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Dossier : 2013‑3408(IT)I

 

ENTRE :

 

MICHAEL TULMAN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Appel entendu le 18 février 2014 à Toronto (Ontario).

Devant : L’honorable juge Kathleen T. Lyons


Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocate de l’intimée :

Me Kathleen Beahen

 

JUGEMENT

          L’appel relatif à la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2011 est rejeté.

          Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de mai 2014.

« K. Lyons »

Juge Lyons

 

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour de juillet 2014.

 

S. Tasset


Référence : 2014 CCI 140

Date : 20140509

Dossier : 2013‑3408(IT)I

ENTRE :

MICHAEL TULMAN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lyons

[1]             Il s’agit d’un appel de Michael Tulman, l’appelant, à l’encontre d’une nouvelle cotisation relative à son année d’imposition 2011 par laquelle le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé une déduction de dépenses d’emploi. L’appelant a tout d’abord déduit des dépenses d’emploi d’un montant total de 17 937 $[1] et, par la suite, il a majoré la déduction pour la faire passer à 24 120 $ (le « montant contesté ») relativement à un voyage à Las Vegas[2].

[2]             À l’audience, l’appelant a informé la Cour qu’il ne demande plus de déduction à l’égard des frais afférents à un véhicule qui sont mentionnés dans la réponse modifiée[3]. Le montant contesté comprend :

Frais de déplacement                                                               7 539 $

Divertissements, cadeaux et articles promotionnels              16 580 $

[3]             La question en litige consiste à savoir si l’appelant est autorisé à déduire le montant contesté à titre de dépense d’emploi dans l’année d’imposition 2011.

[4]             L’appelant a témoigné que l’entreprise MenuPalace.com (« MenuPalace ») a été lancée en 1999 et que, en 2011, elle comptait une trentaine d’employés. En 2011, il était le chef de la direction et un employé de MenuPalace (son « employeur »). Il a ajouté qu’il n’avait pas de contrat de travail écrit en 2011 parce qu’il était son propre employeur. Il était également chef de la direction et actionnaire de MTGL Holdings Inc. (faisant affaire sous le nom de Dealfind.com) (« MTGL »). MTGL est actionnaire de MenuPalace[4]. Il a déclaré qu’étant donné qu’il était actionnaire à 33 % de Dealfind et qu’il contribuait à la croissance de cette entreprise, il devait avoir droit à 30 % des dépenses.

[5]             Aux dires de l’appelant, il s’est rendu à Las Vegas pour participer au congrès des Pages jaunes (le « Congrès »). Il s’agissait, a‑t‑il dit, d’une activité comportant toutes sortes de présentations, de stands et d’expositions qui attirent des entreprises faisant surtout de la publicité à l’échelle locale, comme Groupon. Il voulait aussi rencontrer trois représentants de trois entreprises distinctes qui s’intéressaient potentiellement à MenuPalace ou à Dealfind. Il s’agissait d’Eric Lefskovsky (Groupon), de M. Shamis (Ricon) et de M. Vartran (PC Medics)[5]. L’appelant a déclaré que son voyage précédait d’un mois des négociations qui allaient avoir lieu dans le cadre d’un éventuel financement commercial de 31 millions de dollars.

[6]             L’appelant a confirmé en contre‑interrogatoire qu’il était à Las Vegas en raison du Congrès et pour un voyage d’affaires. Toutefois, en réponse à des questions ultérieures de l’avocate de l’intimée, il a admis que le Congrès avait pris fin le 19 avril 2011, soit la veille de son arrivée. Il a convenu que le Vendredi saint tombait le 22 avril 2011 et le lundi de Pâques le 25 avril 2011. Il a également reconnu que la plupart des employés ne sont pas tenus de travailler les jours fériés.

[7]             Lors de son réinterrogatoire, l’appelant a déclaré que les cadres se présentent avant ou après le Congrès en vue de prendre part à des réunions.

[8]             Il a déclaré, et confirmé en contre‑interrogatoire, que son employeur ne l’avait pas obligé à se rendre à Las Vegas. Il avait la permission de s’y rendre, mais l’employeur ne paierait pas les dépenses. Il avait engagé le montant contesté à titre de dépense en vue d’augmenter ses primes. Il a expliqué qu’il touchait un salaire de 630 000 $, et que ce salaire est lié à son rendement, ce qui lui permet d’augmenter sa prime et son salaire net. En 2010, il avait signé de gros contrats d’une valeur de 2 ou 3 millions de dollars.

