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Dossier : 2013-1977(CPP)

ENTRE :

ONTARIO REAL ESTATE ASSOCIATION,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

STEPHEN PAUL ARMSTRONG,

intervenant.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de (Ontario Real Estate Association 2013-1976(EI))

Le 13 février 2014, à Toronto (Ontario).

Par : L’honorable juge suppléant Rommel G. Masse,

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

MJohn A. Sorensen

Avocat de l’intimé :

Me Christian Cheong

Pour l’intervenant :

L’intervenant lui‑même

 

JUGEMENT

L’appel interjeté au titre du paragraphe 28(1) du Régime de pensions du Canada est accueilli, et la nouvelle évaluation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle évaluation conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

Signé à Kingston (Ontario), ce 20jour de juin 2014.

« Rommel G. Masse »

Juge suppléant Masse

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 23jour de septembre 2014.

 

Espérance Mabushi, M.A. Trad. Jur.


 

 

 

Dossier : 2013-1976(EI)

ENTRE :

ONTARIO REAL ESTATE ASSOCIATION,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

STEPHEN PAUL ARMSTRONG,

intervenant.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de (Ontario Real Estate Association 2013-1977(CPP))

le 13 février 2014, à Toronto (Ontario).

Par : L’honorable juge suppléant Rommel G. Masse,

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me John A. Sorensen

Avocat de l’intimé :

Me Christian Cheong

Pour l’intervenant :

L’intervenant lui‑même

 

JUGEMENT

          L’appel interjeté au titre du paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « LAE ») est accueilli, et la nouvelle évaluation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle évaluation conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

Signé à Kingston (Ontario), ce 20jour de juin 2014.

« Rommel G. Masse »

Juge suppléant Masse

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 23jour de septembre 2014.

 

Espérance Mabushi, M.A. Trad. Jur.


Référence : 2014 CCI 190

Date : 20140620

Dossier : 2013‑1977(CPP)

2013‑1976(EI)

ENTRE :

ONTARIO REAL ESTATE ASSOCIATION,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

STEPHEN PAUL ARMSTRONG,

intervenant.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Masse

[1]             L’appelante, l’Ontario Real Estate Association (l ’« OREA »), interjette appel à l’encontre de la décision du ministre du Revenu national (le « ministre ») datée du 27 février 2013 confirmant les décisions rendues par l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») au titre du Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C‑8. (le « RPC ») et de la Loi sur l’assurance‑emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la « LAE »). Dans ces décisions, qui concernent un grand nombre de travailleurs, l’ARC a conclu que certains travailleurs embauchés par l’OREA occupaient un emploi ouvrant droit à pension auprès de l’OREA, compte tenu du fait qu’ils étaient employés aux termes d’un contrat de louage de services, au sens de l’alinéa 6(1)a) du RPC et de l’alinéa 5(1)a) de la LAE.

[2]             Dans les présents appels, la Cour est appelée à trancher la question de savoir si les travailleurs embauchés par l’OREA étaient des entrepreneurs indépendants ou s’ils occupaient auprès de l’appelante un emploi ouvrant droit à pension aux termes d’un contrat de louage de services pour l’application du RPC et de la LAE. La Cour a été saisie des questions litigieuses au moyen de deux appels distincts. Toutefois, les deux appels ont été entendus ensemble sur la base d’une preuve commune qui porte sur des questions communes. Les motifs de ma décision sont énoncés ci‑après.

Contexte factuel

[3]             L’OREA est une personne morale dont le siège social est situé à Don Mills, en Ontario. L’OREA offre tous les cours nécessaires et obligatoires à l’inscription pour des professionnels de l’immobilier en Ontario, pour le compte du Conseil ontarien de l’immobilier (le « COI »). Le COI est l’organisme de réglementation provincial pour les professionnels de l’immobilier. Pour devenir un professionnel de l’immobilier en Ontario, la personne doit terminer un programme d’études, réussir les examens et être inscrite auprès du COI. L’OREA est inscrite conformément à la Loi de 2005 sur les collèges privés d’enseignement professionnel, L.O. 2005, ch. 28, ann. L, en tant que collège privé d’enseignement professionnel. Le COI a confié à l’OREA le mandat de procéder à la préinscription, de fournir des programmes de stage et d’éducation pour des agents immobiliers et de faire passer les examens d’admission. L’OREA dirige des centres d’examen dans toute la province de l’Ontario. Les examens ont généralement lieu les samedis. Lorsqu’un candidat est prêt à passer un examen, il doit choisir une date et un lieu d’examen, à un centre d’examen situé en Ontario.

[4]             L’OREA embauchait des travailleurs pour exploiter les divers centres d’examen dans toute la province. Ces travailleurs ont été désignés comme étant des exploitants de centres d’examen (les « ECE »). Les ECE peuvent obtenir les services d’un assistant à l’exploitant d’un centre d’examen (l’« AECE ») pour aider à l’exploitation des centres d’examen.

[5]             Les ECE et les AECE sont embauchés aux termes d’une « autorisation » qu’ils signent (voir la pièce A‑3 pour les ECE et la pièce A‑4 pour les AECE). L’autorisation comporte en annexe un ensemble de « lignes directrices » relatives à la surveillance des examens de l’OREA. L’autorisation confirme que les travailleurs doivent exploiter un [traduction] « centre d’examen ». Les lignes directrices en question décrivent les attentes à l’endroit des ECE et des AECE en ce qui concerne la réception de formulaires d’examen, la conservation des formulaires d’examen en toute sécurité, le rapprochement entre le nombre et la nature des examens et le nombre de candidats, le rapport entre le nombre d’AECE et le nombre d’étudiants qui prennent part à l’examen, la vérification de l’identité des candidats, les instructions qui doivent être fournies aux candidats avant et après l’examen ainsi que d’autres lignes directrices fondées sur le bon sens qui sont nécessaires pour veiller à ce qu’un examen se déroule de manière équitable.

[6]             Les fonctions des ECE et des AECE comprennent ce qui suit :

a)                 Vérifier l’identité des candidats qui passent l’examen;

b)                Veiller à ce que les examens commencent et se terminent à temps;

c)                 Faire en sorte que les retardataires ne soient pas autorisés à entrer dans la salle et perturber le déroulement de l’examen;

d)                Surveiller les examens afin d’éviter la tricherie;

e)                 Empêcher les candidats à l’examen de déranger;

f)                  Éviter que les candidats à l’examen n’emportent du centre d’examen les questions, les réponses ou des notes concernant l’examen.

 

[7]             L’autorisation prévoyait ce qui suit [traduction] : « LA PRÉSENTE AUTORISATION PEUT ÊTRE RÉVOQUÉE EN TOUT TEMPS PAR L’ONTARIO REAL ESTATE ASSOCIATION ».

[8]             Les renseignements contextuels qui précèdent sont utiles pour comprendre l’historique de la présente affaire. Un examen du programme de cotisations au RPC a été effectué pour les déclarations de revenus de Catherine Lautenschlager pour les années 2008, 2009 et 2010. Mme Lautenschlager était une travailleuse autorisée à exploiter un centre d’examen pour l’OREA à Kitchener, en Ontario. On a renvoyé à une décision concernant le statut d’emploi de Mme Lautenschlager auprès de l’OREA au cours de la période allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010.

[9]             Au moyen de lettres datées du 13 janvier 2012, l’agent qui avait pris la décision relativement au RPC et à la LAE a précisé que Catherine Lautenschlager occupait auprès de l’OREA un emploi ouvrant droit à pension, compte tenu du fait qu’elle avait été embauchée aux termes d’un contrat de louage de services au sens de l’alinéa 6(1)a) du RPC durant la période allant du 1er janvier 2008 au 10 janvier 2012. Par la suite, on a renvoyé à d’autres décisions concernant le statut de divers travailleurs embauchés par l’OREA. Il s’en est ensuivi quinze lettres, datées du 30 mars et du 4 avril 2012 (les « lettres ») dans lesquelles le ministre avait adopté la position selon laquelle un échantillon d’instructeurs, d’ECE et d’AECE, étaient des employés, et non des entrepreneurs indépendants, pour la période allant du 1er janvier 2008 au 23 mars 2012. Cette situation a donné lieu à l’établissement d’avis d’évaluation au titre du RPC et de la LAE le 10 avril 2012, à l’égard d’un total de 99 instructeurs, d’ECE et d’AECE pour les années d’imposition allant de 2008 à 2010.

[10]        Les décisions et les évaluations en question ont fait l’objet d’un appel auprès du ministre. Au moyen de lettres datées du 27 février 2013, le ministre a confirmé les décisions selon lesquelles les ECE et les AECE étaient des employés de l’OREA et que, par conséquent, ils percevaient des gains ouvrant droit à pension. Toutefois, le ministre a conclu que les instructeurs ainsi que cinq travailleurs qui n’étaient pas initialement concernés par la vérification du ministre et pour lesquels des lettres de décision n’avaient jamais été établies étaient des entrepreneurs indépendants. L’OREA interjette appel auprès de la Cour à l’encontre de la décision du ministre concernant les ECE et les AECE.

