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Dossier : 2013‑2570(IT)I

ENTRE :

LESLIE McDERMID,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu les 5 février et 18 juin 2014 à Vancouver (Colombie‑Britannique)

Par : L’honorable juge J. M. Woods


Comparutions :

Représentant de l’appelante :

 

M. Scott McDermid

Avocats de l’intimée :

Me Kristian DeJong

Me Amandeep Sandhu

 

JUGEMENT

LA COUR STATUE :

a) l’appel concernant la détermination relative au crédit d’impôt pour personnes handicapées établie au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu pour ce qui est du fils de l’appelante est accueilli et le dossier est renvoyé au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle détermination compte tenu du fait que l’appelante a droit à ce crédit d’impôt pour personnes handicapées à partir de l’année d’imposition 2008;

b) l’appel concernant la détermination relative au crédit d’impôt pour personnes handicapées établie au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu pour ce qui est de la fille de l’appelante est rejeté;

c) les parties supporteront leurs propres frais.

Signé à Toronto (Ontario), le 3 septembre 2014.

« J. M. Woods »

Juge Woods

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de février 2016

S. Tasset


Référence : 2014 CCI 264

Date : 20140903

Dossier : 2013‑2570(IT)I

ENTRE :

LESLIE McDERMID

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Woods

[1]             Le présent appel porte sur un crédit d’impôt pour personnes handicapées (CIPH) demandé par Leslie McDermid à l’égard de son fils et de sa fille qui ont reçu un diagnostic de trouble d’apprentissage. Au moment de l’audience, le fils avait 12 ans, la fille avait 8 ans, et ils fréquentaient tous deux une école privée pour enfants ayant des troubles d’apprentissage. Le ministre du Revenu national a refusé les demandes de CIPH par voie d’avis de détermination en date du 23 août 2012.

[2]             Mme McDermid est une ancienne enseignante Montessori qui a renoncé à ce travail en raison des besoins exceptionnels de ses quatre enfants. L’époux de Mme McDermid, Scott, travaille à temps partiel pour pouvoir l’aider. D’après le témoignage de la psychologue qui a évalué les troubles d’apprentissage des enfants, les McDermid sont des parents remarquables qui ont fourni un appui incroyable à leurs enfants.

[3]             Au cours de l’audience, qui été répartie sur deux jours, M. McDermid a représenté son épouse et a présenté le témoignage principal pour le compte de cette dernière. M. McDermid a également des troubles d’apprentissage et a été aidé à l’audience par Rick Moore, dont le fils a des troubles d’apprentissage.

[4]             La Couronne a convoqué par subpoena une psychologue, Mme Emily Piper, et un médecin, le Dr Richard Horner, qui avaient signé les certificats concernant le dossier.

Contexte

[5]             Le CIPH prévu à l’article 118.3 de la Loi de l’impôt sur le revenu est un crédit d’impôt qui a pour but de compenser les dépenses supplémentaires que les personnes ayant une déficience mentale ou physique grave sont normalement amenées à supporter.

[6]             En 2012, Mme McDermid a demandé un CIPH pour le motif que son fils et sa fille répondaient aux critères d’obtention du CIPH depuis leur naissance parce que leurs fonctions mentales étaient limitées de façon marquée.

[7]             Voici les exigences légales pertinentes :

a)     la déficience est grave,

b)    la déficience est prolongée, en ce sens qu’elle dure au moins 12 mois d’affilée,

c)     la personne en question est toujours ou presque toujours incapable d’exercer les fonctions mentales nécessaires aux activités de la vie courante ou ne peut le faire sans y consacrer un temps excessif,

d)    un médecin en titre ou un psychologue a attesté selon le formulaire prescrit que les conditions ci‑dessus sont remplies.

[8]             En l’espèce, il n’est pas contesté que le certificat a été fourni. Le fait de présenter un certificat à l’appui ne règle toutefois pas la question. La Cour doit également être convaincue que le certificat est exact.

