Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier : 2012-2713(IT)I

ENTRE :

JEAN-CLAUDE DUBUC,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 22 novembre 2013, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable Rommel G. Masse, juge suppléant

 

Comparutions :

 

Représentants de l'appelant :

Yuval Levy, stagiaire en droit

Dorothy Laverdière, stagiaire en droit

 

Avocats de l'intimée :

Me Amelia Fink

Me Dany Leduc

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT MODIFIÉ

        L’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2010 est rejeté, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Ce jugement modifié est émis en remplacement du jugement daté du 28 avril 2014.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de juin 2014.

 

 

 

« Rommel G. Masse »

Juge suppléant Masse


 

 

 

 

Référence : 2014 CCI 115

Date : 20140703

Dossier : 2012-2713(IT)I

ENTRE :

JEAN-CLAUDE DUBUC,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT MODIFIÉS

 

Le juge suppléant Masse

 

[1]    En l’espèce, il s’agit de la validité constitutionnelle du paragraphe 118(5) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), c. 1 (5e suppl.) (la « LIR »). L’appelant prétend que le paragraphe 118(5) de la LIR est discriminatoire et porte atteinte à son droit constitutionnel d’égalité protégé par le paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982 (R.‑U.), c. 11 (la « Charte »).

 

Contexte factuel

 

[2]    Il n’y a pas de dispute en ce qui a trait au contexte factuel du présent cas. L’appelant et Johanne Martineau se sont mariés le 10 septembre 1994. Leur union a produit trois enfants. Le mariage a été rompu, les deux parents ont cessé de faire vie commune le 19 juin 2005 et ils ont obtenu leur divorce le 17 février 2010. Ils exercent la garde partagée des trois enfants mineurs depuis leur séparation. Chaque parent paie pour le niveau de vies des enfants pour le temps qu’il les a avec lui ou elle et partage les frais particuliers à 50 % avec l’autre parent. L’appelant paie à son ex‑conjointe une pension alimentaire pour enfants. Pour l’année d’imposition 2010, l’appelant avait conclu une entente avec son ex‑conjointe. Cette entente (voir la pièce A‑1, onglet 4) prévoyait que l’appelant fasse une demande de crédit d’impôt pour personne à charge pour un de leurs trois enfants; ce que fit l’appelant.

 

[3]    Le 19 décembre 2011, le ministre du Revenu national (le « ministre ») en appliquant les dispositions du paragraphe 118(5) de la LIR, a émis un avis de nouvelle cotisation à l’égard de l’année d’imposition selon lequel il lui refusait le montant d’équivalent pour personne entièrement à charge de 10 382 $ ainsi que celui relatif au montant pour enfants de 2 101 $ servant au calcul du crédit d’impôt non remboursable qu’il avait réclamés pour un de ses enfants. Le ministre affirmait que l’appelant ne pouvait faire une demande pour crédit d’impôt pour un enfant lorsqu’il avait versé ou devait verser des paiements de pensions alimentaires pour cet enfant.

 

[4]    L’alinéa 118(1)b.1) de la LIR prévoit un crédit d’impôt pour la personne à charge d’un contribuable, âgée de moins de 18 ans. Le paragraphe 118(5) de la LIR prévoit que ce crédit n’est pas offert pour une personne à charge à l’égard de laquelle le contribuable a payé une pension alimentaire pour enfant à son époux ou son conjoint de fait ou à son ex-époux ou son ancien conjoint de fait. L’appelant se porte en appel de cet avis de nouvelle cotisation en s’attaquant à la constitutionnalité du paragraphe 118(5) de la LIR.

 

Thèse de l’appelant

 

[5]    L’appelant soutient que la loi est discriminatoire, injuste et inéquitable en l’espèce. Il subvient aux besoins de ses enfants lorsqu’ils sont avec lui, ce qui veut dire 50 % du temps. Il est monoparental habitant seul avec ses enfants et de plus il paie une pension alimentaire pour enfants à son ex-épouse. Le paragraphe 118(5) de la LIR empêche à l’appelant de demander des crédits d’impôt par rapport à ses enfants. Pendant que les parents en union sont libres de s’entendre, lequel des deux demandera le crédit d’impôt, les parents en rupture, se voient cette liberté niée par une disposition de loi appliquée aveuglement.

 

[6]    L’appelant soutient que le paragraphe 118(5) de la LIR est inconstitutionnel, car il nie son droit à l’entente contractuelle uniquement sur la base de son statut matrimonial, critère de discrimination analogue aux critères de discrimination interdits par le paragraphe 15(1) de la Charte. L’appelant affirme que cette discrimination est injustifiable dans le cadre d’une société libre et démocratique.

 

[7]    L’appelant demande l’invalidation du paragraphe 118(5) de la LIR en vertu de l’article 52 de la Charte, ou dans l’alternative, l’appelant demande l’interprétation large du paragraphe 118(5.1) de la LIR pour inclure le respect de la liberté contractuelle entre les ex-conjoints, rétablissant ainsi l’égalité entre l’appelant, père divorcé payant une pension alimentaire, et ses homologues en union, de contracter librement une entente avec la mère de leurs enfants sur les crédits d’impôt en raison des enfants.