[11]        Bien que la vérification du ministre n’ait directement porté que sur dix ECE et AECE, j’ai été avisé par les avocats que l’on estime que les présentes affaires auront des conséquences sur environ cent travailleurs et, bien entendu, les conséquences sur l’OREA sont importantes aussi. Ainsi, la présente affaire est instruite en tant que cause type.

[12]        L’OREA a appelé trois témoins.

[13]        Susan Wilson‑Celante est une comptable qui est à la retraite depuis quatre ans. Elle a témoigné qu’elle avait travaillé chez l’OREA à partir de 1988, où elle avait exercé diverses fonctions. Actuellement, elle travaille en tant qu’ECE et s’occupe des examens que passent des candidats pour devenir des professionnels de l’immobilier, et ce, chaque samedi, à des endroits précis. Elle a décrit ses tâches. Selon son témoignage, elle est avisée à l’avance, habituellement un mardi, du nombre de candidats qui sont censés passer un examen précis pour le samedi suivant. Il lui appartient de trouver du personnel pour l’aider lors de l’examen. Elle fait appel à un bassin d’AECE qu’elle a elle‑même embauchés pour ce faire. Elle ramasse ensuite les formulaires d’examen ou les reçoit de l’OREA par l’entremise de Purolator. Cela se fait le mercredi qui précède le jour prévu pour l’examen. Il y a 10 examens différents et, habituellement, 270 à 280 personnes prennent part à différents examens. Ainsi, elle doit séparer les candidats dans des groupes d’examen et elle doit trouver des salles pour chaque groupe. Elle doit s’assurer que le nombre de différents examens correspond au nombre de candidats pour ces examens. Cette tâche est compliquée au point d’exiger l’utilisation de feuilles de calcul électroniques qu’elle a conçues afin de consigner les renseignements nécessaires. Pour des raisons évidentes, Mme Celante doit veiller à ce que les examens soient conservés dans des conditions de très grande sécurité jusqu’à ce qu’ils soient distribués aux candidats le jour de l’examen. Il lui est loisible de décider comment cela doit être fait.

[14]        Le jour de l’examen, Mme Celante arrive tôt le matin au lieu d’examen, autour de 7 h 40, afin de préparer les salles d’examen. Elle et les AECE nettoient les salles d’examen et installent des affiches pour indiquer aux candidats les salles appropriées. Elle apporte les examens, les stylos, les crayons, les calculatrices, les gommes à effacer et bien d’autres fournitures qu’elle fournit elle‑même à ses propres frais. Les candidats sont supposés arriver à 8 h 30. Mme Celante et le personnel inscrivent les candidats dans le couloir, à l’extérieur des salles d’examen, et vérifient l’identité des candidats au moyen de pièces d’identité avec photo délivrées par le gouvernement. Une salle d’examen est attribuée aux candidats ainsi qu’un siège précis dans cette salle. Les candidats sont ensuite accompagnés dans la salle d’examen et les portes sont fermées. Les exemplaires d’examen sont distribués, et l’examen débute à 9 h et se termine vers 12 h 20. Il faut ensuite se préparer pour le second groupe de candidats qui doit passer son examen à 12 h 30. Il n’y a pas de période de dîner prévue pour les ECE ou les AECE. L’ensemble du processus recommence depuis le début pour l’examen de l’après‑midi. Une courte pause est prévue vers 14 h 30. L’examen se termine vers 16 h 30. Mme Celante doit alors rassembler les exemplaires d’examen, effectuer un rapprochement entre le nombre d’examens effectués et le nombre de candidats qui ont passé l’examen et elle rentre ensuite à la maison. Le lendemain, elle établit un rapport concernant tout événement inhabituel qui peut avoir eu lieu, tel qu’un candidat qui a triché ou qui s’est montré agressif ou des candidats qui sont arrivés en retard. Elle envoie le rapport par courriel à l’OREA pour suivi. Le lundi, les examens sont envoyés à l’OREA ou sont déposés à son siège social.

[15]        Mme Celante ne reçoit de rémunération que pour les deux sessions d’examen de trois heures, à raison de 150 $ par session, et elle ne reçoit pas de rémunération pour la préparation du rapport ou pour tout autre travail supplémentaire qu’elle peut faire.

[16]        La procédure décrite ci‑dessus est celle que Mme Celante applique à l’examen. Aucune personne de chez l’OREA ne lui dit ce qu’elle doit faire ni ne la supervise, elle ou les AECE. L’OREA envoie simplement les exemplaires d’examen à Mme Celante qui se charge d’accomplir tout le reste et de retourner les exemplaires d’examen remplis à l’OREA. Elle assume la responsabilité de maintenir l’intégrité de l’examen, et c’est elle qui décide de la manière dont il faut le faire. Lorsqu’elle est devenue ECE, elle n’a pas eu d’entrevue avec qui que ce soit de chez l’OREA. La tâche de trouver du personnel ou des AECE incombe à Mme Celante, non à l’OREA. De l’avis de Mme Celante, le fait d’être un AECE n’est pas un emploi, et le taux de roulement du personnel pour les AECE est élevé.

[17]        Mme Celante s’est toujours considérée comme une entrepreneure indépendante; elle ne s’est jamais considérée comme une employée. Elle fait les déclarations importantes suivantes concernant son travail chez l’OREA :

a)                 Il pouvait être mis fin à son contrat à tout moment sans aucune indemnité. Il n’y avait donc aucune garantie de travail;

b)                Elle ne reçoit aucune rémunération de jours fériés;

c)                 Elle n’est rémunérée que pour les sessions qu’elle surveille et non pas pour un autre travail. Si un examen est annulé avant 7 h et qu’elle n’est pas encore partie de son domicile, elle n’est pas rémunérée;

d)                Elle ne bénéficie d’aucun avantage social tel que : la prestation de maladie, le congé de décès, les vacances payées, l’assurance maladie, l’assurance des soins dentaires, l’assurance médicaments, l’assurance invalidité et l’assurance vie;

e)                 Elle n’obtient aucun remboursement si elle veut suivre quelque cours que ce soit lié au travail;

f)                  L’OREA n’effectue aucune retenue d’impôt ni quelque retenue à la source que ce soit;

g)                 Elle est responsable du versement de ses propres cotisations au RPP; elle ne paye aucune cotisation d’AE;

h)                L’OREA ne lui accorde aucun remboursement pour le kilométrage parcouru, pour les frais afférents à un véhicule à moteur ou pour toute autre dépense liée au travail;

i)                   Elle prépare elle‑même sur son ordinateur les affiches qui doivent être installées sur les lieux d’examen;

j)                   Elle fournit les stylos, les crayons, les calculatrices et les affiches à ses propres frais [bien qu’elle ait admis que l’OREA avait fourni certains stylos et crayons, mais ce n’était pas suffisant]. Elle n’avait pas l’habitude de consigner ses dépenses par écrit, parce qu’elles étaient insignifiantes;

k)                L’OREA n’examine pas attentivement son travail, et aucun représentant de l’OREA n’est jamais allé superviser la manière dont elle fait passer l’examen [à l’exception d’une seule fois où il fallait vérifier une allégation de tricherie par des candidats – les règles qu’elle a établies et intégrées dans le processus ont mis fin à la tricherie];

l)                   Elle est libre de travailler pour une autre organisation ou une autre personne pour effectuer le même travail, mais seulement elle ne peut pas travailler dans le domaine de l’immobilier, car il s’agirait d’un conflit d’intérêt. Elle a déjà exercé dans le passé certaines activités de supervision ou de surveillance pour d’autres organisations, mais cela ne constituait pas beaucoup de travail – l’OREA n’avait rien à dire à ce sujet;

m)              Elle doit recruter ses propres AECE ou assistants;

n)                Elle est libre de décider de ne pas travailler, sans crainte de représailles. Il en est de même des ECE ou des AECE. Toutefois, il lui incombe de trouver un remplaçant;

o)                Aucune évaluation de rendement n’est effectuée;

p)                Elle n’a pas de bureau au siège social de l’OREA ni de carte de visite. Si elle a besoin d’un bureau, elle doit utiliser son propre domicile. Les particuliers ne peuvent pas la rejoindre en communiquant avec le bureau de l’OREA;

q)                Elle a bel et bien reçu un feuillet T4A et a déclaré le revenu qui y figurait sous la rubrique « Autres revenus », et non comme un revenu d’emploi;

r)                  Elle n’a pas son propre papier à en‑tête, puisque cela n’est vraiment pas nécessaire. Elle présente ses factures sur des formulaires que lui fournit l’OREA;

s)                 Elle n’a pas été inscrite aux fins de la TPS/TVH, étant donné que son revenu provenant de ce travail n’était pas suffisamment élevé.

