble des appelants recevraient un dividende imposable de 592 362 $. Les opérations en cause engendraient une majoration du capital versé des actions de 9149 émises en faveur des appelants en échange de leurs actions d’Oka. Par conséquent, selon le fiscaliste, le rachat des actions de 9149 donnerait lieu à des dividendes imposables moindres.

 

[3]             L’intimée m’invite à considérer l’ensemble des transactions décrites ci‑dessous pour déterminer les conséquences fiscales du rachat des actions de 9149.  Selon l’intimée, dans ce contexte, le rachat des actions de 9149 peut être qualifié d’attribution ou de distribution des fonds ou des biens d’Oka en faveur des appelants lors de la liquidation, de la cessation de l’exploitation, ou de la réorganisation de l’entreprise d’Oka. Cela entraîne plutôt l’application du paragraphe 84(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). En vertu de ce paragraphe, l’ensemble des appelants sont imposables relativement à un dividende réputé de 592 366 $ plutôt que de 265 505 $.

 

[4]             En établissant les cotisations à l’égard des appelants, le ministre du Revenu national (le « ministre ») s’est également fondé sur la règle générale anti‑évitement (la « RGAÉ ») énoncée à l’article 245 de la Loi.

 

[5]             Les appels ont été entendus sur preuve commune.

 

II.      Contexte factuel

 

[6]             Les parties ont déposé une entente partielle sur les faits qui est ainsi rédigée :

 

1.      La société L’immobilière d’Oka Inc. (« Oka ») a été constituée en vertu de la partie I de la Loi sur les compagnies du Québec par lettres patentes émises en date du 31 juillet 1946 et a continué son existence sous la partie IA de ladite Loi le 8 décembre 2004.

 

2.      Oka était une société résidant au Canada pour les fins de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

3.      Au 31 décembre 1971, Monsieur Lionel Leroux détenait 3 178 actions ordinaires d’Oka.

 

4.      Au moment du décès de M. Lionel Leroux en 1982, les enfants de celui‑ci (René Leroux, Jean Leroux, Suzanne Gauthier, Denise Bissonnette et Lucie Descarries) ainsi que sa belle-fille, Nicole Beauregard (« les appelants ») sont devenus propriétaires à parts égales des 3 178 actions ordinaires d’Oka.

 

5.      Les appelants ont aussi acquis 820 actions ordinaires d’Oka d’un tiers pour la somme de 25 000 $ et ont souscrit à 2 actions ordinaires du trésor pour 100 $.

 

6.      En décembre 2004, les appelants détenaient la totalité des 4 000 actions ordinaires d’Oka en circulation. La juste valeur marchande des 4 000 actions était alors de 617 466 $, le prix de base rajusté de 361 658 $ et le capital versé de 25 100 $.

 

7.      Oka détenait des terrains dans le but de les vendre.

 

La société 9149-7321 Québec Inc. est constituée

 

8.      Le 1er décembre 2004, 9149-7321 Québec Inc. fut constituée en vertu de la partie IA de la Loi sur les compagnies du Québec. Son capital-actions autorisé comportait des actions de catégorie « A » votantes et participantes et des actions de catégorie « B » ni votantes, ni participantes, mais rachetables au gré du détenteur pour un montant équivalant au montant reçu lors de leur émission.

 

9.      Oka a prêté à 9149-7321 Québec Inc. la somme de 544 354 $.

 

Les actions ordinaires d’Oka sont converties en actions de catégorie « A »

 

10.    Le 8 décembre 2004, Oka a modifié son capital-actions afin d’autoriser un nombre illimité d’actions ordinaires de catégorie « A » votantes et participantes et un nombre illimité d’actions privilégiées de catégorie « B », « C »  et « D » non votantes et rachetables au gré du détenteur ou d’Oka.

 

11.    Le même jour, Oka a procédé à la conversion de ses 4 000 actions ordinaires en actions de catégorie « A ». Pour chaque action ordinaire convertie, les appelants ont reçu une action de catégorie « A ».

 

Les appelants échangent leurs actions de catégorie « A » contre des actions privilégiées de catégories « B » et « C » d’Oka

 

12.    Le 1er mars 2005, les appelants ont échangé, par voie de roulement, en vertu du paragraphe 85(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, leurs 4 000 actions de catégorie « A » en contrepartie de 269 618 actions privilégiées de catégorie « B » et 347 848 actions privilégiées de catégorie « C ».

 

13.    La somme convenue aux fins du roulement était la juste valeur marchande des 4 000 actions de catégorie « A », soit 617 466 $. Un gain en capital équivalent à la différence entre le PBR des actions (361 658 $) et la somme convenue (617 466 $) a été réalisé. Chaque appelant a déclaré un gain en capital de 42 635 $ en produisant sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2005. Aucune déduction pour gains en capital n’a été réclamée.

 

14.    L’application des dispositions contenues à l’article 85 de la Loi a eu pour conséquence que les actions de catégorie « B » ont un PBR de 269 618 $ et un capital versé de 10 960 $ et les actions de catégorie « C », un PBR de 347 848 $ et un capital versé de 14 140 $.

 

Les appelants disposent de leurs actions d’Oka en faveur de 9149-7321 Québec Inc.

 

15.    Le 15 mars 2005, les appelants ont disposé de la totalité de leurs actions détenues dans Oka en faveur de 9149-7321 Québec Inc., en contrepartie de 347 848 actions de catégorie « A » et 269 618 actions de catégorie « B » :

 

Disposition

Contrepartie reçue

269 618 actions de catégorie « B » d’Oka

 

151 889 actions de catégorie « A » de 9149-7321 Québec Inc.

 

117 729 actions de catégorie « B » de 9149-7321 Québec Inc.

 

347 848 actions de catégorie « C » d’Oka        

 

actions de catégorie « A » de 9149-7321 Québec Inc.

 

151 889 actions de catégorie « B » de 9149-7321 Québec Inc.

        

16.    L’article 84.1 de la Loi s’est appliqué à cette transaction afin de limiter le capital versé des nouvelles actions émises. Normalement, en vertu de cet article, le capital versé des actions reçues par les appelants lors du transfert aurait été égal au plus élevé entre le capital versé des actions échangées et leur prix de base rajusté. Toutefois, certains ajustements devaient être faits au prix de base rajusté des actions en vertu de l’alinéa 84.1(2)a.1) afin notamment de tenir compte de la plus‑value prise avant 1971. Les 347 848 actions de catégorie « A » de 9149-7321 Québec Inc. avait donc un PBR et un capital versé de 347 848 $, et les 269 618 actions de catégorie « B » avaient un PBR de 269 618 $ et un capital versé de 0 $.

 

9149-7321 Québec Inc. rachète ses actions ordinaires de catégorie « A » et une partie de ses actions privilégiées de catégorie « B »

 

17.    Le 29 mars 2005, 9149-7321 Québec Inc. a racheté la totalité de ses actions de catégorie « A », soit 347 848 actions, pour un montant de 347 848 $. Aucune conséquence fiscale n’a découlé de ce rachat :

 

Produit de disposition

347 848 $

Capital versé

- 347 848 $

Dividende 84(3)

0 $

 

 

Produit de disposition

347 848 $

Prix de base rajusté

- 347 848 $

Gain en capital

0 $

 

18.    Le 29 mars 2005, 9149-7321 Québec Inc. a aussi racheté 196 506 actions de catégorie « B » pour un montant de 196 506 $, ce qui a provoqué la réalisation d’un dividende réputé au montant de 196 506 $ en vertu du paragraphe 84(3) de la Loi et d’une perte en capital de 196 506 $ :

 

Produit de disposition

196 506 $

Capital versé

-           0 $

Dividende 84(3)

196 506 $

 

 

Produit de disposition

196 506 $

Dividende 84(3)

-  196 506 $          

Prix de base rajusté

-  196 506 $          

Gain (perte) en capital

-  196 506 $          

 

19.    Chaque appelant a déclaré un dividende réputé (avant majoration) de 32 751 $ (196 506 $ / 6) et une perte en capital de 32 751 $ (196 506 $ / 6) en produisant sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2005.