 

Thèse de l’intimée

 

[8]    L’intimée soutient que le paragraphe 118(5) de la LIR prévoit qu’aucun montant relativement à une personne à charge ou relativement à un enfant âgé de moins de 18 ans ne peut être réclamé en vertu des alinéas 118(1)b) et 118(1)b.1) de la LIR par un contribuable tenu de payer une pension alimentaire au sens du paragraphe 56.1(4) de la LIR. L’intimée soutient que le paragraphe 118(5) de la LIR ne viole pas le droit d’égalité protégé par le paragraphe 15(1) de la Charte. L’appel doit donc être rejeté.

 

Les dispositions législatives

 

[9]    Le paragraphe 15(1) de la Charte est rédigé ainsi :

 

15.(1)   La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.

 

[10]        Les dispositions pertinentes de la LIR sont les suivantes :

 

56.1(4) « pension alimentaire » Montant payable ou à recevoir à titre d’allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d’enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

 

a)         le bénéficiaire est l’époux ou le conjoint de fait ou l’ex-époux ou l’ancien conjoint de fait du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d’échec de leur mariage ou union de fait et le montant est à recevoir aux termes de l’ordonnance d’un tribunal compétent ou d’un accord écrit;

 

b)         le payeur est légalement le père ou la mère d’un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l’ordonnance d’un tribunal compètent rendue en conformité avec les lois d’une province.

 

[…]

 

118(5)  Aucun montant n’est déductible en application du paragraphe (1) relativement à une personne dans le calcul de l’impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d’imposition si le particulier, d’une part, est tenu de payer une pension alimentaire au sens du paragraphe 56.1(4) à son conjoint ou ancien conjoint pour la personne et, d’autre part, selon le cas :

 

a)         vit séparé de son époux ou conjoint de fait ou ex-époux ou ancien conjoint de fait tout au long de l’année pour cause d’échec de leur mariage ou union de fait;

 

b)         demande une déduction pour l’année par l’effet de l’article 60 au titre de la pension alimentaire versée à son conjoint ou ancien conjoint.

 

118(5.1)  À supposer que la présente loi s’applique compte non tenu du présent paragraphe, dans le cas ou personne n’a droit, par le seul effet du paragraphe (5), à la déduction prévue aux alinéas (1)b) ou b.1) pour une année d’imposition relativement à un enfant, le paragraphe (5) ne s’applique pas relativement à l’enfant pour l’année en cause.

 

Analyse

 

[11]        L’alinéa 118(1)b) de la LIR prévoit un crédit d’impôt personnel pour le contribuable qui subvient aux besoins d’une personne entièrement à charge. L’alinéa 118(1)b.1) de la LIR prévoit un crédit d’impôt personnel pour le contribuable qui subvient aux besoins d’un enfant. Toutefois, selon le paragraphe 118(5) de la LIR, aucun montant n’est déductible en application du paragraphe 118(1) de la LIR par le contribuable relativement à une personne si le contribuable est tenu de payer une pension alimentaire (tel que définie au paragraphe 56.1(4) de la LIR) pour la personne en question.

 

[12]        En l’espèce, il est entendu entre l’appelant et son ex‑épouse que l’appelant aurait droit de réclamer les crédits d’impôt pour personnes à charge et pour enfants.

 

[13]        Par contre, il est évident que l’accord des parties ne saurait modifier les exigences de la loi et de plus ne peut lier le fisc. Dans l’affaire Ross J. Cunningham c. La Reine, 2012 CCI 279 (CanLII), le contribuable et son ex‑épouse se sont convenus que le contribuable avait droit au crédit d’impôt pour personne à charge. Le juge Boyle de la Cour canadienne de l’impôt a statué au paragraphe 16 :

 

[16]      Je ne suis pas insensible au fait que l’appelant ne reçoive pas le bénéfice du crédit d’impôt pour personne à charge en 2009, alors même que son ex-épouse et lui avaient convenu que ce serait lui qui aurait le droit d’en bénéficier au cours de cette année-là de garde partagée. J’apprends que c’est plutôt elle qui a bénéficié de la déduction en 2009. Cependant, l’accord des parties ne saurait modifier les exigences de la Loi. Je ne suis pas non plus insensible au fait que l’appelant, un fiscaliste, ait du mal à distinguer la raison ou le principe à l’origine de conséquences fiscales si différentes pour la garde partagée et la garde exclusive. Néanmoins, il est clair que les dispositions des Lignes directrices et celles relatives au crédit d’impôt pour personnes à charge, telles qu’elles sont formulées et telles qu’elles ont été interprétées par les tribunaux, ne permettent pas à monsieur Cunningham d’obtenir gain de cause dans son appel.

 

[14]        Dans l’affaire Daniel Beaudoin c. La Reine, 2010 CCI 600 (CanLII), le père d’un enfant devait verser à la mère une pension alimentaire au bénéfice de l’enfant selon les termes d’un jugement de divorce. Les parents avaient la garde partagée de l’enfant à raison d’une semaine sur deux. La Cour supérieure a modifié le jugement de divorce en attribuant au père tous les crédits d’impôt pour enfants pour les années d’imposition 2007 et suivants. Le ministre a refusé au père le crédit d’équivalent pour personnes entièrement à charge en vertu de l’alinéa 118(1)b) de la LIR et le crédit relatif au montant pour enfant en vertu de l’alinéa 118(1)b.1) de la LIR. Le père s’est porté en appel à la Cour canadienne de l’impôt. Le juge Favreau a rejeté l’appel en décidant qu’un jugement de la Cour supérieure par lequel est attribué à un parent la totalité des crédits d’impôt pour enfants ne peut pas modifier les exigences établies par la LIR et, plus particulièrement, celles établies par le paragraphe 118(5) de la LIR. Un juge faisant ainsi outrepasse la juridiction de la Cour.

