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Dossier : 98-1659(IT)G

ENTRE :

ALLAN McLARTY,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appels entendus les 28, 29, 30 et 31 mai et 1er, 4, 5, 6 et 7 juin 2012 et les 14 et 15 janvier 2013, à Calgary (Alberta).

 

Devant : L’honorable juge Réal Favreau

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelant :

Me Jehad Haymour

Me Sophie Virji

Me Dan Mitsuka

 

Avocats de l’intimée :

Me Josée Tremblay

Me Shane Aikat

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels interjetés des nouvelles cotisations datées du 1er mai 1997 qui ont été établies à l’endroit de l’appelant pour les années d’imposition 1993, 1994 et 1995, et des nouvelles cotisations datées du 29 octobre 2001 qui ont été établies à l’endroit de l’appelant pour les années d’imposition 1998 et 1999, toutes les cotisations ayant été établies au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), sont accueillis avec dépens, et les nouvelles cotisations sont annulées, conformément aux motifs du jugement ci‑joint.

 

          LA COUR ORDONNE :

 

(1)     Les parties doivent déposer des observations écrites relatives aux dépens dans les 30 jours suivant la date du présent jugement, ou à toute date ultérieure dont la Cour conviendra dans le délai imparti, et elles doivent y inclure des observations relatives à la question de savoir s’il est nécessaire de tenir une audience au sujet des dépens.

 

(2)     La réponse que l’appelant a donnée à la demande d’aveux de l’intimée datée du 11 mai 2012, par laquelle l’appelant a reconnu l’authenticité de certains documents, ne constituait pas une reconnaissance des faits énoncés dans la demande. Une fois qu’ils auront été produits en preuve, les documents parleront d’eux-mêmes.

 

(3)     L’appelant n’est pas autorisé à consigner en preuve les extraits additionnels portant les numéros 5, 6, 7 et 8 tirés de l’interrogatoire préalable de Mme Elaine Jones au titre de l’article 100 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) parce que l’intimée ne part pas du principe que le billet à ordre de l’appelant était un montant au titre d’une éventualité. L’appelant n’est pas non plus autorisé à consigner en preuve l’extrait additionnel portant le numéro 26 parce que le fait que son avocat ait lu l’énoncé de fait contenu au paragraphe 8 de la réponse modifiée ne prouvait pas ce fait.

 

(4)     L’appelant est autorisé à consigner en preuve les extraits additionnels portant les numéros 46, 47, 48, 74 et 76 parce que ces extraits expliquent le fait que le répartiteur a autorisé la déduction de certains frais d’exploration et de certains frais à l’égard de biens canadiens relatifs au pétrole et au gaz, ce qui constitue un fait pertinent pour l’examen de l’argument du trompe‑l’œil.

 

(5)     L’appelant n’est pas autorisé à consigner en preuve les extraits additionnels portant les numéros 52 à 67 inclusivement parce que ces extraits renvoient à un rapport d’évaluation qui a été préparé dans le contexte du processus d’établissement des cotisations. Ces renseignements ne sont pas pertinents aux fins des présents appels étant donné que ce rapport d’évaluation n’a pas été produit en preuve.

 

(6)     L’objection que l’intimée a formulée à l’égard de l’extrait additionnel portant le numéro 73 est retenue parce que cet extrait porte sur une question de droit (l’interprétation d’un contrat et de la Loi), et l’objection que l’intimée a formulée à l’égard de l’extrait additionnel portant le numéro 87, lequel renvoie à toutes les pièces qui ont été produites en preuve dans le contexte des interrogatoires préalables et auxquelles on a spécifiquement fait référence dans les pages pertinentes des transcriptions des interrogatoires préalables, est retenue, exception faite de l’exposé de position de l’Agence du revenu du Canada et des rapports de vérification sur lesquels l’exposé de position porte parce que ces documents expliquent les hypothèses de fait que le ministre a formulées quand il a établi les cotisations en cause.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de juin 2014.

 

 

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 

 

 

Traduction certifiée conforme,

ce 4e jour de février 2015.

 

 

François Brunet, réviseur


 

 

 

 

Référence : 2014 CCI 30

Date : 20140618

Dossier : 98-1659(IT)G

ENTRE :

ALLAN McLARTY,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Favreau

 

I.     Introduction

 

[1]             L’appelant a interjeté appel à l’égard de deux ensembles de nouvelles cotisations établies à son endroit par le ministre du Revenu national (le « ministre ») au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), c. 1 (5e suppl.), telle que modifiée (la « Loi »), pour les années d’imposition 1993, 1994, 1995, 1998 et 1999. Le premier ensemble d’avis de nouvelle cotisation est daté du 1er mai 1997 et a trait aux années d’imposition 1993, 1994 et 1995; le second ensemble d’avis de nouvelle cotisation est daté du 29 octobre 2001 et a trait aux années d’imposition 1998 et 1999.

 

[2]             Le 31 décembre 1993, l’appelant ainsi que d’autres personnes ont conclu une entente de coentreprise (l’« entente de coentreprise ») avec 507326 Alberta Ltd. (« 507326 »), exploitante de la coentreprise, aux termes de laquelle l’appelant était réputé exploiter une entreprise de pétrole et de gaz naturel dans le cadre de laquelle il se livrait à des activités d’exploration, d’aménagement et de production à titre de membre de la coentreprise de pétrole et de gaz 507326 Alberta Ltd. 1993/1994 (la « coentreprise »).

 

[3]             Le 31 décembre 1993, 507326 a acquis auprès de Carlyle Management (1993) Inc. (« Carlyle »), pour le compte de la coentreprise, un droit de 100 % sur un grand ensemble de données sismiques relatives à la province du Manitoba (les « données techniques » ou les « données sismiques ») en échange d’une contrepartie de 6 500 000 $, constituée d’un montant en espèces de 975 000 $ et de billets à ordre au profit de Carlyle d’un montant total en capital 5 525 000 $ (les « billets à ordre »).

 

[4]             La contrepartie totale versée par chacun des coentrepreneurs individuels en échange des données techniques s’élevait à 6 500 000 $ : 975 000 $ en espèces et 5 525 000 $ sous la forme de billets à ordre au profit de Carlyle.

 

[5]             L’appelant a acquis un droit indivis dans les données techniques en échange d’une contrepartie de 110 000 $ constituée de 20 000 $ en espèces, d’un billet à ordre d’un montant de 85 000 $ au profit de Carlyle (le « billet à ordre de l’appelant ») et d’une dette additionnelle de 5 000 $, dont la coentreprise devait se servir pour faire l’acquisition de biens pétroliers et gaziers au Manitoba.

 

[6]             L’appelant a produit sa déclaration de revenus pour 1993, et il a demandé à ajouter la somme de 110 000 $ à ses frais cumulatifs d’exploration au Canada, au sens du paragraphe 66.1(6) et de l’alinéa 66(12.1)a) de la Loi (les « FCEC »), et il a déduit certaines sommes de son compte de FCEC dans la mesure où il pouvait exiger ces montants par suite de la vente de copies autorisées des données techniques.

 

[7]             L’appelant a choisi de capitaliser les intérêts relatifs à l’achat de son droit indivis sur les données techniques, de telle sorte que les intérêts payés sur le billet à ordre de l’appelant, s’élevant à 4 250 $ et à 4 093,08 $ pour les années d’imposition 1994 et 1995 respectivement, constituaient des frais d’exploration au Canada, au sens du paragraphe 66.1(6) de la Loi (les « FEC ») plutôt que des intérêts dont il est possible de demander la déduction au titre de l’alinéa 20(1)c).

 

[8]             L’appelant a également déduit les intérêts de 4 092 $ qui ont été payés ou qui sont payables au titre du billet à ordre de l’appelant dans le calcul des revenus qu’il a tirés de la coentreprise pour chacune des années d’imposition 1998 et 1999.

 

[9]             Ayant retranché les additions aux FCEC et les déductions afférentes de manière à prendre en considération le produit de la vente des copies autorisées des données techniques, l’appelant a produit ses déclarations de revenus en demandant à déduire les sommes de 89 797 $ et de 6 056 $ de son compte de FCEC pour les années d’imposition 1993 et 1994 respectivement.

 

[10]        Par avis de nouvelle cotisation datés du 1er mai 1997, le ministre (1) a refusé la déduction des sommes demandées par l’appelant au titre de son compte de FCEC pour les années d’imposition 1993 et 1994; (2) a inclus dans le revenu de l’appelant pour les années d’imposition 1994 et 1995 les sommes de 8 720 $ et de 8 126 $ respectivement à titre de [traduction] « revenus provenant de l’octroi de licences à inclure dans le calcul du revenu »; (3) a considéré que la partie en espèces de l’investissement de l’appelant dans les données techniques (20 000 $) constituait une dépense en capital admissible au sens du paragraphe 14(5) de la Loi (la « DCA ») et il a ajouté 75 % de la partie en espèces de l’investissement de l’appelant dans la coentreprise au [traduction] « compte cumulatif des immobilisations admissibles » de ce dernier (le « compte CIA »).

 

[11]        Par avis de nouvelle cotisation datés du 29 octobre 2001, le ministre a refusé les déductions de 4 092 $ que l’appelant avait demandées au titre de ses intérêts à l’égard du billet à ordre de l’appelant pour chacune des années d’imposition 1998 et 1999.

 

II.      Les questions en litige

 

[12]        En l’espèce, les questions en litige sont les suivantes :

 

a)       Quels frais l’appelant a‑t‑il engagés relativement à l’achat des données sismiques?

 

b)      Les frais que l’appelant a engagés peuvent‑ils, en tout ou en partie, être considérés comme des FEC?

 

c)       Si les frais ne constituent pas des FEC, sont‑ils déductibles au titre de l’alinéa 20(1)b) en tant que montant cumulatif des immobilisations admissibles?

 

d)      Si les frais ne constituent pas des FEC, sont‑ils déductibles au titre de l’alinéa 20(1)c) de la Loi en tant qu’intérêts?