[9]             En contre‑interrogatoire, on lui a posé des questions sur un contrat de cadre de direction, daté du 30 juin 2012 et signé par lui à titre de chef de la direction de MTGL (le « contrat »). Le contrat est conclu entre MTGL et lui. Il a déclaré que le contrat indique qu’il gagne plus de 150 000 $ à titre de chef de la direction de MTGL et que la prime est liée à son rendement, ce qui ressemble à l’entente conclue avec MenuPalace en 2011. Il a reconnu qu’aux termes du contrat, MGTL ne rembourserait que les frais de déplacement raisonnables qu’il engagerait, mais qu’il était autorisé à engager d’autres frais liés à son emploi qui ne lui seraient pas remboursés[6].

[10]        L’avocate de l’intimée a produit un formulaire T2200 – Déclaration des conditions de travail dûment rempli, pour l’année d’imposition 2011 (le « formulaire[7] »). L’appelant a convenu que le formulaire avait été signé par Jason Redman, un ancien directeur financier de l’employeur, et qu’il était autorisé à signer ce document, qui porte la date du 16 avril 2012. Il ressort de la preuve que l’employeur, en attestant les conditions de travail, a indiqué sur le formulaire que l’appelant était tenu de payer les dépenses qu’on lui avait remboursées ou qu’on lui rembourserait, mais qu’il n’était pas tenu de payer d’autres dépenses pour lesquelles il ne serait pas remboursé ou ne recevrait pas d’allocation[8]. Il a indiqué aussi que l’appelant n’était pas rémunéré sous forme de commissions fixées par rapport au volume des ventes effectuées ou des contrats négociés[9]. L’appelant a admis qu’il n’avait pas reçu de commissions, mais il a déclaré qu’il aurait pu en recevoir. Il a laissé entendre que M. Redman avait rempli le formulaire de manière inexacte.

[11]        En contre‑interrogatoire, l’appelant a reconnu que la note d’hôtel, d’un montant total de 6 179 $, se rapportait au voyage de cinq jours à Las Vegas, qui avait débuté le 20 avril 2011, juste avant le long congé de Pâques[10]. Le montant de la note d’hôtel comprenait les frais pour la chambre et des frais pour des films, le spa, de la lessive, des restaurants, des repas pris dans la chambre et pour huit utilisations du minibar pendant le séjour. Il a déclaré qu’il n’était pas accompagné de son épouse. Quand on l’a interrogé sur les dépenses relatives à l’un des restaurants, le Wazuzu, où il s’était rendu à trois reprises, il a répondu qu’il ne se souvenait pas du nombre de personnes qui étaient avec lui ou qui l’accompagnaient.

[12]        Il a également reconnu que la note du bar‑salon, d’un montant total de 2 786 $, se rapportait à ce qu’il a appelé une rencontre sociale avec quatre autres personnes à cet endroit[11]. Le montant de la note englobe deux bouteilles de Veuve (790 $), une bouteille de tequila Patron Silv. (425 $), une carafe (65 $), six bouteilles de Smartwater (54 $), six bières Corona (54 $) et une bouteille de Dom Pérignon (795 $). Il a déclaré que deux représentants de Ricon se trouvaient à cette rencontre. Quand l’avocate de l’intimée lui a demandé s’il avait des agendas, des calendriers ou d’autres documents qui corroboraient les réunions, il a répondu qu’il avait perdu l’accès à ses courriels et à ses calendriers parce qu’ils étaient basés sur Google.

[13]        L’appelant a admis en contre‑interrogatoire qu’il avait déjà été l’objet d’une vérification de l’Agence du revenu du Canada (« ARC ») relativement à des frais de déplacement pour un voyage à Panama City en 2004 et qu’il savait depuis 2008 qu’il fallait justifier les frais de déplacement.

Les arguments invoqués

[14]        L’appelant a fait valoir qu’il avait décidé de faire un voyage d’affaires à Las Vegas afin d’augmenter les primes qu’il pourrait toucher, celles‑ci étant liées à son rendement quant à la mise en œuvre du plan d’activités. Il a affirmé que même s’il n’a pas reçu de revenus de commissions en 2011, les primes sont assimilables à de tels revenus. Il a donc le droit de déduire le montant contesté à titre de dépense d’emploi.

