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Dossier : 2008-2949(IT)G

2008-3471(IT)G

ENTRE :

MCKESSON CANADA CORPORATION,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

ORDONNANCE

Conformément aux motifs de récusation ci-joints, je me récuse de la poursuite de l’instruction de la présente affaire, McKesson Canada, devant la Cour canadienne de l’impôt. Cette récusation s’applique également à l’examen des observations des parties à la présente cause sur les dépens et à la décision portant sur ceux-ci, ainsi qu’à l’ordonnance de 2010 concernant les renseignements confidentiels rendue par le juge Hogan en l’espèce et à son application finale adéquate par la Cour canadienne de l’impôt et son greffe.

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de septembre 2014.

« Patrick Boyle »

Le juge Boyle

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de juin 2016.

Mario Lagacé, jurilinguiste


Référence : 2014 CCI 266

Date : 20140904

Dossier : 2008-2949(IT)G

2008-3471(IT)G

ENTRE :

MCKESSON CANADA CORPORATION,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DE RÉCUSATION

Le juge Boyle

[1]             J’ai rendu mes motifs et mon jugement sur le fond de l’affaire de l’appelante le 13 décembre 2013. Cette décision a été portée en appel par l’appelante en Cour d’appel fédérale.

[2]             Je demeure saisi de la question de l’adjudication des dépens à l’égard du procès. J’ai reçu des observations écrites sur les dépens de la part de l’intimée en mars 2014 et de la part de l’appelante en avril 2014. Le 30 avril 2014, l’appelante a confirmé à la Cour qu’elle ne voulait pas d’audience sur les dépens, l’intimée ayant déjà informé la Cour qu’elle n’exigeait pas d’audience sur les dépens.

[3]             Je demeure également saisi de la question de la justesse de la proposition écrite des parties d’avril 2014 qui porte sur l’identification satisfaisante des renseignements confidentiels théoriques ou réels sous scellé et des versions publiques de documents antérieurs au dossier de la Cour qui sont généralement rendus publics. Cela implique un nouvel examen de l’ordonnance concernant les renseignements confidentiels rendue avant l’instruction par le juge Hogan en mars 2010.

[4]             Comme il est établi en détail ci-dessous, j’ai, de mon propre chef, décidé que j’étais contraint de déterminer si je devais me récuser quant aux deux questions non encore tranchées qui ont été soumises à la Cour. Un examen de cette question est nécessaire parce que j’ai été informé que l’appelante et l’avocat de l’appelante, avec son collègue devant la Cour d’appel fédérale au sujet de l’appel interjeté à l’encontre de la décision de première instance, avaient fait certaines déclarations publiques à mon sujet dans leur mémoire présenté en Cour d’appel fédérale (le « mémoire ») qui, après réflexion, me semblent clairement inclure ce qui suit :

(i)                            des allégations selon lesquelles je ne disais pas la vérité et que j’étais fourbe dans mes motifs;

(ii)                         des contre-vérités claires à mon propos, sur ce que j’ai dit et entendu au cours du procès, ainsi que sur l’existence de fondements probants à l’appui de ce que j’ai écrit dans mes motifs; et

(iii)                       des allégations d’impartialité de ma part.

[5]             Cela m’oblige à examiner si :

(i)                            j’estime qu’une personne raisonnable lisant le mémoire, mes motifs et les parties pertinentes de la transcription pourrait croire que le juge de première instance si fortement dénoncé par McKesson Canada pourrait ne pas être en mesure de rester impartial dans le cadre de son examen des dépens et des renseignements confidentiels;

(ii)                         j’estime que je peux, de façon impartiale, examiner, peser et trancher les questions liées aux dépens et aux renseignements confidentiels dont j’ai été saisi; et

(iii)                       la contestation publique de mon impartialité exprimée par McKesson Canada et son coconseiller dans le mémoire est en soi suffisante pour justifier ma récusation à ce stade-ci.

[6]             Les points (i) et (iii) ci-dessus nécessitent l’examen de la question du point de vue d’une personne théorique raisonnable et de bonne foi, qui est renseignée sur le problème, et qui prend le temps de réfléchir sur la question de savoir si elle a une crainte raisonnable de partialité ou un soupçon raisonnable de partialité, réel ou apparent, de ma part.

[7]             Je n’ai pas l’habitude d’examiner les mémoires déposés en Cour d’appel fédérale à l’égard de mes décisions. En l’espèce, le mémoire de l’appelante a été porté à mon attention ou m’a été envoyé par plusieurs éminents juristes fiscaux canadiens ainsi que par un autre juge.

[8]             La tâche du juge au procès sur le fond se termine avec le prononcé des motifs et du jugement. Il n’y a à juste titre aucun rôle pour le juge de première instance dans l’appel de la décision de première instance. Il est loisible à l’avocat de chaque côté de la cour d’appel de présenter tout argument qu’il souhaite présenter, y compris faire valoir ou nier toute justification dans le dossier, mettre de l’emphase ou présenter la cause sous un jour favorable, ou même tenter de plaider une cause qu’il pense pouvoir gagner au lieu de l’affaire qu’il a en main. Tous ces choix appartiennent à l’avocat, lesquels seront en fin de compte examinés et tranchés par la cour d’appel. Pour cette raison, je vais me limiter à ne prendre en considération que les questions précises exposées ci-dessus, et me limiterai aux déclarations du mémoire, aux déclarations figurant dans les motifs, et aux déclarations figurant dans la transcription du procès (la « transcription »).[1] Cela a pour effet de rendre les présents motifs plus longs, plus cliniques, et encore plus embarrassants qu’ils ne l’auraient autrement été, mais je crois que cette mesure est dictée par des considérations d’équité envers les parties et la cour d’appel.

1. Où il ressort du mémoire que McKesson Canada affirme que le juge de première instance ne dit pas la vérité et est fourbe

[9]             Cette préoccupation découle des paragraphes 84 à 89 du mémoire concernant l’analyse de l’escompte pour perte, y compris le fait que je me suis fondé sur la preuve présentée par le témoin de l’appelante, Barbara Hooper, à l’égard de l’objectif et de l’effet de deux facteurs précis de déclenchement donnant lieu à la résiliation dans l’EVCC, ainsi qu’à l’égard de la question du contrôle notionnel continu de l’entreprise.

[10]        Aux paragraphes 128 à 132 des motifs, j’ai écrit ce qui suit sur la question de la pertinence du contrôle notionnel continu de l’entreprise :

e) Les facteurs qui existent uniquement à cause de la relation avec lien de dépendance

[128]    Lorsqu’on examine des prix de transfert, la question se pose de savoir si l’on doit faire abstraction, dans l’analyse de la relation sans lien de dépendance notionnelle, de facteurs qui n’existent qu’à cause de la relation avec lien de dépendance, ou si ces facteurs demeurent des caractéristiques et des circonstances pertinentes.

[129]    Il se peut que cette question ne se pose pas dans le contexte d’un achat unique à prix fixe. Mais elle paraît toutefois importante en matière d’engagement à longue durée à faire certaines choses durant un certain temps. Par exemple, dans des opérations comme celles qui mettent en cause l’EVCC, la Cour tient-elle pour acquis qu’une SMI sans lien de dépendance notionnelle tirerait quand même profit du prêt de la société irlandaise qui est soutenu par la garantie et l’indemnité de la SMI2? Pour examiner des opérations semblables à l’EVCC, la Cour tient-elle pour acquis que la SMI sans lien de dépendance notionnelle a encore le pouvoir, pendant toute la durée du contrat notionnel conclu entre parties sans lien de dépendance, de changer le nom de McKesson Canada, de vendre McKesson Canada ou de prendre une autre mesure de façon à déclencher à sa guise un fait résiliateur? La Cour tient-elle pour acquis que l’acheteur sans lien de dépendance notionnel a encore le droit de faire en sorte que McKesson Canada accepte de changer les modalités qui s’appliquent à des opérations futures aux termes de l’entente? La Cour tient-elle pour acquis que la SMI sans lien de dépendance notionnelle a encore accès à la totalité des informations financières de McKesson Canada ainsi qu’à des informations concernant son portefeuille de comptes clients et ses activités tout entières, même si cela n’est peut-être pas précisé ou exigé dans l’EVCC?

[130]    À l’occasion de l’affaire Alberta Printed Circuits c. La Reine, 2011 CCI 232 (CanLII), le juge Pizzitelli a discuté cette question :

Il importe de noter qu’il ne faut pas omettre de tenir compte de facteurs ou de circonstances qui existent uniquement par suite de l’existence d’un lien de dépendance entre les parties; sinon, l’homme d’affaires raisonnable ne sera pas entièrement placé dans la même situation que l’appelante.[...]

[...]

Dans l’arrêt Capital Générale Électrique du Canada Inc., la Cour d’appel fédérale a confirmé qu’aucune erreur de droit n’avait été commise lorsqu’il avait été tenu compte du fait que l’appelante, dans cette affaire-là, en sa qualité de filiale de sa société mère plus importante, se trouvait dans une situation où ses dettes bancaires étaient implicitement garanties par la société mère.

[131]    Au vu de ce qui précède, toutes les circonstances, dont celles qui découlent de la relation avec lien de dépendance ou qui en font partie intégrante, doivent être prises en compte.

[132]    Selon moi, la meilleure façon de voir les choses est donc que la Cour peut et doit prendre en considération des droits notionnels du type « contrôle continu », quand les circonstances s’y prêtent, au moment d’examiner les droits que confère un contrat à durée déterminée ou à exécution future. Ne pas le faire reviendrait à ne pas examiner la totalité des caractéristiques et des circonstances pertinentes des relations. S’il fallait que le juge en fasse abstraction, les entreprises faisant partie de groupes de sociétés entièrement contrôlées pourraient conclure des ententes sommaires qui conféreraient peu de droits et d’obligations aux participants non-résidents (divulgation d’informations financières, utilisation des fonds, engagements pris sur le plan financier, etc.), le tout dans le but d’obtenir un prix de transfert plus favorable et de réduire ainsi les impôts au Canada. Ne pas aborder la question sous cet angle semble tout à fait incompatible avec le fait que la Cour canadienne de l’impôt et la Cour d’appel fédérale, à l’occasion de l’affaire GE Capital, ont mis l’accent sur des garanties non exécutoires, non écrites et implicites de la société mère de l’emprunteur. Cependant, en l’espèce, il n’est pas nécessaire que je le fasse pour trancher entièrement l’appel concernant le redressement approprié du prix de transfert, comme il est précisé plus loin. Quant à cette question, c’est aussi partie remise.

[11]        Dans les motifs, j’ai écrit ce qui suit sur la question des facteurs de déclenchement donnant lieu à la résiliation et de leur pertinence pour l’escompte pour perte :

[26]      La SMI pouvait mettre fin à ses obligations d’acheter d’autres comptes clients de McKesson Canada s’il se produisait certains faits résiliateurs définis, généralement conçus pour relever ou prévoir une détérioration de la solvabilité de McKesson Canada ou de son portefeuille de clients générant les comptes clients. Au nombre de ces faits figuraient les manquements de McKesson Canada ou de ses sociétés affiliées à leurs obligations financières, les hausses du ratio de défaillance ou de perte des comptes clients au-delà de certains seuils particuliers, un déclassement de la cote de crédit (ou notation) de McKesson É.-U., le changement de nom de McKesson Canada donnant lieu à la suppression du mot McKesson, la cessation du contrôle de McKesson Canada par McKesson É.-U., la cessation par McKesson É.-U. de la garantie des prêteurs bancaires et des prêts d’effets commerciaux de McKesson Canada, de même que tout fait ayant une incidence défavorable importante sur le caractère exécutoire ou la recouvrabilité des comptes clients ou des droits que les ententes conféraient à la SMI. Il est à noter que les faits résiliateurs ne se limitaient pas aux éléments que contrôlait McKesson Canada et qu’ils englobaient des faits qui relevaient du contrôle de ses actionnaires directs et indirects ou de ses sociétés mères.

[. . . ]

b) Les faits résiliateurs

[59]      VMTD a conclu que les facteurs de déclenchement, dans la définition que donne l’EVCC d’un fait donnant lieu à sa résiliation, se situent dans la limite de ce qui est normal dans le cadre d’une opération de pleine concurrence [TRADUCTION] « de cette nature ». Je réitère ce que j’ai dit plus tôt au sujet de l’emploi qui est fait de ces mots dans les opinions de VMTD.