 

e)       À titre subsidiaire, convient-il de rejeter l’appel quoi qu’il en soit étant donné que les déductions que l’appelant a demandées faisaient partie d’un stratagème visant à mettre en place des trompe‑l’œil afin d’induire le ministre en erreur?

 

[13]        La Cour n’est pas saisie des questions suivantes :

 

a)       la question de savoir si l’appelant a acquis des droits de propriété à l’égard de son droit indivis sur les données sismiques;

 

b)      la question de savoir si les frais engagés par l’appelant pour faire l’acquisition de son droit indivis sur les données sismiques constituent des FEC du fait que ces frais ont été engagés en vue de déterminer l’existence, la localisation, l’étendue ou la qualité d’un gisement de pétrole ou de gaz naturel au Canada;

 

c)       la question de savoir si le billet à ordre de l’appelant constitue une éventualité passif éventuel;

 

d)      la question de savoir si l’appelant n’avait aucun lien de dépendance avec Carlyle, vendeur des données sismiques;

 

e)       la question de savoir si le prix que l’appelant a payé pour les données sismiques était raisonnable dans les circonstances.

 

III.    Les hypothèses de fait du ministre

 

[14]        Quand il a établi les nouvelles cotisations à l’égard de l’appelant pour les années d’imposition 1993, 1994 et 1995, le ministre a formulé les hypothèses de fait suivantes, qui sont énoncées au paragraphe 10 de la réponse modifiée une seconde fois au second avis d’appel modifié :

 

[traduction]

 

a)         Le 20 avril 1993, Probe Exploration Inc. (« Probe ») a entamé des négociations avec Chevron Canada Resources (« Chevron ») en vue d’acquérir des droits de propriété sur des ensembles de données sismiques couvrant un minimum de 1 000 kilomètres.

 

b)         Probe a proposé de faire évaluer certaines des données sismiques de Chevron (en prenant en considération des critères tels que les frais de remplacement, la qualité, les paramètres techniques et le secteur d’activité), et elle a payé à Chevron une contrepartie en espèces correspondant à 8 % de la valeur estimative plus 50 % des revenus tirés de la vente future des copies des données sismiques.

 

c)         Dans des opérations antérieures de cette nature, Probe avait eu recours aux services de Citadel [sic.], d’Engineering, de Curtz [sic.] Consulting (Brian Curtz), et de Jaskella Resources Consulting pour procéder à l’évaluation des données sismiques.

 

d)         Bien que Chevron se soit montrée ouverte à l’idée d’une vente inconditionnelle au comptant d’une partie de ses données sismiques, le 31 mai 1993, elle a informé Probe qu’elle refusait sa proposition.

 

e)         Le 21 décembre 1993, Carlyle Management (1993) Inc. (« Carlyle ») a présenté une offre à Chevron, aux termes de laquelle Carlyle ou son prête‑nom achèterait la totalité de l’intérêt de Chevron dans les droits de propriété sur environ 5 905 kilomètres de données sismiques (les « données sismiques du Manitoba », aussi appelées les « données techniques » et les « données industrielles » dans l’avis d’appel) pour la somme de 805 000 $ en espèces.

 

f)         Le 23 décembre 1993, Chevron a accepté l’offre de Carlyle.

 

g)         Carlyle et Chevron n’avaient aucun lien de dépendance.

 

h)         Le 31 décembre 1993, les évènements suivants se sont produits :

 

         Chevron a prétendument vendu les données sismiques du Manitoba à  Seitel Inc. (« Seitel »), société non résidente et prête‑nom de Carlyle, pour la somme de 805 000 $ en espèces;

         Seitel a prétendument vendu les données sismiques du Manitoba à Carlyle pour la somme de 6,5 millions de dollars, constituée de 805 000 $ en espèces et d’une débenture avec recours limité de 5 695 000 $;

         Carlyle a prétendument vendu les données sismiques du Manitoba à 507326 Alberta Ltd. (« 507326 ») en sa qualité de représentante de 507326 Alberta Ltd. 1993/1994 Oil and Gas Joint Venture (la « coentreprise ») pour 6,5 millions de dollars, somme constituée de 975 000 $ en espèces et d’un billet à ordre avec recours limité de 5 525 000 $;

         507326, Carlyle et Seitel ont conclu une convention de gestion et de vente des données par laquelle Seitel se trouvait autorisée à agir à titre de mandataire international pour vendre des copies autorisées des données sismiques du Manitoba Seismic à des tiers;

         507326 a conclu une entente de coentreprise avec l’appelant, 30 autres personnes et une société (les « coentrepreneurs individuels ») relative à de prétendues activités d’acquisition, d’exploration, d’aménagement et de production en matière de pétrole et de gaz naturel.

 

i)          L’appelant a prétendument acheté un droit sur la coentreprise pour un montant de 110 000 $, constitué de 20 000 $ en espèces, d’un billet à ordre à recours limité au profit de Carlyle de 85 000 $ (le « billet à ordre »), et d’une dette additionnelle de 5 000 $.

 

j)          Le remboursement du billet à ordre devait se faire par la cession de 50 % des revenus nets provenant de l’octroi de licences qui seraient dus à l’appelant sur les futures ventes de copies autorisées des données sismiques, et de 20% des rentrées d’argent provenant du droit de l’appelant sur les droits relatifs aux hydrocarbures acquis par la coentreprise, en premier lieu au titre des intérêts et en second lieu au titre du capital.

 

k)         Dans le cas où le billet à ordre ne serait pas payé à échéance, Carlyle avait le droit de forcer la vente par un syndic de l’intérêt indivis de l’investisseur dans les données sismiques et de 20 % des autres intérêts dans la coentreprise, en échange d’espèces uniquement, 50 % du produit de cette vente revenant à Carlyle et les 50 % restants à l’appelant, tout manque à gagner étant remis.

 

l)          La division du produit de la vente forcée qui a été exposée dans le paragraphe précédent n’est pas conforme à la pratique normale en matière de financement.

 

m)        Le prix que Carlyle a payé à Seitel en échange des données sismiques du Manitoba a été gonflé par le fait qu’on a eu recours à une solution de financement avec recours limité, et la véritable contrepartie s’élevait à 805 000 $ plus 50 % des revenus nets provenant de l’octroi de licences pendant neuf ans.

 

n)         Le prix que 507326 a payé à Carlyle pour l’achat des données sismiques du Manitoba a été gonflé du fait qu’on a eu recours à une solution de financement avec recours limité, et la véritable contrepartie s’élevait à 975 000 $, plus 50 % des revenus nets provenant de l’octroi de licences pendant neuf ans.

 

o)         Le prix que l’appelant a payé en échange de son intérêt dans la coentreprise a été gonflé du fait qu’on a fait appel à une solution de financement avec recours limité, et la véritable contrepartie s’élevait à 20 000 $, plus 50 % des revenus nets provenant de l’octroi de licences pendant neuf ans.

 

p)         Les parties n’ont jamais eu l’intention de payer le montant du capital de la débenture et des billets à ordre aux détenteurs de la solution de financement avec recours limité.

 

q)         L’objectif de la solution de financement avec recours limité était de faire en sorte que les détenteurs reçoivent un flux de rentrées des futures ventes de copies des données sismiques et puissent profiter de déductions fiscales gonflées.

 

r)          Il n’est pas nécessaire d’acquérir des droits de propriété sur des données sismiques pour utiliser celles-ci à des fins d’exploration; une copie autorisée est suffisante.

 

s)         Le but des frais engagés par 507326 était que les coentrepreneurs individuels obtiennent des déductions fiscales, et non un des buts prévus au sous‑alinéa 66.1(6)a)(i) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

 

t)          507326 a engagé des frais approximatifs de 123 725 $, de 124 625 $ et de 54 000 $ (la plupart de ces frais étant des frais de gestion relatifs à la vente de copies des données sismiques) en 1994, en 1995 et en 1996 respectivement, dans le but de donner l’impression qu’elle avait fait l’acquisition des données sismiques du Manitoba pour les fins prévues au sous‑alinéa 66.1(6)a)(i) de la Loi.

 

u)         En engageant les frais qu’il a engagés dans le contexte de sa participation à la coentreprise, le but de l’appelant était d’obtenir une déduction fiscale, et non un des buts prévus au sous‑alinéa 66.1(6)a)(i) de la Loi.

 

v)         Les frais que l’appelant a engagés dans le cadre de sa participation à la coentreprise n’étaient pas supérieurs à 20 000 $.

 

w)        Tous les frais excédant la somme de 20 000 $ que l’appelant a engagés dans le contexte de sa participation à la coentreprise étaient déraisonnables dans les circonstances.

 

x)         Tous les frais excédant la somme de 20 000 $ que l’appelant a engagés dans le contexte de sa participation à la coentreprise étaient un montant au titre d’une éventualité.

 

y)         L’appelant avait auparavant investi dans d’autres données sismiques afin d’obtenir des déductions fiscales.

 

z)         Les trois évaluations des données sismiques du Manitoba que 507326 a obtenues :

 

      n’étaient pas des évaluations d’experts indépendants;

      étaient fondées sur la valeur de remplacement actualisée des données;

      étaient fondées sur une méthodologie erronée, dont ont découlé des                  opinions inexactes et exagérées quant à la valeur de ces données.

    

aa)       Le 31 décembre 1993, la valeur des données sismiques du Manitoba n’était pas supérieure à 975 000 $.

 

bb)       La pratique de l’industrie veut que, pour établir le prix de vente des données sismiques, on applique une ristourne en fonction du volume sur la vente de blocs dépassant 1 000 kilomètres.

 

cc)       Ces ristournes varient en fonction de la taille du bloc et du pouvoir de négociation respectif de l’acheteur et du vendeur.

 

dd)      Une ristourne de 80 % sur les données sismiques du Manitoba que 507326 a achetées aurait été conforme aux pratiques de l’industrie et aurait été raisonnable dans les circonstances.

 

[15]        Quand il a établi de nouvelles cotisations à l’égard de l’appelant pour les années d’imposition 1998 et 1999, le ministre a formulé les hypothèses de fait suivantes, comme elles sont énoncées au paragraphe 10.1 de la seconde réponse modifiée au second avis d’appel modifié :

 

[traduction]

 

a)         Les faits tels qu’ils sont exposés au paragraphe 10 ci‑dessus.