[15]        L’intimée a fait valoir que le voyage avait été fait à des fins personnelles et que, de ce fait, le montant contesté, dont une partie n’est pas justifiée, comporte des dépenses personnelles non déductibles.

[16]        Même si le montant contesté comporte des dépenses liées à l’emploi, l’appelant n’était pas tenu par son employeur de les payer, ainsi que le prescrivent les alinéas 8(1)f) et 8(1)h) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). L’intimée se fonde sur le formulaire, qui indique qu’en 2011 l’appelant n’était pas tenu de payer d’autres dépenses pour lesquelles il ne recevait pas d’allocation ou de remboursement.

[17]        Subsidiairement, l’intimée a fait valoir que l’appelant n’est pas autorisé à déduire la somme de 16 580 $, car il n’était pas rémunéré sous forme de commissions en 2011 comme l’exige l’alinéa 8(1)f) de la Loi.

[18]        Subsidiairement encore, s’il a touché un revenu de commissions, l’appelant n’a le droit de déduire que 50 % des montants dépensés pour des aliments, des boissons et des divertissements, conformément à l’article 67.1 de la Loi[12].

Les dispositions législatives applicables

[19]        Le paragraphe 8(2) prescrit que seuls les montants expressément prévus à l’article 8 peuvent être déduits dans le calcul du revenu tiré d’une charge ou d’un emploi. Dans le cas présent, les dispositions applicables de la Loi sont les suivantes :

(1)      Éléments déductibles. Sont déductibles dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu’il est raisonnable de considérer comme s’y rapportant :

[…]

f)    Dépenses de vendeurs – lorsque le contribuable a été, au cours de l’année, employé pour remplir des fonctions liées à la vente de biens ou à la négociation de contrats pour son employeur, et lorsque, à la fois :

(i) il était tenu, en vertu de son contrat, d’acquitter ses propres dépenses,

(ii) il était habituellement tenu d’exercer les fonctions de son emploi ailleurs qu’au lieu d’affaires de son employeur,

(iii) sa rémunération consistait en tout ou en partie en commissions ou autres rétributions semblables fixées par rapport au volume des ventes effectuées ou aux contrats négociés,

(iv) il ne recevait pas, relativement à l’année d’imposition, une allocation pour frais de déplacement qui, en vertu du sous‑alinéa 6(1)b)(v), n’était pas incluse dans le calcul de son revenu,

les sommes qu’il a dépensées au cours de l’année pour gagner le revenu provenant de son emploi (jusqu’à concurrence des commissions ou autres rétributions semblables fixées de la manière prévue au sous‑alinéa (iii) et reçues par lui au cours de l’année) dans la mesure où ces sommes n’étaient pas :

(v) des dépenses, des pertes ou des remplacements de capital ou des paiements au titre du capital, exception faite du cas prévu à l’alinéa j),

(vi) des dépenses qui ne seraient pas, en vertu de l’alinéa 18(1)l), déductibles dans le calcul du revenu du contribuable pour l’année, si son emploi relevait d’une entreprise exploitée par lui;

(vii) des montants dont le paiement a entraîné la réduction du montant qui serait inclus par ailleurs dans le calcul du revenu du contribuable pour l’année en application de l’alinéa 6(1)e);

[…]

h)   Frais de déplacement – lorsque le contribuable, au cours de l’année, à la fois :

(i) a été habituellement tenu d’exercer les fonctions de son emploi ailleurs qu’au lieu d’affaires de son employeur ou à différents endroits,

(ii) a été tenu, en vertu de son contrat d’emploi, d’acquitter les frais de déplacement qu’il a engagés pour l’accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi,

les sommes qu’il a dépensées pendant l’année (sauf les frais afférents à un véhicule à moteur) pour se déplacer dans l’exercice des fonctions de son emploi, sauf s’il a, selon le cas :

(iii) reçu une allocation pour frais de déplacement qui, par l’effet des sous‑alinéas 6(1)b)(v), (vi) ou (vii), n’est pas incluse dans le calcul de son revenu pour l’année,

(iv) demandé une déduction pour l’année en application des alinéas e), f) ou g);

[…]

8(4)      Repas. La somme dépensée par un cadre ou un employé pour son repas ne peut être incluse dans le calcul du montant d’une déduction en vertu de l’alinéa (1)f) ou h) que si le repas a été pris au cours d’une période où les fonctions de ce cadre ou de cet employé l’obligeaient à être absent, durant une période d’au moins douze heures, de la municipalité dans laquelle était situé l’établissement de l’employeur où il se présentait habituellement pour son travail et à être absent, le cas échéant, de la région métropolitaine où cet établissement était situé.