 

[18]        Lors du contre‑interrogatoire, Mme Celante a admis que l’autorisation qu’elle avait signée un bon nombre d’années auparavant, avait été rédigée par l’OREA et qu’elle n’avait aucunement participé à l’établissement des conditions de cette autorisation. Elle admet que, pour devenir une ECE, elle n’a besoin d’aucune formation précise, de licence ou de certification. L’OREA choisit le lieu de centres d’examen et paye les frais qui y sont liés. Le nombre d’AECE nécessaire pour une session varie en fonction du nombre de candidats. Mme Celante précise que les ECE décident du nombre qu’il faut. Bien qu’elle croie que l’autorisation précise le rapport entre le nombre d’AECE et le nombre de candidats, elle a son propre mot à dire à ce sujet, et ses décisions n’ont jamais été remises en cause. C’est elle qui choisit les AECE qui doivent travailler avec elle, non l’OREA. Elle a établi son propre réseau de personnes auquel elle s’appuie. Il lui incombe de trouver les AECE et de les former. Si une personne est embauchée pour travailler comme AECE et que cela ne marche pas, elle ne sera plus sollicitée. Toutefois, l’AECE est tenu de signer l’autorisation. Les frais payés aux ECE et aux AECE sont fixés par l’OREA. Mme Celante estime que ses dépenses concernant les fournitures se situent autour de 30 $ par mois. Parfois, les dépenses peuvent être beaucoup plus élevées, par exemple lorsqu’elle doit acheter des cartouches d’encre pour son ordinateur. L’OREA détermine la nature de la pièce d’identité avec photo qui convient pour vérifier l’identité des candidats. L’OREA détermine la durée de l’examen ainsi que le moment où il doit commencer, mais elle conserve une certaine latitude de décider, dans des limites raisonnables, l’heure exacte du début de l’examen. Les candidats sont autorisés à apporter de la nourriture et des boissons à l’examen (selon les lignes directrices de l’OREA), mais elle conserve le pouvoir discrétionnaire de l’interdire si elle le souhaite. Elle a totalement interdit l’usage du téléphone cellulaire (même si cela semble être interdit selon les lignes directrices). Si elle éprouve quelques difficultés que ce soit au cours de l’examen, elle ne communique avec personne chez l’OREA pour obtenir des indications ou des directives; elle prend une décision et agit à cet égard, elle établit un rapport sur ce qu’elle a fait et en assume les conséquences. Elle ne fait pas de publicité pour ses services en tant que superviseuse ou surveillante, car elle n’en a pas besoin. Elle ne s’est pas fait inscrire comme entreprise dans le passé en raison du faible volume de travail ou du revenu peu élevé.

[19]        Diane Barrett est registraire aux services de garde d’enfants. Elle travaille avec Mme Celante en tant qu’AECE. Elle a décrit les tâches qu’elle accomplit le jour de l’examen presque de la même manière que Mme Celante. Elle veille à ce que les candidats reçoivent des instructions spéciales en ce qui concerne leurs sacs à main, les sacs pour livres, les téléphones cellulaires – ils ne peuvent pas avoir ces articles sur eux, et les téléphones cellulaires doivent être éteints. Cette directive est une dérogation aux lignes directrices – selon les lignes directrices, ces articles sont interdits. Elle surveille ensuite les candidats lors de l’examen, les accompagne aux toilettes lorsque cela est nécessaire et répond à leurs questions.

[20]        Mme Barrett n’a jamais eu à passer une entrevue avec l’OREA pour devenir une AECE, et elle n’a jamais rencontré qui que ce soit d’autre de chez l’OREA, à part Mme Celante. Elle n’a pas été assujettie à une période d’essai, il n’y avait pas de formation ni d’évaluation de rendement. Elle a fourni des services à divers endroit dans la région du Grand Toronto. L’intégrité de l’examen est l’aspect le plus important du travail, et c’est pour cette raison qu’elle se déplace continuellement dans la salle d’examen pour surveiller les candidats.

[21]        Mme Barrett a effectivement signé l’autorisation qui comporte des lignes directrices de l’OREA, mais elle n’a pas vu ces lignes directrices depuis longtemps; en réalité, elle n’y a jeté qu’un coup d’œil au moment où elle a signé l’autorisation. Elle est au courant du fait que l’autorisation peut être révoquée à tout moment, qu’il n’y a pas de garantie de travail et qu’elle est libre de refuser du travail qui lui est offert, sans conséquence. Elle peut travailler pour n’importe qui d’autre, sauf dans le domaine de l’immobilier. L’OREA ne lui accorde absolument pas d’avantages sociaux. À son avis, elle est une entrepreneure indépendante, et non une employée de l’OREA. Dans le passé, elle avait déduit de son revenu des dépenses d’entreprise telles que des frais d’essence, des frais de stationnement et divers autres frais que l’OREA ne lui remboursait pas. Elle ne reçoit qu’une rémunération de 60 $ par session, quel que soit le temps supplémentaire qu’elle y consacre, et elle ne reçoit pas de prime. Aucune personne de chez l’OREA ne s’est rendue à un centre d’examen pour voir comment elle travaille ni pour évaluer son travail ou pour la superviser de quelque manière que ce soit. À l’exception des lignes directrices annexées à l’autorisation, l’OREA n’a fourni aucune autre directive quant à la manière dont le travail d’un AECE doit être fait. Les lignes directrices ne précisent pas l’heure à laquelle elle doit arriver au centre d’examen; elles indiquent seulement que l’examen commence à 9 h. Une fois l’examen terminé, elle est libre de partir et n’a pas besoin de rester sur place jusqu’à une heure précise. Elle a fourni certains articles, tels que des surligneurs, à ses propres frais – elle n’obtient pas de remboursement. Elle n’a bénéficié d’aucune formation de la part de l’OREA, sauf celle qu’elle a reçue de Mme Celante au travail. Elle n’a pas de carte de visite, elle ne dispose pas de bureau ni de poste de travail dans les bureaux de l’OREA. Si un examen est annulé, elle suppose qu’elle ne sera pas rémunérée, étant donné qu’elle n’a pas travaillé. Elle facture ses services en utilisant des formulaires conçus par l’OREA. Elle n’est pas inscrite aux fins de la TPS/TVH [il est évident que le volume de travail est trop faible pour exiger une inscription].

[22]        Lors du contre‑interrogatoire, Mme Barrett a déclaré qu’elle travaillait presque toutes les fins de semaine. Elle a admis que, si elle refusait de signer l’autorisation, elle n’obtenait aucun travail. Elle a affirmé qu’elle n’avait aucunement participé à l’élaboration des conditions de l’autorisation. L’embauche était pour une durée indéterminée. Ce n’est pas l’OREA qui l’appelle pour lui offrir du travail, mais un ECE ou peut‑être un autre AECE. Si elle ne peut pas travailler, elle ne doit pas trouver de remplaçant. Elle admet que c’est l’OREA qui décide du lieu du centre d’examen. Elle ne s’est jamais présentée comme superviseuse ou surveillante d’examen et n’a jamais fait de publicité.

[23]        Shelley Koral est directeur de l’OREA Real Estate College. Il a brièvement décrit le fonctionnement de l’OREA. L’OREA est un organisme composé de membres qui fournit des produits et des services à des agents et des courtiers immobiliers partout en Ontario. Elle fournit des services d’aide et de représentation auprès des pouvoirs publics pour mettre en œuvre des changements visant à aider les courtiers immobiliers en Ontario. Le COI est une autorité administrative désignée qui a été nommée par la province pour appliquer la Loi de 2002 sur le courtage commercial et immobilier, L.O. 2002, ch. 30, Ann. C. L’OREA est autorisée par le COI à offrir des programmes éducatifs qui doivent être suivis par des personnes qui veulent devenir des agents ou des courtiers immobiliers. M. Koral a décrit à la Cour le processus d’agrément et d’obtention du permis pour devenir agent ou courtier immobilier. M. Korala a précisé que l’intégrité de l’examen est essentielle pour que le public ait confiance dans l’industrie.

[24]        Il existe 22 centres d’examen dans toute la province. L’OREA embauche des ECE pour faire passer les examens. Les ECE doivent s’assurer que les candidats sont ceux qu’ils prétendent être au moyen de pièces d’identité avec photo actuelles délivrées par le gouvernement. L’examen doit durer trois heures et des instructions doivent être fournies aux candidats. Les ECE doivent veiller à ce que chaque étudiant reçoive l’examen adéquat, étant donné qu’il peut y avoir plusieurs examens différents qui doivent être passés le même jour. À la fin de la session, ils doivent faire un rapprochement entre le nombre d’exemplaires d’examen qui ont été remplis et le nombre de candidats qui étaient supposés passer l’examen, et retourner les exemplaires d’examen à l’OREA. Les AECE sont là pour aider les ECE.