[60]      L’opinion de VMTD fait expressément référence au rôle que jouent ces facteurs de déclenchement en tant que mécanisme de protection contre un mauvais rendement des comptes clients ou une diminution de la solvabilité de l’entité vendeuse. Elle signale que la solvabilité de McKesson Canada à titre d’entité vendeuse est pertinente, en partie à cause de son obligation de verser les fonds recouvrés à la SMI. VMTD est expressément d’avis que [TRADUCTION] « comme [McKesson Canada] est étroitement liée à [McKesson É.-U.] et importante pour elle, il est raisonnable d’utiliser les cotes de crédit publiques de [McKesson É.-U.] à titre d’indication de la solvabilité de [McKesson Canada] ».

[61]      L’opinion de VMTD examine ensuite expressément : (i) le facteur de déclenchement que constitue le ratio de défaillance du portefeuille des comptes clients prévu par l’EVCC et (ii) le facteur de déclenchement que constitue le ratio de perte du portefeuille des comptes clients prévu par l’EVCC.

(i)         Le facteur de déclenchement que constitue le ratio de défaillance

[62]      VMTD a pris en considération l’amélioration de la tendance historique sur deux ans du ratio de défaillance des comptes clients de McKesson Canada, ainsi que le taux récemment maintenu de 1,0 %. Le taux de déclenchement de 2,5 % que prévoit l’EVCC représenterait, de l’avis de VMTD, un écart défavorable important au regard de l’état actuellement stable de 1 %, et il est donc considéré comme raisonnable. VMTD a souligné l’importance de l’approche dynamique fondée sur une moyenne mobile sur quatre mois pour ce qui était de mesurer le ratio de défaillance prévu par l’EVCC, et elle se sert de cette approche dans son analyse. VMTD a confirmé que cela concorde avec les périodes de trois à six mois que l’on utilise généralement à ces fins.

(ii)        Le facteur de déclenchement que constitue le ratio de perte

[63]      VMTD a examiné l’historique de trois années de résultats en matière de mauvaises créances, dans le portefeuille des comptes clients de McKesson Canada. Elle a signalé la différence qu’il y a entre les radiations comptables et la définition des pertes, fondée sur une défaillance après 90 jours, aux fins du ratio de perte prévu par l’EVCC, avec le résultat que l’on pouvait s’attendre à ce que ce dernier ratio fût supérieur au précédent. Elle a opiné qu’un ratio de perte dynamique, qui mesurait un taux moyen de défaillance après 90 jours sur quatre mois et était assorti d’un facteur de déclenchement de 0,25 %, paraissait raisonnable, car, bien que les radiations par rapport aux ventes, sur une base mensuelle, aient parfois atteint ce niveau, jamais elles n’avaient été supérieures à 0,10 % sur une moyenne mobile sur quatre mois [note de bas de page 21 : Il a été reconnu lors du contre-interrogatoire de Mme Hooper que, en fait, ce taux n’avait pas dépassé 0,04 %, et encore moins 0,10 %. C’est-à-dire que ce n’était pas que VMTD considérait un multiple de 2,5 fois comme raisonnable, mais plutôt qu’elle considérait un multiple d’au moins six fois comme raisonnable, mais elle ne l’a pas dit expressément.]

[. . . ]

[194]    Mme Hooper a ajouté que le déclencheur de rendement défaillant du portefeuille servait de système d’avertissement rapide. Habituellement, dans le cas des comptes clients, les défauts de paiement augmentent avant que l’on voie le niveau des pertes augmenter. Pour cette raison, a-t-elle expliqué, il faut que le taux de déclenchement permette de résilier l’entente suffisamment tôt pour éviter de subir des pertes importantes. Elle a clairement compris que le moment où il était possible de mettre fin à l’opération aurait un effet assez marqué sur le risque global qui était transféré. Selon elle, les déclencheurs de rendement du portefeuille, les déclencheurs des taux de défaillance et de défaut, étaient conçus pour limiter les pertes ultimes pour l’acheteur en mettant fin à l’acquisition de nouveaux comptes clients dont le rendement ne serait peut-être pas aussi bon que celui des comptes clients créés antérieurement.

[. . . ]

[306]    L’EVCC a été signée à l’époque où le taux de radiation des comptes clients du portefeuille par rapport aux ventes était de l’ordre de 0,04 %. Cela était bien connu et suivi par McKesson Canada ainsi que le Groupe McKesson. L’EVCC a accordé à la SMI un droit de résiliation exerçable sur-le-champ au cas où le ratio de défaillance ou le ratio de perte du portefeuille dépasserait des niveaux précis.

[307]    Selon le témoignage de Mme Hooper, ces deux déclencheurs de résiliation en particulier étaient conçus pour mettre concrètement fin au transfert d’autres comptes clients si le portefeuille n’avait pas un rendement aussi bon que par le passé. Le ratio de défaillance était conçu comme un système d’avertissement anticipé. Comme on peut s’attendre à ce que les défaillances augmentent avant que l’on constate une augmentation des pertes, le droit de résiliation était conçu pour jouer suffisamment tôt pour éviter de subir des pertes fort importantes. Selon le témoignage de Mme Hooper, le ratio de perte et le ratio de défaillance combinés devaient permettre à l’acheteuse de cesser d’acquérir des comptes clients additionnels à temps pour ne pas subir de pertes nettement supérieures à celles qui étaient prévues, d’après le rendement antérieur. Mme Hooper a déclaré que son équipe et elle, chez VMTD, avaient examiné à la fois les pertes et les défaillances historiques du portefeuille de comptes clients de McKesson Canada dans le cadre de sa mission, en prévision de la présentation du rapport de VMTD.

[308]    Je ne souscris pas nécessairement aux opinions énoncées dans le rapport de VMTD sur le caractère raisonnable, la normalité ou le caractère de pleine concurrence de ces deux déclencheurs de résiliation dans l’EVCC. En fait, je m’attendrais à ce qu’ils souffrent peut-être des mêmes lacunes que celles qui touchent le reste du rapport de VMTD, à savoir, principalement, que l’EVCC n’est pas une titrisation et que, à cet égard, cet instrument déborde le cadre de l’expertise de Mme Hooper et de son groupe. Quoi qu’il en soit, étant donné que ces deux ratios, d’après la définition qui en est donnée dans l’EVCC, incluent des informations financières de McKesson Canada qui n’ont pas été produites en preuve, ou du moins qui n’ont certes pas été expliquées comme il se doit des éléments de preuve, et que ces ratios définis et leur volatilité, jusqu’à la conclusion de l’EVCC, n’ont pas été mis en preuve, je ne saurais dire que les conclusions que l’on tire dans le rapport de VMTD me convainquent.

[309]    Cependant, je souscris entièrement à l’explication que Mme Hooper a donnée au sujet de leur objet et de leur efficacité. C’est-à-dire que je conclus que l’objet et l’effet du déclencheur de résiliation lié au ratio de défaillance et du déclencheur de résiliation lié au ratio de perte ont été conçus pour limiter le risque que la SMI achète de McKesson Canada des comptes clients d’un jour quelconque qui soient susceptibles de subir des pertes nettement supérieures à celles que le portefeuille subissait antérieurement.

[310] Le taux de pertes historiques du portefeuille de comptes clients de McKesson Canada était de l’ordre de 0,04 %. Je conclus de tout cela qu’une SMI sans lien de dépendance notionnelle aurait été capable de mettre fin aux obligations que lui imposait l’EVCC, et qu’elle l’aurait fait, avant d’être obligée d’acheter des comptes clients dont le taux de risque de perte aurait été nettement supérieur à un taux de l’ordre de 0,04 %.

[311] En tenant compte d’une augmentation de 50 à 100 %, ce qui est une interprétation extrêmement généreuse de ce que Mme Hooper voulait peut-être dire lorsqu’elle parlait d’une augmentation importante (en partie pour compenser le manque d’élégance de cette approche), je conclus qu’un risque de perte d’une SMI sans lien de dépendance notionnelle à l’égard de ses achats constants de comptes clients est que, à un certain moment ultérieur pendant la durée de l’EVCC (mais non à très court terme), elle aurait pu acheter environ quatre mois de comptes clients à un taux de radiation par rapport aux ventes anticipées de l’ordre de 0,06 à 0,08 %. On ne pourrait pas s’attendre à ce que ces comptes clients de moindre qualité aient été achetés au cours des quatre derniers mois de l’EVCC, avant sa résiliation. On pourrait continuer de s’attendre à ce que les comptes clients achetés le 16 décembre 2002, ainsi que pendant les autres mois antérieurs à la période de quatre mois précédant la résiliation, soient de meilleure qualité.

[312]    En se fondant sur cette approche, la Cour conclut qu’un élément « escompte pour perte » du taux d’escompte, de l’ordre de 0,06 à 0,08 %, se situe à l’extrémité généreuse de ce à quoi souscriraient une SMI sans lien de dépendance notionnelle et McKesson Canada.

[313]    Cette fourchette de taux concorde avec le chiffre auquel est arrivé M. Finard dans le cadre de son approche financière structurée. Selon cette dernière, le taux historique des radiations par rapport aux ventes de 0,04 % qui s’appliquait au portefeuille de comptes clients de McKesson Canada se comparait aux informations publiées par Moody’s au sujet d’entreprises notées entre A et Baa, lesquelles, à leur tour, comportaient des écarts de risque de crédit, selon VMTD, de 0,50 % et 1,00 % par année, et qui ont été calculés, selon une moyenne pondérée, par M. Finard à un taux de 0,68 %. Une fois ajusté en fonction d’un DMR de 30 jours, un écart de crédit annuel de 0,68 % reflète un escompte de 0,06 %.

[314]    Pour ces raisons, la Cour conclut au vu des éléments de preuve qui ont été produits qu’un escompte pour perte de pleine concurrence, pour les besoins de l’EVCC, serait de l’ordre de 0,06 à 0,08 %.

[12]        Dans le mémoire, l’appelante a indiqué, aux paragraphes 73 et 83 à 89 :

[traduction]

 73.      [. . .] le juge de première instance a fait fi de l’opinion consensuelle de la contribuable et de la Couronne et a commis une erreur fondamentale : dans son opération hypothétique, il croyait qu’il devait supposer que l’acheteur hypothétique contrôlerait en quelque sorte le vendeur hypothétique soi-disant non apparenté. [. . .]

83.       L’« escompte pour perte » – le montant théoriquement prévu pour compenser l’acheteur (ici, la SMI) d’avoir assumé le risque de crédit – a été un élément clé dans le taux d’escompte. Il ressort clairement de l’analyse du juge de première instance de cette composante qu’il a conclu que la SMI n’a assumé aucun risque important dans l’opération parce que, selon son hypothèse mal interprétée, la SMI aurait pu déclencher à sa guise un fait résiliateur en changeant simplement le nom de McKesson Canada, par exemple. En concluant de la sorte, le juge de première instance a simplement fait fi des clauses contractuelles convenues par les parties et énoncées dans l’entente, ainsi que de la répartition fonctionnelle et de l’acceptation du risque réelles par les parties.

84.       Une telle approche peut être tout à fait légitime dans une affaire dans laquelle s’applique la DGAE, ou l’alinéa 247(2)b). Mais ni l’un ni l’autre de ces motifs n’a été invoqué par la Couronne pour contester l’entente; ils ne sont pas pertinents au présent litige. Le juge de première instance, sans le reconnaître, a contesté la question de savoir si les modalités écrites de l’entente tenaient compte de la « véritable » répartition du risque entre la SMI et McKesson Canada. Il a en réalité traité l’entente comme s’il s’agissait d’une opération fictive, sans s’appuyer sur un principe de droit ou sur la preuve. En effet, les éléments de preuve présentés par la Couronne supposaient qu’une retenue ou une réserve d’environ 20 % (ou 90 millions de dollars) aurait été nécessaire afin d’éliminer le risque auquel s’exposait la SMI.

85.       En tenant pour acquise sa propre version des faits en ce qui concerne le risque, et en réécrivant les (en faisant fi des) modalités essentielles de l’entente relatives au risque, le juge de première instance a établi un prix pour une opération qui n’a jamais eu lieu. L’escompte pour perte qui a alors été déterminé et invoqué dans les motifs du juge de première instance ne peut qu’être rapproché d’une opération dans laquelle l’acheteur (en l’espèce, la SMI) n’assume aucun risque. Le juge de première instance déclare :

Je conclus de tout cela qu’une SMI sans lien de dépendance notionnelle aurait été capable de mettre fin aux obligations que lui imposait l’[entente], et qu’elle l’aurait fait, avant d’être obligée d’acheter des comptes clients dont le taux de risque de perte aurait été nettement supérieur à un taux de l’ordre de 0,04 %. [...]

En se fondant sur cette approche, la Cour conclut qu’un élément « escompte pour perte » du taux d’escompte, de l’ordre de 0,06 % à 0,08 %, se situe à l’extrémité généreuse de ce à quoi souscriraient une SMI sans lien de dépendance notionnelle et McKesson Canada.

