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Dossier : 2007-4061(IT)G

ENTRE :

SRI HOMES INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu les 16 et 17 septembre 2013 ainsi que le 15 mai 2014
à Kelowna (Colombie-Britannique)

Devant : L’honorable juge David E. Graham


Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me Kenneth J. Ihas

Avocat de l’intimée :

Me Bruce Senkpiel

 

JUGEMENT

L’appel est accueilli, avec dépens, et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, étant entendu que l’appelante a subi des pertes autres qu’en capital supplémentaires de 411 830 $ dans son année d’imposition se terminant le 30 avril 2001.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de juin 2014.

« David E. Graham »

Juge Graham

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de septembre 2014.

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


Référence : 2014 CCI 180

Date : 20140605

Dossier : 2007-4061(IT)G

ENTRE :

SRI HOMES INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Graham

[1]             Dans les années en question, l’appelante fabriquait et vendait des maisons préfabriquées. En avril 2001, en prévision de la vente de ses actions à une tierce partie appelée R&M Frontier Holdings Corporation (« R&M »), l’appelante a disposé d’un certain nombre de ses éléments d’actif en faveur d’une entreprise liée. Deux de ces éléments d’actif étaient des prêts d’actionnaire consentis à des filiales. L’appelante a déduit des pertes autres qu’en capital liées à la disposition de ces prêts d’actionnaire dans son année d’imposition se terminant le 30 avril 2001. L’appelante a reporté rétrospectivement ces pertes à son année d’imposition se terminant le 31 décembre 2000. Le ministre du Revenu national a établi en fin de compte une nouvelle cotisation par laquelle il a refusé les pertes et les reports rétrospectifs. L’appelante a présenté une demande de détermination de perte. Le ministre a conclu que les pertes autres qu’en capital que l’appelante avait subies dans son année d’imposition se terminant le 30 avril 2001 n’incluaient pas celles qu’elle avait déduites par suite de la disposition des prêts d’actionnaire. L’appelante a interjeté appel de la nouvelle cotisation ainsi que de la détermination de perte.

[2]             L’appel de l’appelante a été initialement entendu devant un juge différent, qui s’est prononcé en faveur de l’intimée. En appel, la Cour d’appel fédérale a ordonné la tenue d’un nouveau procès devant un juge différent.

Les questions en litige

[3]             Il y a deux questions en litige dans le présent appel. Étant donné que l’appelante et l’entreprise qui a acheté les prêts étaient liées, la disposition des prêts est réputée avoir eu lieu à leur juste valeur marchande. La première question à trancher dans le cadre du présent appel consiste à savoir quelle était la juste valeur marchande des prêts d’actionnaire le 30 avril 2001. Si cette juste valeur marchande était inférieure à la valeur nominale des prêts, l’appelante aurait subi des pertes. La seconde question en litige est celle de savoir si les pertes subies étaient imputables au revenu ou au capital.

Les témoins

[4]             Robert Adria a témoigné pour l’appelante. M. Adria est un comptable agréé et un homme d’affaires qui s’est joint à l’appelante en 1992, à titre de directeur financier. À l’époque des opérations en cause, il était le chef de l’exploitation de l’appelante, et il est actuellement administrateur de cette dernière[1]. M. Adria est devenu un actionnaire indirect de l’appelante en 2003 dans le cadre d’un rachat de l’entreprise par les cadres. Il possède indirectement environ 25 % de l’appelante. Sous réserve du seul point décrit au paragraphe 15 qui suit, j’ai conclu que M. Adria était un témoin digne de foi.

[5]             Brian Holterhus a lui aussi témoigné pour l’appelante. À l’instar de M. Adria, M. Holterhus est un comptable agréé et un homme d’affaires, et il est actuellement administrateur de l’appelante. M. Holterhus a travaillé comme contrôleur de l’appelante de 1993 à 1997. Il a ensuite été embauché auprès d’une filiale de R&M. À l’époque des opérations en cause, il était président et chef de la direction de cette filiale, ainsi qu’administrateur de R&M. Durant le temps qu’il a passé chez R&M, M. Holterhus a acquis une vaste expérience de la promotion immobilière dans le secteur résidentiel et commercial. Il a été le principal négociateur de R&M pour l’achat des actions de l’appelante. Il est devenu administrateur de l’appelante immédiatement après l’achat des actions. Il est devenu actionnaire de l’appelante en 2003, à la suite du rachat de l’entreprise par les cadres. Il possède, directement ou indirectement, environ 25 % de l’appelante. Sous réserve du seul point décrit au paragraphe 15 qui suit, j’ai conclu que M. Holterhus était un témoin digne de foi.

[6]             L’intimée n’a appelé aucun témoin.

Les faits

[7]             En 2001, l’appelante était une filiale en propriété exclusive de NorTerra Inc. (« NorTerra »), qui était une société de portefeuille pour un certain nombre de placements différents. La principale activité de l’appelante était la construction de maisons préfabriquées. Elle possédait trois usines employant de 400 à 500 travailleurs. Sauf quelques exceptions qui ne sont pas pertinentes pour les besoins de l’appel, l’appelante vendait ses maisons exclusivement à des concessionnaires qui les vendaient ensuite à des clients. L’appelante a tiré des revenus d’environ 60 M$ de la vente de maisons préfabriquées en 2001. Elle exploitait également cinq entreprises de concessionnaires de maisons préfabriquées à divers endroits en Colombie‑Britannique et en Alberta et elle était également active dans un certain nombre de parcs de maisons préfabriquées, à titre de propriétaire ou de copropriétaire (l’« entreprise de parcs »). La plupart des parcs de maisons préfabriquées qui constituaient l’entreprise de parcs appartenaient directement à l’appelante, mais deux d’entre eux étaient détenus par l’intermédiaire de sociétés appelées Valley Vista Seniors Park Inc. (« Valley ») et Lakeside Pines Development Inc. (« Lakeside »).