[25]        Chaque ECE et AECE doit signer une autorisation qui consiste en un document d’une page, ainsi que des lignes directrices qui énumèrent les tâches qui doivent être accomplies à un centre d’examen. Les AECE sont choisis par l’ECE, et non par l’OREA; toutefois, les AECE doivent aussi signer l’autorisation. Il n’y a aucune garantie de travail; il n’existe pas de période d’essai ni d’évaluation de rendement. Les autorisations sont révocables à tout moment, et aucune indemnité n’est versée en cas de révocation d’une autorisation. La seule rémunération consiste en un montant fixe par session d’examen. Aucune retenue à la source n’est effectuée au titre de l’impôt sur le revenu, du RPC ou de l’AE. Aucun avantage social, quel qu’il soit ne leur est accordé. Le personnel de l’OREA n’est présent à aucun centre d’examen pour superviser les ECE ou les AECE; il n’y a tout simplement pas de supervision directe. Les ECE et les AECE ont l’entière discrétion quant à la manière dont ils font passer l’examen dans le contexte des lignes directrices. L’OREA ne fournit aucun instrument de travail, à l’exception des exemplaires d’examen, des pochettes ou des sacs dans lesquels les exemplaires d’examen sont transportés. Les ECE et les AECE sont libres d’effectuer un travail semblable pour quelqu’un d’autre, pourvu que ce ne soit pas dans le domaine de l’immobilier. L’OREA n’a pas priorité à l’égard du temps du travailleur. Le fait pour un travailleur de refuser du travail est sans conséquence.

[26]        M. Koral a témoigné que, l’intervenant, Paul Armstrong, était un ECE qui avait été embauché comme tel en janvier 2007, bien qu’il ait aussi travaillé pour l’OREA auparavant. Son autorisation a été révoquée en 2009 par M. Koral à la suite d’un incident survenu à un centre d’examen. Il est évident qu’il y a une mésentente entre M. Armstrong et l’OREA. M. Armstrong affirme qu’il a été forcé de signer l’autorisation et qu’il l’a fait sous la contrainte, une position que personne d’autre ne soutient. Il cherche maintenant à obtenir réparation de la part de l’OREA pour congédiement.

[27]        Lors du contre‑interrogatoire mené par l’intervenant, M. Koral a admis que, si M. Armstrong n’avait pas signé l’autorisation, il n’aurait pas continué à travailler auprès de l’OREA.

[28]        Lorsqu’il a été contre‑interrogé par l’avocat de l’intimé, M. Koral a déclaré que, lorsqu’il faut faire passer un examen, l’OREA communique avec l’ECE et lui envoie une liste de candidats ainsi que le nombre d’examens requis. Si un ECE n’est pas disponible, il incombe alors à cet ECE de trouver un remplaçant, habituellement parmi les AECE. L’ECE ne peut donner son avis quant au lieu de l’examen; cette tâche revient à l’OREA. Les lignes directrices de l’OREA établissent le rapport entre le nombre d’ECE et d’AECE et le nombre de candidats à l’examen, l’OREA fixe l’heure de l’examen et détermine ce qui constitue une identification adéquate. M. Koral a mentionné que l’OREA ne fournit pas de stylo ni de crayon.

[29]        L’intervenant, Paul Armstrong, a témoigné. Il soutient qu’il a signé l’autorisation sous la contrainte – il s’agissait d’une situation « à prendre ou à laisser ». Il a affirmé que l’autorisation avait modifié de manière importante les modalités d’emploi aux termes desquelles il avait auparavant travaillé. Il avait antérieurement travaillé pour l’OREA pendant environ dix ans. Il a admis que, dans le passé, l’OREA l’avait appelé en fonction des besoins. Il a dit que le personnel de l’OREA venait superviser son travail de temps en temps. Cela est contraire à ce que tous les autres témoins ont déclaré, et je rejette son témoignage à cet égard.

[30]        Lors du contre‑interrogatoire, Paul Armstrong a admis qu’il n’avait pas initialement eu d’entrevue avant d’être embauché. Il a reconnu qu’il avait effectivement travaillé ailleurs en même temps qu’il travaillait pour l’OREA, et qu’il n’y avait aucune restriction quant à l’endroit où il pouvait travailler ou pour qui il pouvait travailler. Il a déclaré que l’OREA ne lui avait pas donné de formation, mais seulement l’ancien ECE. Il a déclaré qu’il n’avait pas donné son avis quant aux conditions de l’autorisation. Il estimait qu’il n’avait aucun contrôle, qu’il n’était pas indépendant et qu’il se considérait donc comme un employé. S’il ne pouvait pas être disponible pour un examen, il devait trouver un remplaçant. L’OREA déterminait les lieux des centres d’examen. Il n’avait aucun mot à dire dans cette décision. Il ne pouvait s’écarter d’aucune ligne directrice concernant l’examen sans la permission de l’OREA. Il n’a pas facturé à l’OREA la TPS/TVH pour ses services. Il a admis qu’il avait inscrit son revenu provenant de l’OREA sous la rubrique « Autres revenus » dans sa déclaration de revenus, non sous celle de revenu d’emploi. Il n’était pas autorisé à demander le remboursement de dépenses telles que les frais de déplacement. Il n’était tenu d’acheter aucune fourniture. Il n’exploitait aucune entreprise en tant qu’ECE, il ne faisait pas de publicité et il ne se présentait pas comme un surveillant d’examen.

[31]        Lors de son interrogatoire par l’avocat de l’OREA, Paul Armstrong a admis qu’il n’avait jamais reçu de feuillet T4, qui est délivré par l’employeur pour le revenu d’emploi. Il a aussi reconnu le fait qu’il n’avait jamais demandé de feuillet T4 à l’OREA. Il a déclaré qu’aucune retenue à la source n’avait été effectuée au titre de l’impôt sur le revenu, du RPC ou de l’AE. Il reconnaît qu’au moment de la signature de l’autorisation, il n’était pas menacé s’il refusait de signer l’autorisation. Il a affirmé qu’on lui avait dit que, s’il ne signait pas, il ne serait pas rémunéré en raison du fait que les nouveaux formulaires et les feuilles de paye étaient présentés ensemble. Il a estimé que la contrainte ou l’intimidation s’étaient étalées sur une période allant du 20 janvier 2007 à novembre 2009, lorsque l’autorisation avait été révoquée; pourtant, il ne s’est absolument pas plaint auprès de qui que ce soit au sujet de l’intimidation. Il n’a pas cherché à obtenir un avis juridique en ce qui concerne l’autorisation, il n’a intenté aucune action civile contre l’OREA ni n’a présenté de plainte à un organisme provincial ou à un tribunal en ce qui a trait à la cessation de son travail. Il a admis que, lorsqu’il avait signé l’autorisation, il l’avait fait en qualité d’entrepreneur indépendant, et non en tant qu’employé, mais il n’était pas de cet avis, étant donné qu’il croyait être un employé. Il croyait que le contrat était nul pour cause de contrainte, pourtant, il n’a jamais soulevé la question auprès de qui que ce soit. L’OREA ne lui accordait pas d’avantages sociaux.

[32]        L’intimé a appelé Angela Rivest comme témoin. Celle‑ci est originaire de New Liskeard. Elle a déclaré qu’elle était une ECE, mais qu’elle n’avait pas fait passer d’examen depuis environ deux ans. Elle a commencé à travailler avec l’OREA en 2008, mais elle n’a pas été très occupée, étant donné que New Liskeard est une très petite ville. Elle estime que, dans l’ensemble, elle a peut‑être supervisé environ six examens. Elle travaille ailleurs à temps plein. L’OREA n’impose aucune restriction quant à un autre endroit où elle pourrait travailler. Elle n’a reçu aucune formation. L’OREA n’a pas supervisé son travail. Elle ne se rappelle pas si elle a signé une autorisation; elle ne croit pas l’avoir fait. Toutefois, il est évident pour moi qu’elle l’a signée. Elle a reconnu qu’elle avait reçu une copie des lignes directrices. Elle a continué à travailler comme une ECE jusqu’en 2011, lorsqu’elle a décidé de ne plus travailler, parce qu’elle était en congé de maternité. Elle n’a jamais accordé beaucoup d’importance à la question de savoir si elle était une employée ou une entrepreneure indépendante, mais elle était d’avis qu’un employé est quelqu’un qui reçoit une rémunération et pour qui des retenues sont effectuées sur sa paye, alors qu’un entrepreneur indépendant est simplement rémunéré pour le service. L’OREA décidait du moment et du lieu de l’examen, du nombre d’AECE nécessaire, de l’heure de début de l’examen ainsi que de la durée de l’examen. Mme Rivest n’était pas rémunérée si un examen était annulé. L’OREA fixait le taux de rémunération. Mme Rivest n’a jamais facturé de TPS/TVH. L’OREA donnait toutes les fournitures, et Mme Rivest n’a jamais supporté de frais elle‑même. Elle ne se présentait pas comme une surveillante d’examen. Elle ne bénéficiait absolument pas d’avantages sociaux, contrairement à son autre travail.