86.       En aucun moment durant le procès la Couronne n’a fait valoir que, sans lien de dépendance, la SMI « aurait été capable » de mettre fin à ses obligations en vertu de l’entente chaque fois que les pertes auraient dépassé un seuil « nettement supérieur » de l’ordre de 0,06 % à 0,08 %. Et les témoins experts de la Couronne n’ont fourni aucune preuve qui tendrait à étayer cette proposition erronée.

87.       Quoi qu’il en soit, cette affirmation est manifestement incorrecte. En fait, la SMI était tenue en vertu de l’entente de poursuivre le financement de McKesson Canada jusqu’à concurrence de 900 millions de dollars pour la durée entière de cinq ans en l’absence d’un fait résiliateur défini, même si les pertes augmentaient considérablement. Le juge de première instance a laissé entendre que la SMI « aurait été capable » de mettre fin à l’entente si les pertes avaient dépassé le seuil de 0,06 % à 0,08 % et cette allégation est manifestement erronée. Le seuil établi selon les modalités expresses de l’entente pour une telle résiliation était en fait de 0,25 %, et non de l’ordre de 0,06 à 0,08 %. En fait, ces derniers temps, les pertes avaient dépassé 0,06 %. Comment la SMI aurait « été capable » de mettre fin à l’entente si les pertes avaient atteint, par exemple, 0,10 %?

88.       Étant donné que ceci ne cadre pas clairement avec les modalités de l’entente, l’affirmation du juge de première instance selon laquelle, dans le cadre de l’opération hypothétique, une SMI sans lien de dépendance notionnelle aurait mis fin à ses obligations en vertu de l’entente si les pertes avaient dépassé le seuil de 0,06 % à 0,08 % ne peut être expliquée que de la façon suivante : Le juge de première instance a présumé qu’une SMI sans lien de dépendance notionnelle contrôlerait McKesson Canada, et serait donc en mesure de déclencher un fait résiliateur en vertu de l’entente en faisant en sorte que McKesson Canada soit en défaut selon les modalités de celle-ci. Cette affirmation fait abstraction de la déclaration du juge de première instance, au paragraphe 132 de ses motifs, qu’« en l’espèce, il n’est pas nécessaire que j’[examine le contrôle continu notionnel] pour trancher entièrement l’appel concernant le redressement approprié du prix de transfert ».

89.       En effet, à au moins deux endroits dans ses motifs, le juge de première instance fait précisément allusion à la capacité de la SMI, en tant qu’actionnaire de McKesson Canada, de déclencher la résiliation de l’entente : Au paragraphe 26, il fait observer que les « faits résiliateurs ne se limitaient pas aux éléments que contrôlait McKesson Canada et qu’ils englobaient des faits qui relevaient du contrôle de ses actionnaires directs et indirects ou de ses sociétés mères ». Au paragraphe 129, dont un extrait figure ci-dessus, le juge de première instance se demande ce qui suit : « pour examiner des opérations semblables à l’[entente], la Cour tient-elle pour acquis que la SMI sans lien de dépendance notionnelle a encore le pouvoir [...] de changer le nom de McKesson Canada, de vendre McKesson Canada ou de prendre une autre mesure de façon à déclencher à sa guise un fait résiliateur? » Le juge de première instance n’a pas, en fait, remis cette question à plus tard, comme il prétend l’avoir fait. Au contraire, le juge de première instance a répondu affirmativement à cette question dans son analyse de l’escompte pour perte. Cette erreur juridique fondamentale sape l’analyse entière du juge de première instance.

[13]        Dans ces circonstances, je suis profondément troublé par la déclaration faite par l’appelante au paragraphe 89 du mémoire que [traduction] « [l]e juge de première instance n’a pas, en fait, remis cette question à plus tard, comme il prétend l’avoir fait ».

[14]        De même, je suis profondément troublé par la déclaration faite par l’appelante au paragraphe 84 du mémoire que [traduction] « [l]e juge de première instance, sans le reconnaître, a contesté la question de savoir si les modalités écrites de l’entente tenaient compte de la « véritable » répartition du risque entre la SMI et McKesson Canada ».

[15]        Je suis tout aussi préoccupé par la déclaration de l’appelante au paragraphe 88 du mémoire selon laquelle [traduction] « [c]ette affirmation fait abstraction de la déclaration du juge de première instance, au paragraphe 132 de ses motifs, qu’“ en l’espèce, il n’est pas nécessaire que [j’examine le contrôle continu notionnel de l’entreprise] pour trancher entièrement l’appel concernant le redressement approprié du prix de transfert ”. »

[16]        Il n’y a pas de qualificatifs polis dans aucune de ces trois phrases.

[17]        Ces allégations de l’appelante, qui figurent aux paragraphes 85 et 88 du mémoire, porteraient un regard critique sur le fait qu’il n’y a pas d’autre façon de concilier ce que j’ai écrit, et que j’ai dû par conséquent avoir fait autre chose que ce que j’ai dit avoir fait.

[18]        Il me semble que l’appelante a choisi de contester ma sincérité, mon honnêteté et mon intégrité dans mes motifs afin de lui permettre de faire valoir l’argument que, malgré ce que j’ai clairement dit au sujet de la possibilité d’écarter les questions du contrôle continu de l’entreprise pour trancher l’appel, (et ce que j’ai clairement dit à propos des facteurs de déclenchement que constituent les ratios de défaillance ou de perte et du témoignage de Mme Hooper sur leur objectif et leur effet), c’est en quelque sorte exactement ce que j’ai fait.

[19]        Je pense que les paragraphes 307 à 310 des motifs sont très clairs et ne laissent place à aucune ambiguïté, incertitude ou lacune pour le lecteur. Les seuls droits de résiliation examinés étaient ceux qui avaient été déclenchés par les manquements aux ratios de défaillance ou de perte tels qu’ils sont définis et énoncés dans l’EVCC. Il est tout aussi clair que j’ai fondé mes conclusions sur le paragraphe précédent qui résume le témoignage de Mme Hooper de VMTD, le témoin de l’appelante qui a produit le rapport de VMTD, sur l’objet et l’efficacité de ces deux déclencheurs des droits de résiliation. La prétention de l’appelante selon laquelle la seule façon de concilier ma conclusion est d’admettre que j’ai fait quelque chose de complètement différent et que j’ai précisément dit que je ne ferais pas, soit d’examiner les droits de contrôle continu de l’entreprise comme la modification du nom de l’entreprise, n’était pas fondée.

[20]        Pour ces motifs, je suis d’avis que l’appelante m’a accusé à tort de ne pas dire la vérité, et d’être malhonnête et fourbe. Je suis tout simplement incapable de lire son mémoire ou les motifs d’une tout autre façon sur ce point.

[21]        Je crois qu’elle a écrit à tort ces choses à mon sujet intentionnellement dans son mémoire sous prétexte de faire progresser et représenter audacieusement les intérêts de McKesson Canada. Je crois que cela dépasse nettement les bornes quant à ce qui est approprié.

[22]        Aux fins de décider s’il convient ou non de me récuser, ce qui compte est mon opinion et mon point de vue des parties et de leur avocat, ainsi que ce qu’une personne raisonnable appréhenderait de mes opinions et points de vue. La décision de déterminer si ma lecture du mémoire est correcte ou non, tout comme ma lecture de la décision sur le fond (et si oui ou non je lis effectivement le mémoire correctement) relève de la cour d’appel et d’autres instances.

[23]        Sur un point connexe, il est certainement évident pour l’appelante à la lumière du témoignage de son propre témoin, Mme Hooper, de la preuve établie par le rapport de VMTD, et des motifs, que les pertes historiques exprimées sous la forme de radiations par rapport aux ventes (historiquement, de l’ordre de 0,04 cent pour chaque dollar) sont nettement différentes et ce, de manière importante des ratios de défaillance ou de perte qui sont définis dans l’EVCC et qui ont déclenché les droits de résiliation de la SMI en vertu des modalités de l’EVCC. Il n’y a absolument rien qui semble confus à ce sujet dans les paragraphes 194, 306 et 307 des motifs. L’appelante ne tente pas dans son mémoire de laisser entendre ou d’expliquer pourquoi ce n’est pas en fait le cas.

[24]        Cela me semble avoir été fait en vue d’accroître la confusion et non la clarté ou la précision comme elle l’écrit au paragraphe 87 de son mémoire : [traduction] « l’allégation [du juge de première instance] est manifestement erronée. Le seuil établi selon les modalités expresses de l’entente pour une telle résiliation était en fait de 0,25 %, et non de l’ordre de 0,06 à 0,08 %. En fait, ces derniers temps, les pertes avaient dépassé 0,06 %. Comment la SMI aurait « été capable » de mettre fin à l’entente si les pertes avaient atteint, par exemple, 0,10 %? ». Je trouve extrêmement difficile de croire que l’appelante pouvait continuer à ignorer la différence entre les pertes historiques calculées comme des radiations par rapport aux ventes d’une part, et soit un ratio de défaillance qui mesure le temps de réception d’un paiement, soit un ratio de défaillance réputé de 90 jours dans le calcul des ratios de pertes. (En effet, comme je le préciserai ci‑après, elle comprend ceci clairement dans d’autres parties de son mémoire et dans ses observations écrites au procès).

2. Où il ressort que l’appelante énonce dans son mémoire des choses mensongères à propos du juge de première instance

[25]        La plupart de mes préoccupations au titre de cette rubrique découlent du tout premier paragraphe du mémoire de l’appelante qui énonce ce qui suit :

[traduction]

1.         En l’espèce, le juge de première instance a écarté l’affaire qui a été plaidée et soutenue par les parties et a tranché l’appel pour des motifs qui n’ont pas été soulevés dans les plaidoiries ni plaidés en première instance, mais qui ont fait leur première apparition dans les motifs du juge de première instance, bien après la fin du procès.

a) La principale motivation était de réduire l’assujettissement fiscal de McKesson Canada.

[26]        Au paragraphe 18 de mes motifs, j’ai écrit que « la principale raison pour laquelle McKesson Canada a conclu ces opérations était la possibilité de réduire l’impôt canadien sur ses bénéfices ». Je reviens à ce sujet au paragraphe 274 de mes motifs en utilisant des termes très semblables :

[274]    Je conclus que l’intention et l’objet prédominants de la participation de McKesson Canada à l’EVCC et à des opérations connexes avec les autres membres du Groupe McKesson n’étaient pas l’accès à des capitaux ou la minimisation des risques de crédit. Il s’agissait là des résultats de ces opérations, mais ce n’était pas cela qui les motivait. L’objet consistait à réduire l’assujettissement fiscal canadien de McKesson Canada (et donc l’assujettissement fiscal du Groupe McKesson à l’échelle mondiale) en payant l’escompte maximal prévu par l’EVCC que le Groupe McKesson croyait pouvoir raisonnablement justifier. Pour le Groupe McKesson, cela semble avoir été nettement plus un plan d’évitement fiscal qu’un produit financier structuré. La volonté de transférer le risque au Luxembourg n’a jamais été expliquée.

[27]        Au paragraphe 7 de son mémoire, l’appelante déclare :

[traduction]

7.         Tout d’abord, le juge de première instance a fait des constatations factuelles sur les questions qui n’ont pas été soulevées dans la cotisation ou invoquées au procès : [. . .] que les comptes clients étaient dépourvus d’un objectif commercial et établis artificiellement dans le but de produire un avantage fiscal. Il n’y avait quasiment aucun indice au procès que ces questions étaient une source de préoccupation pour le juge de première instance. [. . .]

[28]        L’appelante reprend cette affirmation au paragraphe 42 de son mémoire :

[traduction]

42.       L’analyse du juge de première instance et sa décision finale reposent essentiellement sur trois propositions clés, chacune d’elles équivalant à une erreur de droit : [. . .] que les comptes clients étaient entièrement motivés par des considérations fiscales et dépourvus d’un objectif commercial [. . .]

[29]        Au paragraphe 43 de son mémoire, l’appelante déclare de nouveau que cette proposition concernant la motivation fiscale n’a [traduction] « pas été présentée à McKesson Canada durant le procès de cette cause. »

[30]        L’appelant rappelle une autre fois au paragraphe 53 de son mémoire à la partie B [traduction] « Le juge de première instance a commis une erreur de droit en se fondant sur des propositions qui n’ont jamais été présentées à McKesson Canada » : « les comptes clients étaient entièrement motivés par des considérations fiscales et dépourvus d’un objectif commercial ».

[31]        Ce point est évoqué encore une fois au paragraphe 65 du mémoire : [traduction] « et, comme la question du motif n’a jamais été en cause dans le litige, McKesson Canada a été privée de toute possibilité de produire des preuves et de présenter des observations sur ce point ».