[8]             L’appelante possédait le tiers des actions de Valley. Cette entreprise avait été constituée en 1992 environ par trois actionnaires : un propriétaire foncier qui voulait exploiter son terrain, l’un des concessionnaires de l’appelante qui voulait vendre des maisons préfabriquées, et l’appelante. Chaque partie a reçu une part d’un tiers des actions ordinaires de Valley, à un prix d’achat total de 700 $ chacune. Les actionnaires ont convenu que le propriétaire foncier fournirait le terrain, que le concessionnaire se chargerait du financement et des ventes et que l’appelante fournirait à la fois les services de financement et de gestion globale. Le terrain a été divisé en 183 emplacements. Le plan consistait à louer chacun de ces emplacements à des clients et à exiger que ces derniers achètent du concessionnaire l’une des maisons préfabriquées de l’appelante. Le propriétaire foncier a fourni le terrain à Valley en échange d’actions privilégiées. Le concessionnaire a effectué un prêt d’actionnaire initial de 100 000 $. L’appelante a effectué un prêt d’actionnaire initial de 200 000 $.

[9]             L’appelante détenait 50 % des actions de Lakeside. Cette entreprise a été constituée en 1992 ou en 1993 par l’un des concessionnaires de l’appelante ainsi que par cette dernière. Chaque partie a reçu la moitié des actions de Lakeside, à un prix d’achat total de 1 $ chacune. Lakeside a mis en valeur des lots et les a vendus à des particuliers, de pair avec l’une des maisons préfabriquées de l’appelante. Le concessionnaire et l’appelante ont accordé à Lakeside des prêts d’actionnaire d’un montant égal.

[10]        À la fin de 2000, NorTerra a décidé qu’elle voulait vendre l’appelante. R&M avait une entreprise de maisons préfabriquées qui aurait été très compatible avec celle de l’appelante. NorTerra a fait des démarches auprès de R&M afin de savoir si ses propriétaires désiraient acheter l’appelante. NorTerra a tenu à ce que la vente, s’il y en avait une, soit structurée sous la forme d’une vente d’actions. Le prix initial que NorTerra a offert était d’environ 15 M$. Une copie des calculs par lesquels NorTerra est arrivée à ce prix initial a été produite en preuve[2].

[11]        Après avoir reçu l’offre initiale de NorTerra, R&M a entrepris un processus de contrôle préalable. M. Holterhus a déclaré que, dans le cadre de ce processus, il a établi des documents de travail au moyen desquels il a calculé la valeur, selon R&M, des éléments d’actif de l’entreprise de parcs, ce qui incluait les actions et les prêts d’actionnaire de Valley et de Lakeside (collectivement, les « éléments d’actif de l’entreprise de parcs ») ainsi que les éléments d’actif de l’entreprise de concessionnaires de l’appelant[3]. D’après ses calculs, les éléments d’actif de l’entreprise de parcs valaient environ 2,5 M$. À la suite de ce processus de contrôle préalable, R&M a décidé en fin de compte qu’elle ne désirait pas acheter les éléments d’actif de l’entreprise de parcs.

[12]        NorTerra a convenu de transférer les éléments d’actif de l’entreprise de parcs de l’appelante à une autre filiale avant que les actions de l’appelante soient vendues à R&M. Les parties ont convenu que le prix d’achat de ces actions, sans les éléments d’actif de l’entreprise de parcs, serait de 10 M$[4]. NorTerra et R&M ont signé une lettre d’intention à cet effet.

[13]        Conformément à l’entente des parties, NorTerra a constitué en société une filiale en propriété exclusive appelée 3556514 Canada Ltd. (« 514 »). Le 30 avril 2001, 514 a acheté la totalité des éléments d’actif de l’entreprise de parcs au prix de 4 430 366 $.

[14]        Le 1er mai 2001, NorTerra a vendu les actions de l’appelante à R&M. La totalité du produit de la vente des éléments d’actif de l’entreprise de parcs a été retirée de l’appelante par voie de dividende avant la vente des actions.

[15]        Selon MM. Holterhus et Adria, à un certain moment entre l’offre initiale de 15 M$ et l’entente ultime de 10 M$, il y a eu des négociations préliminaires qui ont fait baisser le prix d’achat de 15 M$ à une somme d’environ 14 M$. Ils ont déclaré que NorTerra et R&M avaient convenu que la juste valeur marchande des éléments d’actif de l’entreprise de parcs était de 4 430 366 $. L’idée que les témoins tentaient de faire valoir était que les parties avaient convenu que la juste valeur marchande de SRI, en incluant les éléments d’actif de l’entreprise de parcs, était d’environ 14 M$ et qu’une fois que l’on soustrayait ces éléments d’actif (d’une valeur de 4 430 366 $), le prix tombait à 10 M$. Aucune preuve documentaire n’a été produite à l’appui de l’une quelconque de ces positions. Les documents de travail qui ont été produits en preuve n’étayent pas l’idée selon laquelle une évaluation de 14 M$ a été calculée ou convenue à quelque moment que ce soit. En contre-interrogatoire, M. Holterhus n’a pas pu expliquer convenablement d’où venait le chiffre de 14 M$ ni pourquoi NorTerra aurait convenu que la juste valeur marchande des éléments d’actif de l’entreprise de parcs s’élevait à 4 430 366 $, alors que son évaluation interne en fixait la valeur à environ 2,5 M$. Je ne souscris pas aux témoignages de MM. Adria et Holterhus sur ces points. Je conclus que le prix d’achat initial que NorTerra a offert était de 15 M$, qu’un prix de 14 M$ n’a jamais été l’objet d’une négociation quelconque, et que même si NorTerra et R&M ont pu convenir d’un prix de 4 430 366 $ pour les éléments d’actif de l’entreprise de parcs, ce prix n’a pas été déterminé à la suite de négociations serrées entre elles.