 

20.    La perte en capital de 32 751 $ a réduit le gain en capital de 42 635 $ mentionné au paragraphe 13 de la présente entente.

 

Oka Inc. est liquidée

 

21.    Le 15 décembre 2006, les administrateurs d’Oka et de son unique actionnaire, 9149-7321 Québec Inc. ont adopté des résolutions en vue de la liquidation et de la dissolution d’Oka.

 

22.    Dans le contexte de la liquidation d’Oka, l’obligation de payer la somme de 544 354 $ s’est éteinte par confusion vu la réunion des qualités de créancier et de débiteur.

 

9149-7321 Québec Inc. rachète les autres actions privilégiées de catégorie « B » 

 

23.    À la fin de l’année 2008, 9149-7321 Québec Inc. a racheté le solde des actions de catégorie « B » détenues par les appelants, soit 73 112 actions, pour 69 000 $, ce qui a provoqué la réalisation d’un dividende réputé au montant de 69 000 $ en vertu du paragraphe 84(3) de la Loi et d’une perte en capital de 73 112 $ :

 

Produit de disposition

69 000 $

Capital versé

-           0 $

Dividende 84(3)

69 000 $

 

 

Produit de disposition

69 000 $

Dividende 84(3)

-  69 000 $          

Prix de base rajusté

-  73 112 $          

Gain (perte) en capital

-  73 112 $          

 

24.    Chaque appelant a déclaré un dividende réputé (avant majoration) de 11 500 $ (69 000 $ / 6) et une perte en capital de 12 185 $ (73 112 $ / 6) en produisant sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2008.

 

Dissolution des sociétés

 

25.    Oka a été dissoute le 10 septembre 2008.

 

26.    9149-7321 Québec Inc. a été dissoute le 24 février 2009.

 

[7]             Les conséquences fiscales des opérations en cause sont résumées à l’annexe A ci-jointe.

 

[8]             Outre les faits décrits dans l’entente partielle sur les faits soumise par les parties, les témoignages à l’audience ont révélé ce qui suit. 

 

[9]             L’entreprise de la société Oka consiste dans la vente de terrains situés dans la région d’Oka.

 

[10]        Au moment du premier rachat d’actions par 9149, soit en mars 2005, Oka possédait toujours quatre terrains en stock. Ces terrains ont été vendus le 22 décembre 2005 à Armand Dagenais et Fils inc. et à Denis Dagenais.

 

[11]        La vente des terrains a notamment requis la négociation d’une entente avec Maurice Vaillancourt, lequel utilisait un garage situé sur l’un des terrains vendus à Armand Dagenais et Fils inc. De plus, Oka a dû entreprendre un recours judiciaire devant la Cour supérieure afin de faire régulariser certains titres de propriété, le jugement n’ayant été rendu que le 12 décembre 2006.

 

III.     Analyse

 

A.      Le paragraphe 84(2) de la Loi

 

(i)      Les conditions d’application du paragraphe 84(2) de la Loi

 

[12]        Le paragraphe 84(2) de la Loi, qui est au cœur de l’analyse, dispose comme suit :

 

84(2) Distribution lors de liquidation, etc. − Lorsque des fonds ou des biens d’une société résidant au Canada ont, à un moment donné après le 31 mars 1977, été distribués ou autrement attribués, de quelque façon que ce soit, aux actionnaires ou au profit des actionnaires de toute catégorie d’actions de son capital-actions, lors de la liquidation, de la cessation de l’exploitation ou de la réorganisation de son entreprise, la société est réputée avoir versé au moment donné un dividende sur les actions de cette catégorie, égal à l’excédent éventuel du montant ou de la valeur visés à l’alinéa a) sur le montant visé à l’alinéa b) :

 

      a) le montant ou la valeur des fonds ou des biens distribués ou attribués,           selon le cas;

 

      b) le montant éventuel de la réduction, lors de la distribution ou de       l’attribution, selon le cas, du capital versé relatif aux actions de cette    catégorie;

 

chacune des personnes qui détenaient au moment donné une ou plusieurs des actions émises est réputée avoir reçu à ce moment un dividende égal à la fraction de l’excédent représentée par le rapport existant entre le nombre d’actions de cette catégorie qu’elle détenait immédiatement avant ce moment et le nombre d’actions émises de cette catégorie qui étaient en circulation immédiatement avant ce moment.

 

[13]        Ce paragraphe requiert donc la présence de différents éléments pour qu’il soit applicable à une situation donnée. Tel qu’il est expliqué par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Canada c. MacDonald[1], les conditions d’application peuvent être résumées ainsi :

 

17 Une simple lecture du texte de la disposition fait ressortir les différents éléments qui sont nécessaires à son application : 1) une société résidant au Canada, qui fait l’objet d’une 2) liquidation, cessation d’exploitation ou réorganisation, 3) dont les fonds ou les biens sont distribués ou autrement attribués, de quelque façon que ce soit, 4) aux actionnaires ou à leur profit.

 

[14]        Après avoir expliqué la différence entre la position de la Cour canadienne de l’impôt et celle de la Couronne concernant l’élément auquel une importance particulière devrait être accordée, la Cour d’appel fédérale ajoute[2] :

 

21 À mon avis, l’analyse textuelle, contextuelle et téléologique du paragraphe 84(2) amène la Cour à rechercher : (i) qui est à l’origine de la liquidation, la cessation d’exploitation ou la réorganisation de l’entreprise; (ii) qui, à l’issue de cette liquidation, cessation d’exploitation ou réorganisation, a reçu les fonds ou les biens de la société; (iii) dans quelles circonstances les prétendues distributions ont eu lieu. Cette approche est conforme à la jurisprudence portant sur l’interprétation de cette disposition et assure la cohérence de l’analyse du paragraphe 84(2), sur lequel se sont exprimées les deux parties au présent appel.

 

(ii)     Existence d’une distribution

 

[15]        La Loi ne définit pas ce qu’est une distribution; il faut donc s’en remettre à la jurisprudence. D’abord, il y a l’affaire Minister of National Revenue v. Merritt[3], dont les faits étaient ainsi résumés par le tribunal de première instance[4] :

 

[TRADUCTION]

 

4 La question en litige en l’espèce tire son origine d’un accord provisoire conclu en mars 1937 entre les administrateurs de la Security Loan and Trust Company (ci‑après appelée la « Security Company »), une société de prêt constituée sous le régime des lois de la province de l’Ontario, et les administrateurs de la Premier Trust Company (ci-après appelée la « Premier Company »), une société de fiducie constituée par une loi du Parlement du Canada. L’accord prévoyait principalement ce qui suit : la Security Company s’engageait à vendre et à transférer à la Premier Company, qui s’engageait à les lui acheter, l’ensemble des actifs et de l’entreprise de la Security Company en tant qu’entreprise en exploitation, y compris le fonds commercial de l’entreprise, lequel était décrit dans l’accord comme comprenant toute réserve ou tous les bénéfices non répartis auxquels la Security Company avait droit relativement à son entreprise. […] En contrepartie des actifs et des biens visés par l’accord de vente, la Premier Company devait attribuer à chaque actionnaire de la Security Company et émettre en sa faveur une action et demie entièrement libérée (d’une valeur nominale de 100 $ l’action) de son capital-actions pour chaque action entièrement libérée détenue par l’actionnaire ou, si tel était le choix de l’actionnaire, la Premier Company devait payer 102 $ comptant et attribuer et émettre une demi-action de son capital-actions pour chaque action entièrement libérée détenue par cet actionnaire; de plus, il était prévu un rajustement en argent comptant pour les fractions d’actions de la Premier Company, et les actionnaires de la Security Company devaient recevoir en outre un paiement en argent comptant équivalant au dividende accumulé, au taux de cinq pour cent par an, sur chaque action entièrement libérée détenue par eux, et ce, pour la période allant du 31 décembre 1936 jusqu’à la date de l’émission des actions de la Premier Company auxquelles ils avaient droit aux termes de l’accord.