[32]        Au paragraphe 67 de son mémoire, l’appelante poursuit son argumentation en déclarant que [traduction] « la motivation du contribuable n’a jamais été en cause. [. . .] »

[33]        Au paragraphe 70 de son mémoire, l’appelante précise que [traduction] « […] l’analyse du juge de première instance est contaminée par ses commentaires péjoratifs et injustes à propos de la motivation de McKesson Canada, un sujet qui n’a [. . .] jamais été soulevé en première instance ».

[34]        Est-ce que ce sujet a été soulevé devant l’appelante? L’appelante a-t-elle été privée de la possibilité d’aborder ce sujet durant l’instance? Nous allons donc examiner le dossier des délibérations de première instance.

[35]        Le troisième jour du procès (le 19 octobre 2011), soit au cours de la troisième journée du témoignage du premier témoin de l’appelante, M. Brennan, après avoir écouté le témoignage principal du vice-président des affaires fiscales, j’ai été appelé à répondre à une objection de l’avocat de l’appelante à une série de questions posées par l’avocat de l’intimée en contre-interrogatoire. L’objection est soulevée, débattue et discutée aux pages 58 à 62 du volume 3 de la transcription. À la page 62, j’ai dit :

[traduction]

Et, franchement, toute cette série de questions, je remarque que c’était une opération motivée par des considérations fiscales, ils ont agi à des fins fiscales. M. Brennan a été absolument clair à ce sujet pendant son témoignage principal. Et il n’y a pas un vice-président des affaires fiscales au monde qui n’a pas réfléchi aux conséquences fiscales.

[36]        L’avocat de l’appelante n’a pas, à ce moment-là ou même plus tard, contesté ou abordé ma communication claire et précoce de mon impression générale de l’interrogatoire principal de son témoin tel qu’il l’a mené. L’avocat de l’appelante n’a posé aucune question lorsqu’il a eu la possibilité de mener un réinterrogatoire.

[37]        Au cours de la première matinée de la plaidoirie orale de l’appelante, le 31 janvier 2012, j’ai dit à l’avocat de l’appelante, qui venait de terminer son résumé de l’historique de l’EVCC et qui abordait la question de l’EVCC proprement dit (à la page 3514 du volume 22 de la transcription) :

[traduction]

Désolé, avant l’EVCC, je crois que, lors du témoignage principal, M. Brennan a reconnu qu’il s’agissait, dans le cas d’une société irlandaise, de quelques sociétés luxembourgeoises et d’une société à responsabilité illimitée de la Nouvelle-Écosse[,] d’une structure qui reposait sur des motivations fiscales. [Bien que cette structure] ait eu un objectif commercial comme vous l’avez décrit[,] j’ai pensé que c’est lors de l’interrogatoire principal qu’il a reconnu que la fiscalité avait joué un rôle. Ce n’est pas que quelque chose en dépend.

[38]        À cela, la réponse de l’avocat (à la page 3515) a été : [traduction] « [u]n des avantages de cette structure était, ça va de soi, un avantage fiscal. [. . .] »

[39]        Dans les observations écrites additionnelles de l’appelante déposées auprès de la Cour après l’audience (celles de mars 2012), l’appelante a consacré les pages 39 à 43 à aborder, selon les termes de l’avocat, [traduction] « la question connexe qui s’est posée dans l’argumentation, soit celle de savoir si l’approche préconisée par l’appelante, si elle est acceptée par la Cour, pourrait donner l’impression que celle-ci tolère les structures abusives ». Dans ces cinq pages, l’appelante se fonde sur l’énoncé dans l’arrêt Duke of Westminster, et soutient que les opérations de l’EVCC se comparent favorablement à de la planification « classique ».

[40]        Il me semble très clair que, tandis que l’appelante peut avoir parfaitement le droit de contester le fondement probatoire de mes constatations et conclusions, elle a tout simplement dit des faussetés flagrantes à mon sujet et sur ce que j’ai dit ou n’ai pas dit quand elle déclare que la motivation fiscale de McKesson ne lui a jamais été présentée durant le procès et qu’elle a donc été privée de la possibilité d’aborder le sujet.

[41]        Je crois certes que j’ai porté clairement ce sujet à l’attention de l’avocat de l’appelante au cours du témoignage de son premier témoin, et que je l’ai de nouveau soulevé auprès de l’avocat au début de sa plaidoirie orale. L’appelante a présenté des observations écrites à propos de la planification fiscale, reconnaissant elle-même que le sujet a été soulevé dans l’argumentation. On peut comprendre ce que l’on veut dans la décision de l’appelante de ne pas débattre du point ou de ne pas mener un réinterrogatoire, mais il me semble tout à fait faux d’affirmer que je n’ai pas soulevé d’emblée le sujet auprès de l’appelante, au moment où elle pouvait répondre avec des éléments de preuve supplémentaires, un résumé de la preuve pour modifier mon impression, ou n’importe quel argument juridique de son choix.

[42]        Je voudrais aussi noter que je n’ai jamais dit dans mes motifs que les opérations de l’EVCC étaient dépourvues d’un objectif commercial. Je crois qu’il faudrait une interprétation nettement fausse du paragraphe 18 de mes motifs (ci-dessus) pour révéler un appui à cette allégation, laquelle est textuellement reprise tout au long du mémoire.

[43]        En outre, je demeure convaincu que mes motifs décrivent avec précision les éléments de preuve sur la motivation et l’utilisation de fonds au paragraphe 9 où j’ai écrit que :

[9]        À cette époque, McKesson Canada n’avait pas cerné le besoin, sur le plan commercial, d’une injection ou d’un emprunt de capitaux, pas plus que le groupe McKesson n’avait besoin que McKesson Canada lève des fonds pour un autre membre du groupe. Il y avait aussi une Société à responsabilité illimitée de la Nouvelle-Écosse dite « à cumul de déductions » dont le financement venait à échéance et qu’il allait falloir recapitaliser d’une manière ou d’une autre; il s’agissait là d’une fraction du montant visé par le nouveau mécanisme de transfert des comptes clients. McKesson Canada n’a pas fait de démarches auprès de ses prêteurs habituels ou d’établissements financiers classiques (ni auprès de personne d’autre) avant de mettre sur pied son propre mécanisme de transfert de comptes clients entre sociétés ayant un lien de dépendance, de même que les opérations connexes. Le Groupe McKesson avait auparavant mis en place une structure organisationnelle internationale et des opérations internes avantageuses sur le plan fiscal qui lui avaient permis d’amasser en Irlande de très grandes quantités de capitaux. Les membres non canadiens du Groupe McKesson ont pu utiliser cet argent pour financer la totalité des achats des comptes clients de McKesson Canada dans le cadre du mécanisme de transfert.

Et au paragraphe 214 où j’ai écrit que : « Rien ne prouvait que McKesson Canada ou le Groupe McKesson étaient même intéressés à affacturer les comptes clients à n’importe quelle institution financière sans lien de dépendance présente sur les marchés d’affacturage, vraisemblablement parce que le Groupe McKesson aurait dans ce cas été privé des bénéfices ».

Et au paragraphe 274 où j’ai écrit que : « La volonté de transférer le risque au Luxembourg n’a jamais été expliquée ».

Et au paragraphe 348 où j’ai écrit que :

[348]    On ne m’a pas produit d’élément de preuve satisfaisant dont il ressortirait que McKesson Canada a été amenée à solliciter le financement des comptes clients auprès d’une société d’affacturage à coût de financement ou à frais élevés, et non auprès d’un important participant financier mieux financé/à rendement inférieur/à coût inférieur, décrit dans la propre preuve de la contribuable. On ne m’a toutefois pas produit d’élément de preuve sur le coût du capital qui est associé aux opérations d’affacturage de comptes clients qu’exécutent d’importants participants bien financés.

b) La preuve apportée par M. Reifsnyder à propos de son expertise en matière d’assurance-insolvabilité, de la disponibilité de cette assurance et de son efficacité comme moyen de réduire les risques dans les produits financiers structurés, et l’absence d’éléments de preuve à propos des coûts de cette assurance

[44]        L’appelante reprend cette affirmation au paragraphe 37 de son mémoire :

[traduction]

37e)     De même, le juge de première instance affirme que « [i]l est possible d’obtenir une assurance‑insolvabilité ou une assurance‑défaillance auprès d’entités commerciales sans lien de dépendance sur les marchés financiers », et qu’il a « trouvé quelque peu surprenant que ni l’une ni l’autre des parties ne produise aucun élément de preuve de ce genre ». En ce qui concerne M. Reifsnyder, il précise que « malgré l’étendue de ses connaissances, de son expérience et de ses présentations sur l’assurance‑crédit applicable aux opérations financières structurées, ainsi que la référence qu’il a faite à leur disponibilité dans son témoignage, M. Reifsnyder n’a, semble-t-il, jamais tenu compte du coût de l’assurance des comptes clients dans son approche, ni vérifié les résultats de cette dernière. Il n’a pas expliqué non plus pourquoi il ne l’avait pas fait ». Ce sujet n’a jamais été soulevé au procès[. . .]

[45]        Les premiers mots du paragraphe 37 du mémoire affirment que cette préoccupation n’a [traduction] « [. . .] jamais été formulée au procès, de telle sorte que McKesson Canada n’a jamais eu l’occasion d’y répondre [. . .] »

[46]        Ce sujet a-t-il été soulevé au procès ou non? L’appelante a-t-elle eu la possibilité de répondre ou non? Nous allons là encore examiner le dossier des délibérations de première instance.

[47]        Au début du témoignage de M. Reifsnyder pendant le procès, l’avocat de l’appelante lui a demandé de dire à la Cour quel genre de travail de conseil-expert il faisait. Sa réponse incluait ceci (aux pages 833 et 834 du volume 7 de la transcription) :

[traduction]

Et maintenant, avec ma femme, je bâtis une entreprise de gestion des risques et de conseils financiers pour les petites entreprises et les particuliers, qui est principalement axée sur les solutions d’assurance.

[48]        À partir de la page 851 jusqu’à la page 859 du volume 7 de la transcription du 27 octobre 2012, l’avocat de l’appelante a interrogé M. Reifsnyder uniquement sur son expérience en matière d’assurance-insolvabilité relativement aux valeurs mobilières et au financement structuré au cours de la période allant de 1997 à 2008 à titre de cadre supérieur pour des acteurs importants dans ce marché, c’est-à-dire :

        Capital Markets Assurance Corporation ou CAP MAC et MBIA Insurance Corporation, où il a dirigé le groupe qui [TRADUCTION] « fournissait de l’assurance sur des titres adossés à des créances hypothécaires et des TGC à des gens qui avaient acheté ces titres sans assurance et qui sont venus nous demander si on pouvait les assurer »; il décrit CAP MAC et ses dirigeants comme ayant [TRADUCTION] « une vision d’avenir pour offrir ce genre d’assurance [sur les obligations municipales et les titres émis par les autorités publiques] pour le marché du financement structuré. Par conséquent, leurs activités étaient fortement axées sur l’assurance des opérations, sur les opérations financières structurées : donc, les comptes clients, les prêts, et les opérations adossées à des créances mobilières de toutes sortes, c’était leur spécialité »;

        La FCEI, où il [TRADUCTION] « gérait des équipes qui veillaient à assurer des opérations financières » et;

        Une filiale de Bear Stearns qui avait [TRADUCTION] « pour but de fonctionner comme une société d’assurance en prenant en charge des risques associés à des titres de sociétés adossés à des créances mobilières ou des risques de type TGC sur le marché financier en concluant des contrats dérivés en matière de crédit ».

L’avocat de l’appelante a interrogé de nouveau M. Reifsnyder pour confirmer que, lorsqu’il était à l’emploi de CAP MAC et de MBIA, il a travaillé sur des opérations canadiennes, notamment des opérations visant des effets commerciaux américains gérées par deux des plus grandes banques du Canada.

[49]        Plus tard dans son témoignage (aux pages 930 à 933 du volume 9 de la transcription), l’avocat de l’appelante a demandé à M. Reifsnyder de [traduction] « fournir des détails sur les différentes façons dont les comptes clients sont vendus et quelles structures différentes peuvent être ou ne pas être utilisées pour aborder la question du risque et du prix ». En répondant à cette question, M. Reifsnyder a décrit trois [traduction] « façons dont vous pouvez traiter le risque dans des opérations de ce genre ». Et plus tard, il poursuit :

[traduction]

La troisième chose, c’est que vous pouvez parfois écarter le risque dans ce genre d’opération. Vous pouvez demander à un tiers d’assurer le rendement des comptes clients ou le rendement d’un ensemble quelconque de l’actif. Vous pouvez transférer le risque en réaffectant le risque d’une opération à un tiers qui a accepté d’assumer le risque à un prix donné ou vous pouvez absorber le risque.