 

b)         Quand il a demandé la déduction de ses frais d’intérêts s’élevant à 4 092 $ pour chacune de ses années d’imposition 1998 et 1999, l’appelant a soutenu que les frais en question étaient déductibles en partant du principe que ces déductions se rapportaient entièrement à sa prétendue entreprise d’exploration pétrolière et gazière.

 

c)         La coentreprise, et donc l’appelant, n’exploitait pas une entreprise d’exploration pétrolière et gazière et, par conséquent, il n’existe aucune source de revenus de laquelle il est possible de déduire des frais d’intérêts.

 

d)         La série d’opérations qui est exposée plus longuement au paragraphe 14 ci‑dessous, qui ont été menées afin de tenter de montrer que l’appelant et d’autres personnes se livraient à des activités d’exploration pétrolière et gazière constituent des étapes vers la mise en place de trompe-l’œil.

 

e)         À titre subsidiaire, si certains frais d’intérêts sont déductibles, les frais d’intérêts que l’appelant a demandé à déduire de son revenu n’étaient pas raisonnables et il convient de les diminuer.

 

[16]        La série d’opérations à laquelle on fait référence à l’alinéa 10.1d) de la seconde réponse modifiée au second avis d’appel modifié est la suivante :

 

[traduction]

 

14. La constitution en société de 507326, l’entente conclue entre Chevron et Carlyle relativement à l’achat des données sismiques du Manitoba pour la somme de 805 000 $ le 21 décembre 1993, l’achat par Seitel des données auprès de Chevron en lieu et place ou à titre de mandataire de Carlyle pour la somme de 805 000 $ le 31 décembre 1993, l’achat par Carlyle auprès de Seitel des mêmes données à la même date au prix artificiellement gonflé de 6,5 millions de dollars, la vente par Carlyle à 507326 des mêmes données à la même date pour la somme de 6,5 millions de dollars, la convention de gestion et de vente des données, qui prévoit que Seitel interviendra à titre de mandataire de 507326 pour gérer et octroyer des licences d’utilisation de copies des données en échange d’une commission de 10 %, l’entente de coentreprise conclue entre 507326 et 30 autres personnes et une société et la prétendue acquisition par l’appelant d’un droit sur la coentreprise, étaient autant de démarches visant à mettre en place des trompe-l’œil visant à induire le ministre en erreur en lui faisant croire que les dépenses en cause avaient été engagées en vue de mener des activités d’exploration, plutôt que pour acheter des déductions fiscales.

 

IV.           Résumé des témoignages

 

M. Allan McLarty

 

[17]        L’appelant est avocat spécialisé dans la réglementation en matière d’énergie qui exerce sa profession au sein du cabinet juridique Fraser Milner s.r.l. et qui a fait divers investissements dans l’industrie de l’exploration pétrolière et gazière avant de devenir membre de la coentreprise. Il a investi dans la société Petroleum Capital 1987, qui a acheté 13 795 kilomètres de données sismiques exclusives. L’appelant a demandé la déduction de FEC supérieurs à l’argent qu’il avait investi dans la société Petroleum Capital 1987 (paragraphes 34 et 35 d’un document auquel il a été fait référence sous l’appellation [traduction] « Faits admis » et qui a été produit en preuve lors de l’audition de ses appels par la Cour, 2005 CCI 55, document que le juge Little a reproduit dans ses motifs du jugement relatifs à ces appels). Le 31 décembre 1992, l’appelant a conclu une entente de souscription avec Compton Resource Corporation, par laquelle il a acquis un droit indivis sur Compton Resource Corporation 1992/1993 Oil and Gas Investment Fund (paragraphe 12 du document [traduction] « Faits admis » susmentionné).

 

[18]        Le 31 décembre 1993, l’appelant a investi dans la coentreprise, et ce, en dépit du fait qu’aucune notice d’offre n’avait été préparée et qu’aucune estimation des coûts associés au programme d’exploration n’avait été communiquée aux investisseurs.

 

[19]        L’appelant ne participait pas à la gestion de 507326 pas plus qu’il n’a participé à l’une des opérations que la coentreprise a effectuées. L’appelant était un membre « passif » de la coentreprise. Il n’avait personnellement aucune connaissance du programme d’exploration ou des frais d’exploration que la coentreprise devait engager. Il ne savait pas qui étaient Seitel et Carlyle ni qui les dirigeait. Il ne savait pas si les données techniques étaient assurées ou protégées d’une quelconque manière. Il n’avait vu aucun renseignement au sujet du puits qui était foré. L’appelant tirait ses renseignements relatifs aux opérations de la coentreprise des bulletins émis par la coentreprise, des états financiers de la coentreprise, des feuillets de renseignements fiscaux et des rapports annuels de Compton Petroleum Corporation.

 

[20]        L’appelant a confirmé que les paragraphes 14 et 17 du second avis d’appel modifié étaient inexacts, à savoir qu’il n’avait pas avancé la somme de 5 000 $ à la coentreprise afin que celle‑ci s’en serve pour faire l’acquisition de biens pétroliers et gaziers ou pour financer ses activités d’exploration et d’aménagement. Il avait plutôt avancé les 5 000 $ en cause par suite d’un appel de liquidités fait par la coentreprise en vue de préparer une défense contre les nouvelles cotisations de l’ARC et de poursuivre les appels devant la Cour.

 

[21]        L’appelant a déclaré qu’il avait reçu de la coentreprise des revenus provenant de l’octroi de licences s’élevant à 5 000 $ en 1994 et à 2 500 $ en 1995.

Les données techniques ont généré des revenus totaux de 650 000 $ en 1994 et de 325 000 $ en 1995 relativement à l’octroi de licences, et ces revenus ont été employés de la manière suivante :

 

 

 

1994

1995

 

Distribution aux coentrepreneurs individuels

Paiement dû à Carlyle selon les termes des billets à ordre

 

 

325 000 $

 

325 000 $

 

 

162 500 $

 

162 500 $

 

 

[22]        L’appelant reconnaît que les données techniques ont été vendues en 2006 au prix de 560 000 $ et que, par suite de cette opération, on a remis une dette de 7 080 471 $ sur les billets à ordre. L’appelant n’a pas inclus sa part de la dette qui avait été remise dans la première déclaration de revenus qu’il a produite pour l’année d’imposition 2006, mais il l’a incluse quand il a produit une déclaration de revenus modifiée pour cette même année.

 

M. Ernie Sapieha

 

[23]        M. Sapieha était le promoteur de la coentreprise. Il était le directeur général et l’unique administrateur de 507326. Il participait aussi à la coentreprise. La coentreprise et Compton Resource Corporation 1992/1993 Oil and Gas Investment Fund étaient des instruments mis en place pour inciter un nombre limité d’investisseurs à investir des fonds afin de financer l’achat des données sismiques qui serviraient aux activités d’exploration pétrolière et gazière, lesquelles seraient menées conjointement avec Compton Resource Corporation et Compton Petroleum Corporation. Compton Petroleum Corporation a été fondée en 1994 et elle est devenue une société ouverte en 1996, quand ses actions ont été inscrites à la bourse de Toronto et à la bourse de New York.

 

[24]        M. Sapieha a souligné que, en signant les ententes de souscription, les investisseurs avaient fait l’acquisition d’un droit indivis dans l’actif de la coentreprise et d’un pourcentage d’actions équivalent de 507326.

 

[25]        M. Sapieha a déclaré que c’était M. James P. Morin de Carlyle qui l’avait informé que les données techniques étaient sur le marché. Il a témoigné qu’il avait d’abord demandé qu’on procède à une évaluation des données techniques à l’interne et qu’il avait par la suite demandé à des cabinets indépendants d’effectuer trois évaluations. 507326 a bien reçu trois évaluations des données techniques, aux termes desquelles la juste valeur marchande des données techniques était prétendument la suivante :

 

Curts Seismic Consultants Ltd.                  8 718 546 $

Solid State Geophysical Inc.             10 343 048 $

Citidal Engineering Ltd.                    10 318 000 $

 

[26]        La coentreprise a été la seule à défrayer les coûts des trois évaluations, en dépit du fait que Seitel, Carlyle et Compton Resource Corporation bénéficiaient également de ces évaluations. M. Sapieha n’a pas pu expliquer comment on était parvenu à la somme de 6,5 millions pour les données sismiques, pas plus qu’il ne se souvenait de qui était parvenu à ce résultat. Apparemment, les dossiers ne contenaient aucun renseignement à ce sujet.

 

[27]        M. Sapieha a souligné que seulement quatre mois après l’achat des données techniques, un contrat de licence relatif à l’utilisation de ces données avait été signé avec Trinity Energy Ltd. pour la somme de 875 000 $ et qu’on avait conclu de nombreux autres contrats de licence entre 1993 et 2006. Pour la période comprise entre 1994 et 2006, les revenus totaux générés par l’octroi de licences d’utilisation des données techniques se sont élevés à 2,8 millions de dollars.

 

[28]        M. Sapieha a expliqué que, étant donné que les revenus générés par les activités d’octroi de licences étaient importants, la coentreprise avait dû changer ses pratiques comptables pour l’année d’imposition 1996. Depuis 1993, la coentreprise a recours à la « méthode de la capitalisation du coût entier » pour sa reddition de comptes, ce qui signifie que tous les coûts ont été capitalisés par biens ou par ensemble de biens. Avant 2011, dans l’industrie pétrolière et gazière, les entités qui se trouvaient dans la phase de préproduction avaient communément recours à cette méthode. Pour l’année d’imposition 1996 et les années suivantes, la coentreprise a présenté un état des résultats d’exploitation, ce qui est l’équivalent d’un état des résultats (compte de profits et pertes).