[…]

(1) Frais de représentation. Sous réserve du paragraphe (1.1), pour l’application de la présente loi, sauf les articles 62, 63, 118.01 et 118.2, la somme payée ou payable pour des aliments, des boissons ou des divertissements pris par des personnes est réputée correspondre à 50 % de la moins élevée des sommes suivantes :

a)   la somme réellement payée ou à payer;

b)   la somme qui serait raisonnable dans les circonstances.

L’analyse

[20]        Il incombait à l’appelant de « démolir » les présomptions du ministre afin de démontrer l’inexactitude de la nouvelle cotisation. Il n’est pas parvenu à s’acquitter de ce fardeau, car il n’a pas montré que le montant contesté se compose de dépenses liées à l’emploi, pas plus qu’il n’a montré qu’il était tenu par son employeur de payer ses propres dépenses, dans le montant contesté, pour le voyage à Las Vegas. Il n’a pas établi non plus qu’il a touché un revenu de commissions en 2011.

La nature des dépenses

[21]        Initialement, l’appelant a témoigné, et confirmé en contre‑interrogatoire, qu’il s’était rendu à Las Vegas pour participer au Congrès, et il a décrit la nature et la structure de cette activité. Il a par la suite admis, cependant, qu’il était arrivé à Las Vegas un jour après la fin du Congrès et juste avant la longue fin de semaine de Pâques. Il a ajouté qu’il s’agissait d’un voyage d’affaires, car il voulait rencontrer les trois personnes qu’il a nommées. À part son affirmation selon laquelle deux représentants de Ricon avait été présents à une rencontre sociale tenue dans le bar‑salon, l’appelant a fourni peu d’éléments de preuve, voire aucun qui décrivaient en détail ou qui corroboraient ces réunions, et il n’a produit aucune preuve documentaire, comme des calendriers, des agendas ou d’autres informations, relativement à ces réunions ou à d’autres rencontres ou activités liées au montant de dépenses déduit. L’appelant n’a appelé aucune personne à témoigner pour corroborer ses dires au sujet des réunions ou des activités. Cette preuve n’inspire pas confiance.

[22]        À part les notes d’hôtel et de bar‑salon, que l’avocate de l’intimée a produites, l’appelant n’a fourni aucune autre facture ni aucune précision à l’appui du reste du montant contesté. Les notes d’hôtel et de bar‑salon, soit 6 179 $ et 2 786 $, respectivement, font état de frais pour une chambre d’hôtel, des films, le spa, de la lessive, des restaurants, des repas pris dans la chambre, huit utilisations du minibar, des boissons et de l’alcool. Quand on lui a demandé qui l’avait accompagné et combien de personnes étaient présentes au restaurant Wazuzu, il a répondu qu’il ne s’en souvenait pas. Ce manque de détails suscite des doutes, d’autant plus que l’appelant était au courant, depuis 2008 au moins, qu’il est nécessaire de pouvoir justifier les déductions de frais de déplacement.

[23]        Compte tenu de l’incohérence de son témoignage sur le Congrès, du moment où le voyage a eu lieu – pendant la longue fin de semaine de Pâques – et de la nature des dépenses indiquées dans les deux notes, et compte tenu aussi des déclarations généralisées qu’il a faites dans son témoignage, sans aucune preuve documentaire et avec fort peu de détails sur les réunions ou les activités qui ont eu lieu au cours de son voyage, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que le montant contesté se compose de dépenses personnelles.

[24]        Au vu de la conclusion qui précède et même s’il est inutile de le faire, je traiterai des points restants, car une part appréciable des éléments de preuve a été axée sur ces derniers[13].

L’appelant était-il tenu par son employeur de payer ses propres dépenses d’emploi?