[50]        En ce qui a trait à cette argumentation, il y a eu plusieurs échanges pendant les observations de l’avocat de l’appelante où cette question a été abordée.

[51]        Le 31 janvier 2012, soit le premier jour de la plaidoirie orale, l’échange suivant figure à la page 3651 du volume 22 de la transcription :

[traduction]

Juge Boyle : McKesson a payé une prime remarquable pour ce faire dans le but principal de couvrir le risque, y compris le risque de détenir jusqu’à 100 % de comptes clients, mais c’est ce que l’on entend par couvrir le risque. C’est beaucoup plus que le taux auquel McKesson É.-U. emprunte. C’est beaucoup plus que ce qu’ils payaient auparavant dans la mesure où ils utilisaient cet argent pour se refinancer et ne paient-ils pas beaucoup plus pour se décharger du risque? Et je n’ai pas de preuve de ce à quoi pourraient correspondre les coûts pour se délester d’un tel risque. Il existe toutes sortes de façons différentes de déplacer les risques pour vérifier si X + Y devrait être égal à Z.

M. Schabas : La voilà peut-être la preuve. Le ministère de la Justice n’a pas fait comparaître de témoin pour laisser entendre qu’il y avait une autre solution comme celle que vous avez laissé entendre qui serait moins chère que cela.

[52]        Plus loin, aux pages 3653 et 3654 de la transcription, cette discussion se poursuit :

[traduction]

Juge Boyle : N’ai-je pas la preuve que McKesson Canada a fait une opération lorsqu’elle a eu besoin [de fonds] pour se refinancer à un coût de financement de Z?

M. Schabas : En effet.

Juge Boyle : J’ai la preuve que son coût de financement jusqu’alors était de X; la cotation de McKesson É.-U. et ses facilités de crédit qui comprenaient une tranche disponible au Canada se situaient dans la gamme de X, ce qui signifie que j’ai donc un delta élevé entre X et Z, que nous appellerons Y, et j’ai de la difficulté à voir qu’ils ont obtenu plus qu’un simple transfert de risque pour Y. Donc, j’ai devant moi de nombreux éléments de preuve et le juge Boyle ne peut-il pas dire [:] quelles preuves ai-je de la question de savoir si Y est raisonnable? Parce que c’est un delta surprenant.

M. Schabas : Non, vous ne pouvez pas commencer à vous engager – je soutiens que vous êtes en train de vous engager sur un terrain glissant en affirmant qu’il ne s’agit pas d’une opération qui pourrait se réaliser, qui n’a pas été plaidée et qui, juridiquement, ne vous a pas été soumise. Le problème est qu’il y a ce transfert de risque, il y a ce financement de presque 100 % et les avantages qui en découlent. La seule chose à faire est de dire quel est le prix fixé par des parties sans lien de dépendance? Et la preuve qui vous a été soumise, soit le prix fixé par des parties sans lien de dépendance, est celui que [Mme] Hooper a décrit. Vous devez vous éloigner de ce sentiment d’inconfort, eh bien, ils auraient pu emprunter de l’argent à un taux inférieur, et les frais de financement auraient été plus bas, mais il y a d’autres avantages. Ce n’est pas une opération comparable. Les économistes disent que je ne peux pas comparer cela. Les deux le disent. Il s’agit de la preuve. Il y a la preuve d’un transfert de risque et voilà ce dont il s’agit. Aucune de ces autres opérations ne transfère le risque et les experts disent que le prix pour transférer le risque dans une opération entre parties sans lien de dépendance est celui-ci. S’il y avait une autre opération comparable qui permettrait de transférer le risque, elle n’a pas été présentée.

Donc, vous n’avez pas de fondement pour en arriver à la conclusion qu’il existe un autre prix inférieur pour le transfert du risque. Vous avez simplement la preuve qui vous a été soumise.

Juge Boyle : Cela vous amène-t-il à vous demander quel est le fardeau de la preuve qui incombe au contribuable [pour] démontrer que la cotisation est erronée?

[53]        Cet échange se poursuit pendant les quatre pages suivantes de la transcription. Cet échange comprenait cette observation de ma part à l’avocat de l’appelante : [traduction] « Nous n’avons ni déterminé ni évité le risque. Nous devons établir ce qu’en coûte le risque ». Au cours de cet échange, l’avocat de l’appelante m’a rappelé que M. Reifsnyder [traduction] « avait agi à la fois pour les acheteurs, les vendeurs, les émetteurs et les assureurs de risque ». L’échange incluait mon interrogatoire de l’avocat de l’appelante sur ce qui suit quant à l’utilisation par M. Reifsnyder d’un indice de fonds d’obligations : [traduction] « Rappellez-moi, est-ce qu’il avait déjà vu cela avant ou s’il l’avait déjà fait lui-même avec tout son bagage d’expérience? ». Cela s’est terminé avec l’échange suivant (aux pages 3657-58 de la transcription) :

[traduction]

Juge Boyle : Lors de l’interrogatoire principal, est-ce qu’il m’a dit que c’est la façon dont les marchés fixent le prix du risque; dans un accord privé, utiliseraient-ils une obligation de pacotille? Ce n’est pas ce qu’il dit. Ce n’est pas le rôle de M. Laperrière en contre-interrogatoire. Vous devez me dire quelles parties sans lien de dépendance l’auraient fait.

M. Schabas : M. Reifsnyder a dit que je me suis penché sur ça. J’ai examiné la qualité du crédit. J’ai dû déterminer comment je devais en fixer le prix. On ne parle pas de titrisation. Je ne structure pas une réserve. J’ai ces débiteurs désignés qui imposent un risque et il y a là un risque de crédit. Je sais comment m’y prendre. Je dispose d’un portefeuille non concentré de petits débiteurs. Que dois-je faire pour cela? Je pense en fonction du marché. M. Laperrière n’est pas allé le voir en lui disant « Pourquoi n’avez-vous pas regardé autre chose ». Mon travail consiste à le présenter [M. Reifsnyder] et à expliquer quelles mesures il a prises et comment il en est arrivé là. Il ne m’appartient pas de dire pourquoi vous n’avez pas fait ceci et cela.

Juge Boyle : C’est votre travail et le sien de me dire quelles modalités auraient été conclues entre des personnes sans lien de dépendance. Je suis sûr que s’il avait utilisé ceci régulièrement dans la tarification d’accords privés avec des personnes non cotées et qu’il leur avait dit que c’était des obligations de pacotille, j’en aurais entendu parler.

[54]        Cette discussion a repris plus tard. Les pages 3669 et 3670 de la transcription décrivent ce qui suit :

[traduction]

Juge Boyle : À 50 000 pieds, le seul paragraphe qui résume la question soulevée par les faits porte sur le fait que McKesson a commencé avec un coût de financement de presque 5 % et elle conclut cette opération et le coût des modalités s’élève à plusieurs fois ce montant. Disons que c’est 5 et 20, nous avons un 15, soit un quadruplement du risque. Ainsi ai-je tort de penser que j’ai en quelque sorte besoin d’être rassuré que payer cette prime de 15 points de pourcentage était une évaluation raisonnable du coût pour permettre à McKesson de se délester d’un tel risque parce que c’est ce que fait un marché qui accepte ce risque? Et n’y a-t-il pas des marchés d’assurance et l’ensemble des dérivés de crédit - -

[55]        Plus tard, le 1er février à la page 3785 du volume 23 de la transcription, le texte suivant est consigné :

[traduction]

Juge Boyle : Et je suis chargé de décider si McKesson a payé trop cher pour déplacer ce risque : N’est-ce pas ce que je suis chargé de faire?

M. Schabas : Je pense que je suis d’accord avec ce que vous venez de dire.

[56]        Il semble très clair pour moi que les questions concernant l’expertise considérable de M. Reifsnyder en assurance insolvabilité des comptes clients et d’autres valeurs mobilières et opérations financières structurées, et la disponibilité de l’assurance-insolvabilité pour le transfert des risques à l’égard des comptes clients ont été soulevées par l’appelante dans la preuve et dans les observations, et que l’avocat de l’appelante a amené chacune de ces questions aussi loin qu’il le désirait, sans que je le retienne. Que l’appelante déclare dans son mémoire que je suis celui qui a soulevé ces questions, sans qu’elles aient été soulevées au procès, et que je les ai soulevées de façon indépendante pour la première fois dans mes motifs, cela me semble être de nouveau l’appelante qui dit des contre-vérités claires à mon propos.

c) Contrôle continu notionnel de l’entreprise par rapport aux droits de résiliation

[57]        Aux paragraphes 42 et 44 de son mémoire, l’appelante déclare :

[traduction]

42. Bien que le juge de première instance soit censé suivre les principes énoncés ci-dessus, en réalité, son calcul d’un taux d’escompte de pleine concurrence découle d’une analyse fonctionnelle fondée sur l’hypothèse voulant que la SMI n’assume aucun risque important [. . .] L’analyse du juge de première instance et sa décision finale reposent essentiellement sur trois propositions clés [. . .]

(iii) que, dans l’application de l’alinéa 247(2)a), et plus précisément, dans l’interprétation de l’opération hypothétique à laquelle on pourrait comparer l’opération entre McKesson Canada et la SMI, l’acheteur hypothétique aurait le contrôle du vendeur hypothétique.

[. . .]

44. Quant à la proposition (iii), pour déterminer si les parties sans lien de dépendance accepteraient le taux d’escompte convenu par McKesson Canada et la SMI, le juge de première instance a déclaré que l’acheteur sans lien de dépendance notionnel aurait le pouvoir de « […] changer le nom de McKesson Canada, de vendre McKesson Canada ou de prendre une autre mesure de façon à déclencher à sa guise un fait résiliateur » [. . .]

[58]        Au paragraphe 10 de son mémoire, l’appelante affirme que le juge de première instance a tiré une [traduction] « [. . .] conclusion que la SMI pourrait effectivement mettre fin à l’entente en raison de son statut d’unique actionnaire de McKesson Canada ».

[59]        L’appelante déclare également à l’alinéa 38b) de son mémoire que l’une des quatre questions particulières dans leur appel consiste à savoir si le juge de première instance a commis une erreur quand il a conclu qu’il devait supposer que la SMI acheteuse contrôlait le vendeur McKesson Canada.

[60]        Au paragraphe 52 de son mémoire, l’appelante déclare :

[traduction]

52.       [. . .] Au lieu de décider de l’affaire en se fondant sur la façon dont elle a été rédigée dans les plaidoiries, sur la preuve administrée au procès, il a conçu de nouvelles théories, en prétendant effectuer sa propre analyse quantitative [. . .] Il est en effet difficile de discerner un quelconque lien entre les débats au procès et l’analyse indépendante contenue dans les motifs du juge de première instance.

[61]        Au paragraphe 73 de son mémoire (cité ci-dessus), l'appelante a écrit que l’« erreur fondamentale » commise par le juge de première instance est que [traduction] « dans son opération hypothétique, il croyait qu'il devait supposer que l’acheteur hypothétique contrôlerait en quelque sorte le vendeur hypothétique soi-disant non apparenté ».

[62]        Là encore, nous pouvons examiner le dossier du procès pour voir si le juge a dit de telles choses ou tenu de tels propos, s’il a tiré cette conclusion, ou s’il a tranché cette question autrement qu’en se fondant sur la preuve présentée au procès.

[63]        La question des droits notionnels de contrôle continu de l’entreprise et celle des facteurs de déclenchement donnant lieu à la résiliation ont été abordées au cours du procès tout au moins dans le cadre des échanges suivants.

[64]        Le 31 janvier, aux pages 3540 et 3541 du volume 22 de la transcription  de l’enregistrement :

[traduction]

Juge Boyle : Si nous avions une vente aux enchères à rabais entre parties sans lien de dépendance du droit d’être la SMI, l’acheteur --

M. Schabas : Mais ce n’est pas le cas. Vous devez accepter le fait que la garantie provient de la société mère qui possède et contrôle entièrement la SMI. C’est pourquoi j’ai eu recours à la méthodologie d’établissement des prix de transfert et au droit qui dit que vous devez non seulement vous fier à l’entente, mais accepter le fait sous-jacent que la garantie provient de sa société mère détenue en propriété exclusive. Nous ne ferons pas abstraction de cet aspect des faits sous-jacents.