 

5 En temps utile, l’appelante, par l’intermédiaire de ses fiduciaires, a levé l’option d’accepter comme contrepartie de ses actions 102 $ comptant et une demi-action de la Premier Company pour chacune de ses actions entièrement libérées du capital-actions de la Security Company. Le 5 octobre 1937, la Premier Company a remis aux fiduciaires, pour le compte de l’appelante, un chèque de 26 690,75 $, correspondant, d’après la lettre d’accompagnement, à la contrepartie en argent comptant des 259 actions du capital-actions de la Security Company qu’elle détenait, à 102 $ l’action, et à un montant au titre d’un dividende accumulé tel que le prévoyait l’accord, moins une déduction en raison du rajustement en argent comptant, aux termes de l’option qui a été levée, pour une fraction d’une action entièrement libérée que devait recevoir l’appelante. En même temps, les fiduciaires ont reçu un certificat pour 130 actions entièrement libérées de la Premier Company inscrites au nom des fiduciaires de l’appelante.

 

6 Comme il a déjà été indiqué, en mai 1939, l’appelante a fait l’objet d’une cotisation pour des revenus additionnels de 10 192,60 $ pour la période en question, et ces revenus additionnels seraient la part revenant à l’appelante des bénéfices non répartis dont la Security Company disposait au moment de la distribution de ses biens à la suite de la cessation de l’exploitation de son entreprise.

 

[16]        Au sujet de la distribution, le président arriva à la conclusion suivante[5] :

 

[TRADUCTION]

 

7 [...] Je ne doute pas non plus qu’il y a eu distribution, au sens du paragraphe 19(1) de la Loi, des biens de la Security Company parmi ses actionnaires conformément à l’accord, après la ratification de celui-ci par les actionnaires de la Security Company. Le fait que la contrepartie reçue par l’appelante pour ses actions lui soit parvenue directement de la Premier Company et non par l’intermédiaire de la Security Company est, selon moi, sans pertinence.

 

[17]        Cette conclusion fut confirmée dans l’arrêt Merritt de la Cour suprême du Canada, à la page 274.

 

[18]        Dans l’affaire Merritt, plutôt que de liquider la société en suivant le processus normal, c’est-à-dire en nommant un liquidateur qui se chargerait de distribuer le revenu de la société entre les actionnaires, on procéda de façon que ceux-ci reçussent leur part des liquidités par l’entremise d’un tiers acquéreur. Au final, la société fut vidée de ses actifs, ceux-ci étant désormais en la possession de l’acquéreur, et les actionnaires en reçurent chacun une part.

 

[19]        Dans le cas qui nous occupe, selon l’intimée, la distribution serait survenue au moment du rachat des actions par 9149, car c’est à ce moment que les actionnaires reçurent leur part des liquidités. Toutefois, la société Oka n’a pas alors été dépouillée de ses actifs.

 

[20]        En effet, au moment du rachat, Oka était créancière de 9149 en vertu du prêt qu’elle lui avait consenti[6]. En raison de cette somme à recevoir, Oka détenait toujours des actifs.

 

[21]        La définition de « distribution » selon laquelle il faut tant un gain pour les actionnaires qu’une perte pour la société ne se fonde pas que sur l’arrêt Merritt. Plusieurs décisions dans lesquelles on a conclu à l’applicabilité du paragraphe 84(2) de la Loi, ou d’une de ses versions antérieures, se rapportent effectivement à des situations factuelles semblables.

 

[22]        Dans la décision MacDonald c. La Reine[7] de la Cour canadienne de l’impôt, il s’agissait d’un actionnaire qui s’était approprié les liquidités d’une société, celle‑ci ayant vu son actif réduit d’un montant équivalent. En effet, le Dr MacDonald reçut donc près de 525 000 $ provenant de la société, lequel versement ne fut compensé d’aucune façon.

 

[23]        Dans la décision McNichol c. Canada[8], le paragraphe 84(2) fut jugé non applicable aux faits en cause. En résumé, les actionnaires de la société Bec souhaitaient vendre leurs actions à la société Beformac. Cette dernière n’avait pas les moyens d’acheter les actions de Bec et elle dut donc contracter un emprunt auprès d’une banque. Les actions furent donc payées aux actionnaires au moyen de l’argent du prêt. Les deux sociétés fusionnèrent quelque temps après la vente des actions. Les liquidités de Bec restèrent dans cette société jusqu’à quelques jours après la fusion, alors qu’elles furent utilisées pour rembourser le prêt de Beformac.

 

[24]        Le juge Bonner conclut de la façon suivante au sujet de la distribution dans l’affaire McNichol[9] :

 

11 […] Il est impossible de conclure que l’argent qui s’est retrouvé dans les poches des appelants appartenait à Bec puisque la preuve démontre clairement

 

a)   que Beformac a utilisé l’argent emprunté à la CIBC pour verser le prix de vente aux appelants et

 

b)   que l’argent de Bec est resté dans son compte bancaire jusqu’au moment de la fusion de Bec et de Beformac, le 5 avril 1989, et a continué à y rester à titre d’actif de la compagnie fusionnée jusqu’au 21 avril 1989, date à laquelle il a en partie été utilisé pour rembourser à la CIBC la dette de 300 000 $ que Beformac avait contractée.

 

[…]

 

[25]        Le paragraphe 84(2) était donc inapplicable du fait que c’est l’argent du prêt bancaire et non l’argent de la société qui fut remis aux actionnaires en paiement de leurs actions. Les actifs de la société sont donc demeurés inchangés au moment de la prétendue distribution.

 

[26]        La Cour d’appel fédérale a fait une distinction d’avec les faits de l’affaire McNichol dans l’arrêt MacDonald. Voici ce que la Cour d’appel a dit à ce sujet[10] :

 

25 Contrairement à ce qu’a affirmé le juge, les faits de l’affaire McNichol se démarquent aisément du cas d’espèce. Dans McNichol, les actionnaires de Bec avaient vendu leurs actions pour moins que leur valeur comptable à Beformac, une société de portefeuille. Pour financer l’achat, Beformac avait obtenu un prêt bancaire, garanti par l’encaisse de Bec (et qui, incidemment, constituait son seul actif). Bec et Beformac ont fusionné cinq jours après la vente des actions et le prêt a été remboursé deux semaines plus tard. La Cour de l’impôt a conclu que le paragraphe 84(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu ne jouait pas parce qu’il était impossible d’affirmer que les fonds de Bec s’étaient retrouvés entre les mains des actionnaires. Plus précisément, c’est la banque qui avait financé l’achat des actions, et les actifs de Bec étaient restés en dépôt dans son compte bancaire pendant un certain temps après la fusion. Il est clair qu’on ne peut en dire autant en ce qui concerne le Dr MacDonald. Les biens de PC se sont d’ailleurs retrouvés entre ses mains et toute la série d’opérations a été conçue et exécutée à cette fin.