[25]        Pour pouvoir déduire une dépense d’emploi mentionnée aux alinéas 8(1)f) ou 8(1)h), le contribuable doit répondre aux conditions qui sont énoncées dans ces deux dispositions.

[26]        Pour ce qui est de la situation de l’appelant, même si le montant contesté se compose de dépenses liées à son emploi, les conditions applicables auxquelles l’appelant doit quand même répondre figurent au sous‑alinéa 8(1)f)(i), qui a trait aux dépenses de vendeur, et au sous‑alinéa 8(1)h)(ii), qui a trait aux frais de déplacement, lesquels composent le montant contesté.

[27]        Ces sous‑alinéas indiquent :

8(1)      Éléments déductibles. Sont déductibles dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu’il est raisonnable de considérer comme s’y rapportant :

[…]

f)    Dépenses de vendeurs – lorsque le contribuable a été, au cours de l’année, employé pour remplir des fonctions liées à la vente de biens ou à la négociation de contrats pour son employeur, et lorsque, à la fois :

(i) il était tenu, en vertu de son contrat, d’acquitter ses propres dépenses,

[…]

h)   Frais de déplacement – lorsque le contribuable, au cours de l’année, à la fois :

[…]

(ii) a été tenu, en vertu de son contrat d’emploi, d’acquitter les frais de déplacement qu’il a engagés pour l’accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi, […]

[28]        Pour avoir droit à une déduction en vertu de l’un ou l’autre de ces sous‑alinéas, l’appelant doit montrer qu’il était « tenu » par son contrat d’emploi d’acquitter les dépenses de vendeur et les frais de déplacement qu’il avait engagés relativement à son emploi, et pour lesquels il n’avait pas droit à un remboursement de son employeur.

[29]        Il y a une distinction entre le fait d’être autorisé à faire quelque chose et celui d’être obligé de faire quelque chose, comme l’a signalé le juge Bowie dans la décision Morgan c Canada, 2007 CCI 475, 2007 DTC 1360, au paragraphe 12.

[30]        À défaut d’une exigence expressément énoncée dans un contrat écrit, s’il est tacitement entendu par l’employeur et l’employé qu’un tel paiement doit être fait et que ce paiement est nécessaire à l’exercice des fonctions requises, cela suffit.

[31]        Dans son témoignage, l’appelant a déclaré qu’il n’existait pas de contrat écrit. Cependant, de son propre aveu, et cela a été confirmé en contre‑interrogatoire, l’appelant croyait comprendre qu’il avait la permission – mais n’était pas tenu – de payer les dépenses de vendeur et les frais de déplacement qui constituaient le montant contesté se rapportant au voyage à Las Vegas. Il avait donc le choix de payer ces dépenses dans le but d’augmenter ses primes. L’aveu est renforcé par les réponses indiquées sur le formulaire, signé par M. Redman, qui fournit une preuve des conditions de travail. Le formulaire indique que l’appelant se verrait rembourser certaines dépenses qu’il était tenu de payer, mais qu’il n’obtiendrait pas de remboursement, ni d’allocation, pour d’autres dépenses qu’il n’était pas tenu de payer[14]. J’accepte qu’il s’agit là d’une preuve convaincante. C’est donc dire que même si l’employeur permettait à l’appelant de payer le montant contesté, ce dernier n’était pas tenu par lui de payer ce montant comme dans les cas prévus aux sous‑alinéas 8(1)f)(i) et 8(1)h)(ii).

[32]        Dans la décision Karda c Canada, 2005 CCI 564, 2005 DTC 1375, la Cour a conclu que l’employé avait peut‑être pris une décision économique sensée en engageant volontairement des frais d’automobile dans le cadre de son emploi de façon à augmenter sa prime et à créer un revenu supplémentaire, mais, d’après le sens ordinaire du sous‑alinéa 8(1)f)(i), il n’était pas tenu de les payer. Cette situation ressemble à celle de l’appelant, qui tente d’augmenter ses primes.