Juge Boyle : Et que dire du revers de la médaille? Il s’agit d’un accord de cinq ans, qu’il s’agisse d’un risque de cinq ans [dépend] de la façon dont nous définissons ce terme, il s’agit d’un accord de cinq ans mais qui est résiliable en fonction d’un certain nombre d’événements, y compris un changement du nom de McKesson. Étant donné que l’acheteur est le propriétaire et qu’il a le droit de changer le nom, puis-je en déduire que l’acheteur sans lien de dépendance a le droit de résilier l’accord sur demande en changeant le nom? Le changement de nom est-il transféré de la société mère à ma personne sans lien de dépendance théorique?

M. Schabas : Je suppose que ce serait le cas dans la mesure où cela est économiquement pertinent.

[. . .]

Juge Boyle : L’un des termes définis, l’avant-dernier terme, est le changement de nom en vue de retirer le mot « McKesson ». Est-ce que ma société mère sans lien de dépendance théorique a le droit que possède la société mère de changer le nom? Ont-elles le droit que possède la société mère actionnaire d’accéder à de l’information financière sous-jacente sur les débiteurs qui n’est pas prévue dans l’EVCC?

M. Schabas : Potentiellement, et je suppose que ce serait vrai dans n’importe quel cas d’établissement de prix du transfert.

[65]        Aux pages 3544 et 3545 de la transcription, les échanges suivants ont été consignés :

[traduction]

Juge Boyle : En arrivant ainsi à une conclusion logique tout à fait défendable, si c’est ce que j’accepte, est-ce que chaque filiale canadienne, société privée, filiale d’une multinationale étrangère, publique ou autre, ne réévaluerait-elle pas son taux pour un taux d’obligation de pacotille de cinq ans? Nous n’allons pas vous donner de renseignements prévus à la convention de prêt, vous êtes en train d’acheter à l’aveuglette en vertu de cette convention. Vous avez accès à tout le reste en tant qu’actionnaire. Vous ne pouvez qu’examiner la convention de prêt. La société G.E. renégociera son entente le jour suivant la publication de mes motifs. Tout le monde renégociera son taux pour atteindre essentiellement le rang des obligations de pacotille.

M. Schabas : Je veux réfléchir à ma réponse.

Juge Boyle : C’est la difficulté que j’éprouve, pourquoi y a-t-il une incontestable distinction? Et je crois que vous l’avez expliqué, mais pourquoi y a-t-il une incontestable distinction entre le fait d’accepter les obligations et les droits liés au plan d’actionnariat du groupe apparenté du point de vue de l’acheteur, mais de les refuser au vendeur, et je crois que votre position était que la loi vous dit que le genre de relation que vous devez présumer être est celui de partie sans lien de dépendance?

M. Schabas : En effet.

Juge Boyle : Si c’est ce que je présume, pourquoi auriez-vous admis que l’acheteur doit également obtenir le droit de renommer McKesson d’une quelconque façon? Parce que cela vient de la même relation?

M. Schabas : C’est le cas.

Juge Boyle : Je pense que le paragraphe 247 a l’air vraiment simple, et peut-être que c’est le cas s’il s’applique à un gadget ou à un médicament, mais lorsque nous abordons la question des services financiers, cela devient beaucoup plus compliqué. Si vous regardez la société G.E., si vous aviez raison, comment la Cour ou la Cour d’appel a consacré son temps à traiter de l’appui implicite à la société G.E.? L’appui implicite se fonde sur la société G.E. en tant que filiale de la société G.E.?

M. Schabas : J’y reviendrai. Je veux y réfléchir.

[66]        L’avocat de l’appelante est revenu sur ce point au début de la page 3598 de la transcription :

[traduction]

M. Schabas : En lien avec ceci est l’autre question sur laquelle vous m’avez laissé, qui traite plus généralement du principe du lien de dépendance et de la disposition sur la résiliation, la société mère peut changer son nom et mettre fin à l’entente à tout moment. Tout d’abord, je voudrais apporter le commentaire qu’une disposition comme celle-là est une disposition que des parties sans lien de dépendance accepteraient.

[67]        Cet échange s’est poursuivi aux pages 3599, 3600 et 3601, où l’avocat de l’appelante indique clairement qu’il ne pense pas qu’il peut ajouter quoi que ce soit d’autre sur cette question, et que ceci conclut ce qu’il voulait dire sur le sujet.

[68]        La question est soulevée de nouveau à la page 3634 de la transcription :

[traduction]

Juge Boyle : La question que j’ai posée à deux ou trois reprises aujourd’hui est celle-ci : Cela me trouble, qu’il s’agisse de titres de catégorie spéculative ou de qualité peu élevée entre deux experts, qu’est-ce qui peut empêcher le juge Boyle de reconnaître l’évidence, que la SMI sait exactement le risque de crédit et la position de MCC? Nous savons tous que MCC n’est pas cotée parce que MCC n’avait pas besoin d’une cotation puisqu’elle n’exerce pas ses activités sur les marchés publics. Pourquoi devrais-je être enclin à croire que l’une ou l’autre de ces deux approches, titres de catégorie spéculative ou de qualité peu élevée, constitue mes deux choix?

M. Schabas : Parce que c’est la preuve qui vous a été soumise.

Juge Boyle : Il s’agit là de la preuve d’expert. C’est là une opinion. Suis-je tenu d’accepter la preuve des experts?

M. Schabas : Avec égards, M. le juge, je crois que vous êtes obligé de trancher cette affaire avec la preuve qui vous a été soumise. C’est votre devoir, d’entendre la preuve, non d’exposer certaines autres théories et d’autres approches non définies par les plaidoiries en vertu desquelles la preuve n’est pas produite. Et c’est pourquoi j’ai dit au début qu’il s’agissait dans les faits de vous présenter la preuve pour vous permettre de décider quelle preuve est la plus persuasive et la plus probante. C’est ce que constitue un procès. Et vous devez trancher la présente affaire selon la preuve. Et c’est la preuve qui vous a été présentée, par exemple, sur ce point précis.

Juge Boyle : On ne parle pas d’arbitrer un match de baseball ici; je n’ai pas à choisir entre votre expert et l’expert de M. Laperrière sur ce point, n’est-ce pas?

Je dispose également d’éléments de preuve que la SMI est la société mère et qu’elle détient [100] % des parts de MCC et ce que cela implique est qu’elle a pleinement accès à ses livres et registres en temps réel.

M. Schabas : C’est assez juste. Vous devez dissocier cela de votre évaluation en l’espèce.

[69]        Dans une série d’observations additionnelles de l’appelante déposées après l’audience (celles de mars 2012), l’appelante renvoie à cette discussion dans son argumentation :

[traduction]

22.       Dans la plaidoirie, la question suivante (nous paraphrasons ici) a été soulevée en ce qui concerne la portée de la situation hypothétique : Si la situation hypothétique exige que la Cour traite les parties comme si elles n’avaient pas de lien de dépendance, la Cour doit-elle ou peut-elle tenir compte de tous les facteurs pertinents sur le plan économique qui découlent précisément de la relation entre des parties ayant un lien de dépendance ou qui s’inscrivent dans une telle relation?

[70]        Les observations additionnelles de l’appelante sur cette question vont de la page 9 à la page 18. Après avoir cité l’arrêt General Electric sur la même question, la thèse de l’appelante était la suivante :

[traduction]

24.       Par conséquent, toutes les circonstances, y compris celles qui découlent de la relation entre des parties ayant un lien de dépendance, ou qui s’inscrivent dans cette relation, doivent être prises en considération; la seule fiction, c’est que la relation entre les parties est remplacée par l’hypothèse que les parties sont indépendantes.

[71]        L’appelante a poursuivi ses observations (au paragraphe 31) en indiquant que l’application de cette affirmation aux opérations de l’EVCC était que [TRADUCTION] « l’analyse doit supposer que, dépourvu de toute relation spéciale, chaque partie cherche à négocier un taux d’actualisation qui maximise sa propre position ».

[72]        À mon avis, les échanges au cours de ce procès sont entièrement compatibles avec les paragraphes 128 à 132 de mes motifs, susmentionnés, qui en tiennent compte. En outre, comme nous l’avons déjà décrit ci-dessus, les échanges au procès et ces paragraphes de mes motifs ne se rapportent aucunement d’un point de vue grammatical, réel ou historique à la preuve de Mme Hooper quant à l’objectif et à l’efficacité des déclencheurs des droits de résiliation en fonction des ratios de défaillance ou de perte[2].

d) Les commentaires du juge de première instance sur la crédibilité des témoins et sur l’importance à leur accorder, y compris les témoins experts en général et M. Reifsnyder en particulier

[73]        Au paragraphe 9 de son mémoire et à la note de bas de page de cette phrase, l’appelante déclare :

[traduction]

9.         [. . .] Il est tout simplement erroné de remettre en question la crédibilité et l’intégrité d’une partie pour avoir omis de répondre à des éléments de preuve qui ne lui ont pas été présentés.

Il convient de noter que la Couronne n’a jamais fait valoir qu’il n’y avait aucune question quant à la crédibilité du témoin de McKesson, et le juge de première instance n’a pas exprimé non plus une telle inquiétude au cours du procès. En fait, l’observation du juge de première instance au cours du procès sur la crédibilité des témoins allait comme suit : [TRADUCTION] « Sous réserve d’un examen plus approfondi jusqu’à ce que j’appose ma signature au bas de la page, je n’ai guère de doutes quant à la crédibilité des témoins dans ce procès […] » […] Il semble que c’est seulement après avoir reformulé le différend et les questions en litige, et examiné les éléments de preuve sous ce nouvel angle, que le juge de première instance a conclu que les témoins n’étaient pas crédibles.

[74]        Voici ce que j’ai dit à l’avocat de l’appelante selon les pages 3738 et 3739 du volume 23 de la transcription :

[traduction]

Voilà ce que je peux dire à ce stade, sous réserve d’un examen plus approfondi jusqu’à ce que j’appose ma signature au bas de la page, je n’ai guère de doutes quant à la crédibilité des témoins dans ce procès. Je doute cependant de la pertinence de certaines parties de leur témoignage sur certains points relatifs à la façon dont je l’entrevois présentement. Cela ne veut pas dire que ce qu’ils m’ont dit n’était pas correct ou crédible. Je trouve que ces témoignages sont moins utiles que ce qu’ils semblent croire ou que je suis appelé à accepter. Je suis donc saisi de questions quant à la force probante et à la pertinence, mais, à mon avis, il n’y a aucun enjeu fondamental en ce qui concerne la crédibilité des témoins à cette étape-ci, et il me semble que ce serait bizarre que vous et moi acceptions de permettre à un expert de la Couronne de témoigner, puis, que je conclue qu’aucune crédibilité ne se rattache à quelque élément que ce soit de son témoignage, la première raison fournie étant que son expérience était limitée. Cela touche la force probante.

[75]        Comme il est précisé plus loin, ce n’était pas le seul échange sur la relation entre la crédibilité et la force probante puisque l’avocat de l’appelante a soutenu à plusieurs reprises que je devais conclure que ni l’un ni l’autre des experts de l’intimée n’était crédible ou que je ne devais accorder aucun poids à quelque élément de leur témoignage.

[76]        À l'alinéa 37c) de son mémoire, l’appelante déclare :

[traduction]

Le juge de première instance n’a pas ajouté foi au témoignage de l’expert de McKesson Canada, M. Reifsnyder, car celui-ci avait donné l’impression d’être « dans une large mesure orienté, prompt à faire ressortir les petites taches figurant dans les rapports d’expert de l’intimée, et à minimiser, voire refuser de reconnaître, les failles présentes dans le sien ». Cette conclusion contredit carrément les commentaires du juge de première instance prononcés lors de l’argumentation finale que « sous réserve d’un examen plus approfondi jusqu’à ce que j’appose ma signature au bas de la page, je n’ai guère de doutes quant à la crédibilité des témoins dans ce procès. . . ».

[77]        Ma préoccupation exposée en partie à l’alinéa 37c) du mémoire comme quoi M. Reifsnyder avait donné l’impression d’être dans une large mesure orienté figure au paragraphe 245 de mes motifs à l’alinéa r). Les dix-sept alinéas qui précèdent, soit a) à q), décrivent en détail les doutes sérieux particuliers émis quant à son choix de l’approche et de la méthodologie précisées dans son rapport d’expert et discutées dans son témoignage à l’appui au procès. Pratiquement toutes ces préoccupations sont ressorties au procès dans les témoignages ou  au cours des plaidoiries, et elles ont été soulevées par l’avocat de l’intimée en contre-interrogatoire ou au cours des plaidoiries, ou encore par le juge de première instance lorsqu’il a interrogé les témoins, ou en tant que préoccupations soulevées par l’avocat de l’appelante au cours des plaidoiries. L’alinéa r) est le seul alinéa qui traite brièvement du contraste entre l’approche de M. Reifsnyder dans ses rapports déposés en contre-preuve et son témoignage qui critique les experts de l’intimée et leurs rapports, et sa propre prestation lorsque son opinion ou témoignage complémentaire a été remis en question. Je n’ai pas la liste des exemples précis dans mes motifs et il serait inapproprié de compléter mes motifs à ce stade. Toutefois, le dossier et la transcription se passent de commentaires.