Analyse

[9]             Commençons par présenter les principes généraux qu’il convient d’appliquer pour interpréter cette disposition, tels que le juge Bowman les a exposés dans la décision Radage v The Queen, 96 DTC 1615 (CCI). L’affaire Radage portait sur une version antérieure du CIPH, mais une bonne partie des observations formulées par l’ancien juge en chef sont toujours vraies. Les deux principes généraux suivants sont particulièrement pertinents ici :

-        les dispositions doivent être interprétées d’une manière libérale, humaine et compatissante et non pas d’une façon étroite et technique,

-                     la déficience doit être d’une gravité telle qu’elle affecte la vie de la personne au point où cette dernière est incapable d’accomplir les activités mentales permettant de fonctionner d’une manière autonome et avec une compétence raisonnable dans la vie quotidienne.

[10]        D’après les hypothèses de fait exposées dans la réponse, il semble que le ministre se soit fondé en grande partie sur des renseignements fournis par Mme Piper dans un formulaire supplémentaire. Conformément aux réponses de Mme Piper, le ministre a conclu que les enfants étaient capables d’exécuter des tâches mentales sauf lorsqu’ils étaient stressés. Le ministre a donc conclu que leurs fonctions mentales n’étaient pas toujours ou presque toujours gravement déficientes.

[11]        Au cours du contre‑interrogatoire de Mme Piper qu’a effectué M. Moore, celui‑ci a critiqué le formulaire sur lequel s’est fondé le ministre, et il a critiqué plus particulièrement le format « cases à cocher ». Au cours de l’interrogatoire, M. Moore a laissé entendre que le formulaire ne cadrait avec les aux circonstances en l’espèce, et qu’il n’a pas bien reflété les handicaps des enfants.

[12]        Pour illustrer l’argument de M. Moore, je reproduis ci‑dessous l’une des questions du formulaire, dont le style est similaire à plusieurs autres.

[traduction]

Quelle est l’affirmation qui décrit la capacité de votre patient d’exécuter les tâches essentielles de la vie quotidienne (p. ex., hygiène personnelle ou jeux avec des pairs)? Votre patient :

a)___ est capable d’exercer ces activités correspondant à son âge.

b)___ a besoin d’aide ou prend un temps excessif pour les exécuter, mais UNIQUEMENT lorsqu’il s’agit de tâches complexes (p. ex., devoirs pour l’école), pendant les périodes de crise ou dans des situations stressantes.

c)___ a besoin continuellement d’une aide ou prend un temps excessif pour les exercer toujours ou presque toujours, au moins 90 % du temps.

[13]        Mme Piper a coché la réponse b) à cette question et à des questions semblables que contenait le formulaire. Lorsqu’on lui a demandé, au cours du contre‑interrogatoire, pourquoi elle avait coché cette case, elle a déclaré qu’elle avait eu de la difficulté à remplir le formulaire et qu’elle avait conclu que la case c) s’appliquait uniquement si l’enfant n’était en mesure d’exécuter aucune des activités essentielles de la vie quotidienne. Elle a pensé que les choix de réponse étaient extrêmes – a) aucune déficience, b) déficience modérée et c) a besoin d’une aide continue.

[14]        Je souscris à l’interprétation du formulaire qu’a fourni Mme Piper ainsi qu’à l’affirmation de M. Moore selon laquelle le format de cases à cocher peut donner une impression trompeuse de la déficience.

[15]        La loi n’exige pas qu’une déficience grave touche tous les aspects des activités quotidiennes. Elle exige uniquement que les fonctions mentales soient toujours ou presque toujours gravement déficientes. Par exemple, un enfant peut avoir droit au CPIH s’il souffre d’une déficience grave en matière de mémoire et même s’il est capable de manger et de s’habiller. Pour avoir droit à ce crédit, il n’est pas nécessaire que l’enfant ne soit capable d’exécuter aucune activité.

[16]        À mon avis, le ministre a eu tort de se fonder sur ce formulaire et il convient d’écarter les réponses qu’a fournies Mme Piper à ce genre de questions.

[17]        J’examine maintenant les autres éléments de preuve concernant les déficiences des enfants.

[18]        Les deux enfants ont fait l’objet d’évaluations psychoéducatives effecturées par Mme Piper à l’issue desquelles il a été conclu qu’ils avaient des troubles d’apprentissage. Le fils a été évalué en 2008 et en 2010. La fille a été évaluée en 2012. De plus, Mme Piper a rempli les certificats à l’appui de la demande de CIPH en 2012.

[19]        Le Dr Horner, le médecin de famille, a également rempli un certificat relatif au CIPH, mais son examen n’était pas suffisamment détaillé pour être utile dans la présente instance.