 

[15]        En l’espèce, l’appelant soutient que le paragraphe 118(5) de la LIR est discriminatoire et porte atteinte au droit d’égalité protégé par le paragraphe 15(1) de la Charte. On doit donc se demander, c’est quoi la discrimination. Le juge McIntyre de la Cour suprême a défini ainsi la discrimination dans l’arrêt Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143 aux pages 174‑175 :

 

[…] la discrimination peut se décrire comme une distinction, intentionnel ou non, mais fondée sur des motifs relatifs à des caractéristiques personnelles d’un individu ou d’un groupe d’individus, qui a pour effet d’imposer à cet individu ou à ce groupe des fardeaux, des obligations ou des désavantages non imposés à d’autres ou d’empêcher ou de restreindre l’accès aux possibilités, aux bénéfices et aux avantages offerts à d’autres membres de la société. Les distinctions fondées sur des caractéristiques personnelles attribuées à un seul individu en raison de son association avec un groupe sont presque toujours taxées de discriminatoire, alors que celles fondées sur les mérites et capacités d’un individu le sont rarement.

 

[16]        Le test qu’on doit appliquer pour déterminer si une loi porte atteinte au paragraphe 15(1) de la Charte fut énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Law c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1999] 1 RCS 497, 1999 CanLII 675 :

 

1.   La loi a-t-elle pour objet ou pour effet d’imposer une différence de traitement entre l’appelant et d’autres personnes?

 

2.   La différence de traitement est-elle fondée sur un ou plusieurs des motifs énumérés ou des motifs analogues?

 

3.   La loi en question a-t-elle un objet ou un effet discriminatoire au sens de la garantie d’égalité?

 

[17]        La juge en chef McLachlin et la juge Abella de la Cour suprême du Canada ont reformulé ce test dans Kapp c. Canada, 2008 CSC 41. Elles ont établi un test à deux volets pour l’appréciation d’une demande fondée sur le paragraphe 15(1) de la Charte au paragraphe 17 :

 

1)   La loi crée-t-elle une distinction fondée sur un motif énuméré ou analogue?

 

2)   La distinction crée-t-elle un désavantage par la perpétration d’un préjugé ou l’application de stéréotypes?

 

Il était question de trois volets dans l’arrêt Law, précité, mais la Cour estimait que les critères énoncés dans Kapp, précité, sont essentiellement les mêmes que dans Law, précité. Donc, à mon avis, la jurisprudence axée sur l’application de l’analyse basée sur Law, précité, continue de faire autorité.

 

[18]        Il y est d’une jurisprudence constante, à l’effet que le paragraphe 118(5) de la LIR ne porte pas atteinte au droit d’égalité garantie au paragraphe 15(1) de la Charte : voir Nixon c. La Reine, [1999] A.C.I. no 885 (QL); Nelson c. Canada (PG), 2000 CanLII 16332 (CAF); Keller v. The Queen, [2002] 3 C.T.C. 2499; Werring v. The Queen, [2002] 3 C.T.C. 2876; Frégeau c. R., 2004 CCI 293 (CanLII); Giorno c. R., 2005 CCI 175 (CanLII); Donovan c. R., 2005 CCI 667 (CanLII); Calogeracos c. R., 2008 CCI 389 (CanLII); et Sears c. R., 2009 CCI 22 (CanLII).

 

[19]        L’affaire Nelson c. Canada, [2000] 4 CTC 252, est un cas dont les faits sont analogues au cas en l’espèce. Monsieur Nelson et son ex-conjointe avaient la garde partagée de leurs enfants. Il payait une pension alimentaire à son ex-conjointe au bénéfice des enfants. Il réclamait un crédit d’impôt pour un de ses enfants selon l’alinéa 118(1)b) de la LIR ce qui lui a été refusé par application du paragraphe 118(5) de la LIR. Monsieur Nelson s’est porté en appel à la Cour canadienne de l’impôt où il prétendait que ses droits d’égalité protégés par le paragraphe 15(1) de la Charte lui ont été niés par l’application du paragraphe 118(5) de la LIR. Le juge de la Cour de l’impôt a rejeté son appel. Rendu à la Cour d’appel fédérale, la juge Sharlow a rejeté la demande de contrôle judiciaire par raison que monsieur Nelson ne s’est pas conformé aux exigences du paragraphe 57(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), c. F‑7, qui exige que le procureur général du Canada et des provinces soit avisé de la question constitutionnelle. En ce qui a trait à la constitutionnalité du paragraphe 118(5) de la LIR, la juge Sharlow s’est prononcée ainsi :

 

[10]      L’argument de M. Nelson est que le paragraphe 118(5), qui lui refuse le crédit d’impôt « équivalent de personne mariée » pour son fils, entraîne pour lui un désavantage qui équivaut à une négation des droits que lui confère le paragraphe 15(1) de la Charte. […]

 

[11]      Comme expliqué ci-dessus, le fait essentiel qui a conduit à l’application du paragraphe 118(5) est l’obligation de M. Nelson de payer à son ex‑épouse une pension alimentaire pour son fils même s’il vit avec son fils et subvient à ses besoins et qu’il en assume la garde partagée. Je dirais que, dans le cas de M. Nelson, le groupe de référence à retenir est celui d’un parent célibataire qui vit avec un enfant et subvient à ses besoins en vertu d’un accord de garde partagée conclue avec l’autre parent de l’enfant, mais qui n’a pas l’obligation juridique de payer à l’autre parent une pension alimentaire pour l’enfant.