[78]        Le paragraphe 9 du mémoire de l’appelante se poursuit ainsi :

[traduction]

Pour ce qui est de la conclusion brutale du juge de première instance que « jamais je n’ai vu une partie appelante déployer autant d’efforts et de temps pour faire valoir avec une telle énergie et un tel sérieux une position aussi indéfendable », McKesson Canada affirme que, si le juge de première instance s’était concentré sur les propositions plaidées et contestées par les parties, au lieu de reformuler l’affaire dans ses motifs après la fin du procès, il n’aurait pas conclu que la cause du contribuable était non fondée.

[79]        Nous devons maintenant examiner les motifs pour vérifier ce que le juge de première instance a dit, et réexaminer le dossier de l’instance pour voir si le juge de première instance a fait part de telles préoccupations en cours de procès.

[80]        L’appelante a cité le paragraphe 246 de mes motifs dans son paragraphe 9. Ce paragraphe suit immédiatement l’alinéa 245r) sur mon inquiétude selon laquelle M. Reifsnyder donnait l’impression d’être orienté quant au choix de sa méthodologie à la fin de ma liste de préoccupations. Il s’agit du dernier paragraphe du sous-titre e) « Le rapport d’expert de M. Reifsnyder » sous le chapitre 8 intitulé « Les témoins, les rapports d’expert et le rapport de PwC ». Il s’agit là clairement d’une conclusion au sujet de l’approche adoptée par M. Reifsnyder et rien d’autre. Je sais avec certitude que le coconseiller de l’appelante l’a relue attentivement. Mais laisser entendre dans son mémoire que j’ai écrit cela à propos de l’ensemble du dossier du contribuable par opposition à l’opinion émise par M. Reifsnyder est délibérément trompeur. Il s’agit peut-être d’une pratique considérée comme acceptable parmi les avocats plaidant en appel.

[81]        Toutefois, que l’appelante affirme que j’en suis arrivé à une conclusion à propos d’un rapport d’expert et du témoignage du témoin parce que j’ai reformulé la cause après la fin du procès me donne l’impression qu’elle dit une autre contre-vérité à mon sujet.

[82]        Les questions de la crédibilité et de la force probante ont été l’objet de plusieurs échanges entre l’avocat de l’appelante et le juge de première instance. L’avocat de l’appelante entame la question de la crédibilité des experts à la page 3700 du volume 23 de la transcription. Aux pages 3708 et 3709, j’ai dit :

[traduction]

Je peux vous dire que la Cour est très habituée aux témoins, y compris les témoins experts qui fonctionnent comme des bandes préenregistrées, et certains se répètent plus que d’autres, mais je ne suis pas sûr que le fait de penser qu’ils ont le droit de s’en tenir à leur message signifie qu’ils ne sont pas crédibles. C’est clairement un style populaire chez les témoins devant les tribunaux.

[83]        L’avocat de l’appelante a poursuivi en me demandant de ne pas tenir compte du témoignage de M. Glucksman et a dit à la page 3709 :

[traduction]

Les juges sont ceux qui ont la possibilité de passer leurs journées à écouter des contre-interrogatoires qui durent trois jours mais qui auraient dû n’en durer qu’un seul et à voir quelqu’un qui ne veut pas accepter les faits donner les réponses qui nuiront à sa cause. Et les juges de première instance rédigent des décisions et disent qu’une des raisons pour lesquelles je rejette ce témoin ou la seule et unique raison pour laquelle je rejette tel ou tel témoin est qu’il est clair qu’il vient témoigner avec un parti pris et un objectif, et cela a été démontré à plusieurs reprises au cours du contre-interrogatoire parce qu’il refuse de manière répétée de fournir des réponses à la plupart des questions les plus simples qui lui sont posées au lieu de donner de longues réponses décousues et souvent incohérentes. Et je paraphrase les passages de notre mémoire et qui s’applique encore et toujours au témoignage de M. Glucksman.

[84]        À la page 3711, j’ai répondu :

[traduction]

Le style et la forme sont peut-être inappropriés, mais ne pas reconnaître la force de la cause de la partie opposée ne signifie pas que ce que le témoin me dit à propos de son opinion d’expert est nécessairement représentatif du fait qu’il n’est pas crédible. Un des motifs que je cite pour accepter la preuve d’un témoin, qu’il soit un expert ou autre, comprend souvent la question de savoir si ce témoin est évasif.

[85]        Et à la page 3712, j’ai répondu :

[traduction]

Cela préoccupe grandement le juge de première instance lorsque les témoins refusent de donner les renseignements que personne d’autre ne peut lui donner. C’est alors que vous commencez à vous poser des questions. Vouloir simplement s’en tenir à son message ne m’influence pas nécessairement. C’est tout ce que je dis.

[86]        L’échange suivant se trouve à la page 3714 de la transcription :

[traduction]

Juge Boyle : En mettant de côté toutes les belles déclarations légales, les experts sont des promoteurs rémunérés. C’est là une fonction de leur rôle.

M. Schabas : Vous devez voir à travers ce voile. Bien entendu, ils sont rémunérés et ils en arrivent à des conclusions, et le rôle de l’avocat est de voir dans quelle mesure ils agissent en tant que promoteurs plutôt qu’experts, et c’est la différence entre M. Reifsnyder et M. Glucksman.

[87]        Ma phrase sur la crédibilité citée dans le mémoire à deux reprises, que j’ai énoncée dans un contexte plus large ci-dessus, a été suivie à la page 3738 de la transcription par :

[traduction]

Juge Boyle : Si on ne doit accorder aucun poids à ce qu’ils ont dit, nous ne parlons pas de force probante mais bien d’expertise. Nous avons dépassé ce stade, n’est-ce-pas?

M. Schabas : Je ne suis pas sûr. J’ai fait observer – -

Juge Boyle : Zéro est un nombre. Je suis d’accord.

M. Schabas : Lorsque le témoignage de M. Glucksman diffère de celui de [Mme] Hooper ou de M. Reifsnyder, il devrait être totalement écarté.

Juge Boyle : Tout le témoignage, dites-vous?

M. Schabas : J’allais terminer ma phrase. J’allais dire qu’à l’égard de toute autre preuve qu’il a fournie, aucun poids ne devrait lui être accordé. On ne devrait vraiment lui accorder aucun poids. Et vous n’avez pas besoin de lui accorder de poids.

Juge Boyle : Je veux que les gens sachent où je me situe par rapport aux questions soulevées afin qu’ils puissent évaluer leur temps en conséquence. Ce qui n’allait pas vous arrêter. Cela peut signifier que vous devrez me convaincre davantage et rendre l’évidence encore plus apparente. C’est là que je me situe.

M. Schabas : Il existe un processus de la preuve lors d’un procès où les dépositions des témoins se contredisent, où les juges doivent décrire quelle preuve est la plus convaincante et où l’aspect essentiel qui en découle provient de l’appréciation de la crédibilité. Parce que, si nous disposons de chiffres et d’approches contradictoires, alors nous nous tournons vers le juge des faits, le juge de première instance, pour évaluer la crédibilité et la rigueur de leur analyse et décider quels éléments de preuve privilégier. Parallèlement, même lorsque vous avez admis une personne dont la compétence lui permet de donner une opinion, celle-ci livre un tout autre témoignage en fonction de son comportement, de ses contradictions, des doutes que vous avez concernant la rigueur de son analyse ou de la confusion qui est exposée, des corrections, du refus de reconnaître des choses, c’est ce qui explique aussi pourquoi nous comptons sur le juge des faits pour apprécier la déposition et décider que ce témoin, je ne veux tout simplement pas donner du poids à ce témoin, son témoignage n’est pas fiable. Et c’est à vous d’y voir. Vous avez certainement notre observation.

[88]        Le coconseiller de l’appelante au procès, M. Gilliland, a également abordé la question de l’appréciation de la preuve dans le contexte de l’utilisation par M. Schabas du mot « crédibilité » aux pages 3821 et 3822 de la transcription.

[89]        L’appelante revient au paragraphe 47 de ses observations écrites additionnelles d’avril 2012 à la relation entre « crédibilité » et « force probante » lorsque ces termes sont utilisés à l’égard d’experts.

[90]        Il y a également plusieurs fois dans l’argumentation où j’interroge l’avocat de l’appelante concernant certaines de mes préoccupations importantes relativement à l’approche de M. Reifsnyder.

[91]        Par exemple, à la page 3752, j’ai demandé :

[traduction]

Mais M. Reifsnyder se lance et il commence avec la seule chose dont il ne s’agit absolument pas, une obligation de cinq ans. Et ce n’est pas sur le marché public. C’est donc ici que tout commence et où j’ai de la difficulté à m’imaginer en train d’écrire mes motifs et de justifier rationnellement d’une façon que tout le monde, des juges de la Cour suprême à un élève intelligent de niveau secondaire, pourrait comprendre[,] avec toute cette information, le juge Boyle a commencé où[?]

[92]        Et aux pages 3753 et 3754, j’ai demandé :

[traduction]

Pourquoi s’adresse-t-il à des agences de notation? Si j’ignore le fait que je sais où vous allez et comment écrire le reste de mes motifs, mais pourquoi dois-je passer par l’agence de notation pour une obligation de pacotille de cinq ans?

[93]        Et plus tard, à la page 3754 :

[traduction]

 Il [l’indice de fonds d’obligations choisi par M. Reifsnyder] incluait un émetteur en défaut dont le taux implicite, le taux auquel il s’échangeait, était de 399 ou de 299 pour cent.

[94]        Dans le volume 22 de la transcription, aux pages 3637 et 3638, l’échange suivant est consigné :

[traduction]

Juge Boyle : Dois-je fermer les yeux sur le fait que, selon moi, nous savons tous que les sociétés privées au Canada ne paient pas de taux d’obligations de pacotille à leur prêteur?

M. Schabas : En effet.

Juge Boyle : Même s’ils devaient payer un taux d’obligations de pacotille pour les émettre sur les marchés publics sans obtenir une cotation, qu’il s’agisse des Katz ou des Reichman avant l’entrée en scène de ces gens sur les marchés publics, nous savons tous qu’ils ne payaient pas de taux d’obligations de pacotille.

Cet échange s’est poursuivi jusqu’à la page 3639.

[95]        À la page 3661 du volume 22 de la transcription, j’ai dit :

[traduction]

Le problème que j’ai, et je suis sûr que vous en avez une idée, est que M. Reifsnyder n’a pas pu me dire qu’il avait déjà effectué une opération de ce genre. Il peut me dire que c’est de la façon dont, selon lui, le prix pourrait être établi du point de vue du prêteur en se servant d’une boîte à outils qui commence avec la mise en défaut et se poursuit avec la notation, mais le fait qu’il n’a jamais agi de la sorte ne m’amène pas à douter de son expertise ou de son expérience, mais m’amène plutôt à penser que c’est parce que du point de vue de l’emprunteur, ils diraient « [n]ous sommes une société privée solvable très rentable. Nous ne sommes pas venus emprunter de l’argent à vous le prêteur, comme si nous allions sur les marchés publics, ce n’est pas le cas. C’est pourquoi nous sommes venus vous rencontrer, pour un accord privé personnalisé. Vous ne pouvez pas commencer à me dire que j’aurais dû aller sur les marchés et ensuite me facturer comme si j’étais allé sur les marchés et que j’avais échoué. Jetez un coup d’œil à mes livres. C’est ce qu’une agence de notation d’obligations et d’autres titres ferait. C’est ce que fait un prêteur[ »].

[96]        Et à la page 3662, j’ai répondu :

[traduction]

 Le paragraphe 247 me dit de regarder les parties sans lien de dépendance, les deux à la fois. Le bailleur de fonds pourrait bien regarder cela de cette façon, mais le fait qu’il ne peut pas me dire qu’ils n’ont jamais conclu une entente, n’est-ce pas là, à l’évidence, il n’y a personne du côté opposé qui conclurait un accord comme celui-là à moins d’être rétrogradé à un rang pire que celui des obligations de pacotille?

[97]        Aux pages 3755 et 3756 du volume 23 de la transcription, l’échange suivant a été consigné :

[traduction]

Juge Boyle : La preuve établit que, lorsque McKesson et M. Trossman ont structuré une opération de comptes clients, ils ont d’abord pensé à la titrisation. Ils sont allés voir la TD et [Mme] Hooper n’a pas dit[ : q]u’est-ce que vous faites ici? Vous souhaitez parler aux Reifsnyder ou à mon bureau. Mon bureau peut vous dire à quel taux vos obligations se négocient.