L’évaluation des prêts d’actionnaire

[16]        À l’époque de la vente des éléments d’actif de l’entreprise de parcs, le prêt d’actionnaire que l’appelante avait consenti à Valley avait augmenté à 1 316 946 $, et ce montant incluait des avances supplémentaires, des intérêts non payés, des honoraires de gestion et des recouvrements de dépenses, et le prêt d’actionnaire que l’appelante avait consenti à Lakeside avait augmenté à 427 680 $, ce qui incluait des intérêts non payés, des honoraires de gestion et des recouvrements de dépenses.

[17]        Sur le prix d’achat de 4 430 366 $ pour les éléments d’actif de l’entreprise de parcs, la somme de 1 332 797 $ a été affectée aux prêts d’actionnaire : 356 602 $ au prêt de Lakeside et 976 195 $ au prêt de Valley. Le ministre n’a pas contesté la répartition du solde du prix d’achat entre les éléments d’actif restants de l’entreprise de parcs et n’a pas mis en doute la manière dont la disposition de ces éléments d’actif avait été déclarée.

[18]        Le prix d’achat de 1 332 797 $ pour les prêts d’actionnaire était inférieur de 411 830 $ à la valeur comptable des prêts : 71 078 $ de moins que la valeur comptable du prêt dans le cas de Lakeside et 340 751 $ de moins que la valeur comptable du prêt dans le cas de Valley. Cette différence de 411 830 $ représente le montant total des pertes qui est en litige[5].

[19]        L’appelante prétend que les montants que 514 a payés pour les prêts représentent la juste valeur marchande. L’intimée n’a produit aucune preuve concernant la juste valeur marchande des prêts d’actionnaire, et elle a plutôt décidé de s’appuyer sur son hypothèse de fait, à savoir que la juste valeur marchande était égale à la valeur comptable.

[20]        Dans les documents de travail qu’il a établis lors des négociations de R&M avec NorTerra, M. Holterhus a évalué les prêts d’actionnaire consentis à Valley à un montant de 960 000 $ et le prêt d’actionnaire consenti à Lakeside à un montant de 237 500 $[6]. M. Holterhus n’a pas été reconnu à titre de témoin expert. Il est toutefois un comptable agréé qui, à l’époque où il avait établi son évaluation dans les documents de travail, connaissait bien l’entreprise de SRI (ayant travaillé antérieurement pour l’appelante), les techniques d’évaluation immobilière, les détails du marché immobilier dans certains des secteurs où étaient situés les éléments d’actif de l’entreprise de parcs, de même que le secteur des maisons préfabriquées en général. Il s’était rendu à chacun des endroits qui constituaient les éléments d’actif de l’entreprise de parcs et avait posé des questions détaillées sur leur fonctionnement. L’appelante lui avait communiqué ouvertement des renseignements détaillés sur les éléments d’actif de l’entreprise de parcs. Plus important encore, à l’époque où M. Holterhus établissait ses documents de travail, R&M était en pleine négociation avec NorTerra, une partie sans lien de dépendance, en vue de l’acquisition éventuelle des éléments d’actif de l’entreprise de parcs, ce qui veut dire que M. Holterhus avait de bonnes raisons pour établir une évaluation exacte. Compte tenu de tout ce qui précède, je conclus que les calculs de M. Holterhus prouvent de manière appropriée ce qu’un acheteur sans lien de dépendance (R&M en  l’occurrence) aurait été prêt à payer pour les éléments d’actif de l’entreprise de parcs en avril 2001.

[21]        La valeur du prêt consenti à Valley dont l’appelante s’est servie en fin de compte était supérieure de 16 195 $ à celle que M. Holterhus avait établie[7]. En raison de cette différence, l’appelante a disposé de pertes d’un montant inférieur à celui des pertes qui auraient été disponibles si l’on avait utilisé le chiffre calculé par M. Holterhus. Dans le même ordre d’idées, l’évaluation du prêt consenti à Lakeside dont l’appelante s’est servie en fin de compte excédait d’un montant de 119 102 $ la valeur que M. Holterhus avait calculée[8]. À cause de cette différence, l’appelante disposait de pertes d’une valeur inférieure à celles qu’elle aurait pu déduire si le chiffre de M. Holterhus avait été retenu. Comme l’utilisation de ces valeurs supérieures porte préjudice à la position de l’appelante, je ne considère pas que ces différences minent les calculs de M. Holterhus.

[22]        Par ailleurs, il ressort de nombreux éléments de preuve que Valley et Lakeside éprouvaient toutes deux des difficultés financières en avril 2001. Je conclus que ces éléments de preuve étayent les conclusions de M. Holterhus quant à la valeur des prêts.