[33]        Dans le même ordre d’idées, les alinéas 8(1)f) et 8(1)h), ainsi que le paragraphe 8(2) ont été analysés dans la décision Pitzel v Canada, [2002] 2 CTC 2949. Le juge Angers a conclu que même si les dépenses supplémentaires que M. Pitzel avait engagées étaient liées à son emploi, il n’était pas tenu par son employeur de les engager. Même si M. Pitzel était actionnaire à 50 % en plus d’être employé et qu’il avait, plus qu’un simple employé, un motif pour tirer avantage de la situation, les dépenses n’étaient pas déductibles, car l’employeur ne l’obligeait pas à les engager.

[34]        Compte tenu du témoignage de l’appelant et des conditions de travail dont le formulaire fait état, il est impossible de conclure que l’appelant était « tenu » par son employeur de payer le montant contesté. De ce fait, il ne répond pas aux conditions que prévoient les sous‑alinéas 8(1)f)(i) et 8(1)h)(ii) et il ne peut pas déduire ce montant.

[35]        Je conclus qu’il n’y a aucune preuve que l’appelant était tenu d’engager des dépenses d’emploi équivalant au montant contesté qu’il a déduit. De ce fait, il n’a pas droit à la déduction. Voyons maintenant l’autre condition précisée au sous‑alinéa 8(1)f)(iii).

Une commission fixée par rapport au volume des ventes effectuées ou aux contrats négociés

[36]        Comme il a été mentionné plus tôt, pour l’application du sous‑alinéa 8(1)f)(iii), un employé peut déduire des dépenses de vendeur, mais il doit être employé au cours de l’année pour remplir des fonctions liées à la vente de biens ou à la négociation de contrats pour son employeur, et être rémunéré en tout ou en partie en commissions ou en autres rétributions fixées par rapport au volume des ventes effectuées ou aux contrats négociés.

[37]        Dans la décision Griesbach v. Canada (Minister of National Revenue – MNR), 91 DTC 142, le juge Christie a conclu que la prime n’était pas assimilable à une commission visée à l’article 8 parce qu’elle n’était pas déterminée par rapport direct au volume des ventes effectuées. À la page 3 de la décision, au paragraphe 5, le juge Christie a indiqué :

[…] Selon moi, pour que des dépenses puissent être déduites en vertu de cet alinéa, la rémunération qui s’y rapporte doit être fixée par rapport au volume des ventes effectuées ou aux contrats négociés par le contribuable qui demande lesdites déductions. « Vingt pour cent des bénéfices bruts avant impôts » d’un employeur ayant à son service un certain nombre de personnes n’est pas synonyme d’une rémunération ainsi fixée.

[38]        Dans son témoignage, l’appelant a admis, et confirmé en contre‑interrogatoire, qu’il n’avait pas reçu de revenu de commissions, et il a ajouté qu’un tel revenu aurait pu lui être payé. Il a également convenu que le formulaire, signé par M. Redman, indique qu’il n’était pas rémunéré en tout ou en partie sous forme de commissions fixées par rapport au volume des ventes effectuées ou des contrats négociés[15]. Par la suite, il a laissé entendre que M. Redman s’était trompé en remplissant le formulaire. Cependant, il n’a pas appelé M. Redman à témoigner pour corroborer la prétendue erreur. Comme l’a signalé l’avocate de l’intimée, le formulaire avait été rempli quatre mois après la fin de 2011, et cela aurait donné à M. Redman la possibilité de regarder en arrière et de déterminer si un revenu de commissions avait été payé. J’en déduis qu’aucune erreur n’a été commise et j’accepte cette preuve.

[39]        Malgré l’aveu qu’il n’a pas reçu de revenu de commissions, l’appelant a exhorté la Cour à qualifier la prime comme telle parce que cette dernière est liée à son rendement. Il a fait référence à l’annexe A du contrat à l’appui de son affirmation. Dans ses observations finales, l’appelant a ajouté que la prime est liée à la mise en œuvre de plans d’activités. Je signale que le contrat parle de salaire et mentionne ensuite que le montant de la prime, s’il y en a une, est lié directement à la réalisation d’objectifs annuels, selon ce que le conseil d’administration détermine à son entière discrétion[16].

[40]        En l’espèce, le contrat, auquel l’appelant a fait référence dans son témoignage, lie la prime (s’il y en a une) à l’atteinte d’objectifs annuels de la société. À mon avis, ni ce fait ni la mise en œuvre de plans d’activités ne constituent un lien suffisant pour qualifier la prime de rémunération fixée par rapport au volume des ventes effectuées ou aux contrats négociés, ce qui ferait tomber l’appelant sous le coup du sous‑alinéa 8(1)f)(iii)[17]. De plus, aucune autre explication n’a été fournie quant à la manière dont la prime pouvait être quantifiée, de façon à pouvoir être considérée comme une rémunération ainsi fixée[18].