 

[12]      À mon avis, le traitement distinct établi par le paragraphe 118(5) de la Loi de l’impôt sur le revenu n’est pas fondé sur l’un des motifs énumérés au paragraphe 15(1) de la Charte ou sur un motif analogue. Le paragraphe 118(5) n’établit pas une distinction entre M. Nelson et le groupe de référence au titre des caractéristiques personnelles, ou au titre de l’application stéréotypée de présumés caractéristiques collectives ou personnelles, et il ne met pas en jeu la vocation du paragraphe 15(1) de la Charte à corriger des écarts tels que les préjugés, les stéréotypes et les handicapés historiques. L’application du paragraphe 118(5) de la Loi de l’impôt sur le revenu n’offense pas non plus la dignité, la valeur intrinsèque ou l’amour-propre de M. Nelson. Par conséquent, le traitement distinct qui résulte du paragraphe 118(5) n’est pas discriminatoire au sens de la Charte.

 

[13]      Le postulat qui sous-tend l’argument de M. Nelson est que le législateur fédéral devrait offrir le même allégement fiscal à tous les parents célibataires qui subviennent aux besoins de leurs enfants en vertu d’un accord de garde partagée. Il s’agit là sans doute d’un objectif louable de politique publique, mais ce n’est pas un objectif qui puisse être avancé dans une demande fondée sur le paragraphe 15(1) de la Charte. M. Nelson ne peut que s’en remettre au législateur fédéral.

 

[20]        Cet arrêt fait toujours autorité sur la question et en soi même peut justifier le rejet de l’appel. Par contre, je vais aborder une analyse selon les critères énoncés dans Kapp, précité.

 

[21]        Dans Withler c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 12, la juge en chef McLachlin et la juge Abella de la Cour suprême du Canada nous instruit que l’analyse faite selon les deux volets de Kapp, précité, indique que toute distinction n’est pas en soi contraire au paragraphe 15(1) de la Charte. L’égalité n’est pas une question de similitudes, et le paragraphe 15(1) de la Charte ne garantit pas le droit à un traitement identique. Il garantit plutôt à chacun le droit d’être protégé contre toute discrimination. Par conséquent pour établir une violation de l’article 15 de la Charte, une personne doit démontrer non seulement qu’elle ne bénéficie pas d’un traitement égal devant la loi et dans la loi, ou encore que la loi a un effet particulier sur elle en ce qui concerne la protection ou le bénéfice qu’elle offre, mais encore que la loi a un effet discriminatoire sur le plan législatif : (voir Withler, précité, paragraphe 31).

 

Le premier volet – La loi crée-t-elle une distinction fondée sur un motif énuméré ou analogue?

 

[22]        L’appelant soutient que l’obligation de payer une pension alimentaire touche principalement les hommes et donc le paragraphe 118(5) de la LIR produit une discrimination indirecte par suite d’un effet préjudiciable à l’endroit des hommes quelle discrimination est fondée sur un motif énuméré, soit le sexe. Je ne suis pas d’accord.

 

[23]        Les pensions alimentaires sont déterminées en fonction des revenus de chaque parent et non en fonction du sexe du parent. Même si historiquement les pères gagnent des revenus supérieurs à ceux de la mère de leurs enfants, dans les cas où la mère gagne un revenu supérieur à celui du père, ce qui arrive de plus en plus souvent, le père n’aurait pas à payer une pension alimentaire et il aurait le droit de réclamer les crédits d’impôt. Donc, le fait de payer une pension alimentaire, et le droit de réclamer des crédits d’impôt n’ont rien à faire avec le sexe du payeur ni du bénéficiaire.

 

[24]        Dans l’affaire de Calogeracos c. R., 2008 CCI 389, la Cour canadienne de l’impôt a conclu que la mesure législative ici contestée n’établit pas de distinction entre un homme et une femme. Le juge Webb, aujourd’hui juge de la Cour d’appel fédérale, a statué ainsi au paragraphe 20 jusqu’au paragraphe 22 :

 

[20]      L’appelant à présenter certaines données statistiques pour prouver que ce sont généralement les hommes qui sont tenus de verser des pensions alimentaires dans les cas de garde partagée. […] Les données statistiques présentées ont montré que dans les cas de garde partagée, ce sont généralement les hommes, dans la très grande majorité des cas, qui versent des pensions alimentaires pour les enfants.