 

[27]        Dans les présents appels, les liquidités d’Oka furent prêtées à 9149 en 2004[11]. L’argent liquide fut donc remplacé par une somme à recevoir, l’actif global demeurant inchangé. Il en était également de même au moment du rachat, qui était, rappelons-le, le moment de la présumée distribution. Cette situation s’apparente donc davantage à celle de l’affaire McNichol.

 

[28]        L’actif d’Oka ne fut réduit que lors de l’extinction de la dette de 9149 par confusion le 15 décembre 2006. On ne peut donc dire qu’il y a eu appauvrissement en mars 2005, au moment de la distribution. Ajoutons qu’au moment du rachat des actions, en mars 2005, Oka possédait toujours quatre terrains, lesquels ne furent pas distribués aux appelants.

 

(iii)    Concomitance de la liquidation

 

[29]        Il faut non seulement qu’il y ait distribution des fonds de la société, mais encore que cette distribution ait lieu de manière concomitante d’une liquidation, d’une cessation d’exploitation ou d’une réorganisation, tel que l’indique le libellé du paragraphe 84(2) de la Loi :

 

Lorsque des fonds ou des biens d'une société résidant au Canada ont […] été distribués ou autrement attribués, de quelque façon que ce soit, aux actionnaires ou au profit des actionnaires de toute catégorie d'actions de son capital-actions, lors de la liquidation, de la cessation de l'exploitation ou de la réorganisation de son entreprise […].

                                                                                                          [Je souligne.]

 

[30]        Puisque l’une des présumées distributions date de mars 2005, il faut déterminer si la liquidation, la cessation de l’exploitation ou la réorganisation a eu lieu à cette époque.

 

[31]        Dans Kennedy v. M.N.R.[12], il était question du paragraphe 81(1), ancêtre du paragraphe 84(2). C’est en ces termes qu’il fut expliqué ce qu’implique l’expression en question[13] :

 

45 Le paragraphe 81(1) emploie le mot « réorganisation », qu’il juxtapose aux mots « liquidation » et « cessation ». Ces deux mots comportent un élément de caractère définitif. La compagnie prend fin. Il est donc logique de penser que le mot « réorganisation » présuppose la fin de l’exploitation de l’entreprise sous une forme et sa poursuite sous une forme différente.

 

46 Le Shorter Oxford Dictionary [3e éd., p. 1704] définit le mot « réorganisation » comme (TRADUCTION) « une organisation nouvelle » et le verbe « réorganiser » comme (TRADUCTION) « organiser de nouveau ».

 

47 En l’espèce, il n’y a pas eu d’organisation « nouvelle ». La même compagnie a continué la même entreprise de la même façon et sous la même forme. La seule différence réside dans le fait qu’en raison de la vente de ses locaux, la compagnie a exploité la même entreprise dans les mêmes locaux dont elle était locataire au lieu d’en être propriétaire.

 

[32]        Dans les affaires MacDonald et Merritt, la concomitance de la liquidation, de la cessation de l’exploitation ou de la réorganisation avec la distribution ne faisait pas de doute. Dans l’affaire MacDonald, les premières distributions eurent lieu le 25 juin 2002. Or, la société avait alors déjà cessé d’exploiter son entreprise, le Dr MacDonald ayant notamment laissé expirer son permis d’exercice de la médecine. Cela fut officialisé le 26 juin 2002 par le changement de nom de la société. Dans l’affaire Merritt, la liquidation et la distribution survenaient au même moment puisque c’est la vente des actifs qui a rendu impossible la continuation des activités de la société.

 

[33]        En date du 29 mars 2005, au moment du premier rachat d’actions par 9149, Oka possédait toujours quatre terrains. La vente à Armand Dagenais et Fils inc. et à Denis Dagenais n’est survenue qu’en décembre 2005, et Oka a été impliquée dans le recours en prescription acquisitive jusqu’en décembre 2006. C’est donc dire qu’Oka a continué d’exploiter son entreprise jusqu’en décembre 2006.

 

[34]        En résumé, dans le cas de la société Oka, l’entreprise s’est poursuivie après la présumée distribution, et aucune preuve factuelle convaincante n’a été produite afin de démontrer le contraire. Les activités se sont poursuivies normalement et la forme de l’entreprise est demeurée la même jusqu’en 2005. L’entreprise d’Oka a pris fin seulement en décembre 2006.

 

(iv)    Conflit avec le paragraphe 84(3) de la Loi

 

[35]        Tel qu’il est mentionné ci-dessus, l’intimée prétend qu’il y a eu distribution ou attribution des biens d’Oka lorsque 9149 a racheté des actions de son capital‑actions en 2005 et en 2008. Toutefois, à mon avis, rien n’empêche l’application du paragraphe 84(3) de la Loi, qui est rédigé comme suit :

 

84(3) Lorsque, à un moment donné après le 31 décembre 1977, une société résidant au Canada a racheté, acquis ou annulé de quelque façon que ce soit (autrement que par une opération visée au paragraphe (2)) toute action d’une catégorie quelconque de son capital-actions :

 

a) la société est réputée avoir versé au moment donné un dividende sur une catégorie distincte d’actions constituée des actions ainsi rachetées, acquises ou annulées, égal à l’excédent éventuel de la somme payée par la société lors du rachat, de l’acquisition ou de l’annulation, selon le cas, de ces actions sur le capital versé relatif à ces actions, existant immédiatement avant ce moment;

 

b) chacune des personnes qui détenaient au moment donné une ou plusieurs actions de cette catégorie distincte est réputée avoir reçu à ce moment un dividende égal à la fraction de l’excédent déterminé en vertu de l’alinéa a) représentée par le rapport existant entre le nombre de ces actions que détenait cette personne immédiatement avant ce moment et le nombre total des actions de cette catégorie distincte que la société a rachetées, acquises ou annulées, à ce moment.

 

[36]        L’intimée n’a offert aucune explication pour résoudre le conflit évident entre l’application du paragraphe 84(2) et celle du paragraphe 84(3) de la Loi au rachat d’actions par 9149. Je fais remarquer que la règle de préséance édictée au paragraphe 84(3), qui favorise l’application du paragraphe 84(2), est inapplicable aux transactions en cause. Pour que la règle de préséance s’applique, il faut qu’il s’agisse d’une seule transaction complète effectuée par le même contribuable. En l’espèce, le rachat des actions et la distribution des actifs ont eu lieu à l’égard de sociétés différentes. La liquidation sur laquelle se fonde le ministre est celle d’Oka alors que le rachat d’actions a été fait par 9149. Retenir le point de vue de l’intimée selon laquelle le paragraphe 84(2) de la Loi est applicable reviendrait à dire que les appelants ont reçu deux dividendes réputés, soit un premier en vertu du paragraphe 84(2) de la Loi par rapport à l’attribution ou à la distribution des biens d’Oka, et le second en vertu du paragraphe 84(3) de la Loi à l’égard du rachat des actions de 9149. Néanmoins, il reste que les appelants ont reçu une seule distribution.

 

[37]        Je ne crois pas que les paragraphes 84(2) et 84(3) de la Loi puissent être appliqués en même temps aux mêmes distributions. Seule l’application de la RGAÉ peut venir modifier les conséquences fiscales de la série de transactions dans laquelle s’insère le rachat des actions de 9149.

 

B.      La règle générale anti-évitement

 

[38]        L’intimée invoque la RGAÉ de façon supplétive pour défendre les cotisations en cause. 