[41]        Au vu de la preuve, je conclus que l’appelant n’a pas été rémunéré en tout ou en partie au moyen de commissions ou d’autres rétributions fixées par rapport au volume des ventes effectuées ou aux contrats négociés, comme ce qui est prévu au sous‑alinéa 8(1)f)(iii). Un revenu de commissions étant une condition préalable à la déductibilité, je conclus que l’appelant ne peut pas déduire le montant de 16 580 $ pour des divertissements, des cadeaux et des articles promotionnels.

[42]        Je conclus que l’appelant ne peut pas déduire les dépenses qui composent le montant contesté dont il avait demandé la déduction au titre des alinéas 8(1)f) ou 8(1)h) de la Loi.

[43]        L’appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de mai 2014.

« K. Lyons »

Juge Lyons

 

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour de juillet 2014.

 

S. Tasset

 

 



RÉFÉRENCE :

2014 CCI 140

No DU DOSSIER DE LA COUR:

2013‑3408(IT)I

INTITULÉ :

MICHAEL TULMAN ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 18 février 2014

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Kathleen T. Lyons

DATE DU JUGEMENT :

Le 9 mai 2014

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocate de l’intimée :

Me Kathleen Beahen

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

S.O.

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

 



[1]           Une somme sur laquelle le ministre a admis un montant de 2 061 $.

[2]           Les montants ont été arrondis à la baisse.

[3]           La somme de 112 $ au titre de fournitures n’est pas non plus en litige.

[4]           Dealfind.com (« Dealfind ») vendait des coupons du type « promotion du jour » et est devenue une division de MenuPalace.

[5]           Il a expliqué que l’entreprise de Ricon consistait à acheter, à remettre en état et à revendre des produits Apple. PC Medics fabriquait des tablettes « sans nom », semblables à l’iPad, et avait antérieurement vendu 3 000 tablettes au moyen d’une promotion de coupon du jour.

[6]           Pièce R‑6, paragraphes B.2. et B.6. Le contrat a été envoyé par son comptable à l’Agence du revenu du Canada afin de corroborer le montant contesté qu’il avait déduit au titre de dépenses d’emploi.

[7]           Pièces R‑1 et R‑7. Le formulaire avait été envoyé par le comptable à l’Agence du revenu du Canada, accompagné d’une lettre datée du 22 octobre 2012. Le paragraphe 8(10) exige qu’un contribuable obtienne de son employeur un formulaire T2200 dûment rempli, attestant les conditions de travail concernant l’année applicable.

[8]           Pièce R‑7, numéros 6 et 7.

[9]           Pièce R‑7, numéro 8.

[10]          Pièce R‑3.

[11]          Pièce R‑5.

[12]          Tous les articles, paragraphes, alinéas et sous‑alinéas qui suivent se rapportent à la Loi.

[13]          À l’exception de l’article 67.1.

[14]          Pièce R‑7. Le formulaire indique aussi que l’appelant pouvait recevoir – et a reçu – des remboursements pour frais de déplacement, de repas et d’hébergement de la part de son employeur en 2011, d’un montant de 1 151,25 $; cette somme n’est pas liée au montant contesté.

[15]          Pièce R‑7.

[16]          Contrat – clauses B.1. et B.2.

[17]          Dans la décision Hay v Canada, [2001] 4 CTC 2742, il a été conclu qu’étant donné que la prime était le résultat d’une formule basée sur le rendement dans de nombreux secteurs de travail dont l’appelante était responsable, il n’existait pas de lien suffisant, compte tenu de ses diverses fonctions et responsabilités professionnelles, pour conclure qu’elle avait gagné un revenu de commissions au titre du sous‑‑alinéa 8(1)f)(iii).

[18]          L’appelant a déclaré qu’en 2010, des contrats d’une valeur de deux ou trois millions de dollars avaient été négociés, mais cela n’a aucune incidence sur ce qui s’est passé en 2011, l’année visée par l’appel.



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