 

[21]      Cependant, c’est le paragraphe 118(5) de la Loi qui doit être examiné pour décider s’il établit une distinction entre les hommes et les femmes. […]

 

[22]      En l’espèce, la disposition en cause n’établit pas une distinction formelle entre les hommes et les femmes, et elle n’omet pas de tenir compte de la situation défavorisée dans laquelle l’appelant se trouve déjà dans la société canadienne. La disposition établit une distinction entre les personnes qui versent des pensions alimentaires pour enfants et celles qui n’en versent pas; cette distinction étant basée sur les niveaux de revenus des parents, puisque l’obligation de verser une pension alimentaire pour enfants est fondée sur les niveaux de revenu relatif des parents. L’appelant ne peut pas fonder une allégation de discrimination sur le fait que ce sont plus souvent les hommes qui versent des pensions alimentaires pour enfants dans les cas de garde partagée, car les hommes dont les revenus sont plus élevés que ceux des femmes ne sont pas dans une situation défavorisée dans la société canadienne.

 

Je suis entièrement d’accord avec le juge Webb.

 

[25]        L’appelant allègue aussi que l’obligation de payer une pension alimentaire touche disproportionnellement les parents‑gardiens divorcés, car ceux-ci n’ont pas le droit de décider lequel d’entre eux peut réclamer les crédits d’impôt comme peuvent le faire les parents qui ne sont pas séparés. Donc, le paragraphe 118(5) de la LIR nie à l’appelant son droit à l’entente contractuelle produisant ainsi un effet préjudiciable à l’endroit des parents‑gardiens divorcés sur la base de leur statut matrimonial, étant un motif analogue. Encore, je ne suis pas d’accord.

 

[26]        Au paragraphe 206 de Thibaudeau c. Canada, 1995 CanLII 99, [1995] 2 RCS 627 (CSC), la juge McLachlin (maintenant juge en chef) a clairement établi que le statut de parent‑gardien séparé ou divorcé constitue un motif analogue au sens de l’article 15 de la Charte. Par contre, en ce qui a trait au paragraphe 118(5) de la LIR, le juge Bédard dans l’affaire Frégeau c. R., 2004 CCI 293, a statué sans équivoque que ce n’est pas le fait d’être un parent séparé ou divorcé qui fait en sorte que l’appelant ne peut pas recevoir le crédit au paragraphe 118(1)b) de la LIR. La distinction n’est pas le statut matrimonial ou la situation familiale du parent‑gardien divorcé, mais plutôt le fait que celui‑ci paie une pension alimentaire pour enfants à son ex‑épouse. Le juge Bédard a statué ainsi au paragraphe 20 :

 

[20]      L’appelant fait-il, en raison du paragraphe 118(5) de la Loi, l’objet d’une différence de traitement basé sur une caractéristique personnelle? Je dois conclure par la négative. Bien que les représentantes de l’appelant soutiennent que le traitement différent que subit l’appelant résulte de sa situation familiale, la différence de traitement est, à mon avis, occasionnée par son obligation de payer une pension alimentaire pour enfants. Il ne s’agit donc pas d’une caractéristique personnelle analogue à celles énumérées à l’article 15 de la Charte. Certes, cette obligation découle de la situation familiale, que celle-ci soit une caractéristique personnelle ou non. Cependant, ce n’est pas le fait d’être un parent séparé ou divorcé qui fait en sorte que l’appelant ne peut pas recevoir le crédit au paragraphe 118(1)b) de la Loi. Le crédit au paragraphe 118(1)b) de la Loi est refusé à l’appelant sur la base qu’il paie une pension alimentaire pour enfants à son ancien conjoint. L’appelant fait donc l’objet d’un traitement différent par rapport au parent séparé ou divorcé qui ne paie pas de pension alimentaire pour enfants. La distinction dépend donc d’une obligation pécuniaire résultant d’une obligation de verser une pension alimentaire enfants. Or, l’article 15 de la Charte cherche à interdire les différences de traitement fondé sur une ou des caractéristiques personnelles, c’est-à-dire des caractéristiques qui se rattachent à la dignité d’une personne tels la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge, les déficiences mentales ou physiques et tout motif analogue. Puisqu’une obligation pécuniaire ne constitue pas une caractéristique personnelle analogue à celles mentionnées à l’article 15 de la Charte, l’appelant ne fait pas, à mon avis, l’objet d’une différence de traitement en vertu de cet article de la Charte.

 

[27]        Dans Calogeracos c. R., précité, le juge Webb, a observé au paragraphe 18 :

 

[18]      La raison pour laquelle l’ordonnance à imposer une obligation à l’appelant est que les revenus de ce dernier étaient plus élevés que ceux de son ancienne épouse. Le niveau de revenu n’est pas une caractéristique personnelle prévue à l’article 15 de la Charte, ni une caractéristique analogue à celles qui y sont prévues. L’obligation de verser une pension alimentaire pour enfants (fondée sur les niveaux de revenu relatif des parents) ne constitue donc pas un motif analogue. Par conséquent, cette caractéristique doit être la même pour le groupe de comparaison et pour le groupe auquel il est comparé.