[20]        En 2010, Mme Piper a estimé que le fils (âgé de 9 ans à l’époque) avait fait des progrès dans de nombreux domaines depuis son évaluation précédente en 2008. Cependant, à 9 ans, le fils continuait à obtenir des résultats très faibles pour ce qui est de ses capacités pour la langue écrite ainsi que pour sa mémoire auditive opérationnelle. À cause de troubles de la mémoire auditive opérationnelle, le fils a de la difficulté à se souvenir d’éléments séquentiels. Il faut que les instructions soient très simples. Ce problème a été illustré par le fait que le fils n’était pas capable de se souvenir des instructions de l’entraîneur sur le terrain de soccer. Je noterais également que, d’après un rapport préparé par l’enseignant du fils, Mme Piper a conclu que le fils avait des problèmes d’attention [traduction] « suffisamment graves pour être préoccupants, mais de nature infraclinique ».

[21]        En 2010, Mme Piper a évalué la fille (âgée de 7 ans à l’époque) et a conclu qu’elle obtenait des résultats scolaires faibles qui témoignaient d’un trouble d’apprentissage qui ne pouvait être précisé en raison de son jeune âge. Elle a également constaté que la fille éprouvait de graves difficultés lorsqu’elle était stressée. Selon les rapports préparés par l’enseignant de la fille, tous ces résultats se situaient dans une fourchette normale.

[22]        Le témoignage des parents revêt une importance particulière dans les affaires de ce genre parce que ce sont eux qui connaissent le mieux les activités quotidiennes de leurs enfants (voir également les observations du juge Bowman dans la décision McNaughton c La Reine, 2005 CCI 714, au paragraphe 9).

[23]        M. McDermid a fourni le témoignage le plus détaillé. Pour ce qui est de son fils, M. McDermid a déclaré qu’une supervision parentale importante était nécessaire pour toute une gamme d’activités, y compris les tâches à effectuer le matin avant d’aller à l’école ainsi que les activités sociales. Pour ce qui est de sa fille, il ressortait du témoignage qu’elle avait besoin d’un soutien en raison de ses angoisses et qu’elle était une élève lente.

[24]        En me fondant sur l’ensemble de la preuve, je suis convaincue que la déficience du fils répond aux conditions d’obtention du CIPH, principalement en raison du problème de mémoire auditive opérationnelle qui exige qu’il bénéficie d’un soutien parental important. Pour ce qui est de la fille, j’estime que la preuve n’a pas démontré que la déficience qu’elle avait dans l’exécution de ses activités quotidiennes était suffisamment grave pour donner droit au CIPH. Bien évidemment, la situation peut évoluer avec l’âge de l’enfant et la complexité accrue de ses activités quotidiennes.

[25]        Compte tenu de ces conclusions, il sera fait droit à l’appel, mais uniquement à l’égard de la déficience du fils. Il reste à examiner quelles sont les années d’imposition touchées.

[26]        Mme McDermid a demandé le CIPH à l’égard de son fils à compter de la naissance de celui‑ci. La preuve ne justifie pas que le CIPH soit accordé pour les années antérieures à la première évaluation effectuée par Mme Piper en 2008, alors que le fils était en première année.

[27]        Il en résulte que la détermination du ministre pour ce qui est du fils sera renvoyée pour nouvelle détermination en tenant compte du fait que la déficience du fils donne droit au CIPH pour les années d’imposition à partir de 2008.

[28]        Les deux parties ont eu partiellement gain de cause. Par conséquent, chaque partie supportera ses propres frais.

Signé à Toronto (Ontario), ce troisième jour de septembre 2014.

« J. M. Woods »

Juge Woods

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de février 2016

S. Tasset


RÉFÉRENCE :

2014 CCI 264

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2013‑2570(IT)I

INTITULÉ :

LESLIE McDERMID et SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie‑Britannique)

DATES DE L’AUDIENCE :

Les 5 février et 18 juin 2014

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge J.M. Woods

DATE DU JUGEMENT :

Le 3 septembre 2014

COMPARUTIONS :

Représentant de l’appelante :

 

M. Scott McDermid

Avocats de l’intimée :

Me Kristian DeJong

Me Amandeep Sandhu

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

S. O.

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

 

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