[33]        Lors du contre‑interrogatoire, Mme Rivest a déclaré qu’en sachant ce qu’elle sait maintenant, elle se considérerait comme une entrepreneure indépendante. Elle avait l’impression que l’OREA ne surveillait pas la manière dont elle accomplissait son travail. Elle ne recevait aucun remboursement de frais tels que des frais de déplacement.

[34]        L’intimé a aussi appelé Josie Romeo comme témoin. Celle‑ci prépare des déclarations de revenus à domicile. Elle a déclaré qu’elle était une AECE qui avait commencé à travailler auprès de l’OREA en 1998. Lorsqu’elle avait commencé à travailler auprès de l’OREA, elle n’avait pas eu d’entrevue et elle n’avait reçu aucune formation, à l’exception de celle que lui avait fournie l’ECE qui l’avait embauchée. Il n’y avait aucune restriction quant à un autre endroit où elle pouvait travailler. Aucune personne de chez l’OREA n’est venue voir comment elle accomplissait son travail ni superviser les examens afin de s’assurer que tout était fait correctement. Lorsqu’elle avait signé l’autorisation, on ne lui avait pas précisé la durée pendant laquelle elle travaillerait pour l’OREA. Elle ne s’était pas non plus beaucoup préoccupée de la question de savoir si elle était une employée ou une entrepreneure indépendante. Toutefois, elle a précisé qu’un employé est assujetti aux lignes directrices de l’employeur et qu’il fait l’objet de retenues à la source, alors qu’un entrepreneur indépendant est pratiquement à son compte. Elle a admis que l’OREA déterminait le lieu, l’heure, la date des examens ainsi que le rapport entre le nombre d’AECE et le nombre de candidats. Elle n’a jamais eu à annuler un examen. S’il se passait quoi que ce soit d’anormal au cours d’un examen, cela devait être porté à la connaissance de l’OREA, au moyen du formulaire de rapport d’incident fourni par l’OREA. Les retardataires n’étaient pas autorisés à entrer dans la salle d’examen. L’OREA fournissait les stylos, les crayons et d’autres articles de cette nature. Elle n’a supporté aucune dépense, sauf un chronomètre qu’elle avait demandé et que l’OREA avait payé. Dans sa déclaration de revenus, elle a déclaré tout revenu provenant de l’OREA sous la rubrique « Autres revenus », et non comme un revenu d’emploi. L’OREA ne délivre pas de feuillet T4 , elle délivre un feuillet T4A. Il est évident que, puisqu’elle prépare des déclarations de revenus, elle connaît la différence entre les deux feuillets. Elle n’exploitait pas d’entreprise et elle ne se présentait pas comme une surveillante d’examen. Elle savait que l’autorisation pouvait être révoquée à tout moment. Elle admet qu’elle disposait d’une large discrétion quant à la manière dont ses fonctions pouvaient être exécutées.

Thèse des parties

[35]        La thèse des parties respectives peut être énoncée simplement. L’appelante soutient que les ECE et les AECE ne sont pas des employés, mais qu’ils sont plutôt des entrepreneurs indépendants. À ce titre, ils n’occupaient pas un emploi ouvrant droit à pension. L’appel devrait par conséquent être accueilli, et l’affaire devrait être renvoyée au ministre pour nouvel examen et nouvelle évaluation, compte tenu du fait qu’aucun ECE ou ni aucun AECE n’était un employé de l’OREA durant la période.

[36]        L’intimé et l’intervenant se sont rangés du même côté et ils estiment que les ECE et les AECE ne sont pas des entrepreneurs indépendants, mais qu’ils sont plutôt des employés de l’OREA et, par conséquent, qu’ils percevaient des gains ouvrant droit à pension. L’appel devrait donc être rejeté.

Analyse

[37]        Il n’est pas nécessaire d’énoncer les dispositions pertinentes du RPC ou de la LAE, étant donné qu’il est manifeste que, si les travailleurs sont des employés, alors ils occupent un emploi ouvrant droit à pension et que, s’ils sont des entrepreneurs indépendants, alors ils n’occupent pas un emploi ouvrant droit à pension.

[38]        Il a été conclu que le critère essentiel destiné à caractériser les rapports de commettant à préposé est le droit de donner des ordres et instructions au préposé sur la manière de remplir le travail : voir l’arrêt Hôpital Notre-Dame et Théorêt c. Laurent (1977), [1978] 1 R.C.S 605 (C.S.C.), à la page 613. Toutefois, le critère en question est énoncé d’une manière trop simple, de telle sorte que des entrepreneurs indépendants peuvent être qualifiés d’employés en fonction des modalités exactes liées à la tâche qui doit être accomplie. Dans les situations plus complexes de l’économie moderne, il faut souvent recourir à des critères plus compliqués. Le contrôle en lui‑même exercé sur le travailleur n’est pas toujours concluant.

[39]        Toute analyse de la question de savoir si un travailleur est un employé ou un entrepreneur indépendant pour l’application du RPC et de la LAE doit commencer avec l’arrêt de principe Wiebe Door Services Ltd. v. M.N.R., [1986] 2 C.T.C. 200 (C.A.F.), de la Cour d’appel fédérale. S’exprimant au nom de la Cour d’appel, le juge MacGuigan a adopté le critère à quatre volets que lord Wright avait énoncé dans l’arrêt Montreal v. Montreal Locomotive Works Ltd. et al., [1947] 1 D.L.R. 161, le décrivant comme « une règle générale, et même universelle, qui nous oblige à [traduction] “examiner l’ensemble des divers éléments qui composent la relation entre les parties” ». Ce critère à quatre volets comporte la prise en compte des éléments suivants : (1) le contrôle, (2) la propriété des instruments de travail, (3) la possibilité de profit et (4) le risque de perte. Aucun de ces éléments n’est déterminant en lui‑même. Pour se prononcer sur la question, le tribunal de première instance doit combiner et intégrer les quatre éléments du critère afin d’interpréter l’ensemble de la transaction. Le juge MacGuigan a également déclaré que le « critère d’organisation » ou le « critère d’intégration », c’est-à-dire la mesure dans laquelle le travailleur est une partie intégrante de l’entreprise de l’employeur, peut également être utile. La véritable question est de savoir si oui ou non le travailleur s’est engagé à exécuter des services en tant que personne dans les affaires à son compte.

[40]        L’arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., 2001 CSC 59 (CSC), portait sur la responsabilité du fait d’autrui. Le payeur n’engage pas sa responsabilité du fait d’autrui en raison des actes délictueux d’un travailleur qui est un entrepreneur indépendant, alors qu’il peut fort bien être tenu responsable des actes d’un travailleur qui est un employé. Le juge Major, de la Cour suprême du Canada, a statué que la différence entre un employé et un entrepreneur indépendant était le contrôle exercé par l’employeur sur l’employé. Le contrôle n’est toutefois pas le seul élément à considérer pour décider si un travailleur est un employé ou un entrepreneur indépendant. Le juge Major était d’avis qu’il n’existe pas un seul critère décisif qui peut être appliqué de façon universelle pour se prononcer sur la question de savoir si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant. Il a fait les observations suivantes aux paragraphes 47 et 48 :

47.       Bien qu’aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l’employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s’il engage lui-même ses assistants, quelle est l’étendue de ses risques financiers, jusqu’à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu’à quel point il peut tirer profit de l’exécution de ses tâches.

48.       Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n’y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l’affaire.

[41]        L’arrêt Wolf c. R., 2002 CAF 96, est une affaire qui a pris naissance au Québec. M. Wolf était un citoyen des États-Unis qui travaillait à titre d’ingénieur consultant au Québec. Il a voulu déduire des frais de logement et de déplacement à titre de dépenses d’entreprise, ce qu’il pouvait faire s’il était un entrepreneur indépendant, mais non un employé. Lors de l’instruction, la Cour canadienne de l’impôt a conclu qu’il n’était pas un entrepreneur indépendant et que la déduction des dépenses d’entreprise avait été refusée à juste titre. Le contribuable a interjeté appel à la Cour d’appel fédérale. L’appel a été accueilli par décision unanime des trois juges d’appel, mais pour des motifs quelque peu différents. La juge Desjardins a appliqué les dispositions pertinentes du C.C.Q., de même que les critères de la common law énoncés dans les arrêts précités Montreal Locomotive Works ltd., Hôpital Notre-Dame et Théorêt et Sagaz. Elle a examiné le degré de contrôle que l’employeur exerçait sur les activités du travailleur, la propriété du matériel nécessaire pour exécuter le travail, si le travailleur engageait ses propres assistants, et le degré de risque financier et de profit dans la mesure où il concerne la situation d’une personne dotée de compétences spécialisées. Le juge Noël était d’avis qu’il s’agissait d’un cas où la qualification que les parties avaient donnée à leur relation devrait se voir accorder un grand poids. Il a également reconnu que la façon dont les parties décident de décrire leur relation n’est pas habituellement déterminante, en particulier lorsque les critères juridiques applicables pointent dans l’autre direction. Toutefois, le juge Noël a estimé que, dans une issue serrée où les facteurs pertinents pointent dans les deux directions avec autant de force, l’intention contractuelle des parties et, en particulier leur compréhension mutuelle de la relation, ne peuvent pas être laissées de côté. Le juge Décary était également d’avis que l’intention contractuelle constituait un facteur important auquel on devrait accorder beaucoup de poids. Voici la teneur de ses observations :

117.     Le critère consiste donc à se demander, en examinant l’ensemble de la relation entre les parties, s’il y a un contrôle d’un côté et une subordination de l’autre. Je déclare, avec le plus grand respect, que les tribunaux, dans leur propension à créer des catégories juridiques artificielles, ont parfois tendance à ne pas tenir compte du facteur même qui est l’essence d’une relation contractuelle, à savoir l’intention des parties. L’article 1425 du Code civil du Québec établit le principe selon lequel « on doit rechercher quelle a été la commune intention des parties plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes utilisés ». L’article 1426 du Code civil du Québec poursuit en disant : « on tient compte, dans l’interprétation du contrat, de sa nature, des circonstances dans lesquelles il a été conclu, de l’interprétation que les parties lui ont déjà donnée ou qu’il peut avoir reçue, ainsi que des usages ».