 

[39]        Les appelants concèdent l’existence d’une opération d’évitement. L’issue des appels dépend donc de la troisième condition établie dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada[14], soit celle selon laquelle l’opération d’évitement qui génère un avantage fiscal doit être abusive aux termes du paragraphe 245(4)[15]. Selon la démarche exposée par la Cour suprême du Canada, pour faire l’analyse relative à l’abus, il faut d’abord interpréter les dispositions pertinentes de la Loi afin d’établir leur objet et leur esprit et, ensuite, déterminer si les opérations contestées sont conformes à l’objet de ces dispositions ou si elles le contrecarrent[16]. Ainsi qu’il est expliqué dans l’arrêt Copthorne Holdings Ltd. c. Canada[17] :

 

69 Pour conclure au caractère abusif d'une opération, la cour doit d'abord déterminer « l'objet ou l'esprit des dispositions [...] qui sont invoquées pour obtenir l'avantage fiscal, eu égard à l'économie de la Loi, aux dispositions pertinentes et aux moyens extrinsèques admissibles » (Trustco, par. 55). Un auteur assimile cet objet ou cet esprit à la [TRADUCTION] « raison d'être qui sous‑tend des dispositions particulières ou interdépendantes de la Loi » (V. Krishna, The Fundamentals of Income Tax Law (2009), p. 818).

 

70 L'objet ou l'esprit peuvent être circonscrits grâce à la méthode qu'emploie notre Cour pour toute interprétation législative, à savoir une méthode « textuelle, contextuelle et téléologique unifiée » (Trustco, par. 47; Lipson c. Canada, 2009 CSC 1, [2009] 1 R.C.S. 3, par. 26). Bien que la méthode d'interprétation soit la même dans le cas de la RGAÉ, l'analyse vise en l'espèce à dégager un aspect différent de la loi. Dans un cas classique d'interprétation législative, la cour applique l'analyse textuelle, contextuelle et téléologique pour établir le sens du texte de la loi. Dans le cas de la RGAÉ, l'analyse textuelle, contextuelle et téléologique vise à établir l'objet ou l'esprit d'une disposition. Il est alors possible que le sens des mots employés par le législateur soit suffisamment clair. La raison d'être de la disposition peut ne pas ressortir de la seule signification des mots eux‑mêmes. Il ne faut cependant pas confondre la détermination de la raison d'être des dispositions applicables de la Loi avec le jugement de valeur quant à ce qui est bien ou mal non plus qu'avec les conjectures sur ce que devrait être une loi fiscale ou sur l'effet qu'elle devrait avoir.

 

[40]        L’existence d’un évitement fiscal abusif doit être évidente. Si ce n’est pas le cas, il faut laisser le bénéfice du doute au contribuable[18].

 

[41]        L’intimée prétend que les opérations en cause contrecarrent l’objet et l’esprit du paragraphe 84(2) de la Loi. Essentiellement, elle reprend les arguments avancés par l’intimée dans l’affaire MacDonald[19]. Mon collègue le juge Hershfield s’est prononcé comme suit sur ces arguments :

 

63 Cela m’amène à ce que je considère comme le troisième argument de l’intimée. En plaidant une interprétation téléologique plutôt que littérale du paragraphe 84(2), l’intimée affirme intrinsèquement que, dans ce cas‑ci, il y a eu un abus dans l’application de la Loi, plus grave que celui qui se rapporte à l’interaction des gains en capital et des pertes en capital dans le calcul du revenu et du revenu imposable. Comme il en a déjà été fait mention dans les présents motifs, en ce qui concerne le paragraphe 18 de la réponse, la question plus générale se rapporte à l’évitement des conséquences ordinaires des distributions d’actifs de l’entreprise, à titre de dividendes, qui doivent se produire au moment de la liquidation ou de la cessation de l’exploitation de l’entreprise. Plus précisément, il ne s’agit pas tant d’une question qui se pose quant à un avantage fiscal particulier qui pourrait résulter de la différence d’impôt lorsque les actionnaires ont accès à des bénéfices non répartis à titre de dividende par opposition à lorsqu’ils obtiennent un traitement à titre de gains en capital, mais d’une question découlant de l’idée selon laquelle l’objet du paragraphe 84(2), tel qu’il a été adopté au moyen de la législation portant sur les dispositions d’immobilisations postérieures à l’année 1971, était d’empêcher le traitement à titre de gains en capital. La thèse avancée est qu’il s’agissait, et qu’il s’agit encore, d’une disposition anti‑évitement dont le libellé doit être interprété d’une façon plus générale en vue d’assurer un traitement à titre de dividende lorsqu’un contribuable reçoit indirectement les bénéfices non répartis d’une société qu’il avait le droit de recevoir en sa qualité d’actionnaire.

 

64 À mon avis, cette thèse est ténue. C’est un bond encore plus grand que de soutenir que la disposition postérieure à l’année 1971, suivant l’ancien modèle, visait à assurer les restrictions applicables après l’année 1971 quant à l’utilisation de pertes en capital, lorsque ni ces pertes ni ces restrictions n’existaient dans la loi telle qu’elle s’appliquait avant l’année 1972. De fait, les renvois historiques invoqués par l’intimée montrent que ce troisième argument constitue en fait une attaque portant sur les opérations relatives au dépouillement du surplus en tant que telles.

 

65 Cela me semble être une question se rattachant à la DGAE, mais avant de procéder à l’analyse, comme l’intimée soutient que ce fondement, en ce qui concerne le paragraphe 84(2), milite contre une interprétation littérale de cette disposition, il importe de faire des remarques additionnelles au sujet du dépouillement du surplus dans le contexte de la disposition en question.

 

66 À mon avis, il n’y a rien dans le libellé du paragraphe 84(2) qui permette de conclure à l’existence d’un fondement autre que celui selon lequel les distributions de liquidation qu’une société effectue à ses actionnaires à l’aide de ses bénéfices – ces actionnaires détenant une catégorie particulière d’actions – doivent être traitées comme des dividendes, si la distribution excède le capital versé de la catégorie particulière d’actions détenues par les personnes qui bénéficient de la distribution. Cet énoncé du fondement figure aux alinéas 84(2)a) et b). D’une façon plus générale, ce fondement fait partie d’un thème constant selon lequel les bénéfices non répartis d’une société constituent une source de dividendes et que leur utilisation ou leur retrait au profit d’actionnaires ne devrait pas être assujetti à un traitement fiscal différent de celui qui s’applique aux dividendes.

 

67 Ceci dit, il est loin d’être certain que le paragraphe 84(2) ait été une disposition anti‑évitement visant à assurer ce résultat dans le cas d’un soi‑disant dépouillement du surplus, soit ce que le plan fiscal de l’appelant visait à accomplir. Le dépouillement du surplus dans ce cas‑ci consistait en ce que les actions de l’appelant avaient été acquises à l’aide des fonds de la société, acheminés par l’entremise d’une société liée sous forme de dividende libre d’impôt. Ce dépouillement classique dans l’ancien régime était assujetti à une disposition anti‑évitement précise, à savoir l’article 138A de l’ancienne Loi qui s’appliquait avant l’année 1972. En 1972, cette disposition a été remplacée par l’article 247, qui a été abrogé en 1988. La disposition qui a survécu est bien sûr l’article 245. Dans ces conditions, c’est cette disposition qu’il faut examiner. C’est essentiellement ce que le juge Bonner a conclu dans la décision McNichol, et je souscris à son avis.