 

[29]        M. Sapieha a ajouté que Compton Petroleum Corporation avait fait l’acquisition d’un total de 84 baux d’exploitation minière sur le territoire couvert par les données techniques, pour son propre compte et pour le compte de la coentreprise, en parts égales. M. Sapieha a confirmé que Compton Resource Corporation ou Compton Petroleum Corporation et la coentreprise n’avaient pas conclu d’accord de coentreprise formel pour l’utilisation des données sismiques, pour l’achat des baux d’exploitation minière ou pour le forage de puits. Sur la licence de puits no 4577, seul le nom de Compton Petroleum Corporation, à titre d’exploitante, apparaissait. Un puits qui n’a rien donné a été foré en 1996 et abandonné le 23 août 2004. M. Sapieha a affirmé que Compton Petroleum Corporation avait foré trois autres puits en 2001, en 2003 et en 2004, mais qu’aucun de ces puits ne se trouvait sur des terrains auxquels les données techniques se rapportaient. Ces puits ont été forés après que la coentreprise eut cédé tous ses actifs à l’exception des données techniques à Compton Petroleum Corporation en 2000. Aucun des puits n’est parvenu à l’étape de la production commerciale.

 

M. Michael Erskine Heier

 

[30]        M. Heier était le directeur général de Trinity Energy Ltd., société privée fournissant des services de base aux sociétés pétrolières et gazières. Le 1er mars 1994, Trinity Energy Ltd. a conclu un contrat de licence exclusif de 14 mois avec Seitel pour l’utilisation des données techniques. Trinity Energy Ltd. a finalement payé la somme totale de 875 000 $ pour la licence. Trinity Energy Ltd. a utilisé les données sismiques et, en 2001, en 2003 et en 2004, elle a foré avec Compton Petroleum Corporation, en tant que partenaire et exploitante, trois puits qui ne se trouvaient pas sur les terrains auxquels les données sismiques se rapportaient. Les puits ont coûté entre 200 000 $ et 250 000 $ chacun, et M. Heier a considéré que les puits avaient été des réussites techniques, en dépit du fait qu’ils n’ont pas généré de production commerciale de pétrole et de gaz. M. Heier ne connaissait pas personnellement M. Sapieha, mais il savait que Compton Petroleum Corporation utilisait les données sismiques.

 

M. Carl Ringdahl

 

[31]        M. Ringdahl, géophysicien, était au service de Compton Resource Corporation en qualité de consultant. Il facturait 200 $ par jour de travail et il passait la moitié de son temps au service de la coentreprise et l’autre moitié au service de Compton Resource Corporation 1992/1993 Oil and Gas Investment Fund. Il ne tenait pas de journal quotidien du temps qu’il consacrait à chacune de ces entreprises. Il recevait la moitié de ses honoraires de la coentreprise, dont il était un investisseur.

 

[32]        M. Ringdahl a expliqué que la copie des données techniques reçue de Chevron en janvier 1994 consistait en 200 à 300 lignes et en 500 boîtes de bandes magnétiques. On a dû procéder au retraitement des données et transférer le contenu des bandes sur de nouvelles bandes afin de mieux ranger et localiser les renseignements disponibles. Le travail de M. Ringdahl consistait à traiter les données de nouveau, à établir des profils sismiques avec les géologues et à mettre ces profils à jour au moyen de renseignements provenant de diverses sources, à évaluer les ventes de terrains effectuées par le gouvernement du Manitoba et à préparer des offres, et à étudier les occasions et les offres d’accords d’affermage avec des tiers.

 

[33]        M. Ringdahl collaborait étroitement avec M. Sapieha, qu’il rencontrait tous les jours, et avec M. Denike, géologue qu’il avait engagé à l’automne 1994. M. Ringdahl a confirmé que le puits Daly que Compton Petroleum Corporation avait foré en 1996 était situé sur un terrain auquel les données techniques se rapportaient, sur le profil sismique 5-22-10-28 WW1.

 

[34]        M. Ringdahl a expliqué que le puits Daly avait été foré au nom de Compton Petroleum Corporation, sans qu’il soit fait référence à la coentreprise, afin de faciliter l’obtention de licences de forage auprès du gouvernement du Manitoba. À cette fin, Compton Petroleum Corporation a fait appel aux services de Scott Land & Lease Ltd. pour l’acquisition des baux immobiliers, a conclu un contrat‑type de travail de jour, a rempli une demande de licence de forage de puits et a par la suite retenu les services d’un ingénieur-conseil pour l’emplacement du puits et pris une police d’assurance-responsabilité.

 

[35]        M. Ringdahl a également confirmé que, en octobre 1994, Seitel et Compton Petroleum Corporation avaient convenu de traiter de nouveau 15 lignes de données sismiques et de partager les coûts associés en parts égales. Veritas a bien procédé au retraitement de trois lignes en 1994. Aux dires du témoin, Veritas ne savait pas que la coentreprise avait un intérêt dans les données sismiques.

 

[36]        M. Ringdahl assimilait ce travail d’examen et d’interprétation des données sismiques à un travail d’exploration. En tant qu’investisseur dans la coentreprise, il était au courant des déductions fiscales qu’il était possible de demander et il savait que le risque relatif à son investissement avait précisément trait à la disponibilité de ces déductions fiscales. Il a admis que la coentreprise n’avait pas de budget d’exploration et que l’octroi de licences d’utilisation des données sismiques était censé générer suffisamment de revenus pour couvrir les frais d’exploration. Il a tenu pour acquis qu’il ne devrait jamais effectuer les paiements au titre du billet à ordre qu’il avait signé quand il est devenu participant à la coentreprise.

 

[37]        M. Ringdahl a quitté le service de Compton Petroleum Corporation en décembre 1996, et M. Sapieha a engagé Mme Kim Davies, géophysicienne, pour le remplacer.

 

M. Kelvin Denike

 

[38]        À l’automne 1994, M. Ringdahl a retenu les services de M. Denike, géologue, qui devait consacrer deux semaines par mois à l’établissement des profils sismiques à partir des données techniques afin de cerner les emplacements où il convenait de forer les puits. Il facturait ses services à Compton Development Corporation, mais c’est la coentreprise qui le rémunérait. Il a été au service de la coentreprise jusqu’en 1998, et il a ensuite été au service de Compton Petroleum Corporation.

 

[39]        Il n’a pas investi dans la coentreprise, mais il a investi dans Compton Resource Corporation 1992/1993 Oil and Gas Investment Fund. D’après lui, les services qu’il assurait constituaient des activités d’exploration normales, et il a confirmé que le forage du puits Daly en février 1996 avait été fondé sur les données sismiques sur lesquelles il avait travaillé.

 

[40]        M. Denike a aussi confirmé que M. Ringdahl ou Mme Keitha Dobson, contrôleuse et directrice financière de Compton Petroleum Corporation, lui avait demandé de corriger toutes ses factures pour la période allant d’octobre 1994 au 11 avril 1997, et de les présenter à nouveau au nom de 507326.

 

Mme Keitha Dobson

 

[41]        Mme Dobson était la directrice financière et la contrôleuse de Compton Petroleum Corporation avant de quitter la société en 1998. Elle était chargée de tenir les documents comptables de la coentreprise, de tenir le registre des recettes, d’effectuer les dépôts bancaires et de payer les factures. Elle n’avait pas l’autorité voulue pour signer des chèques au nom d’une des entités. M. Ringdahl ou M. Sapieha devait approuver le paiement de toutes les factures de 507326. Mme Dobson était également chargée de préparer les feuillets de renseignements fiscaux annuels à l’intention des investisseurs de la coentreprise après examen par M. Sapieha et les auditeurs externes. Elle avait la liste des participants à la coentreprise. Elle savait que certains participants se trouvaient derrière les souscripteurs d’origine, malgré le fait qu’aucun prête‑nom n’était autorisé aux termes des ententes de souscription. M. Sapieha lui a donné l’instruction d’accepter le partage des parts et des bénéfices provenant des investissements des détenteurs de parts dans la coentreprise.

 

[42]        M. Sapieha l’a informée que Compton Petroleum Corporation et la coentreprise menaient des opérations d’exploration conjointement.

 

[43]        Elle ne se souvenait pas qu’elle ait demandé à M. Denike de refaire ses factures et de les présenter cette fois à 507326. Elle a déclaré que 507326 avait un numéro d’inscrit aux fins de la taxe sur les produits et services et qu’elle demandait des crédits de taxe sur les intrants.

 

M. Norman Glen Knecht

 

[44]        Avant d’entrer au service de Compton Petroleum Corporation en 1997 comme directeur financier, M. Knecht était associé d’audit auprès du cabinet Doane Raymond (qui est par la suite devenu Grant Thornton), chargé de l’audit de la coentreprise, de Compton Resource Corporation et de Compton Petroleum Corporation. À ce titre, il a signé les états financiers de la coentreprise pour les années 1993 à 1996.

 

[45]        M. Knecht était au courant de l’existence d’une coentreprise entre Compton Petroleum Corporation et 507326, intervenant au nom de la coentreprise, mais il n’a jamais vu de document relatif à l’entente de coentreprise.

 

[46]        M. Knecht a expliqué que la convention de gestion et de vente des données que Carlyle et Seitel avaient signée le 31 décembre 1993 renvoyait à une liste de mandants qui avaient le droit d’utiliser gratuitement les données sismiques. La liste de ces mandants a été comparée à la liste des investisseurs de la coentreprise. Il en fut conclu que les entités qui se trouvaient sur la liste des mandants se trouvaient également sur la liste des investisseurs, à l’exception de Carlyle, qui a été expressément nommée dans la convention de gestion et de vente des données, et de Compton Petroleum Corporation, qui a obtenu le consentement des investisseurs de la coentreprise pour utiliser les données.

 

M. Daniel Blyth Thornton, Ph. D, FCA

 

[47]        M. Thornton a témoigné pour le compte de la Couronne en qualité de témoin-expert en comptabilité. Les avocats de l’appelant ont remis en cause ses connaissances spécialisées de la comptabilité des entreprises pétrolières et gazières, mais, après avoir examiné ses titres de compétence, la Cour a conclu que ce témoin avait les compétences requises en l’espèce.