 

[28]        Pour constituer un motif analogue il est nécessaire d’avoir l’existence d’une caractéristique personnelle immuable ou seulement modifiable à un prix inacceptable du point de vue de l’identité personnelle : Corbière c. Canada (Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1999] 2 R.C.S. 203, paragraphe 13. L’obligation de payer une pension alimentaire pour enfants, laquelle est notamment basée sur les niveaux de revenu, ne peut pas constituer une caractéristique personnelle immuable : voir Donovan v. R, 2005 TCC 667 au paragraphe 18; Sears c. R., précité, aux paragraphes 30 et 44; Calogeracos c. R., précité, au paragraphe 18; et Giorno c. R., 2005 CCI 175, au paragraphe 21.

 

[29]        Tous les parents, divorcés ou non, séparés ou non, ont l’obligation de pourvoir au besoin de leurs enfants, que le parent soit marié ou non; que le parent soit séparé ou non. L’obligation imposée par un tribunal ou par entente de payer une pension alimentaire est seulement une façon d’assurer qu’un parent séparé et\ou divorcé s’acquitte de ses devoirs légaux et moraux de pourvoir aux besoins de ses enfants. Obliger un parent de pourvoir aux besoins de ses enfants n’est pas discriminatoire et ne touche pas disproportionnellement les parents séparés ou divorcés.

 

[30]        J’en arrive à la conclusion que le paragraphe 118(5) de la LIR ne porte pas atteinte au paragraphe 15(1) de la Charte, car il ne crée pas une distinction fondée sur un motif énuméré ou analogue dans le sens du paragraphe 15(1) de la Charte.

 

Le deuxième volet — La distinction crée‑t‑elle un désavantage par la perpétration d’un préjugé ou l’application de stéréotypes?

 

[31]        Ayant conclu à la suite de l’analyse du premier volet que le paragraphe 118(5) de la LIR ne porte pas atteinte au paragraphe 15(1) de la Charte, il n’est pas nécessaire de continuer l’analyse. Par contre, je me dois de faire quelques commentaires à l’égard du deuxième volet.

 

[32]        Une distinction fondée sur un motif énuméré ou analogue ne justifie pas en soi pour établir qu’il y a une violation du paragraphe 15(1) de la Charte. Au deuxième volet de l’analyse, le tribunal doit déterminer si, en tenant compte de tous les facteurs contextuels pertinents, y comprit la nature et l’objet de la mesure législative contestée au regard de la situation du demandeur, la distinction invoquée a un effet discriminatoire en ce sens qu’elle perpétue un désavantage ou applique un stéréotype à l’égard du groupe dont le demandeur fait partie; voir Withler c. Canada (Procureur général), précité, au paragraphe 71. À mon avis, la mesure législative n’a aucun effet discriminatoire, compte tenu de l’objet fiscal de la mesure et la situation de l’appelant. La mesure législative ne stigmatise pas les hommes ni les parents‑gardiens séparés et ne leur applique pas un stéréotype.

 

[33]        Dans l’affaire Donovan v. The Queen, précitée, le juge Hershfield de la Cour canadienne de l’impôt avait à considérer si la mesure législative ici contestée crée un désavantage d’un préjugé ou l’application de stéréotypes. Bien que le juge Hershfield discutait du troisième volet du test énoncé dans l’affaire Laws, précitée, ses dires sont applicables au deuxième volet du critère énoncé dans l’affaire Kapp, précitée :

 

[19]      As to the third inquiry, to find that an impugned provision violates section 15 rights under the Charter, the burden imposed on the Appellant or the benefit denied, must be reflective of a stereotypical application of a presumed personal characteristic or have the effect of perpetrating the view that the Appellant, as a custodial supporting parent, is less worthy of recognition as a parent or less deserving of equal respect.

 

[20]      Being denied personal tax credits is not demeaning, in my view. A reasonable person would not, in my view, suggest that one's personal dignity or self-worth as a supporting custodial parent has been attacked by the denial of a personal tax credit. Fiscal inequalities in these circumstances are not based on some pejorative stereotype of joint custodial parents who are required by their economic circumstances to contribute to the support of a child while in the custody of the other parent. That the tax policy behind the impugned provision may be difficult to defend, does not reflect or perpetrate a negative stereotype in these circumstances. The Charter cannot be employed simply because an identifiable group is treated fiscally unfairly. The purpose of the Charter is not to protect against bad tax policy which at best this appeal is all about. This is not about human dignity. This is not about a provision that reflects a misunderstanding of the Appellant's merit as a parent. This is not a provision that stigmatises supporting custodial parents. The Appellant's place within Canadian society has not been marginalized by the denial of a tax credit.

 

[21]      Accordingly, even allowing, and I do not, that the second enquiry has met (i.e. that the impugned provision results in differential treatment based on an analogous ground), these findings in respect of the third enquiry fall short of engaging the Charter in this case.

 

Je ne pourrais pas mieux m’exprimer.

 

[34]        Dans l’affaire Sears c. La Reine, précitée, monsieur Sears prétendait appartenir à un « groupe analogue » du fait qu’il est un parent qui paye une pension alimentaire pour enfants. Il affirmait qu’une discrimination fondée sur ce motif est dévalorisante et porte atteinte à la dignité profonde d’une personne, de la même manière dont une discrimination fondée sur les autres motifs reconnus va à l’encontre des normes fondamentales en matière de droits de la personne. Ces prétentions ont été rejetées par le juge Margeson de la Cour canadienne de l’impôt.