 

68 En arrivant à cette conclusion, je ne puis faire abstraction de la décision que la Cour suprême du Canada a rendue dans l’arrêt Smythe et al. c. Ministre du Revenu national, même si les parties n’en ont pas directement fait mention. Dans cette affaire‑là, la Couronne avait eu gain de cause en appliquant à un dépouillement de dividende le paragraphe 81(1) de la Loi telle qu’elle existait avant l’année 1972 (soit la disposition qui existait avant que le paragraphe 84(2) soit édicté). La Cour suprême du Canada a jugé inutile d’exprimer un avis au sujet de la portée du paragraphe 137(2) de la Loi telle qu’elle existait avant l’année 1972 comme condition de l’application de l’ancien paragraphe 81(1), mais il est intéressant de noter que la Cour de l’Échiquier s’est fondée sur cette ancienne disposition à titre de disposition interdisant le dépouillement d’un dividende. Le paragraphe 137(2) était une disposition portant sur les opérations artificielles. Si une opération conférait artificiellement un avantage, l’avantage était réputé avoir été conféré « nonobstant la forme ou l’effet juridique des opérations ». La Cour suprême du Canada s’est simplement fondée sur le caractère artificiel de l’opération qui donnait lieu au dépouillement de dividende sans se fonder sur l’ancien paragraphe 137(2). Or, en l’espèce, il n’a pas été allégué que les opérations en question étaient artificielles. En outre, et ce qui est important, comme il en a déjà été fait mention dans les présents motifs, l’ancien paragraphe 137(2) a été remplacé dans la Loi postérieure à l’année 1971 par l’ancien article 247, qui est devenu l’article 245 actuel en 1988. Tout cela pour dire que la disposition qu’il convient d’appliquer en l’espèce, puisque la question du trompe-l’œil a été supprimée comme fondement de la cotisation, est à mon avis l’article 245 de la Loi.

 

69 Par conséquent, rien ne me permet de conclure qu’une analyse contextuelle téléologique du paragraphe 84(2) commanderait une interprétation moins littérale de son libellé que celle qui doit s’appliquer, selon ce que j’ai conclu, quoiqu’il reste un dernier aspect de cet argument dont il faut traiter.

 

[…]

 

128 Pour qu’il puisse être affirmé que le maintien d’un régime de dividendes en soi est nécessaire afin de maintenir l’intégrité de l’économie de la Loi dans le contexte de la distribution des bénéfices non répartis au moment de la liquidation ou de la cessation de l’exploitation d’une entreprise, il faut conclure que le paragraphe 84(2) a une application plus étendue que ce que prévoit son libellé exprès. Or, j’ai conclu le contraire. À mon avis, c’est ce qui convient. Une interprétation appropriée des dispositions en question commande une seule approche : conclure que l’avantage est abusif et se fonder sur la DGAE en vue de maintenir l’intégrité de l’économie de la Loi dans le contexte de la distribution des bénéfices non répartis au moment de la liquidation ou de la cessation de l’exploitation d’une entreprise.

 

[42]        Je partage les conclusions du juge Hershfield.

 

[43]        Tel qu’il est souligné par les appelants dans leurs observations écrites, j’ai fait remarquer dans la décision Gwartz c. La Reine[20] que la Loi n’édicte aucune prohibition générale selon laquelle toute distribution par une société doit être faite sous forme de dividende. Toutefois, j’ai également précisé dans cette affaire-là que, bien que les contribuables puissent s’organiser pour distribuer les surplus sous forme de dividende ou de gains en capital, cette possibilité n’est pas sans limite. Toute planification fiscale mise en place à cet égard doit respecter les dispositions anti‑évitement précises que contiennent les articles 84.1 et 212.1 de la Loi[21].

 

[44]        Dans le contexte de la RGAÉ, les transactions en cause doivent également respecter l’objet et l’esprit de ces dispositions. Dans la présente affaire, l’article 212.1 de la Loi n’est pas pertinent puisqu’il vise les non-résidents. Par ailleurs, l’article 84.1 de la Loi est pertinent puisqu’il vise, entre autres choses, à empêcher les particuliers de dépouiller une société de ses surplus, notamment en utilisant la marge libre d’impôt.

 

[45]        Pour ces raisons, après avoir reçu leurs observations écrites, j’ai contacté les procureurs des parties pour les informer que je m’apprêtais à examiner si les opérations en cause contrecarraient, de façon abusive, la règle anti‑évitement précise établie à l’article 84.1 de la Loi. Malgré le fait que cette disposition n’a pas été invoquée par l’intimée au procès pour défendre les cotisations en s’appuyant sur la RGAÉ, j’estime que je ne suis pas tenu, lorsque je suis saisi d’une question de droit, d’acquiescer à une interprétation sur laquelle s’entendent les parties[22]. J’ai donc invité les procureurs des parties à fournir des observations écrites supplémentaires sur l’article 84.1 de la Loi et sur la question d’un abus possible que je m’apprêtais à examiner.

 

[46]        Les appelants soutiennent que je dois accueillir leurs appels même si je conclus qu’il y a eu évitement abusif en vertu de l’article 84.1 de la Loi. Selon les appelants, l’intimée ne s’est pas déchargée de son fardeau de la preuve à l’égard de la question d’abus. Je crois, en fait, que nous devons parler de fardeau de persuasion plutôt que de fardeau de la preuve. Cette dernière expression se rapporte à une question de fait. Je suis d’accord que l’intimée, lorsqu’elle tente d’invoquer la RGAÉ, ferait bien de décrire l’objet et l’esprit des dispositions de la Loi qu’elle estime qui furent contrecarrées par les opérations en cause. Évidemment, si la Cour n’est pas convaincue qu’il y a eu abus, les appels seront accueillis en raison du fait que les contribuables jouissent du bénéfice du doute relativement à cette question.

 

[47]        J’estime que les appelants n’ont subi aucun préjudice du fait que l’intimée n’a pas tenu compte de la RGAÉ dans le contexte de l’article 84.1 de la Loi. Les appelants ont eu l’occasion de fournir des observations supplémentaires sur cette question. D’autre part, je prends note du fait que les appelants ont traité de l’article 84.1 de la Loi dans leurs observations écrites initiales sur la RGAÉ dans le contexte du paragraphe 84(2) de la Loi.

 

[48]        Je fais remarquer également que le fiscaliste des appelants a reconnu qu’il faut tenir compte de l’article 84.1 de la Loi dans l’analyse de la question d’abus aux fins du paragraphe 245(4) de la Loi. Dans une note de service (pièce I-1), il aborde la question de la RGAÉ dans les termes suivants :

 

Application de la règle générale anti-évitement (ci-après « RGAÉ »)

 

Les étapes proposées soulèvent la question de l’application potentielle de la RGAÉ. Cette règle précise qu’en cas d’opération d’évitement, les implications fiscales pour une personne doivent être déterminées de façon raisonnable dans les circonstances de façon à supprimer un avantage fiscal qui découlerait de cette opération ou d’une série d’opérations dont cette opération fait partie.

 

Une opération d’évitement est une opération unique ou une opération qui fait partie d’une série d’opérations dont découlerait directement ou indirectement un avantage fiscal, sauf si l’opération est principalement effectuée pour des objets véritables, autre que l’obtention d’un avantage fiscal.

 

L’expression « avantage fiscal » est définie comme une réduction, un évitement ou un report d’impôt ou d’un autre montant payable ou une augmentation d’un remboursement d’impôt ou d’un autre montant visé par la Loi.

 

Toutefois, si une opération dont il est raisonnable de considérer qu’elle n’entraîne pas, directement ou indirectement, d’abus dans l’application des dispositions de la Loi lue dans son ensemble n’est pas visée par la RGAÉ.

 

Dans le présent cas, sans les opérations proposées, suite à la vente de la totalité des terrains, la Société aurait vraisemblablement procédé par un rachat de ses actions ayant comme résultat d’engendrer un dividende à ses actionnaires d’un montant de 592 366 $. Les opérations proposées font en sorte d’augmenter le PBR des actions, suite à la réalisation d’un gain en capital et par la suite d’augmenter le capital versé des actions à un montant correspondant au nouveau PBR, malgré l’effet de l’article 84.1 LIR.