 

[48]        Le rapport de témoin expert en comptabilité de M. Thornton a été déposé à la Cour sous la cote R-31, et les conclusions de ce rapport sont les suivantes :

 

[traduction]

 

61.       Les états financiers visent à communiquer des renseignements fiables aux utilisateurs des états en rendant compte des opérations et des évènements d’une façon qui fasse état de la teneur de ceux‑ci plutôt que nécessairement de leur forme juridique.

 

62.       Selon la méthode de la capitalisation du coût entier, l’entreprise pétrolière et gazière enregistre tous les frais d’exploration et d’aménagement qu’elle a engagés dans un pays, y compris les frais relatifs au forage de puits secs, en tant qu’actifs qui seront amortis quand la production commencera.

 

63.       Les entreprises pétrolières et gazières se trouvent à la phase de préproduction pendant la période exploratoire. À cette étape, elles capitalisent tous leurs coûts, y compris les coûts relatifs au forage de puits secs. On déduit tous les revenus connexes gagnés à cette étape des coûts capitalisés dans le bilan plutôt que de les déclarer comme des revenus dans un état des résultats; cela s’explique par le fait que de tels revenus réduisent les coûts d’exploration. On calcule les coûts capitalisés nets chaque fois qu’on produit des états financiers, pour évaluer la probabilité que de tels coûts nets puissent être recouvrés à l’avenir; dans le cas contraire, ils sont radiés.

 

64.       Les états financiers de périodes antérieures ne sont rajustés qu’en cas de modification d’une politique comptable ou afin de corriger une erreur relevée dans une période couverte par des états financiers antérieurs. Il ressort du fait que la coentreprise a cessé d’avoir recours à une comptabilité de préproduction et du retraitement rétroactif des états financiers des années précédentes en 1996 que la coentreprise ne s’est jamais trouvée en phase de préproduction.

 

65.       Il semble que la fiabilité des états financiers doive être remise en cause pour les raisons suivantes. Si la coentreprise avait vraiment été une entreprise d’exploration pétrolière et gazière qui ne se livrait à aucune activité de production, elle aurait continué d’avoir recours à une comptabilité de préproduction. Si elle avait produit quelque chose, elle aurait enregistré des amortissements pour épuisement, mais cela n’a pas été le cas. Quand elle a radié ses droits de propriété en 2005, elle aurait qualifié les résultats cumulés de « provision pour épuisement », mais elle les a plutôt qualifiés d’« amortissements cumulés ». D’un point de vue comptable, par conséquent, la coentreprise n’a jamais répondu aux conditions d’existence d’une entreprise d’exploration pétrolière et gazière ou d’un producteur de pétrole et de gaz. Au lieu de cela, si on se fie aux états financiers, la coentreprise était une entreprise extrêmement peu lucrative qui tirait des revenus de la vente des droits d’utilisation de ses données sismiques – des revenus qui étaient largement inférieurs à ses amortissements et à ses frais d’intérêts – de telle sorte que, en 2005, l’insuffisance de l’actif de la coentreprise (les pertes nettes cumulatives enregistrées depuis sa création) s’élevait à environ 7,3 millions de dollars.

 

66.       L’apparent manque de rentabilité de la coentreprise découlait largement de son incapacité à générer suffisamment de profit pour s’acquitter d’une obligation – les billets à ordre – dont il était question dans les états financiers comme d’un montant qui ne serait vraisemblablement pas payé. On peut se demander si les billets à ordre répondaient à la définition d’une dette d’un point de vue comptable, et, le cas échéant, s’ils satisfaisaient à un critère comptable permettant de les déclarer dans les états financiers au plein montant du capital et des intérêts courus. Par conséquent, on n’a pas exposé de manière fiable les opérations désavantageuses de l’entreprise d’un point de vue comptable.

 

M. Ward G. Zimmer, CA

 

[49]        M. Zimmer a témoigné à titre d’expert. Son rapport d’expert en contre‑preuve en comptabilité a été déposé à la Cour sous la cote A-15, et les conclusions de ce rapport sont les suivantes :

 

[traduction]

 

26.       Le rapport ne remet pas en cause l’existence et l’évaluation du bien acquis, la base de données techniques. Afin de reconnaître le bien, la coentreprise doit reconnaître l’instrument qui a été produit en échange du bien. Dans le rapport, il a été conclu rétrospectivement que le billet à ordre n’était pas une dette parce que la coentreprise avait manqué à son obligation de le rembourser. Toutefois, dans le rapport, on n’est pas parvenu à définir ce qu’était le billet à ordre, à défaut d’être une dette. Le billet à ordre ne correspond pas à la définition d’un instrument de capitaux propres, étant donné qu’il ne s’agit pas d’un intérêt dans l’actif net de la coentreprise. Par conséquent, il doit s’agir d’une dette, et il ne convient pas d’en conclure autrement de manière rétrospective.

 

27.       Dans le rapport, il n’est pas tenu compte des activités de la coentreprise pour évaluer s’il s’agit d’une entité pétrolière et gazière. Au lieu de cela, on y formule des inférences et des hypothèses fondées sur les résultats de ces activités ainsi que sur la comptabilité afférente. Une entité ne se définit pas comme une entité pétrolière et gazière en fonction de sa comptabilité, mais en fonction de ses activités. La coentreprise a mené des activités d’exploration pétrolière et gazière, telles que l’acquisition des données sismiques, l’utilisation de ces données pour définir des zones de forage potentielles, l’acquisition d’un droit sur des baux pétroliers et gaziers et le forage d’un puits d’exploration. Compte tenu de ces activités, la coentreprise était bien une entité pétrolière et gazière.

 

V.      Les dispositions législatives

 

[50]        Entre autres choses, les parties se sont fondées sur les dispositions suivantes de la Loi, telle qu’elle a été modifiée pour les années d’imposition 1993 à 1995 et pour les années d’imposition 1998 et 1999 : le paragraphe 14(5) pour la définition de « dépense en capital exigible », les alinéas 18(1)a), 20(1)b) et 20(1)c), l’article 21, l’alinéa 66(12.1)a), le paragraphe 66.1(6) pour la définition de « frais d’exploration au Canada » et l’article 67 :

 

14(5) « dépense en capital exigible »« dépense en capital admissible » S’agissant d’une dépense en capital admissible d’un contribuable au titre d’une entreprise, la partie de toute dépense de capital engagée ou effectuée par lui, par suite d’une opération réalisée après 1971, en vue de tirer un revenu de l’entreprise, à l’exception d’une dépense de cette nature :

a)      soit relativement à laquelle une somme est ou serait, sans les dispositions de la présente loi limitant le quantum de déductions, déductible (autrement qu’en vertu de l’alinéa 20(1)b)) dans le calcul du revenu qu’il a tiré de l’entreprise ou relativement à laquelle aucune somme n’est déductible, aux termes des dispositions de la présente loi, exception faite de l’alinéa 18(1)b), dans le calcul de ce revenu;

b)      soit engagée ou effectuée en vue de tirer un revenu constituant un revenu exonéré;

c)      soit représentant tout ou partie du coût, selon le cas :

         (i)      des biens corporels acquis par le contribuable,

         (ii)     des biens incorporels qui constituent des biens amortissables pour le contribuable,

         (iii)    des biens relativement auxquels une déduction (sauf celle prévue à l’alinéa 20(1)b)) est permise dans le calcul du revenu qu’il a tiré de l’entreprise ou serait permise si le revenu qu’il a tiré de l’entreprise était suffisant à cet effet,

         (iv)    d’un droit sur un bien visé à l’un des sous-alinéas (i) à (iii) ou d’un droit d’acquérir ce bien;

il est entendu toutefois, sans que soit limitée la portée générale de ce qui précède,

que la présente définition ne vise aucune partie :

d)      d’une somme payée ou payable à un créancier du contribuable au titre ou en paiement intégral ou partiel d’une dette, ou au titre du remboursement, de l’annulation ou de l’achat d’une obligation;

e)      lorsque le contribuable est une société, d’une somme payée ou payable à une personne, en sa qualité d’actionnaire de la société;

f)       d’une somme représentant tout ou partie du coût :

                     (i)      d’un droit relatif à une fiducie,

         (ii)     d’une participation dans une société de personnes,

         (iii)    d’une action, d’une obligation, d’une créance hypothécaire, d’un billet à ordre, d’une lettre de change ou de tout autre bien semblable,

         (iv)    d’un intérêt ou, pour l’application du droit civil, d’un droit sur un bien visé à l’un des sous-alinéas (i) à (iii) ou d’un droit d’acquérir le bien.

 

18(1) Exceptions d’ordre général Dans le calcul du revenu du contribuable tiré d’une entreprise ou d’un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles :

a)      Restriction générale – les dépenses, sauf dans la mesure où elles ont été engagées ou effectuées par le contribuable en vue de tirer un revenu de l’entreprise ou du bien;

 

20(1)b) Montant cumulatif des immobilisations admissibles – la somme qu’un contribuable déduit au titre d’une entreprise, ne dépassant pas 7 % du montant cumulatif des immobilisations admissibles relatives à l’entreprise à la fin de l’année; toutefois, lorsque l’année compte moins de douze mois, la somme déductible en application du présent alinéa ne peut dépasser la proportion de la somme maximale déductible par ailleurs que représente le nombre de jours de l’année d’imposition par rapport à 365;

 

20(1)c) Intérêts – la moins élevée d’une somme payée au cours de l’année ou payable pour l’année (suivant la méthode habituellement utilisée par le contribuable dans le calcul de son revenu) et d’une somme raisonnable à cet égard, en exécution d’une obligation légale de verser des intérêts sur :

(i)      de l’argent emprunté et utilisé en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien (autre que l’argent emprunté et utilisé pour acquérir un bien dont le revenu serait exonéré ou pour contracter une police d’assurance-vie),

(ii)     une somme payable pour un bien acquis en vue d’en tirer un revenu ou de tirer un revenu d’une entreprise (à l’exception d’un bien dont le revenu serait exonéré ou à l’exception d’un bien représentant un intérêt dans une police d’assurance-vie),

         […]

 

21(1) Coût des emprunts Lorsque, au cours d’une année d’imposition, un contribuable a acquis des biens amortissables et fait un choix en vertu du présent paragraphe dans sa déclaration de revenu produite pour l’année en vertu de la présente partie :

a)      dans le calcul de son revenu pour l’année et pour celles des trois années d’imposition précédentes qu’il a pu avoir, les alinéas 20(1)c), d), e) et e.1) ne s’appliquent pas à tout ou partie du montant qu’il a indiqué dans son choix et qui, sans un tel choix, serait déductible dans le calcul de son revenu, autre que son revenu exonéré, pour chacune de ces années relativement à l’argent emprunté et utilisé pour acquérir les biens amortissables ou à la somme payable pour ces biens;

b)      le montant ou la partie du montant, selon le cas, visé à l’alinéa a) est ajouté au coût en capital, pour lui, des biens amortissables qu’il a ainsi acquis.