118.     Nous sommes en présence ici d’un type de travailleur qui a choisi d’offrir ses services à titre d’entrepreneur indépendant et non pas d’employé et d’un type d’entreprise qui choisit des entrepreneurs indépendants au lieu de prendre des employés. Le travailleur sacrifie délibérément sa sécurité d’emploi en échange de la liberté [traduction] « le salaire était beaucoup plus élevé, il n’y avait pas de sécurité d’emploi, pas d’avantages sociaux comme ceux que touche l’employé, par exemple l’assurance-maladie, la retraite, des choses de ce genre... » (témoignage de M. Wolf, Dossier d’appel, vol. 2, page 24). La société qui embauchait utilise délibérément des entrepreneurs indépendants pour effectuer un certain travail à un certain moment [traduction] (« Le salaire est plus élevé avec une sécurité d’emploi moindre, parce que les consultants sont engagés pour combler les besoins lorsque l’emploi local ou la charge de travail sont anormalement élevés, ou quand l’entreprise ne veut pas engager d’autres employés et les mettre à pied ensuite. Ils engageront des consultants parce qu’ils peuvent mettre fin à leur contrat en tout temps sans avoir de responsabilités à leur égard » (ibid., page 26). La société qui embauche ne traite pas ses consultants, dans son exploitation quotidienne, de la même manière qu’elle traite ses employés (voir par. 68 des motifs de Madame la juge Desjardins). Toute la relation de travail commence et se maintient selon le principe voulant qu’il n’y a pas de contrôle ou de subordination.

119.     […] Lorsqu’un contrat est signé de bonne foi comme un contrat de service et qu’il est exécuté comme tel, l’intention commune des parties est claire et l’examen devrait s’arrêter là. […]

120.     De nos jours, quand un travailleur décide de garder sa liberté pour pouvoir signer un contrat et en sortir pratiquement quand il le veut, lorsque la personne qui l’embauche ne veut pas avoir de responsabilités envers un travailleur si ce n’est le prix de son travail et lorsque les conditions du contrat et son exécution reflètent cette intention, le contrat devrait en général être qualifié de contrat de service. Si l’on devait mentionner des facteurs particuliers, je nommerais le manque de sécurité d’emploi, le peu d’égard pour les prestations salariales, la liberté de choix et les questions de mobilité.

Ainsi, il est clair que l’intention commune des parties, si elle peut être vérifiée, est très importante pour déterminer l’existence d’une relation employeur‑employé ou celle de la qualité d’entrepreneur indépendant.

[42]        Dans l’arrêt Royal Winnipeg Ballet c. M.R.N., 2006 CAF 492, la Cour d’appel fédérale a de nouveau été influencée par l’intention commune des parties. La Cour d’appel était d’avis que les danseurs engagés par le Royal Winnipeg Ballet étaient des entrepreneurs indépendants plutôt que des employés. La juge Sharlow était d’avis que le juge de première instance avait commis une erreur en n’examinant pas l’intention des parties. Les parties n’avaient pas l’intention que le contrat donne lieu à une relation employeur‑employé. La juge Sharlow a retracé l’historique de la jurisprudence depuis l’arrêt Wiebe Door :

60.       […] Un autre principe est que, pour interpréter un contrat, il convient de tenir compte des circonstances dans lesquelles il a été conclu, de l’interprétation que lui ont déjà donnée les parties ou d’autres personnes, ainsi que de l’usage. La conclusion inévitable est qu’il faut toujours examiner les éléments de preuve qui reflètent la façon dont les parties ont compris leur contrat et leur accorder une force probante appropriée.

61.       Je souligne, une fois de plus, que cela ne veut pas dire que les affirmations que font les parties quant à la nature juridique de leur contrat sont concluantes. Cela ne veut pas dire non plus que les déclarations que font les parties quant à leurs intentions doivent nécessairement amener le tribunal à conclure que leurs intentions ont été concrétisées. Pour paraphraser la juge Desjardins (au paragraphe 71 des motifs principaux de l’arrêt Wolf), lorsqu’il est prouvé que les modalités du contrat, examinées dans le contexte factuel approprié, ne reflètent pas la relation juridique que les parties affirment avoir souhaité établir, alors il ne faut pas tenir compte de leur intention déclarée.

62.       La question de savoir si l’intention contractuelle qu’une des parties déclare avoir eue coïncide avec celle de l’autre partie donne fréquemment lieu à des différends. En particulier, dans les appels intentés aux termes du Régime de pensions du Canada et de la Loi sur l’assurance‑emploi, il arrive que les parties présentent des preuves contradictoires au sujet de la nature de la relation juridique qu’elles souhaitaient créer. Ce genre de différend prend habituellement naissance dans le cas où une personne est embauchée pour fournir des services et signe un formulaire de contrat présenté par l’employeur dans lequel la personne en question est qualifiée d’entrepreneur indépendant. L’employeur insère parfois une telle clause dans le contrat dans le but d’éviter de créer une relation employeur-employé. Il arrive que la personne en question affirme par la suite qu’elle était une employée. Elle pourrait déclarer qu’elle s’est sentie obligée d’indiquer son consentement sur le formulaire de contrat pour des raisons financières ou autres. Elle pourrait également déclarer qu’elle pensait, malgré le fait qu’elle a signé un contrat contenant ces termes, qu’elle serait traitée comme les autres travailleurs qui étaient manifestement des employés. Dans ce genre d’affaire, le tribunal pourrait fort bien conclure, en se fondant sur les facteurs exposés dans l’arrêt Wiebe Door, que la personne en question est une employée, mais cela ne veut pas dire que l’intention des parties n’est pas pertinente. En fait, les parties sont généralement d’accord sur le sens à donner à la plupart des modalités énoncées dans leur contrat. Cela veut simplement dire qu’une stipulation du contrat portant sur la nature juridique de la relation créée par celui‑ci n’est pas déterminante.

[…]

64.       Dans les circonstances, il me semble qu’il serait contraire aux principes applicables de mettre de côté, en le considérant comme dépourvu de toute force probante, le témoignage non contredit des parties quant à la façon dont elles comprennent la nature de leur relation juridique, même si ce témoignage ne saurait être déterminant. Le juge aurait dû examiner les facteurs de l’arrêt Wiebe Door à la lumière de ce témoignage non contredit et se demander si, dans l’ensemble, les faits étaient compatibles avec la conclusion selon laquelle les danseurs étaient des travailleurs indépendants, comme les parties le pensaient, ou s’ils étaient davantage compatibles avec la conclusion selon laquelle les danseurs étaient des employés. C’est parce que le juge n’a pas adopté cette approche qu’il en est arrivé à une conclusion erronée.

[43]        Dans l’affaire Connor Homes c. M.R.N., 2013 CAF 85, la payeuse gérait des foyers d’accueil et des foyers collectifs, où elle fournissait des services à des enfants atteints de troubles graves de comportement et de développement. Les travailleuses assuraient la prestation des soins et l’une d’entre elles était surveillante de secteur. Le ministre avait décidé que les travailleuses occupaient un emploi assurable et ouvrant à pension au titre de l’AE et du RPC. Les travailleuses ont interjeté appel de cette décision à la Cour canadienne de l’impôt, qui a rejeté l’appel. Les travailleuses ont à nouveau interjeté appel devant la Cour d’appel fédérale. Le juge Mainville a examiné le critère servant à établir si un travailleur était un employé ou un entrepreneur indépendant :

23        La question fondamentale à laquelle il faut répondre pour déterminer si une personne donnée travaille comme employé ou comme entrepreneur indépendant est trompeusement simple : il s’agit de savoir si elle assure les services en question en tant que personne travaillant à son compte; voir 1671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., 2011 CSC 59, [2001] 2 R.C.S. 983 (Sagaz), paragraphe 47.