 

[35]        Le juge Gonthier de la Cour suprême du Canada, en discutant de la nature et le fonctionnement de la LIR dans l’affaire Thibodeau c. Canada, précitée, a statué au paragraphe 91 :

 

Or il est de l’essence même de la LIR de faire des distinctions, de manière à générer des revenus pour l’État tout en composant de façon équitable avec un ensemble d’intérêts forcément divergents. Dans cette perspective, le droit au même bénéfice de la loi ne saurait signifier que chaque contribuable a un droit égal de recevoir les mêmes sommes, déductions ou avantages, mais seulement un droit d’être également régi par la loi. L’objet fondamental de l’art. 15 de la Charte a en effet été précisé par le juge McIntyre dans l’arrêt Andrews, précité, à la p. 171 :

 

Il est clair que l’art. 15 a pour objet de garantir l’égalité dans la formulation et l’application de la loi. Favoriser l’égalité emporte favoriser l’existence d’une société où tous ont la certitude que la loi les reconnaît comme des êtres humains qui méritent le même respect, la même déférence et la même considération.

 

Ceci étant, il ne faudrait donc pas confondre le concept d’équité fiscale, qui vise la meilleure répartition du fardeau fiscal compte tenu des besoins du fisc, de la capacité de payer des contribuables et des politiques économiques et sociales de l’État avec la notion de droit à l’égalité qui veut, comme je l’exposerai en détail ci-dessous, qu’un membre d’un groupe ne soit pas désavantagé en raison d’une caractéristique personnelle non pertinente partagée par ce groupe.

 

[36]        À mon avis, les crédits d’impôt que l’on considère en l’espèce n’ont pas été créés pour profiter aux parents, mais plutôt pour profiter à leurs enfants ou les personnes à charge. Il est évident que l’objet de la mesure législative ici contestée est la répartition de ressources financière entre parents séparés pour le profit de leurs enfants.

 

[37]        De plus, il y a un autre fait très important qui milite contre la position de l’appelant. La pension alimentaire que doit payer l’appelant a été déterminée en fonction de son revenu ainsi que le revenu de son ex-épouse selon les Lignes directrices fédérales pour les pensions alimentaires pour enfants. Les Lignes directrices ont été conçues en considérant les divers taxes et crédits fédéraux et provinciaux sur le revenu. Donc, les crédits d’impôt ont déjà été pris en ligne de compte même avant qu’un tribunal établisse le montant de pension alimentaire selon les Lignes directrices. Donc le fait que c’est seulement la bénéficiaire d’une pension alimentaire qui peut se prévaloir des crédits d’impôt ne crée aucun désavantage ou préjudice envers le payeur de ladite pension alimentaire. Le juge Bédard dans Frégeau, précité, nous l’explique davantage et je ne peux que répéter son dictum :

 

[30]      Les représentantes de l’appelant soutiennent également que la distinction résultant de l’application du paragraphe 118(5) de la Loi est discriminatoire puisque le Règlement sur la fixation des pensions alimentaires pour enfants au Québec, de même que les Lignes directrices fédérales, ne tiennent pas compte du crédit équivalent pour personne entièrement à charge.

 

[31]      Je suis d’avis que cette prétention est également erronée puisque les tableaux établissant les montants dus à titre de pensions alimentaires pour enfants semblent avoir été conçus en considération de plusieurs éléments, dont le crédit équivalent pour personne entièrement à charge, tel que l’indique les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants (je souligne) :

 

6.         La formule permet d’établir des montants de pensions alimentaires qui tiennent compte de la dépense moyenne que représente un enfant pour un époux avec un nombre d’enfants et un revenu donnés. Le calcul se fonde sur le revenu du débiteur alimentaire. Elle tient compte du crédit d’impôt non remboursable au titre du montant personnel de base pour reconnaître les dépenses personnelles. Elle tient également compte d’autres taxes et crédits fédéraux et provinciaux sur le revenu. Les prestations fiscales fédérales pour enfants et le crédit pour la taxe sur les produits et services sont exclus du calcul. Pour les revenus annuels moins élevés, la formule permet d’établir le montant sans perdre de vue l’incidence combinée des impôts et des paiements de la pension alimentaire pour enfants sur le revenu disponible limité dont dispose le débiteur alimentaire.

 

[32]      Ainsi, en établissant le montant à titre de pension alimentaire pour enfants, les Lignes directrices fédérales tiennent pour acquis que le parent payeur n’aura pas droit au crédit équivalent pour personne entièrement à charge. Conséquemment, bien que le contribuable débiteur d’une pension alimentaire pour enfants ne bénéficie pas du crédit équivalent pour personne entièrement à charge en raison du fait qu’il verse une pension alimentaire, ce dernier paie une pension alimentaire établie en fonction du fait qu’il ne reçoit pas le crédit d’impôt personnel en question.

 

[Je souligne.]

 

[33]      À défaut de preuve réfutant la prétention du législateur que la formule utilisée pour établir les tableaux des Lignes directrices fédérales tiennent compte du refus du crédit d’impôt au paragraphe 118(1) de la Loi pour le contribuable qui paie une pension alimentaire pour enfants, je ne peux conclure en ce sens. La partie du budget de 1996 intitulée « Le nouveau système de pensions alimentaires pour enfants » affirme, à la page 13, que :

 

Les montants figurant dans les tableaux sont fixés par l’application d’une formule qui permet de calculer le montant convenable de la pension, en tenant compte des données économiques sur les dépenses moyennes occasionnées par les enfants pour différents niveaux de revenu. Cette formule réserve un montant de base pour assurer la subsistance du parent payeur et tient compte des impôts fédéral et provincial à payer. Des tableaux différents ont été préparés pour chaque province, étant donné que les taux d’imposition varient de l’une à l’autre. Les tableaux pour chaque province et territoire sont en annexe.