 

21(2) Argent emprunté pour exploration ou aménagement – Lorsque, au cours d’une année d’imposition, un contribuable a utilisé de l’argent emprunté pour l’exploration, l’aménagement ou l’acquisition d’un bien, que les dépenses qu’il a engagées relativement à ces activités représentent, selon le cas, des frais d’exploration et d’aménagement au Canada, des frais d’exploration et d’aménagement à l’étranger, des frais d’exploration au Canada, des frais d’aménagement au Canada, des frais relatifs à des ressources à l’étranger se rapportant à un pays ou des frais à l’égard de biens canadiens relatifs au pétrole et au gaz, et qu’il en fait le choix dans sa déclaration de revenu pour l’année, les règles suivantes s’appliquent :

a)      dans le calcul de son revenu pour l’année et pour celles des trois années d’imposition précédentes qu’il a pu avoir, les alinéas 20(1)c), d), e) et e.1) ne s’appliquent pas au montant ou à la partie de montant qu’il a indiqué dans son choix et qui, sans un tel choix, serait déductible dans le calcul de son revenu (sauf le revenu exonéré ou le revenu qui est exonéré de l’impôt prévu par la présente partie) pour chacune de ces années relativement à l’argent emprunté et utilisé pour l’exploration, l’aménagement ou l’acquisition d’un bien;

b)      le montant ou la partie de montant, selon le cas, visé à l’alinéa a) est réputé représenter, selon le cas, des frais d’exploration et d’aménagement au Canada, des frais d’exploration et d’aménagement à l’étranger, des frais d’exploration au Canada, des frais d’aménagement au Canada, des frais relatifs à des ressources à l’étranger se rapportant à un pays ou des frais à l’égard de biens canadiens relatifs au pétrole et au gaz, qu’il a engagés au cours de l’année.

 

[…]

 

21(4) Argent emprunté pour exploration, aménagement ou acquisition d’un bien – Dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition donnée, lorsque celui-ci :

a)      d’une part, a fait, au cours d’une année d’imposition précédente, le choix prévu au paragraphe (2) relativement à de l’argent emprunté et utilisé pour l’exploration, l’aménagement ou l’acquisition d’un bien;

b)      d’autre part, a fait, au cours de chaque année d’imposition postérieure à cette année d’imposition précédente et antérieure à l’année donnée, le choix prévu au présent paragraphe, portant sur le montant total qui, en l’absence d’un tel choix, aurait été déductible dans le calcul de son revenu (qui n’est pas un revenu exonéré) pour chacune de ces années relativement à l’argent emprunté et utilisé pour l’exploration, l’aménagement ou l’acquisition d’un bien, selon le cas;

 

et a fait le choix prévu au présent paragraphe dans sa déclaration de revenu produite en vertu de la présente partie pour l’année donnée, les alinéas 20(1)c), d), e) et e.1) ne s’appliquent pas à tout ou partie du montant indiqué dans le choix et qui, sans un tel choix, serait déductible dans le calcul de son revenu, autre que son revenu exonéré, pour l’année donnée relativement à l’argent emprunté et utilisé pour l’exploration, l’aménagement ou l’acquisition d’un bien; le montant ou la partie du montant est alors réputé représenter des frais d’exploration et d’aménagement au Canada, des frais d’exploration et d’aménagement à l’étranger, des frais d’exploration au Canada, des frais d’aménagement au Canada, ou des frais à l’égard de biens canadiens relatifs au pétrole et au gaz, qu’il a engagés au cours de l’année donnée.

 

21(5) Nouvelles cotisations – Malgré les autres dispositions de la présente loi, lorsqu’un contribuable a choisi d’exercer son droit conformément aux dispositions du paragraphe (1) ou (2), il doit être procédé à de nouvelles cotisations relativement à l’impôt, aux intérêts et aux pénalités nécessaires pour donner effet au choix effectué.

 

66(12.1) Restrictions quant aux frais d’exploration et d’aménagement au Canada Sauf disposition contraire expresse de la présente loi, les règles suivantes s’appliquent :

a)      lorsque, par suite d’une opération qui a eu lieu après le 6 mai 1974, un montant est devenu à recevoir par un contribuable à un moment donné d’une année d’imposition et que la contrepartie donnée par le contribuable consistait en biens (à l’exclusion d’une action, d’un avoir minier canadien et d’un droit afférent à l’une ou à l’autre), ou services, dont il est raisonnable de croire que le coût initial, pour lui, consistait principalement en frais d’exploration au Canada ou en frais d’exploration et d’aménagement au Canada du contribuable (ou dont le coût initial aurait été considéré ainsi si le contribuable avait engagé ces derniers frais après 1971 mais avant le 7 mai 1974), le montant devenu à recevoir par le contribuable à ce moment doit être inclus, à ce moment, dans le montant représenté par l’élément G de la formule figurant à la définition de « frais cumulatifs d’exploration au Canada » au paragraphe 66.1(6);

 

[…]

 

66.1(6) « frais d’exploration au Canada »« frais d’exploration au Canada » Relativement à un contribuable, les dépenses suivantes, engagées après le 6 mai 1974 :

a)      une dépense, y compris une dépense à des fins géologiques, géophysiques ou géochimiques, engagée par le contribuable (à l’exception d’une dépense engagée pour le forage ou l’achèvement d’un puits de pétrole ou de gaz, la construction d’une route d’accès temporaire au puits ou la préparation d’un emplacement pour un tel puits) en vue de déterminer l’existence, la localisation, l’étendue ou la qualité d’un gisement de pétrole ou de gaz naturel (à l’exception d’une ressource minérale) au Canada;

 

[…]

 

67.    Restriction générale relative aux dépenses

Dans le calcul du revenu, aucune déduction ne peut être faite relativement à une dépense à l’égard de laquelle une somme est déductible par ailleurs en vertu de la présente loi, sauf dans la mesure où cette dépense était raisonnable dans les circonstances.

 

VI.    Analyse

 

          A.   Le critère de l’objet de la loi

 

[51]        La première question consiste à rechercher si l’appelant a acquis un droit indivis sur les données techniques à des fins d’exploration, comme l’exige l’alinéa a) de la définition de « frais d’exploration au Canada » qui se trouve à l’alinéa 66.1(6) de la Loi.

 

[52]        Au début de l’audience, l’intimée a reconnu que les frais que l’appelant avait engagés pour acheter sa part des données techniques constituaient des FEC au sens du paragraphe 66.1(6) de la Loi (alinéa a) de la définition), étant donné qu’ils ont été engagés pour déterminer l’existence, la localisation, l’étendue ou la qualité d’un gisement de pétrole ou de gaz naturel au Canada. Malgré cette concession, il me semble que seraient utiles les observations suivantes.

 

[53]        À l’occasion des affaires Global Communications Ltd. v. R., 1999 CarswellNat 1027, 99 DTC 5377, et Petro-Canada c. Canada, 2004 CAF 158, 2004 DTC 6329, la Cour d’appel fédérale a examiné ce qui avait été fait de manière effective sur le terrain ou avec les données sismiques afin d’effectuer ce calcul. Au paragraphe 35 de l’arrêt Petro‑Canada, la Cour d’appel fédérale fait les observations suivantes à l’égard de l’application du critère de l’objet :

 

[...] J’ai lu ces précédents, et il m’apparaît que le critère de la fin ou de l’objet, dans la définition de « frais d’exploration au Canada », requiert à tout le moins un lien entre les données sismiques achetées et les travaux effectifs d’exploration. Ce lien pourrait être attesté par la preuve de l’utilisation effective des données sismiques pour des travaux d’exploration. Cependant, en l’absence d’une telle preuve, il doit exister au moins un plan crédible visant l’utilisation des données sismiques dans un programme d’exploration, à l’intérieur d’un délai raisonnable après qu’elles ont été acquises. Un lien hypothétique avec des travaux d’exploration qui pourraient être faits à l’avenir ne peut suffire.

 

[54]        En l’espèce, il ressort clairement des éléments de preuve qu’on a utilisé les données sismiques à des fins d’exploration. Le forage d’un puits, en 1996, était fondé sur les données sismiques. M. Ringdahl a procédé au retraitement de quatre ou cinq lignes de données sismiques et il a collaboré avec M. Denike pour établir des profils sismiques et les mettre à jour au moyen de renseignements provenant de diverses sources. On s’est servi des données techniques afin d’évaluer des ventes de terrains effectuées par le gouvernement du Manitoba et préparer des offres, et afin d’étudier les occasions et les offres d’accords d’affermage avec des tiers.

 

[55]        En 1994, Veritas a procédé au retraitement additionnel de trois lignes des données sismiques pour le compte de Compton Petroleum Corporation, et, dans son témoignage, M. Ringdahl a renvoyé au fait que, en octobre 1994, Seitel et Compton Petroleum Corporation avaient convenu de procéder au retraitement de 15 lignes de données et de partager également les coûts afférents.

 

[56]        En outre, l’ARC, en établissant une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant et en lui accordant la déduction au titre des FEC pour la somme qu’il avait investie en argent comptant, a reconnu que les données sismiques avaient été acquises et utilisées aux fins d’exploration.

 

B.    Le « coût indiqué » des données techniques achetées par l’appelant qui constituent des « frais d’exploration au Canada »

 

[57]        Au début de l’audience, l’intimée a admis que le billet à ordre de l’appelant n’était pas un montant au titre d’une éventualité.