[23]        M. Adria a déclaré qu’au moment de la vente, les chances qu’avait l’appelante d’obtenir le remboursement intégral du prêt d’actionnaire consenti à Valley étaient mauvaises. Les ventes de maisons préfabriquées dans le secteur entourant le lotissement de Valley étaient faibles, tout comme les ventes de maisons dans le lotissement. Environ le tiers des emplacements étaient vacants et, à en juger par le rythme auquel les maisons se vendaient, il faudrait encore dix ans avant de combler les emplacements. Valley ne tirait pas assez de liquidités de ses activités de location pour supporter les intérêts sur les prêts. La dette totale de Valley, y compris les prêts d’actionnaire, les actions privilégiées (qui étaient, tout compte fait, la même chose qu’une dette en raison d’une entente conclue entre les actionnaires) et la dette bancaire, excédait la valeur de ses éléments d’actif. Valley avait essayé de vendre le bien, mais avait eu de la difficulté à attirer un acheteur qui s’intéresserait à un lotissement partiellement rempli. Valley avait reçu une offre à un prix intéressant au cours de l’année précédente, mais les autres conditions de cette offre étaient inacceptables[9]. De plus, l’actionnaire qui avait fourni au départ le terrain à Valley avait des problèmes de santé et ses enfants, qui s’occupaient de ses affaires, avaient commencé à effectuer toutes les communications par l’entremise de leur avocat.

[24]        Valley a continué à perdre de l’argent après la vente des éléments d’actif, mais, en octobre 2002, un acheteur non sollicité en a fait l’acquisition. La totalité des prêts d’actionnaire a été remboursée, les actions privilégiées ont été rachetées et il est resté de l’argent supplémentaire qui a été partagé entre les parties. 514 a convenu de renoncer à des intérêts accumulés d’environ 55 000 $, mais elle a reçu des dividendes d’environ 80 000 $ à 90 000 $ sur l’argent supplémentaire qui restait. Cette opération a eu pour effet net que 514 en a retiré un montant se situant entre 25 000 $ et 35 000 $. M. Adria a attribué le changement de valeur de l’entreprise à la présence d’un acheteur singulièrement motivé, à un changement de gouvernement provincial, à une amélioration de l’économie de la région ainsi qu’à un meilleur accès par avion à la collectivité où le lotissement était situé. Je conviens que ces facteurs auraient une incidence sur le prix d’achat. Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas disposé à prendre en compte cette vente ultérieure en vue de déterminer la juste valeur marchande des prêts en 2001.

[25]        M. Adria a déclaré qu’au moment de la vente, les chances qu’avait l’appelante d’obtenir le remboursement intégral du prêt d’actionnaire consenti à Lakeside étaient mauvaises elles aussi. Aucun lot n’avait été vendu au cours des quatre mois précédents et, dans le secteur en général, les ventes n’allaient pas bien. L’autre actionnaire était très pessimiste quant aux perspectives du lotissement. Les prêts d’actionnaire excédaient la valeur des éléments d’actif de Lakeside. L’autre actionnaire et l’appelante avaient convenu de renoncer aux intérêts sur leurs prêts depuis le mois de janvier 2000[10]. Je signale toutefois que les problèmes de Lakeside que M. Adria a décrits ne semblent pas être aussi sérieux que ceux qu’il a décrits dans le cas de Valley. Il n’y avait aucune dette bancaire et les actionnaires s’entendaient entre eux. Je reconnais que, lorsque Lakeside a finalement été vendue à une tierce partie environ trois ans plus tard, 514 a obtenu pour son prêt moins que ce qu’elle avait payé pour acheter le prêt à l’appelante, mais, vu le temps qui s’est écoulé entre ces deux faits, je n’ai pas pris en compte cette vente ultérieure en vue de déterminer la juste valeur marchande des prêts en 2001.

[26]        L’intimée a fait valoir que la valeur que M. Holterhus a calculée pour les prêts d’actionnaire n’a été ni négociée avec NorTerra ni acceptée par cette dernière. Je reconnais ce fait. Cependant, la valeur du prêt consenti à Valley que M. Holterhus a calculée était la même que la valeur initialement proposée par NorTerra et la valeur du prêt consenti à Lakeside que M. Holterhus a calculée ne s’élevait qu’à 112 500 $ de moins que la valeur initiale proposée par NorTerra. Cela signifie qu’au cours des négociations menées entre parties sans lien de dépendance, il n’y avait entre celles‑ci qu’un écart de 112 500 $ pour ce qui était de la valeur de deux prêts dont la valeur nominale totale était de plus de 1,7 M$. Selon moi, une différence d’environ 6 % n’est pas un écart important, d’autant plus qu’à cause de cette différence, l’appelante a déduit des pertes moins élevées que celles qu’elle aurait pu déduire par ailleurs.

[27]        L’intimée a également fait valoir qu’il y avait une différence très marquée entre la valeur de 2,5 M$ que M. Holterhus a attribuée aux éléments d’actif de l’entreprise de parcs et le prix d’achat de 4 430 366 $ qui a été utilisé en fin de compte quand 514 a fait l’acquisition de ces éléments d’actif. Je suis d’accord. Cependant, la part de la différence que l’on peut attribuer aux prêts d’actionnaire en question n’est que les montants de 16 195 $ et de 119 102 $ que j’ai décrits au paragraphe 21 qui précède. Le solde de la différence est lié aux éléments d’actif restants. Le ministre n’a pas contesté la valeur attribuée à ces éléments, de sorte que je ne considère pas que la différence de valeur de ces éléments est pertinente, pas plus qu’elle ne mine la valeur que M. Holterhus a par ailleurs déterminée.