24        Comme l’on remarque depuis quelques années sur le marché du travail une tendance à l’accroissement du rôle de l’impartition et des contrats à court terme, cette question a gagné en importance et a donné lieu à de nombreux contentieux devant la Cour canadienne de l’impôt. De plus, la qualification de l’activité professionnelle d’une personne détermine directement son droit à prestations sous le régime de la Loi sur l’assurance‑emploi, et influe considérablement sur sa situation au regard du Régime de pensions du Canada, de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, c. 1 (5e suppl.), et de diverses autres dispositions législatives.

[…]

29.       […] Les facteurs à prendre en considération peuvent donc varier selon les faits de l’espèce, et la liste doit en rester ouverte. Néanmoins, certains facteurs sont habituellement pertinents, à savoir le degré de contrôle que l’employeur exerce sur les activités du travailleur, ainsi que les points de savoir si ce dernier fournit son propre outillage, s’il engage lui‑même ses assistants, s’il gère et assume des risques financiers, et s’il peut escompter un profit de l’exécution de ses tâches.

[…]

33.       Par conséquent, la jurisprudence de Royal Winnipeg Ballet enseigne que le premier point à prendre en considération est celui de savoir s’il y a chez les parties une entente ou une intention commune touchant leur relation. Lorsque l’on constate une telle intention commune, qu’elle soit d’établir une relation de client à entrepreneur indépendant ou d’employeur à employé, il convient d’appliquer le critère consacré par la jurisprudence Wiebe Door en examinant les facteurs voulus à la lumière de cette intention afin d’établir si, tout bien pesé, les faits pertinents cadrent avec celle‑ci et la confirment. […]

[...]

38.       C’est pourquoi les arrêts Wolf et Royal Winnipeg Ballet exposent une méthode en deux étapes pour l’examen de la question centrale, telle que l’ont définie les arrêts Sagaz et Wiebe Door, qui est d’établir si l’intéressé assure, ou non, les services en tant que personne travaillant à son compte.

39.       La première étape consiste à établir l’intention subjective de chacune des parties à la relation. On peut le faire soit d’après le contrat écrit qu’elles ont passé, soit d’après le comportement effectif de chacune d’elles, par exemple en examinant les factures des services rendus, et les points de savoir si la personne physique intéressée s’est enregistrée aux fins de la TPS et produit des déclarations d’impôt en tant que travailleur autonome.

40.       La seconde étape consiste à établir si la réalité objective confirme l’intention subjective des parties. Comme le rappelait la juge Sharlow au paragraphe 9 de l’arrêt TBT Personnel Services Inc. c. Canada, 2011 CAF 256, 422 N.R. 366, « il est également nécessaire d’examiner les facteurs exposés dans Wiebe Door afin de déterminer si les faits concordent avec l’intention déclarée des parties ». Autrement dit, l’intention subjective des parties ne peut l’emporter sur la réalité de la relation telle qu’établie par les faits objectifs. À cette seconde étape, on peut aussi prendre en considération l’intention des parties, ainsi que les modalités du contrat, puisqu’elles influent sur leurs rapports. Ainsi qu’il est expliqué au paragraphe 64 de l’arrêt Royal Winnipeg Ballet, les facteurs applicables doivent être examinés « à la lumière de » l’intention des parties. Cela dit, cependant, la seconde étape est une analyse des faits pertinents aux fins d’établir si le critère des arrêts Wiebe Door et de Sagaz est, ou non, rempli, c’est‑à‑dire si la relation qu’ont nouée les parties est, sur le plan juridique, une relation de client à entrepreneur indépendant ou d’employeur à employé.

41.       La question centrale à trancher reste celle de savoir si la personne recrutée pour assurer les services le fait, concrètement, en tant que personne travaillant à son compte. Comme l’expliquent aussi bien les arrêts Wiebe Door que Sagaz, aucun facteur particulier ne joue de rôle dominant, et il n’y a pas de formule fixe qu’on puisse appliquer, dans l’examen qui permet de répondre à cette question. Les facteurs à prendre en considération varient donc selon les faits de l’espèce. Néanmoins, les facteurs que spécifient les arrêts Wiebe Door et Sagaz sont habituellement pertinents, ces facteurs étant le degré de contrôle exercé sur les activités du travailleur, ainsi que les points de savoir si ce dernier fournit lui‑même son outillage, engage ses assistants, gère et assume des risques financiers, et peut escompter un profit de l’exécution de ses tâches.

Après avoir exposé ce bref examen de la jurisprudence, j’examine maintenant les différents facteurs.

a)    L’intention commune des parties

[44]        Il s’agit d’un facteur très important. Les ECE et les AECE n’avaient pas conclu de contrat de travail verbal ou écrit avec l’OREA. Les autorisations constituent le seul élément de preuve écrit de l’embauche par l’OREA. Les autorisations ne mentionnent pas la création d’une relation entre un employeur et un employé, mais permettent seulement aux travailleurs d’exploiter un centre d’examen pour l’OREA, sans plus. L’autorisation ne garantissait nullement du travail au travailleur. En réalité, l’autorisation pouvait être révoquée à tout moment. Elle ne prévoyait pas de période d’essai, d’évaluation de rendement, d’avantages sociaux, de retenues à la source, de cessation d’emploi ou d’indemnité de départ, d’indemnité de vacances ou d’indemnité de congés payés, de congés payés, de régime de retraite ni de primes. Tout cela constituait une indication contraire de l’existence de toute intention de créer une relation employeur‑employé.

[45]        Mme Celante et Mme Barrett se sont toujours considérées comme des entrepreneures indépendantes, et non comme des employées. M. Koral, qui est directeur de l’OREA Real Estate College, n’a jamais eu l’intention d’embaucher des ECE ou des AECE autrement qu’en tant qu’entrepreneur indépendant. Mme Romeo et Mme Rivest n’ont jamais au départ accordé de l’importance à la question de la nature de leur travail, mais, lorsqu’elles ont été interrogées à l’audience et après qu’elles ont analysé leurs conditions, Mme Rivest était d’avis qu’elle était une entrepreneure indépendante à l’égard de l’OREA plutôt qu’une employée de l’OREA, et Mme Romeo semblait être du même avis. C’est seulement l’intervenant, M. Armstrong, qui semblait penser qu’il était un employé, et non un entrepreneur indépendant. M. Armstrong a témoigné qu’il avait signé l’autorisation par contrainte; par cela, il voulait dire qu’il croyait que, s’il ne signait pas l’autorisation, il n’obtiendrait pas de travail. Une telle préoccupation en soi, surtout lorsqu’elle n’est exprimée que longtemps après le fait, est bien loin de constituer une preuve de contrainte au sens juridique du terme, en particulier lorsqu’il n’y avait absolument aucune garantie de travail, même si M. Armstrong avait bel et bien signé et qu’il pouvait être congédié à tout moment. J’estime qu’aucune contrainte n’a été exercée contre M. Armstrong. En outre, je n’accorde pas beaucoup de poids à son témoignage, étant donné qu’il n’a jamais présenté de plainte relative à la contrainte, sauf après la fin de son travail.

[46]        Je conclus que l’OREA et les travailleurs dont il est question en l’espèce avaient l’intention mutuelle que les travailleurs soient engagés en tant qu’entrepreneurs indépendants et non en tant qu’employés de l’OREA, et comprenaient cela ainsi.

b)    Le contrôle et la subordination

[47]        Le facteur du contrôle et de la subordination est aussi très important. Il est vrai que les travailleurs devaient signer une autorisation et qu’ils n’avaient véritablement pas de mot à dire quant à ses modalités. Les travailleurs travaillaient les samedis durant une période qui était établie par l’OREA. Les travailleurs étaient tenus de respecter les lignes directrices. Bien que les travailleurs aient présenté des factures, cela devait se faire au moyen d’un formulaire prescrit par l’OREA. Les travailleurs étaient censés faire rapport à l’OREA de tout incident inhabituel en utilisant un formulaire prescrit par l’OREA. Le taux de rémunération était fixé par l’OREA.

[48]        Toutefois, les travailleurs n’étaient rémunérés que pour du travail lié à l’examen, et non pour n’importe quel autre travail exécuté. Les travailleurs n’avaient aucune limite quant à ceux pour qui ils pouvaient travailler et n’avaient pas besoin d’obtenir la permission de l’OREA pour accomplir un travail semblable ou tout autre travail pour qui que ce soit. Les travailleurs étaient soumis à la seule restriction de ne pas travailler en toute autre qualité dans le domaine de l’immobilier, en raison d’un possible conflit d’intérêt. Il s’agissait d’une restriction raisonnable.