 

L’honorable Paul Martin a fait les commentaires suivants relativement au choix du législateur de défiscaliser les pensions alimentaires pour enfants :

 

Le montant équivalent pour conjoint est destiné aux chefs de familles monoparentales ayant un enfant de moins de 18 ans. À l’heure actuelle, la Loi de l’impôt sur le revenu prévoit que le récipiendaire des pensions alimentaires pour enfants, et non le payeur, peut demander ce montant.

 

Ce régime demeurera inchangé en vertu des nouvelles règles. Cette approche est conforme aux nouvelles lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, en vertu desquelles le montant de ces pensions est établi en supposant que c’est le conjoint récipiendaire qui demande le montant équivalent pour conjoint.

 

Et :

 

Le paragraphe 118(5) de la Loi porte qu’un particulier qui a droit à une déduction prévue à l’alinéa 60 b), c) ou c.1) de la Loi au titre de la pension alimentaire versée pour subvenir aux besoins de son conjoint ou de son enfant n’a pas droit à un crédit d’impôt en application de l’article 118 relativement au conjoint ou à l’enfant.

 

Le paragraphe 118(5) est modifié par suite des changements touchant le traitement fiscal réservé aux pensions alimentaires pour enfants. Le paragraphe 118(5) dans sa version modifiée porte qu’un particulier ne peut déduire un montant en application du paragraphe 118(1) relativement à une personne si ce particulier est tenu de payer une pension alimentaire à son conjoint ou ancien conjoint pour la personne, et qu’il vit séparé de son conjoint tout au long de l’année pour cause d’échec de leur mariage, ou qu’il demande une déduction au titre de la pension alimentaire.

 

Selon ce nouveau libellé, un particulier tenu de payer une pension alimentaire pour une année d’imposition postérieure à l’année où survient l’échec du mariage n’a pas droit à un crédit d’impôt en application du paragraphe 118(1) relativement à son conjoint ni à son enfant, même dans les cas où aucun paiement de ce genre n’est effectué ou n’est déductible. Pour l’année où survient l’échec du mariage, le particulier pourra avoir droit à certains crédits prévus au paragraphe 118(1) s’il ne demande pas de déduction au titre d’une pension alimentaire.

 

Ces modifications s’appliquent aux années d’imposition 1997 et suivantes.

 

Je dois conclure que les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires tiennent compte du crédit équivalent pour personne entièrement à charge. De ce fait, l’appelant n’a pas satisfait au fardeau de prouver l’effet contraire de sorte que cet argument doit être rejeté.

 

[38]        Ayant conclu que le paragraphe 118(5) de la LIR ne porte pas atteinte au paragraphe 15 de la Charte, il n’est pas nécessaire de déterminer si le paragraphe 118(5) de la LIR constitue une règle de droit, dans les limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique, comme prévu à l’article premier de la Charte.

 

Conclusion

 

[39]        En conclusion, je suis d’avis que le paragraphe 118(5) de la LIR ne crée pas une distinction fondée sur un motif énuméré, c’est‑à‑dire le sexe, ni un motif analogue, c’est‑à‑dire le statut matrimonial. S’il existe une telle distinction, la distinction ne crée pas un désavantage par la perpétration d’un préjugé ou l’application de stéréotypes.

 

[40]        Je conclus donc, que le paragraphe 118(5) de la LIR ne porte pas atteinte au droit d’égalité protégé par le paragraphe 15(1) de la Charte.

 

[41]        Étant donné que la question constitutionnelle constituait le seul motif d’appel, l’appel est rejeté.

 

 

Ces motifs du jugement modifiés sont émis en remplacement des motifs du jugement datés du 28 avril 2014.

 

 

Signé à Kingston, Ontario, ce 3e jour de juillet 2014.

 

 

 

« Rommel G. Masse »

Juge suppléant Masse

 


RÉFÉRENCE :                                 2014 CCI 115

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :    2012-2713(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :            JEAN-CLAUDE DUBUC c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 22 novembre 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :     L'honorable Rommel G. Masse,

                                                          juge suppléant

 

DATE DU JUGEMENT MODIFIÉ: Le 5 juin 2014

 

DATE DES MOTIFS DU

JUGEMENT MODIFIÉS :             Le 3 juillet 2014

 

COMPARUTIONS :

 

Représentants de l'appelant :

Yuval Levy, stagiaire en droit

Dorothy Laverdière, stagiaire en droit

 

Avocats de l'intimée :

Me Amelia Fink

Me Dany Leduc

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

Pour l’appelant :

 

 

 

Nom :

Yuval Levy, stagiaire en droit

 

Dorothy Laverdière, stagiaire en droit

Cabinet :

Faculté de droit  Université Laval

 

Québec (Québec)

 

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

 

Sous-procureur général du Canada

 

Ottawa, Canada

 

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