[28]        L’intimée a souligné que, dans l’entente de vente des éléments d’actif, l’appelante a qualifié la différence entre la valeur nominale des prêts et le prix de vente de [traduction] « provision pour créances douteuses[11] ». Je reconnais ce fait, mais je n’accorde aucune importance à la description. Il n’en demeure pas moins que l’appelante n’a pas vraiment déduit une provision pour créances douteuses, soit dans ses propres documents financiers, soit dans sa déclaration de revenus. L’appelante a vendu les prêts et a déduit la perte qui en a résulté. La question en litige consiste à savoir si le prix de vente correspondait à la juste valeur marchande. La façon dont l’appelante a décrit la perte dans l’entente de vente des éléments d’actif n’est pas pertinente.

[29]        L’intimée a également insisté sur le fait que le montant des pertes est fort semblable à la part proportionnelle de l’appelante en ce qui concerne les déficits de Valley et de Lakeside[12]. L’intimée a considéré que l’appelante tentait ainsi de [traduction] « passer en charges les bénéfices négatifs non répartis de son investissement » dans Valley et Lakeside. M. Adria a déclaré que l’appelante n’a rien fait de tel. Il a également passé en revue avec moi les livres et les registres de l’appelante et a montré qu’aucune mesure de ce genre n’avait été prise. L’intimée n’a appelé aucun témoin sur ce point et n’a offert guère plus qu’une hypothèse pour contrer le témoignage de M. Adria. J’ai de la difficulté à saisir, d’un point de vue comptable, comment l’on pourrait passer en charge un déficit. Dans le pire des cas, la similitude des chiffres dénote que l’appelante s’est servie des déficits comme moyen approximatif d’évaluer les prêts, et non qu’elle a passé en charge ces déficits d’une manière quelconque.

[30]        En résumé, même si la preuve que l’appelante a produite n’est nullement idéale, je conclus que l’évaluation que M. Holterhus a faite lors des négociations est une preuve de valeur suffisante pour démolir l’hypothèse de fait du ministre. Il n’est pas nécessaire que je conclue que les chiffres de M. Holterhus représentent les justes valeurs marchandes appropriées, ou que c’est le cas pour les chiffres que l’appelante a utilisés. Il n’est pas nécessaire que je détermine de manière exacte la juste valeur marchande des prêts. Il me suffit de conclure que la juste valeur marchande des prêts n’était pas supérieure aux montants que l’appelante a déduits. Au vu de l’ensemble de la preuve, c’est à cette conclusion que j’arrive et j’en déduis donc que l’appelante a subi des pertes de 411 830 $ au moment de la disposition des prêts d’actionnaire.

Une perte en capital ou une perte autre qu’en capital

[31]        Ayant conclu que l’appelante a subi des pertes lorsqu’elle a disposé des prêts d’actionnaire, il me faut maintenant décider si ces pertes étaient des pertes en capital ou des pertes autres qu’en capital.

[32]        Les deux parties m’ont renvoyé aux paragraphes 15 à 17 de l’arrêt Easton v. The Queen, 97 DTC 5464 de la Cour d’appel fédérale :

[15]      En guise d’énoncé général, il est raisonnable de conclure qu’une avance faite par un actionnaire à une société ou une dépense faite par un actionnaire au nom d’une société sera considérée comme un prêt consenti dans l’intention de fournir un fonds de roulement à cette société. Dans le cas où le prêt n’est pas remboursé, la perte est réputée être une perte en capital pour l’une ou l’autre des deux raisons suivantes. Le contribuable a consenti le prêt soit pour en retirer un revenu continu, ce qui est typique d’un investissement, soit pour permettre à la société d’exploiter son entreprise de manière à procurer à l’actionnaire un avantage durable sous forme de dividendes ou grâce à une augmentation de la valeur des actions. Comme la loi présume que l’acquisition a été faite dans le but de faire un placement, il ne semble que trop raisonnable de supposer que la perte découlant d’une avance ou d’une dépense faite par un actionnaire est également une perte en capital. […]

[16]      Il existe deux exceptions reconnues au principe général que des pertes semblables à celles dont il vient d’être question sont des pertes en capital. Premièrement, il se peut que le contribuable soit en mesure de démontrer que le prêt a été consenti dans le cours normal des activités de son entreprise. L’exemple classique est celui du contribuable/actionnaire qui est dans l’entreprise de prêt d’argent ou d’octroi de garanties. Cette exception s’applique toutefois aussi aux situations dans lesquelles l’avance ou la dépense a été faite dans un but productif de revenu lié à la propre entreprise du contribuable et non à celle de la société dont le contribuable est actionnaire. À titre d’exemple, dans l’affaire Berman, L., & Co. Ltd. v. M.N.R., [1961] CTC 237 (C. de l’É.), la société contribuable avait volontairement effectué des paiements aux fournisseurs de sa filiale afin de protéger sa clientèle. La filiale avait manqué à ses obligations et comme la contribuable avait traité avec les fournisseurs, elle désirait continuer de le faire plus tard. (La Cour suprême a cité et paru approuver la décision Berman dans l’arrêt Stewart & Morrison Ltd. c. M.R.N., [1974] R.C.S. 477, à la page 479.)

La deuxième exception est exposée dans l’arrêt Freud. Lorsqu’un contribuable possède des actions dans une société non pas comme un placement, mais comme un actif commercial, la perte résultant d’une dépense accessoire, y compris un paiement effectué à l’occasion d’une garantie, sera imputable au compte de revenu. Cette exception s’applique aux personnes qui sont considérées comme des négociants en actions. […]

[Non souligné dans l’original.]

[33]        L’appelante souhaite invoquer la première exception énoncée dans l’arrêt Easton. Elle soutient que les deux aspects de cette exception s’appliquent à sa situation, en ce sens qu’elle a avancé les prêts d’actionnaire dans le cours des activités de son entreprise de prêt d’argent et qu’elle a avancé des fonds à Valley et à Lakeside non pas pour favoriser les entreprises de ces sociétés, mais plutôt pour créer un marché pour ses maisons préfabriquées.