[49]        Initialement, les travailleurs n’avaient pas d’entrevue au moment de leur recrutement, ne recevaient pas de formation, n’étaient pas assujettis à une période d’essai, ne faisaient pas l’objet d’une évaluation de rendement, étaient libres de refuser du travail, sans conséquence, et n’étaient pas tenus de donner priorité au travail de l’OREA par rapport à tout autre travail qu’ils devaient accomplir. Le fait qu’aucune personne chez l’OREA n’ait jamais exercé de contrôle sur la manière dont le travailleur exécutait son travail au centre d’examen est très important. Aucun représentant de l’OREA ne s’est jamais rendu aux centres d’examen afin d’observer, de superviser, de surveiller, de diriger, d’examiner ou de régir la manière dont le travail était exécuté. Les travailleurs étaient laissés seuls pour faire leur travail et ils étaient investis d’un pouvoir discrétionnaire absolu quant à la manière dont les examens devaient se dérouler dans le contexte des lignes directrices. Seul M. Armstrong a précisé qu’il était supervisé pendant qu’il surveillait les examens, mais cela est contraire aux témoignages de tous les autres travailleurs, et je ne retiens pas son témoignage à cet égard.

[50]        Bien que l’autorisation comprenne des lignes directrices concernant l’exploitation d’un centre d’examen, celles‑ci sont raisonnablement nécessaires pour assurer l’intégrité du processus d’examen et pour veiller à ce que seuls des candidats qualifiés soient admis à une profession autorisée et réglementée. Cela est certainement nécessaire pour que le public puisse avoir confiance dans l’intégrité de la profession. Il revenait entièrement au travailleur de décider de la manière dont il devait mettre en oeuvre et respecter les lignes directrices concernant l’examen, et aucun représentant de l’appelante ne dirigeait, ne supervisait, n’examinait ni ne régissait la conduite du travailleur à cet égard. Le fait de travailler d’une manière indépendante dans un cadre défini laisse voir qu’un travailleur est à son propre compte et ne témoigne pas, en soi, de l’existence d’une relation employeur‑employé.

[51]        À mon avis, les travailleurs ont toujours été libres d’exercer leur pouvoir discrétionnaire quant à la manière dont ils devaient accomplir le travail qui leur avait été confié en tenant compte des lignes directrices nécessaires et raisonnables. J’estime que ce facteur établit que l’OREA exerçait peu de contrôle sur les travailleurs tant et aussi longtemps que l’intégrité du processus d’examen était respectée. L’examen de ce facteur montre que les travailleurs étaient des entrepreneurs indépendants et ne révèle nullement l’existence d’une relation employeur‑employé.

c)      Le matériel et les instruments de travail

[52]        Le facteur du matériel et des instruments de travail a peu d’importance pour statuer sur le présent appel. Les travailleurs n’étaient tenus que de surveiller le processus d’examen; cela n’exigeait pas grand-chose en ce qui concerne le matériel et les instruments de travail.

[53]        Il est vrai que l’OREA réservait les locaux (salles de classe) dans lesquels les examens avaient lieu et effectuait le paiement à cet égard. Il est nécessaire d’avoir un lieu où faire passer les examens, mais il est simplement peu réaliste de s’attendre à ce que des entrepreneurs individuels fournissent un immeuble suffisamment grand pour accueillir plusieurs centaines de candidats; le coût est simplement prohibitif pour une personne qui exerce une activité pour son propre compte. L’OREA fournissait les cahiers d’examen et les pochettes dans lesquelles ces cahiers devaient être transportés. Toutefois, les cahiers d’examen remplis sont le produit du travail au moyen duquel les étudiants doivent être évalués; ils ne constituent pas des instruments de travail utilisés par les travailleurs pour surveiller les examens. Les feuilles de présence, les modèles de facture et les modèles de rapport d’incident sont fournis par l’OREA. Celle‑ci fournissait des stylos, des crayons et des calculatrices. Bien que les travailleurs n’aient pas été tenus de fournir des instruments de travail ou du matériel, certains d’entre eux, comme Mme Celante, les fournissaient à leurs propres frais, puisque l’OREA n’en donnait pas assez. Si un travailleur apportait effectivement de telles fournitures, il n’obtenait pas de remboursement pour ces dépenses supplémentaires. Je tiens à souligner qu’il y avait quelques rares exceptions, comme le paiement des frais de stationnement et l’achat d’un chronomètre, mais cela ne constituait pas la norme.

[54]        L’examen du facteur concernant le matériel et les instruments de travail n’est d’aucun secours à la Cour pour décider si les travailleurs étaient des employés ou des entrepreneurs indépendants.

d)    L’embauche d’assistants

[55]        Les ECE avaient le pouvoir discrétionnaire complet d’embaucher des assistants pour les aider à surveiller les examens à partir du bassin d’AECE, sans aucune intervention de l’OREA. La seule exigence voulait que l’AECE ait signé une autorisation. L’OREA n’ordonnait pas à l’ECE de choisir telle ou telle personne pour aider à la surveillance d’un examen et ne désignait aucun AECE pour travailler un jour particulier d’examen. Cela était laissé à l’entière discrétion de l’ECE. Il est vrai que l’OREA rémunérait les AECE, qu’elle fixait le taux de rémunération et qu’elle établissait une ligne directrice quant au rapport entre le nombre d’AECE et le nombre de candidats. Néanmoins, c’était l’ECE qui offrait du travail à l’AECE et celui‑ci était libre d’accepter ou de refuser une offre de travail, sans conséquence. Ce n’était pas l’OREA qui offrait du travail aux AECE. Il semblerait qu’à part la fixation du taux de rémunération et l’établissement du rapport entre le nombre d’AECE et le nombre d’étudiants, l’OREA n’avait pas grand-chose à dire quant au moment où un AECE travaillerait.

[56]        L’examen de ce facteur tend à démontrer que les travailleurs étaient des entrepreneurs indépendants et ne révèle pas l’existence d’une relation employeur‑employé.

e)     Risque financier

[57]        Il est préférable de traiter ce facteur sous la rubrique du facteur concernant la possibilité de profit et le risque de perte.

f)       Placement et gestion

[58]        Les travailleurs n’étaient censés investir dans leur travail que leur temps et leurs efforts. L’examen de ce facteur tend à démontrer l’existence d’une relation employeur‑employé et à révéler l’absence de la qualité d’entrepreneur indépendant.

g)    La possibilité de profit et le risque de perte

[59]        L’OREA ne garantissait au travailleur aucun revenu net. La capacité du travailleur de gagner un profit était variable et dépendait entièrement du travailleur. Elle était fonction de la mesure dans laquelle le travailleur était disposé et apte à accepter le travail qui lui était offert. Même si un ECE qui refusait du travail devait trouver un remplaçant, le travailleur pouvait décliner l’offre de travail de l’OREA, au risque de perdre de ce fait la possibilité de gagner un revenu. La possibilité de gagner du profit était aussi limitée par le montant des dépenses en fournitures et des frais de déplacement.

[60]        Le facteur en question n’est pas très important en l’espèce, mais s’il fallait lui accorder quelque importance que ce soit, il ne tendrait pas à démontrer l’existence d’une relation employeur‑employé.

h)    Intégration dans le fonctionnement de l’OREA

[61]        Les travailleurs ne prenaient pas part aux activités de l’OREA de quelque façon significative que ce soit. Ils pouvaient être congédiés à tout moment et remplacés immédiatement par d’autres. Les travailleurs n’avaient pas de bureau dans les établissements exploités par l’appelante. Les travailleurs n’avaient pas de carte de visite ni de numéro de téléphone qui leur avait été attribué afin de pouvoir être joignables par les étudiants et par les autres particuliers. Les travailleurs ne se présentaient nullement comme des représentants de l’OREA.

[62]        Il ne s’agit pas d’un facteur important, mais s’il devait être considéré, il ne démontrerait pas l’existence d’une relation employeur‑employé.

Conclusion

[63]        En conclusion, après avoir examiné l’ensemble de la preuve et les principes juridiques applicables, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, les travailleurs étaient des entrepreneurs indépendants et non des employés de l’OREA.

[64]        Pour tous les motifs qui précèdent, l’appel est accueilli et les affaires sont renvoyées au ministre pour nouvel examen et nouvelle évaluation en tenant compte du fait qu’aucun des ECE ou aucun des AECE n’occupait un emploi ouvrant droit à pension lorsqu’il travaillait pour l’OREA pendant la période en cause.

Signé à Kingston (Ontario), ce 20jour de juin 2014.

« Rommel G. Masse »

Juge suppléant Masse

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 23jour de septembre 2014.

 

Espérance Mabushi, M.A. Trad. Jur.


RÉFÉRENCE :

2014 CCI 190

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR :

2013-1977(CPP), 2013-1976(EI)

Intitulé :

ONTARIO REAL ESTATE ASSOCIATION c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL ET STEPHEN PAUL ARMSTRONG

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 13 février 2014

Motifs du jugement :

L’honorable juge suppléant Rommel G. Masse

DATE DU JUGEMENT :

Le 20 juin 2014

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me John A. Sorensen

Avocat de l’intimé :

Me Christian Cheong

Pour l’intervenant :

L’intervenant lui‑même

 

Avocats inscrits au dossier :

Pour l’appelante :

Nom :

John A. Sorensen

Cabinet :

Gowling Lafleur Henderson

Pour l’intimé :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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