 

[58]        Compte tenu de cette concession, il ne reste plus qu’à conclure que le montant du billet à ordre doit être assimilé à une dépense engagée.

 

[59]        L’intimée avance la thèse que le prix que l’appelant a payé au titre de son intérêt dans la coentreprise était exagéré du fait qu’on a eu recours à du financement avec recours limité, et que la vraie contrepartie s’élevait à 20 000 $ plus 50 % des revenus nets tirés de l’octroi des licences pendant neuf ans. Tous les frais excédant un total de 20 000 $ que l’appelant a engagés dans le contexte de sa participation à la coentreprise étaient déraisonnables dans les circonstances.

 

[60]        Le ministre a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant au titre de l’article 67 de la Loi, par laquelle il a refusé à ce dernier la déduction des frais qu’il avait engagés au‑delà d’un total de 20 000 $. La nouvelle cotisation n’était pas fondée sur l’article 69 de la Loi, étant donné que le ministre a formulé l’hypothèse selon laquelle l’appelant n’avait pas de lien de dépendance avec le vendeur des données sismiques. Par conséquent, la juste valeur marchande des données sismiques n’est pas controversée en l’espèce.

 

[61]        À l’occasion de l’affaire Petro-Canada, précitée, la juge Sharlow a fait référence au critère que le juge Cattanach avait défini à l’occasion de l’affaire Gabco afin d’établir si une dépense était raisonnable :

 

[62]      La décision de principe sur le prédécesseur de l’article 67 est l’arrêt Gabco Limited c. c. Ministre du Revenu national, [1968] 2 R.C.É. 511, [1968] C.T.C. 313, 68 D.T.C. 5210 (C. Éch.). Dans cette affaire, le juge Cattanach avait exposé le critère suivant pour l’application de cette disposition :

 

[traduction]

Il ne s’agit pas pour le ministre ou pour la Cour de substituer son jugement à ce qui constitue une somme raisonnable à payer, mais il s’agit plutôt pour le ministre ou la Cour d’arriver à la conclusion qu’aucun homme d’affaires raisonnable ne se serait engagé à payer une telle somme en n’ayant à l’esprit que les considérations commerciales de l’appelante.

 

[62]        À l’occasion de l’affaire Petro-Canada, madame la juge Sharlow a rendu la conclusion suivante à l’égard de l’application de l’article 67 :

 

[64]      Comme la valeur, le caractère raisonnable est une question de fait. En l’espèce, c’est un fait sur lequel le juge n’a tiré aucune conclusion. Sans doute est-il vrai, comme on l’a vu dans l’affaire Mohammad, que le fait de payer la juste valeur marchande de quelque chose est à première vue raisonnable, mais il m’est impossible de me ranger à l’avis de la Couronne pour qui il en découle que le fait de payer davantage que la juste valeur marchande est nécessairement déraisonnable. Il peut y avoir des cas où la décision de payer quelque chose davantage que sa juste valeur marchande est une décision raisonnable. Compte tenu du critère exposé dans l’arrêt Gabco, je ne suis pas persuadé que la présente affaire se prête à l’application de l’article 67.

 

[63]        Dans l’affaire McLarty c. La Reine, 2005 CCI 55, 2005 DTC 217, la Cour a conclu que le paiement de 100 000 $ que l’appelant avait fait au titre de son droit dans les données sismiques était raisonnable au sens de l’article 67 de la Loi :

 

[73]      Compte tenu de la nature fort spéculative de l’industrie de l’exploration pétrolière et gazière, du fait qu’il est fort difficile d’évaluer les données sismiques ainsi que de l’expérience de M. Sapieha dans l’industrie de l’exploration pétrolière et gazière, il ne convient pas ici de douter du jugement des participants. Il ne serait pas déraisonnable dans ce cas-ci de payer un prix supérieur à la juste valeur marchande. Toutefois, je conclus qu’un homme d’affaires raisonnable qui se trouverait dans la même situation que l’appelant aurait payé au moins 100 000 $ en échange de l’intérêt indivis dans les données de l’entreprise et pour l’accès illimité que l’appelant a obtenu.

 

[74]      Étant donné qu’il s’agissait d’une opération entre parties sans lien de dépendance et que la dépense était raisonnable, la question de la juste valeur marchande n’entre pas en ligne de compte. […]

 

[64]        Compte tenu du fait que l’intimée a admis que l’opération par laquelle l’appelant avait acquis un droit indivis sur les données techniques était une opération sans lien de dépendance, c’est à celle‑ci qu’il revient d’établir que la juste valeur marchande des données techniques n’était pas supérieure à celle dont il est fait état dans les hypothèses du ministre. L’intimée ne l’a pas démontré. M. Morin, propriétaire de Carlyle, a été cité à comparaître, mais l’intimée ne l’a pas cité à témoigner. Par conséquent, la Cour n’est saisie d’aucun élément de preuve qui explique la raison pour laquelle il y a eu une augmentation de la valeur des données techniques après que Chevron en a fait l’acquisition, et pourquoi Carlyle a nommé Seitel comme prête-nom pour l’exécution de cette opération.

 

[65]        Le fait que les revenus tirés de l’octroi de licences d’utilisation des données sismiques se soient élevés à 1,8 million de dollars sur une période de trois ans appuie la thèse selon laquelle les données techniques, au moment de leur acquisition par la coentreprise, avaient une valeur supérieure à 975 000 $. Trinity a payé 875 000 $ rien que pour une copie des données techniques et une exclusivité de 14 mois.

 

C.      La déductibilité des intérêts

 

[66]        Les intérêts payés ou payables à l’égard des billets à ordre étaient une obligation réelle des coentrepreneurs. Dans les états financiers de la coentreprise, les billets à ordre figurait comme une dette du plein montant du capital et des intérêts accumulés. La Couronne a admis que les billets à ordre n’étaient pas des montants au titre d’une éventualité.

 

[67]        M. Thornton, l’expert de la Couronne, a remis en question le traitement comptable des billets à ordre et était d’avis qu’ils figurent sur les états financiers comme un montant dont le remboursement était peu probable compte tenu du manque de rentabilité des activités de la coentreprise pendant la période allant de 1993 à 2006. M. Zimmer, le témoin expert en contre‑preuve de l’appelant, n’a pas souscrit à l’opinion de M. Thornton, concluant que les billets à ordre étaient des dettes d’un point de vue comptable et qu’il n’était pas opportun dans les circonstances de rendre un jugement de manière rétroactive. Je souscris à l’opinion de M. Zimmer sur ce point.

 

[68]        Compte tenu du fait que les coentrepreneurs ont payé des intérêts sur les billets à ordre pour chacune des années d’imposition 1994 et 1995, que la somme d’environ 104 000 $ a été remboursée sur le capital des billets à ordre pendant ces années et qu’a été rempli le critère de l’objet de l’alinéa a) de la définition de « frais d’exploration au Canada » qui se trouve au paragraphe 66.1(6) de la Loi, l’appelant avait le droit de capitaliser les frais d’intérêts relatifs à l’achat de son intérêt indivis dans les données techniques pour les années d’imposition 1994 et 1995, de telle sorte que les intérêts qu’il a payés constituaient des FEC.

 

[69]        L’appelant avait également le droit de déduire, dans le calcul de son revenu tiré de la coentreprise pour les années d’imposition 1998 et 1999, le montant des intérêts payables sur le billet à ordre, parce que ces frais d’intérêts découlaient de l’obligation juridique qui était la sienne de payer des intérêts sur un montant payable à l’égard d’un bien, les données techniques, qu’il avait acquises en vue de tirer un revenu de ce bien, ou en vue de tirer un revenu d’une entreprise.

 

[70]        En 1998, on a ajouté la somme de 242 600 $ au capital des billets à ordre et, en 1999, on a ajouté une somme de 262 500 $ au capital des billets à ordre. Pendant ces deux années, les données sismiques ont généré des revenus s’élevant à seulement 53 800 $, mais le total des revenus générés par les données sismiques pendant les années 1997 à 2006 se rapprochait de 1 000 000 $.

 

[71]        Cela montre que la coentreprise, en dépit du fait qu’elle avait mis fin à ses activités d’exploration en 1996, a continué de toucher des revenus provenant de l’octroi de licences d’utilisation des données sismiques jusqu’en 2006. De ce fait, la déduction des intérêts payables à l’égard du billet à ordre de l’appelant pour les années d’imposition 1998 et 1999 se justifie.

 

D.      L’argument du trompe-l’œil

 

[72]        À l’occasion de l’affaire Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 RCS 536, la Cour suprême du Canada a fait les observations suivantes à l’égard de ce qui constitue un « trompe‑l’œil » (aux pages 545 et 546) :

 

[…] Le trompe-l’œil: cette expression nous vient de décisions du Royaume-Uni et signifie, de façon générale (non sans ambiguïté), une opération assortie d’un élément de tromperie de manière à créer une illusion destinée à cacher au percepteur le contribuable ou la nature réelle de l’opération, ou un faux-semblant par lequel le contribuable crée une apparence différente de la réalité qu’elle sert à masquer. […]

 

[73]        La jurisprudence canadienne a, à maintes reprises, souscrit à la définition classique du « trompe-l’œil » consacrée par la jurisprudence Snook v. London and West Riding Investments, Ltd., [1967] 1 All ER 518. Les éléments requis pour qu’on soit en présence d’un trompe-l’œil sont les suivants : (1) une intention des parties aux opérations; (2) le fait de créer une fausse impression; (3) le fait que les droits et les obligations juridiques créés soient différents des véritables droits et obligations juridiques des parties.

 

[74]        Contrairement à la Couronne, je vois pas les éléments requis pour être en présence d’un trompe‑l’œil sont présents dans les opérations que l’appelant ou la coentreprise ont effectuées.