L’appelante exploitait-elle une entreprise de prêt d’argent?

[34]        L’appelante avait une division des finances. Cette dernière offrait un certain nombre de types de financement :

a)       comptes clients : l’appelante offrait du financement sous la forme de comptes clients pour l’achat individuel, par ses concessionnaires, de maisons préfabriquées. Ce type de financement était habituellement nécessaire lorsqu’un concessionnaire avait acheté une maison à vendre à un client particulier, mais que celui-ci ne l’avait pas encore payé. Pour n’importe quel achat, un concessionnaire disposait d’un délai de dix jours pour payer avant que des intérêts commencent à courir. Les comptes clients de l’appelante s’élevaient en moyenne à un montant de 3 M$ à 5 M$ mais, à certains moments de l’année, le solde pouvait atteindre 12 M$. L’appelante gagnait des intérêts d’environ 300 000 $ par année sur ses comptes clients;

 

b)      financement sur stocks : l’appelante offrait du financement sur stocks à ses concessionnaires lorsque ces derniers n’étaient pas en mesure d’obtenir leur propre financement. L’appelante obtenait des  concessionnaires diverses formes de garantie, dont des conventions de garantie générales ainsi que des garanties personnelles;

 

c)       financement de fonds de roulement / financement initial : l’appelante offrait à certains de ses concessionnaires du financement de fonds de roulement ou du financement initial. Ce financement était différent du financement sur stocks en ce sens qu’il était axé sur des aspects des activités du concessionnaire autres que ses stocks;

 

d)      financement des clients : l’appelante ne cherchait pas activement à financer des clients. Cependant, à de rares occasions, l’appelante a détenu directement des créances de clients dans des cas où un concessionnaire avait manqué à ses obligations envers l’appelante dans le contexte de l’un des types de financement susmentionnés, et l’appelante avait donc été forcée de saisir les dettes des clients de ce concessionnaire.

 

[35]        Je conviens que les activités qui précèdent prouvent que l’appelante exploitait une entreprise de prêt d’argent. L’appelante soutient que les prêts d’actionnaire qu’elle a consentis à Valley et à Lakeside faisaient partie de cette entreprise. L’intimée concède que l’appelante exploitait une entreprise de prêt d’argent mais, fait-elle valoir, les prêts d’actionnaire qu’elle avait consentis à Valley et à Lakeside ne faisaient pas partie de cette entreprise. Je suis d’accord avec l’intimée.

[36]        Les facteurs qui font que l’entreprise de financement de l’appelante était une entreprise de prêt d’argent ne sont tout simplement pas présents dans le cas des prêts d’actionnaire. Il n’y avait aucune preuve que l’appelante prenait une garantie quelconque pour les prêts, et les montants d’intérêt qu’elle recevait sur ces derniers ne semblaient pas être pour elle un facteur important. En fait, dans le cas du prêt consenti à Valley, l’entente conclue entre les actionnaires de cette société prévoyait que les intérêts sur les prêts d’actionnaire et les dividendes sur les actions privilégiées seraient payés à la discrétion des administrateurs de Valley, et que les paiements d’intérêts ou de dividendes et les remboursements de prêt ou rachats d’actions privilégiées devaient être répartis au prorata entre les parties. Une personne active dans le domaine du prêt d’argent ne se mettrait pas dans une situation où la capacité qu’elle aurait de recevoir des intérêts ou un remboursement de capital serait assujettie au pouvoir discrétionnaire de deux autres personnes.

Les prêts d’actionnaire ont-ils été consentis dans un but lié à l’entreprise de l’appelante?

[37]        Ayant conclu que l’appelante n’a pas consenti les prêts d’actionnaire dans le cadre de son entreprise de prêt d’argent, il me faut maintenant examiner si elle les a consentis dans un but productif de revenus lié à sa propre entreprise, et non dans un but productif de revenus lié aux entreprises de Valley ou de Lakeside. L’intimée soutient que l’appelante a consenti ces prêts afin de permettre à Valley et à Lakeside de faire de l’argent. L’appelante fait valoir que l’objet tout entier des prêts était de lui permettre de faire de l’argent sur la vente de ses maisons préfabriquées. Je souscris à la position de l’appelante.

[38]        La jurisprudence en ce domaine a été analysée de manière exhaustive par la juge Campbell dans deux de ses décisions : Valiant Cleaning Technology Inc. c. La Reine, 2008 CCI 637 et Excell Duct Cleaning Inc. c. La Reine, 2005 CCI 776. Dans la décision Excell, la juge Campbell a résumé comme suit la jurisprudence au paragraphe 7 :

Dans Easton et al. c. The Queen, 51 DTC 5464, la Cour d’appel fédérale a affirmé le principe général selon lequel une avance faite par un actionnaire à une société ou au nom d’une société sera considérée comme un prêt consenti dans l’intention de fournir un fonds de roulement à cette société. Toute perte en résultant sera donc une perte en capital, puisque le prêt aura été consenti soit pour générer un flux de revenu soit pour acquérir un avantage durable. Cependant, dans l’arrêt Easton, précité, la Cour d’appel fédérale a reconnu certaines exceptions à ce principe général. Ainsi, entre autres exceptions, il y a le cas où le prêt a été consenti dans le cours normal des activités. Il a été reconnu que cette exception s’étendait aux cas où le prêt avait été consenti aux fins de produire un revenu dans le cadre de l’entreprise du contribuable (The Queen c. Lavigueur, 73 DTC 5538 et Paco Corporation c. The Queen, 80 DTC 6328). Constituent d’autres exemples de cette exception les cas où le prêt est consenti aux fins d’accroître la rentabilité de l’entreprise du contribuable (Williams Gold Refining Co. of Canada Limited c. The Queen, 2000 DTC 1829) et le cas où le prêt est consenti aux fins de protéger la survaleur existante de l’entreprise du contribuable (L. Berman & Co. Ltd. c. M.N.R., 61 DTC 1150).