 

Les autorités fiscales ne se sont pas prononcées à savoir s’il y aurait application de RGAÉ dans une telle situation. Toutefois, les avantages économiques découlant des opérations proposées résultent des conséquences d’application des articles de la LIR. En effet, l’augmentation du PBR [des] actions ne découle pas de l’article 84.1 LIR, mais des règles normales de détermination du coût du bien. Donc, le paragraphe 84.1(1) n’est pas utilisé pour obtenir un résultat donné; plutôt, des opérations sont complétées dans un contexte où ce paragraphe est applicable et produit les effets qu’il doit produire.

 

De plus, l’article 84.1 LIR fixe des limites quant au montant pouvant être extrait d’une société sans conséquence fiscale. Une de ces limites est le PBR des actions transférées. Dans la série d’opérations sous étude, le gain en capital réalisé par le contribuable lors du roulement interne est bien réel. Le fait que le PBR obtenu par l’effet de ce transfert permet d’extraire des surplus lors du second transfert se situe à l’intérieur des limites imposées par l’article 84.1 LIR.

 

[49]        Il est bien établi que la RGAÉ peut s’appliquer si les transactions en cause contrecarrent l’objet et l’esprit d’une règle précise anti-évitement. Dans ce contexte, j’estime qu’il faut examiner, en plus des détails des transactions, l’objet et l’esprit de l’article 84.1 de la Loi pour déterminer si la RGAÉ s’applique aux transactions en cause.

 

[50]        La règle s’applique lorsque les conditions suivantes sont remplies :

 

a)       il y a une disposition d’actions (les « actions concernées ») par un contribuable résidant au Canada (le « cédant ») autre qu’une société;

                                                         

b)      les actions sont des actions d’une société résidant au Canada  (la « société en cause »);

 

c)       les actions concernées sont des biens en immobilisation;

 

d)      le contribuable transfère les actions concernées à une société (l’« acheteur ») avec laquelle il a un lien de dépendance;

 

e)       la société en cause est rattachée à l’acheteur.

 

[51]        En espèce, les parties s’entendent pour dire que les conditions d’application furent remplies lorsque les appelants ont disposé de leurs actions d’Oka en faveur de 9149.

 

[52]        Lorsque l’article 84.1 de la Loi s’applique, il pourrait avoir comme conséquence soit une réduction du capital versé des actions émises par l’acheteur, soit un dividende imposable immédiat pour le contribuable cédant. En règle générale, de telles conséquences fiscales négatives ne se produisent que lorsque la contrepartie autre qu’en actions et/ou le capital versé des actions émises par l’acheteur excèdent le plus élevé du capital versé ou du prix de base rajusté.

 

[53]        Les alinéas 84.1(2)a), a.1) et le paragraphe 84.1(2.01) modifient le calcul du prix de base rajusté des actions concernées aux fins mentionnées ci‑dessus. En vertu des règles établies dans ces dispositions, la partie du prix de base rajusté des actions concernées qui est attribuable à la valeur accumulée en 1971 n’est pas reconnue, et ce, afin d’empêcher que les actionnaires utilisent la marge libre d’impôt pour dépouiller une société de ses surplus. Cet ajustement s’applique également lorsque les actionnaires ont acquis les actions concernées après 1971 d’une personne avec qui ils avaient un lien de dépendance. Une règle similaire s’applique pour empêcher que l’exonération des gains en capital soit utilisée pour dépouiller une société de ses surplus dans des cas analogues. En résumé, les règles précises démontrent que l’objet et l’esprit de l’article 84.1 de la Loi sont d’empêcher que les contribuables mettent en place des transactions dont l’objectif est de dépouiller une société de ses surplus en franchise d’impôt grâce à l’utilisation de la marge libre d’impôt ou de l’exonération des gains en capital.

 

[54]        Ma description de l’objet et de l’esprit de cette disposition est conforme à l’exposé qu’a fait le ministre des Finances lorsqu’il a proposé en 1985 des modifications à l’article 84.1 au moment où il a introduit les nouvelles dispositions concernant l’exonération des gains en capital :

 

L'article 84.1 de la loi constitue une règle anti-évitement servant à prévenir le retrait des surplus imposables d'une corporation à titre de remboursement du capital en franchise d'impôt lorsqu'il y a transfert d'actions avec lien de dépendance d'un particulier résidant au Canada à une corporation. Bien que le but de cette disposition soit conservé, les moyens pris à cet égard ainsi que la portée de ce but ont été modifiés par suite de la nouvelle exemption à vie pour gains en capital.

 

Le présent paragraphe 84.1(1) de la loi a pour effet de réputer un gain en capital immédiat ou une réduction du prix de base rajusté lors de certains transferts avec lien de dépendance d'actions d'une corporation résidant au Canada en faveur d'une autre corporation par un contribuable résidant au Canada autre qu'une corporation. Étant donné que l'impôt net sur les dividendes équivalait approximativement [à] l'impôt sur les gains en capital, l'article 84.1 avait pour but de décourager le recours à certaines techniques de dépouillement des surplus par les corporations, appelées dépouillements du « jour de l'évaluation ».

 

Par suite de l'introduction de l'exemption pour gains en capital, les règles prévues actuellement au paragraphe 84.1(1) ne sont plus appropriées étant donné que le gain sur le transfert d'actions peut être exonéré. Par conséquent, le paragraphe 84.1(1) est abrogé et remplacé par une règle qui exige une réduction du capital versé et, dans certaines circonstances, la reconnaissance immédiate d'un dividende sur certains transferts d'actions avec lien de dépendance à une corporation qui ont lieu après le 22 mai 1985. À cette fin, les critères relatifs aux liens de dépendance que renferme actuellement le paragraphe 84.1(2) sont conservés. La règle fondamentale prévue au nouveau paragraphe 84.1(1) est que le montant maximal qui peut être reçu par l'auteur du transfert de la part de la corporation bénéficiaire du transfert à titre de produit sous forme de toute contrepartie autre qu'en actions et le capital versé de la contrepartie en actions est limité au plus élevé du capital versé des actions transférées et de ce que l'on peut désigner comme le prix de base rajusté effectif sans lien de dépendance des actions pour l'auteur du transfert.

 

Le nouvel alinéa 84.1(1)a) prévoit une réduction du capital versé pour chaque catégorie d'actions de l'acheteur duquel les actions ont été émises en contrepartie de l'acquisition par celui-ci d'actions d'une autre corporation. Il faudra effectuer une réduction du capital versé dans le cas où l'augmentation du capital légal versé des actions de l'acheteur résultant du transfert des actions dépasse l'excédent éventuel du plus élevé du capital versé des actions transférées et du prix de base rajusté, modifié en vertu des nouveaux alinéas 84.1(2)a) et a.1), pour l'auteur du transfert des actions, sur la juste valeur marchande de toute contrepartie autre qu'en actions versée par l'acheteur et faisant partie du prix d'achat des actions transférées. La réduction du capital versé est répartie parmi les différentes catégories d'actions de l'acheteur en fonction des augmentations de capital légal versé résultant du transfert des actions.

 

En vertu du nouvel alinéa 84.1(1)b), l'acheteur est réputé avoir payé un dividende à l'auteur du transfert lorsque le total du montant de l'augmentation du capital légal versé de ses actions résultant du transfert des actions, et de la juste valeur marchande de la contrepartie autre qu'en actions donnée par l'acheteur pour les actions transférées dépasse le total

 

      a) du plus élevé du prix de base rajusté, modifié en vertu du nouvel alinéa        84.1(2)a) ou a.1) pour l'auteur du transfert des actions transférées, et du         capital versé des actions transférées et

 

      b) du total des réductions de capital versé qui doivent, en vertu de l'alinéa        84.1(1)a), être effectuées par l'acheteur.

                      

L'excédent est le montant qui sera considéré comme un dividende.