 

[75]        L’appelant n’était pas partie à un grand nombre d’opérations précises dont on a soutenu qu’elles constituaient des étapes dans la mise en place d’un trompe-l’œil par des parties n’ayant aucun lien de dépendance. Dans la série d’opérations qui a été exposée au paragraphe 16 ci‑dessus, l’appelant n’a participé qu’à l’entente de coentreprise qui a été conclue entre 507326 et les coentrepreneurs dans le contexte de l’acquisition d’un droit sur la coentreprise.

 

[76]        Il n’y a aucun élément de preuve au dossier dont il ressort que l’appelant et les parties à la série d’opérations avaient l’intention de créer une fausse impression eu égard aux opérations. Les droits et les obligations juridiques qui ont découlé de ces opérations n’étaient pas différents des véritables droits et obligations juridiques des parties aux opérations.

 

[77]        Le ministre a établi une cotisation à l’égard de l’appelant en partant du principe que celui‑ci avait bien acquis un droit indivis sur les données sismiques. Les revenus tirés de l’octroi de licences d’utilisation des données sismiques (au total, 2 800 000 $ de 1994 à 2006) ont été inclus dans le revenu des coentrepreneurs. Des intérêts ont été payés sur les billets à ordre pendant les années d’imposition 1994 et 1995, et la somme approximative de 104 000 $ a été remboursée sur le capital des billets à ordre pendant ces mêmes années. Les billets à ordre étaient des obligations juridiques réelles et non un montant au titre d’une éventualité, comme la Couronne l’a admis. Le ministre a appliqué les règles relatives aux remises de dette à l’égard de la dette de 7 080 471 $ qui avait été remise sur les billets à ordre pendant l’année d’imposition 2006.

 

[78]        Selon moi, la Couronne ne peut pas appliquer la doctrine du trompe-l’œil à une seule partie d’une opération donnée tout en considérant une autre partie de la même opération comme étant juridiquement valable et applicable. Par exemple, envisager qu’on puisse autoriser la Couronne à appliquer la doctrine du trompe-l’œil à cette partie uniquement de l’acquisition par l’appelant d’un intérêt indivis dans les données sismiques qui a été réglée au moyen du billet à ordre de l’appelant me pose problème.

 

[79]        En l’espèce, est rempli le critère de l’objet prévu par l’alinéa a) de la définition de « frais d’exploration au Canada » au paragraphe 66.1(6) de la Loi, ce qui signifie que les frais en cause ont été engagés aux fins d’exploration. L’acquisition des données sismiques, le travail effectué par M. Ringdahl de retraitement des données, d’établissement de profils sismiques avec les géologues et de mise à jour de ces profils avec les renseignements disponibles, d’évaluation des ventes de terrains effectuées par le gouvernement du Manitoba et de préparation d’offres dans le contexte de telles ventes, ainsi que le forage du puits Daly, étaient autant d’activités d’exploration menées pour le compte de la coentreprise.

 

[80]        Le fait que, bien que l’entente de coentreprise ait compté 22 signataires, 30 personnes ont demandé des déductions fiscales parce qu’il y avait d’autres personnes derrière les investisseurs d’origine, en dépit du fait qu’aucun prête‑nom n’était autorisé, ne constitue pas un indice de la réalité d’un trompe‑l’œil. Il s’agit plutôt d’un indice du fait que certaines personnes n’étaient pas légalement membres de la coentreprise et que ces personnes n’avaient pas droit aux déductions. Le ministre aurait simplement dû refuser à ces personnes les déductions fiscales après s’être assuré que l’offre de participation à la coentreprise avait été effectuée conformément aux lois sur les valeurs mobilières de l’Alberta.

 

[81]        La Couronne a soutenu que les évaluations que M. Sapieha avait obtenues n’étaient pas de vraies évaluations parce qu’elles avaient été préparées après l’acquisition des données sismiques. La définition de la juste valeur marchande des données sismiques est une question d’expertise et il ressort des éléments de preuve que M. Sapieha a reçu des évaluations verbales le 31 décembre 1993, lesquelles ont été confirmées en janvier 1994 quand il a reçu les évaluations formelles.

 

[82]        La Couronne a soutenu que M. Ringdahl, en tant qu’investisseur dans la coentreprise, a tenu pour acquis que le seul risque inhérent à son investissement était la perte de ses déductions fiscales. Il ne s’est jamais attendu à devoir rembourser le capital du billet à ordre ou à devoir payer les intérêts y afférents. Je ne considère pas qu’il s’agisse d’un élément d’un trompe-l’œil, étant donné que les billets à ordre ont été conçus comme un moyen de financement sans recours.

 

[83]        La Couronne a considéré que le rôle joué par Compton Petroleum Corporation était un élément de trompe-l’œil parce que Compton Petroleum Corporation avait gratuitement accès aux données sismiques et qu’elle a mené les activités d’exploration sans révéler que la coentreprise avait un intérêt de 50 % dans ces activités.

 

[84]        Il ressort des éléments de preuve que M. Sapieha était l’âme dirigeante de toutes les entreprises Compton, y compris de Compton Resource Corporation, de Compton Petroleum Corporation, de 507326 et de la coentreprise. Toutes ces entreprises étaient exploitées à partir des mêmes bureaux. Il ressort également des éléments de preuve que Compton Petroleum Corporation et 507326, agissant pour le compte de la coentreprise, n’avaient signé aucun accord écrit permettant à Compton Petroleum Corporation de mener des activités d’exploration pour le compte de la coentreprise. Les conditions financières de l’entente étaient inconnues, exception faite de la question du partage des frais d’exploration en parts égales.

 

[85]        En ce qui concerne l’accès aux données sismiques, il ressort des éléments de preuve que Compton Petroleum Corporation a été ajoutée à la liste des mandants auxquels il était fait référence dans la convention de gestion et de vente des données que Carlyle et Seitel ont signée, de manière à permettre à Compton Petroleum Corporation d’utiliser les données sismiques en collaboration avec la coentreprise. Il ressort des éléments de preuve que Compton Petroleum Corporation avait le droit d’utiliser les données sismiques gratuitement.

 

[86]        C’est Compton Petroleum Corporation qui a mené toutes les activités d’exploration de la coentreprise pour le compte de celle‑ci, et ce, en dépit de l’absence de tout accord écrit définissant les conditions de l’entente. Les frais relatifs à de telles activités d’exploration ont été partagés également, exception faite des frais d’acquisition des données sismiques et des frais de consultation de M. Ringdahl et de M. Denike, que la coentreprise a payés en totalité. D’après les déclarations de M. Sapieha et de M. Ringdahl, la pratique normale de l’industrie consiste à ne mentionner que le nom de l’exploitant sur une licence de puits et sur les baux immobiliers relatifs à des activités d’exploration.

 

[87]        Il ressort des éléments de preuve qu’aucun budget d’exploration n’avait été présenté aux participants à la coentreprise. Il convient de reconnaître qu’il aurait été difficile, voire impossible, de préparer un budget d’exploration avant que la coentreprise n’ait eu l’occasion d’examiner les données sismiques et d’évaluer le potentiel d’exploration. On avait l’intention d’utiliser les revenus tirés de l’octroi de licences d’utilisation des données sismiques afin de financer les activités d’exploration de la coentreprise. Les fonds disponibles à des fins d’exploration pour les années d’imposition 1994, 1995 et 1996 s’élevaient à 394 000 $, à 390 000 $ et à 210 000 $ respectivement. Le 15 février 1996, Compton Petroleum Corporation a signé une autorisation de dépenser de 154 150 $ en vue du forage du puits Daly (pièce R-6). Les participants à ce programme d’exploration étaient Compton Petroleum Corporation et 507326, chacune détenant une participation directe de 50 %. Il n’est pas inutile de signaler que la coentreprise détenait également un droit de 50 % sur environ 80 baux d’exploitation minière qu’elle avait acquis pendant la période allant de 1994 à 2000, et que ces baux d’exploitation minière ont été cédés à Compton Petroleum Corporation en 2001 afin que soit remboursée à cette dernière la somme de 324 000 $ au titre des dépenses qu’elle avait engagées au profit de la coentreprise.

 

[88]        Compte tenu des éléments de preuve, je ne puis retenir la thèse de la Couronne selon laquelle la création de la coentreprise et les opérations qu’ont effectuées la coentreprise et Compton Petroleum Corporation pour le compte de cette dernière n’étaient que de simples façades visant à induire le ministre en erreur. Les droits et les obligations juridiques que les opérations en question ont créés n’étaient pas différents des droits et des obligations juridiques réels des parties. La méthode employée pour présenter les états financiers de la coentreprise n’est pas pertinente dans les circonstances parce que la question qui nous intéresse n’exige pas d’établir si la coentreprise était bien une entité pétrolière et gazière d’un point de vue comptable ou si les revenus tirés de l’octroi de licences d’utilisation des données sismiques avaient trait aux activités d’exploration de la coentreprise ou à une entreprise distincte. Les états financiers de la coentreprise étaient des états financiers audités sans réserve. En tant que tels, ils étaient exacts et fiables.

 

[89]        Par les motifs susmentionnés, les appels que l’appelant a interjetés à l’égard des années d’imposition 1993, 1994, 1995, 1998 et 1999 sont accueillis avec dépens, et les nouvelles cotisations datées du 1er mai 1997 et du 29 octobre 2001 sont annulées.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de juin 2014.

 

 

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 

 

 

Traduction certifiée conforme,

ce 4e jour de février 2015.

 

 

François Brunet, réviseur

 

 


RÉFÉRENCE :                                 2014 CCI 30

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :   98-1659(IT)G

 

INTITULÉ :                                      Allan McLarty c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Calgary (Alberta)

 

DATES DE L’AUDIENCE :            Les 28, 29, 30 et 31 mai et 1er, 4, 5, 6 et 7 juin 2012 et les 14 et 15 janvier 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge Réal Favreau

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 18 juin 2014

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l’appelant :

Me Jehad Haymour

Me Sophie Virji

Me Dan Mitsuka

 

Avocats de l’intimée :

Me Josée Tremblay

Me Shane Aikat

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                   Noms :                           Jehad Haymour

                                                          Sophie Virji

                                                          Dan Mitsuka

 

                  Cabinet :                         Dentons Canada LLP

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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