[39]        Les parties ont passé en revue ces affaires avec moi. J’ai trouvé que les faits dont il était question dans la décision Paco étaient fort semblables à la situation de l’appelante et que la décision était très convaincante. Dans cette affaire, la contribuable fabriquait de la machinerie et du matériel servant à fabriquer des blocs de béton. La contribuable vendait avec succès ses produits en Amérique du Nord et elle voulait étendre ses ventes jusqu’en Europe. La seule façon de vendre avec succès ses produits était de recourir à une démonstration. La contribuable ne désirait pas se lancer dans une entreprise de fabrication de blocs de béton, mais elle avait besoin d’un fabricant pour pouvoir faire la démonstration de ses produits. Comme le produit n’était utilisé nulle part en Europe à cette époque-là, la contribuable a décidé d’établir une usine de démonstration et elle a constitué une société en France. La contribuable a pris 60 % des actions et les 40 % restants ont été détenus par des gens d’affaires locaux. La contribuable avait l’intention de vendre ses actions de l’entreprise aux autres actionnaires une fois que l’usine serait opérationnelle, mais elle prévoyait, comme condition à la vente, de conserver le droit d’amener des clients éventuels à l’usine. La contribuable avait prêté une somme d’argent considérable à l’entreprise. En fin de compte, elle n’avait pas réussi à vendre ses produits en Europe et avait subi une perte sur ses prêts. Elle avait déduit la perte à titre de perte autre qu’en capital, mais le ministre l’avait considérée comme une perte en capital. La Section de première instance de la Cour fédérale a conclu que la perte était une perte autre qu’en capital.

[40]        Dans le cas présent, la quasi-totalité des revenus de l’appelante découlait de la vente de ses maisons préfabriquées. L’appelante s’était engagée dans l’entreprise de parcs dans le but de vendre ses maisons, et non dans le but de posséder et d’exploiter un parc de maisons préfabriquées ou de spéculer sur la vente d’emplacements pour maisons préfabriquées. L’appelante ne concluait des ententes relatives à des parcs que dans les cas où les clients qui loueraient un emplacement ou qui achèteraient un lot dans ces parcs seraient tenus d’acheter l’une des maisons préfabriquées de l’appelante dans le cadre de l’achat ou de la location. Si l’intérêt de l’appelante était de louer ou de vendre des terrains, elle ne se serait pas souciée de l’origine des maisons préfabriquées qui étaient installées sur les lots. L’appelante vendait ses maisons à des concessionnaires, qui les revendaient aux clients qui avaient loué un emplacement ou acheté un lot. En participant ainsi aux parcs, l’appelante s’assurait que ses concessionnaires disposaient d’un marché pour ses produits et, de ce fait, qu’elle pouvait vendre plus de produits aux concessionnaires. De plus, en aidant les concessionnaires à conclure ces ventes, l’appelante augmentait les chances de viabilité financière des concessionnaires et les chances que ceux‑ci continuent de ce fait d’être en mesure de vendre d’autres maisons préfabriquées de l’appelante à d’autres clients. La stratégie de l’appelante était de vendre sa participation dans un parc déterminé lorsqu’il ne serait plus possible d’installer de nouvelles maisons dans le parc. Elle ne cherchait nullement à gagner un revenu locatif à long terme.

[41]        Les chances qu’avait l’appelante de tirer un revenu des lotissements de Valley et de Lakeside étaient considérables. M. Adria a déclaré que la facture moyenne pour une de leurs maisons préfabriquées était de 50 000 $. Il y avait 183 emplacements dans le lotissement de Valley[13]. Les revenus que l’appelante aurait pu tirer de la vente de maisons à son concessionnaire pour le lotissement de Valley étaient donc d’environ 9,15 M$. Il y avait 134 lots dans le lotissement de Lakeside[14]. Les revenus que l’appelante aurait pu tirer de la vente de maisons à son concessionnaire pour le lotissement de Lakeside étaient donc d’environ 6,7 M$. Certes, il y avait des revenus que Valley et Lakeside tireraient de la location des emplacements ou de la vente des lots, mais il y avait aussi des dépenses considérables qui étaient associées à la mise en valeur des parcs, à la préparation des emplacements et des lots à louer ou à vendre, à la location des emplacements ou à la vente des lots et, ensuite, à l’exploitation du parc.

[42]        L’avocat de l’intimée a attiré mon attention sur le fait que les états financiers vérifiés de l’appelante pour son exercice se terminant le 31 décembre 2000 décrit les prêts d’actionnaire comme des [traduction] « placements en actions[15] » et que l’appelante avait systématiquement qualifié les prêts qu’elle avait consentis à Valley et à Lakeside de prêts d’actionnaire et qu’elle n’avait commencé à les appeler des [traduction] « comptes clients » que dans son avis d’opposition et son avis d’appel modifié. Ce choix de termes donnait à penser que l’appelante considérait que les prêts étaient au titre du capital. Cela dit, j’ai accordé peu de poids à ce point, car, à mon sens, la nature et l’objet des prêts sont plus importants que le nom que l’appelante leur a donné.