                                                                                                          [Je souligne.]

 

[55]        En l’espèce, l’auteur de la planification fiscale fut conscient du fait que le rachat pur et simple par Oka des actions détenues par les appelants ne produirait pas un résultat fiscal optimum. Le rachat donne lieu à un dividende imposable de 592 366 $ et à une perte en capital de 336 558 $ pour l’ensemble des appelants. Sans planification fiscale, la perte en capital n’est pas disponible pour réduire l’impôt payable par les appelants sur le dividende réputé. Le roulement interne des actions ordinaires d’Oka fut introduit pour combler ce manque d’appariement. L’objectif de cette opération fut de créer un gain en capital de l’ordre de 255 808 $ qui engendrerait une augmentation du prix de base rajusté des actions d’Oka du même montant. Cette majoration du prix de base rajusté permettrait à 9149 d’émettre des actions de catégorie A ayant un prix de base rajusté et un capital versé maximums.   

 

[56]        Évidemment, ce n’est pas un hasard si l’auteur de la planification a proposé aux appelants la réalisation d’un gain en capital de 255 808 $ lors du remaniement du capital d’Oka. Le fiscaliste fut conscient du fait que l’article 84.1 de la Loi ferait en sorte que les actions de catégorie B émises par 9149 auraient un prix de base rajusté supérieur à leur capital versé, ce qui empêcherait que la plus-value accumulée avant 1971 soit utilisée pour dépouiller Oka de ses surplus. Toutefois, l’application de cette règle assure que le rachat de ces actions engendrera une perte en capital qui sera suffisante pour effacer le gain en capital réalisé à l’étape ultérieure, soit celle du roulement interne des actions ordinaires d’Oka.  

 

[57]        Si l’on voit les choses sous cet angle, l’analyse exposée ci-dessus me permet de conclure que la plus-value accumulée avant 1971 fut utilisée pour éviter l’impôt payable sur le gain en capital. Comme le gain en capital fut créé pour permettre aux appelants de recevoir les actions de catégorie A avec un prix de base rajusté et un capital versé maximums, je conclus que les opérations en cause ont permis aux appelants d’utiliser la valeur accumulée avant 1971 pour distribuer indirectement une partie des surplus d’Oka en franchise d’impôt.

 

[58]        En résumé, les trois transactions décrites ci-dessus ont permis aux appelants de recevoir indirectement une partie des surplus d’Oka en franchise d’impôt. Il y a eu en effet :

 

a)       le roulement interne des actions d’Oka qui a permis aux appelants de majorer le prix de base rajusté de leurs actions d’un montant égal à 255 808 $;

         

b)      le transfert des actions des catégories A et B d’Oka à 9149;

 

c)       le rachat des actions des catégories A et B par 9149.  

 

[59]        N’eût été le roulement interne, le capital versé pour l’ensemble des actions de 9149 se serait limité à 92 040 $. Ce chiffre représente la somme du gain en capital imposé au moment du décès du père des appelants, soit de 66 940 $, et du prix de base rajusté des actions d’Oka acquises d’un tiers pour 25 100 $. Le résultat de l’ensemble des trois transactions décrites ci-dessus est que la marge libre d’impôt a permis qu’une partie du surplus d’Oka soit distribuée aux appelants en franchise d’impôt d’une manière contraire à l’objet et à l’esprit de l’article 84.1 de la Loi. Pour ces raisons, je conclus qu’il y a eu un abus dans l’application de cette disposition.

 

[60]        Le ministre a établi des cotisations relativement à un dividende réputé de 592 362 $ pour tous les appelants pour l’ensemble des rachats d’actions de 9149. J’estime que ce montant est trop élevé. Selon mes calculs, l’article 84.1 de la Loi permettrait aux appelants de recevoir des actions du capital-actions de 9149 ayant un capital versé de 92 040 $ plutôt que de 25 100 $. Il n’y a rien dans l’article 84.1 de la Loi qui empêche les appelants de faire reconnaître comme capital versé de leurs actions de 9149 la somme de 92 040 $, ce qui représente le gain en capital de 66 940 $ imposé au décès du père à la suite d’une disposition réputée des actions ordinaires d’Oka et le prix de base rajusté de 25 100 $ des actions d’Oka acquis d’un tiers. Aucun de ces éléments n’est attribuable à une valeur accumulée avant 1971 ni à l’utilisation de l’exonération du gain en capital par une personne liée aux appelants. Par conséquent, le dividende réputé pour tous les appelants pour tous les rachats d’actions de 9149 est de 525 422 $. L’annexe B ci-jointe illustre l’impact de ma décision pour chacun des appelants.

 

IV.     Conclusion

 

[61]        Pour tous ces motifs, les appels sont accueillis en partie et les cotisations sont renvoyées au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations selon les motifs du jugement ci-dessus.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de mars 2014.

 

 

 

 

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan


ANNEXE A

 


 

 


ANNEXE B

 

 

 

Article 84.1 sans l’avantage du roulement interne

Juste valeur marchande

Capital versé

Prix de base rajusté

102 910 $

15 340 $

60 276 $

Montant reçu

Capital versé

Dividende réputé

102 910 $

- 15 340 $

87 570 $

Perte en capital

Produit de disposition

84(3)

Prix de base rajusté

Perte en capital

 

102 910 $

- 87 570 $

- 60 276 $

- 44 936 $


RÉFÉRENCE :                                    2014 CCI 75

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2013-12(IT)I

                                                            2013-13(IT)I                                                             2013‑16(IT)I

                                                            2013-18(IT)I

                                                            2013-20(IT)I                                                             2013‑21(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              LUCIE DESCARRIES,

                                                            RENÉ LEROUX,

                                                            SUZANNE GAUTHIER,

                                                            NICOLE BEAUREGARD,

                                                            JEAN LEROUX,

                                                            DENISE L. BISSONNETTE c. SA          MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Les 4 et 5 décembre 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L’honorable juge Robert J. Hogan

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 7 mars 2014

 

COMPARUTIONS :

 

Avocate des appelants :

  Me Marie-Josée Michaud

Avocate de l'intimée :

  Me Natalie Goulard

 

AVOCATS INSCRITS AUX DOSSIERS :

 

       Pour les appelants :                      Me Marie-Josée Michaud

 

                 Cabinet :                             KPMG

                                                            Montréal (Québec)

 

       Pour l’intimée :                            William F. Pentney

                                                            Sous-procureur général du Canada

                                                            Ottawa, Canada



[1] 2013 CAF 110.

[2] Ibid.

[3] [1942] R.C.S. 269.

[4] [1941] R.C. de l’É.175 (Cour de l’Échiquier du Canada).

[5] Ibid.

[6] Observations écrites des appelants, Partie I – Le contexte factuel, paragraphe 9.

[7] 2012 CCI 123.

[8] [1997] A.C.I. no 5 (QL), [1997] 2 C.T.C. 2088.

[9] Ibid.

[10] Note 1.

[11] Observations écrites des appelants, Partie I – Le contexte factuel, paragraphes 8 et 9.

[12] Cour fédérale (1re inst.), T-3235-71, le 3 août 1972, [1972] C.T.C. 429 (angl.).

[13] Ibid., page 13 (traduction officielle), page 437 (C.T.C.).

[14] 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601.

[15] Ibid., au paragraphe 36.

[16] Ibid., au paragraphe 44.

[17] 2011 CSC 63, [2011] 3 R.C.S. 721.

[18] Truscto, note 14 ci-dessus, au paragraphe 66.

[19] Note 7 ci-dessus.

[20] 2013 CCI 86.

[21] Ibid., aux paragraphes 63 à 65.

[22] Lipson c. Canada, [2009] 1 R.C.S. 3, paragraphe 44.

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