[43]        L’avocat de l’intimée a également attiré mon attention sur la décision que le juge Bowie a rendue dans l’affaire Wescast Industries Inc. c. La Reine, 2010 CCI 538. À mon avis, cette décision ne change en rien l’état du droit que la juge Campbell a décrit. L’affaire Wescast peut être facilement distinguée de la situation de l’appelante. Dans l’affaire Wescast, la contribuable avait établi une filiale dans le but de tirer dans cette dernière un revenu de la même entreprise que la contribuable exploitait elle-même et, ensuite, sur l’avis de ses comptables et avocats, semblait s’être livrée à une planification fiscale rétroactive conçue pour requalifier l’objet des avances de fonds de roulement qu’elle avait faites à la filiale comme étant au titre du revenu. Comme il a été mentionné plus tôt, Valley et Lakeside exploitaient des entreprises tout à fait différentes de celle de l’appelante, et le but pour lequel l’appelante avait prêté de l’argent à ces entreprises n’a jamais changé.

[44]        Au vu de tout ce qui précède, je conclus que l’appelante a consenti les prêts d’actionnaire à Valley et à Lakeside dans le but de tirer un revenu de son entreprise de maisons préfabriquées et que, de ce fait, les pertes subies au moment de la disposition ultime de ces prêts étaient des pertes autres qu’en capital.

La conclusion

[45]        L’appel est donc accueilli avec dépens et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, étant entendu que l’appelante a subi des pertes autres qu’en capital supplémentaires de 411 830 $ dans son année d’imposition se terminant le 30 avril 2001.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de juin 2014.

« David E. Graham »

Juge Graham

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de septembre 2014.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 

 



RÉFÉRENCE :

2014 CCI 180

No DE DOSSIER DE LA COUR :

2007-4061(IT)G

INTITULÉ :

SRI HOMES INC. ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Kelowna (Colombie-Britannique)

DATES DE L’AUDIENCE :

Les 16 et 17 septembre 2013 et le 15 mai 2014

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge David E. Graham

DATE DU JUGEMENT :

Le 5 juin 2014

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelante :

Me Kenneth J. Ihas

Avocat de l’intimée :

Me Bruce Senkpiel

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

Kenneth J. Ihas

 

Cabinet :

Rush Ihas Hardwick s.r.l.

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

 



[1]           L’appelante a depuis changé sa dénomination pour Tessello Financial Corporation.

[2]           Pièce A-3, onglet 16.

[3]           Pièce A-3, onglets 1 à 4, 6 à 11, 14, 15 et 17.

[4]           Il y a eu une lettre d’intention initiale par laquelle les parties ont convenu d’un prix d’achat de 9,8 M$. Selon les dispositions de cette entente, l’appelante devait transférer à une société liée non seulement les éléments d’actif de l’entreprise de parcs mais aussi une concession de maisons préfabriquées située à Prince George, en Colombie‑Britannique. R&M a par la suite décidé qu’elle voulait la concession de Prince George, de sorte que l’entente a été modifiée et que le prix d’achat a été haussé à 10 M$. Ce point n’a aucune incidence en l’espèce.

[5]           Ces montants figurent à la pièce A-1, onglet 5, annexe « A ».

[6]           Pièce A-3, onglets 1, 2 (deuxième page) et 4.

[7]           Comparer la pièce A-3, onglet 1 à la pièce A-1, onglet 5, annexe « A ».

[8]           Comparer la pièce A-3, onglet 1 à la pièce A-1, onglet 5, annexe « A ».

[9]           L’unique preuve de cette autre offre était une note incluse dans les documents de travail de M. Holterhus : [traduction] « [u]ne offre de 4,8 M$ a été refusée pour le parc cette année en raison de conditions défavorables » (voir la pièce A-3, onglet 4). M. Holterhus n’était pas au service de l’appelante quand cette offre avait été reçue, de sorte qu’il n’en avait aucune connaissance personnelle. M. Holterhus n’avait eu connaissance de l’offre qu’au cours de discussions avec des représentants de l’appelante en 2001. À part le simple énoncé figurant dans ses documents de travail, il n’a pu se souvenir d’aucun détail concernant ces discussions. M. Adria a déclaré qu’aucune offre n’avait été reçue pour le bien. Il a dit cela avant que M. Holterhus trouve les documents figurant dans la pièce A‑3. En conséquence, je considère que le témoignage erroné de M. Adria est imputable aux 14 années qui se sont écoulées depuis que l’offre a été faite, et non à une intention d’induire la Cour en erreur.

[10]          Cette mesure était acceptable pour l’appelante, car les prêts d’actionnaire avaient été accordés à parts égales par les deux actionnaires. Il n’aurait pas été sensé de renoncer aux intérêts sur les prêts consentis à Valley parce que ceux-ci n’avaient pas été faits proportionnellement aux droits de propriété des actionnaires.

[11]          Voir la pièce A-1, onglet 5, annexe « A ».

[12]          La perte relative au prêt consenti à Valley s’élevait à 340 751 $. La part d’un tiers de l’appelante, relativement au déficit de Valley, en date du 30 avril 2001, était de 340 344 $ (voir la pièce R-2, onglet 18). La perte relative au prêt consenti à Lakeside s’élevait à 71 078 $. La part de 50 % de l’appelante quant au déficit de Lakeside était de 71 079 $ au 30 avril 2001 (voir la pièce R-2, onglet 18).

[13]          Pièce A-3, onglet 4.

[14]          Pièce A-3, onglet 2, page 2.

[15]          Pièce A-1, onglet 2.

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