M. Schabas : Elle s’est entretenue avec les gens de son bureau.

Juge Boyle : À propos d’un léger aspect de la gestion du processus de détermination des risques d’une opération de comptes clients. Donc, ce joueur-là même et son conseiller très expérimenté, votre entreprise, considèrent cela comme un bon point de départ. Vous n’êtes pas marié à cette entreprise, mais comment puis-je rédiger mes motifs pour ne pas tenir compte de cet aspect et dire que là où je désire réellement commencer, c’est avec M. Reifsnyder?

M. Schabas : Vous n’avez pas à en rejeter un et adopter l’autre; vous pouvez dire qu’ils ont tous deux obtenu le même résultat. Cela tient compte des deux analyses. Bien sûr, ils les ont abordés différemment, mais ils en sont arrivés aux mêmes résultats et l’approche bien menée auprès de M. Glucksman les a amenés là aussi. Vous n’avez pas à dire que M. Reifsnyder a raison et que Mme Hooper a tort. Absolument pas.

Juge Boyle : Je ne dis pas que c’est dans l’analyse, c’est dans le point de départ. Ma question demeure : Pourquoi aurais-je démarré avec une notation du marché des obligations d’État?

[98]        À la page 3766 de la transcription, j’ai dit :

[traduction]

Nous avons accusé cet homme d’examiner une opération hypothétique, il [dit] : « Je n’en ai jamais établi le prix de cette façon avant, mais je pense que c’est la façon dont je m’y prendrais. Par conséquent, il adopte une approche hypothétique pour fixer le prix d’une opération hypothétique et il arrive avec un [pourcentage de rajustement] de 25 et un autre de 40. Je commence à ne pas me sentir en sécurité.

[99]        Aux pages 3767-3768, j’ai dit à M. Schabas :

[traduction]

Il ne m’a pas dit pourquoi cela devrait être correct. Il a reconnu qu’il s’agissait d’une différence fondamentale et que cela nécessitait un rajustement important et il m’a donné une série de chiffres qui ont l’air assez importants. Étant donné que je suis aussi un peu inquiet au sujet du point de départ, soit de devoir apporter un rajustement majeur, un important rajustement, nous ne pouvons pas expliquer ou justifier dans un hypothétique [-] jamais utilisé par lui-même ou sur le marché à sa connaissance [-] l’approche de tarification, ses autres rajustements peuvent être tout autant pris en charge et rattachés comme ceux-là, mais je ne me sens pas d’attache sur ce point clé. Vous avez dit que c’est le plus près que l’on peut se situer avec ce qu’il est en mesure de me dire.

[100]   À la fin du témoignage de M. Reifsnyder, j’ai posé au témoin un certain nombre de questions pour comprendre plus clairement son témoignage, son approche et son avis. Aux pages 1287 et 1288 du volume 9 de la transcription, j’ai interrogé M. Reifsnyder à propos de l’absence de rajustement pour le rendement réel antérieur des comptes clients à tout moment et sur quelque base que ce soit pendant la durée de cinq ans. J’ai posé des questions au sujet de la volatilité des chiffres pour l’indice de fonds d’obligations qu’il a choisi, à la page 1289, et sur les valeurs tout à fait aberrantes de cet indice, à la page 1291. À la page 1293, je lui ai demandé s’il avait cherché à savoir si l’un des débiteurs de McKesson Canada avait effectivement émis la dette publique dans les délais requis, et il m’a dit qu’il n’avait pas vérifié. Je lui ai demandé, à la page 1293, d’expliquer le rajustement de ses [TRADUCTION] « petits débiteurs plus risqués » avec un indice d’obligations de pacotille à haut rendement et si cet indice doit être rajusté. Je lui ai demandé de préciser s’il était d’avis que les marchés ne tiennent pas compte de l’historique, ou que les marchés devraient ignorer l’historique, mais qu’ils ne le font pas, à la page 1299; sa réponse se passe de commentaires. Je lui ai demandé, à la page 1302, s’il était au courant des modalités du financement par la SMI de l’achat des comptes clients, y compris la garantie fournie par la société mère, et il a dit qu’on ne lui avait pas donné cette information ni aucune information sur la situation financière de la SMI. J’ai demandé à M. Reifsnyder de m’indiquer ses références dans le rapport déposé en contre-preuve au critère établi dans le rapport de Standard & Poor’s sur les comptes clients de la structure de financement selon lequel [TRADUCTION] « l’utilisation de données historiques sur trois ans est courante », à la page 1303.

[101]   J’ai ensuite demandé aux avocats, à la page 1306, s’ils avaient des questions découlant d’une de mes questions posées à M. Reifsnyder. L’avocat de l’appelante a répondu qu’il n’en avait pas.

[102]   Je dois ajouter qu’une partie substantielle des observations écrites additionnelles de l’appelante d’avril 2012 aborde les limites de l’approche préconisée par M. Reifsnyder et son témoignage mentionné par l’intimée dans ses observations écrites additionnelles, y compris la décision de démarrer avec un indice de fonds d’obligations.

[103]   Il me semble que mes préoccupations quant aux questions liées à la crédibilité et à la force probante ont été communiquées clairement à plusieurs reprises pendant le procès, comme je l’ai signalé ci-dessus en ce qui concerne M. Schabas et M. Gilliland, et comme je l’ai également signalé ci-dessus en ce qui concerne M. Reifsnyder à la fin de son témoignage. Il me semble également que le fait pour l’appelante d’écrire que [traduction] « et le juge de première instance n’a pas exprimé non plus une telle inquiétude au cours du procès », et que l’alinéa 245r) de mes motifs est [traduction] « catégoriquement incompatible » avec mes commentaires cités est intrinsèquement et manifestement faux. C’est-à-dire, je crois que l’appelante disait des contre-vérités à mon sujet qui vont au-delà de l’art de l’embellissement, de la manipulation et de l’insinuation déployé par un avocat plaidant en appel.

[104]   Je suis également d’avis que j’ai clairement présenté mes préoccupations à M. Reifsnyder alors qu’il était encore capable de donner de meilleures explications ou des explications plus complètes lui-même ou d’ajuster sa façon de penser, ou que son avocat pouvait encore procéder à un autre réinterrogatoire. Encore une fois, cela signifie que je suis d’avis qu’il serait faux de dire que mes préoccupations quant à l’approche et l’opinion de M. Reifsnyder ne sont apparues qu’après que j’eus reformulé la cause après la fin du procès.

(i) La relation entre les escomptes et les intérêts lorsqu’ils sont exprimés sous la forme de taux, et la question de savoir si le juge de première instance a tenu des propos « incendiaires » et « trompeurs » dans ses motifs

[105]   Au paragraphe 54 de son mémoire, l’appelante m’accuse d’être fourbe dans la phrase de mes motifs où je traite des coûts de financement, des taux d’escompte et des taux d’intérêt. Plus précisément, la note de bas de page 87 du mémoire indique ce qui suit :

[traduction]

 [. . .] Le juge de première instance établit un rapport entre le taux d’escompte qui fait l’objet de la cotisation et un taux d’intérêt annuel de 12 % ou 13 %, alors qu’en fait, presque tous les taux d’escompte de 1 % consistent en un recouvrement des coûts, de sorte qu’ils n’équivalent pas tous à un taux d’intérêt. De même, le juge de première instance émet le commentaire incendiaire et trompeur au paragraphe 14 que le taux d’escompte réel de 2,2 % équivaut à un taux d’intérêt annuel de 27 %.

[106]   Dans mes motifs, les paragraphes 14 et 16, et les notes de bas de page correspondantes, renvoient à cette question. Ils se lisent comme suit :

[14]      L’ARC a contesté ces opérations entre parties liées pour l’année d’imposition 2003 de McKesson Canada, au motif que les montants payés à l’entité non canadienne du Groupe McKesson dans le cadre des opérations d’achat de comptes clients différaient de ceux qui auraient été payés entre des personnes sans lien de dépendance qui exécuteraient des opérations selon des modalités de pleine concurrence. L’escompte accordé au moment de l’achat des comptes clients, conformément au mécanisme renouvelable, était de 2,206 % par rapport au montant nominal. Ce taux d’escompte et les opérations générales qui ont eu lieu entre les parties sont examinés plus en détail ci-après, mais ce taux d’escompte, pour des comptes clients qui, en moyenne, seraient vraisemblablement payés dans un délai d’environ 30 jours, peut être reformulé comme un coût de financement annuel à payer par McKesson Canada, pour les droits que lui conférait le mécanisme de transfert, de l’ordre de 27 % par année

[Note de bas de page 5 :] L’escompte a en fait été consigné à titre de frais de financement dans les états financiers de McKesson Canada. L’expert de l’appelant, M. Reifsnyder a confirmé que, bien qu’il y ait des différences, on peut considérer que des taux d’intérêt annuels et des taux d’escompte sont à peu près la même chose.

[16]      L’année d’imposition de McKesson Canada qui a donné lieu au présent appel et qui a pris fin le 29 mars 2003 était courte, d’une durée d’environ trois mois et demi, ayant débuté au moment de son regroupement dans le cadre d’une restructuration canadienne des intérêts canadiens du Groupe McKesson. Son année d’imposition et son exercice prennent fin le dernier samedi du mois de mars de chaque année. Son exercice est divisé en treize périodes comptables de quatre semaines. Le redressement du prix de transfert que l’ARC a effectué pour l’année 2003 s’élève à environ 26 610 000 $, ce qui constitue un taux d’escompte de 1,013 % pour les comptes clients achetés. [Note de bas de page 6 :] Cela représente un taux de coût de financement réel annuel de l’ordre de 12 à 13 %, soit plus du double des taux d’intérêt annuels sur les marges de crédit disponibles décrites plus tôt. Aucune pénalité pour prix de transfert n’a été imposée.

[107]   On peut noter que, dans mes motifs, j’établis clairement un rapport entre le taux d’escompte sur l’achat des comptes clients et un coût de financement annuel.

[108]   Comme l’indique la note de bas de page 5, M. Reifsnyder a témoigné au cours du procès qu’on peut considérer les taux d’intérêt annuels et les taux d’escompte comme étant à peu près la même chose.

[109]   Nous devons revenir au dossier des délibérations pour voir ce que M. Reifsnyder et l’avocat de l’appelante ont dit à propos des différences et de l’équivalence des taux d’intérêt et des taux d’escompte en examinant les coûts de financement.

[110]    L’échange suivant de questions et de réponses avec l’avocat de l’appelante lors de l’interrogatoire principal figure dans le témoignage de M. Reifsnyder aux pages 1005 et 1006 de la transcription :

[traduction]

Question : Nous allons revenir sur tous ces points en détail et vous [m’en] avez donnés à la page suivante. Je veux juste revenir sur une partie de votre rapport que je n’ai pas abordée auparavant, qui est votre discussion aux pages 8, 9 et 10 sur le taux de rendement et certains de vos débats sur des périodes de temps et des choses du genre. Pouvez-vous nous dire ce dont vous êtes en train de traiter ici?

Réponse : Oui. Lorsque j’ai parlé de flux de trésorerie plus tôt, je n’ai pas mentionné le fait que ceux d’entre nous qui ont pris part activement à des opérations pendant longtemps sont très sensibles aux questions comme la période de temps et ce que l’on appelle le jour où l’opération a lieu.

Et nous sommes également extrêmement sensibles à la différence entre les taux escomptés et les taux d’intérêt. Ce n’est pas la même chose. Ils n’ont pas le même résultat numérique. Je voulais penser à ces éléments dans le cadre de cette opération et décider si c’était là une question cruciale en vue d’une analyse de ladite opération pour étudier l’opération en fonction de ces valeurs et de ces variables et, au bout du compte, ce que j’essaie de dire se trouve dans le rapport aux pages 8 et 9.

Je pense que la façon d’examiner cette affaire, c’est de regarder chaque période comme étant une période d’environ 28 jours, ce qui correspond au nombre de jours d’une période de règlement, la période comptable de McKesson et également de considérer les taux d’intérêt annuels et les taux d’escompte comme étant à peu près la même chose. Alors mathématiquement je reconnais que si vous faites un calcul en fonction d’une période de 28 jours ou de 32 jours, vous en arriveriez à un résultat différent, mais dans le contexte de cette opération, je ne considère pas ces rajustements comme étant importants dans le contexte de la négociation d’un prix global.

[111]   L’échange suivant entre M. Reifsnyder et le juge de première instance est consigné à la page 1071 du volume 8 de la transcription :

[traduction]

Juge Boyle : Puis-je vous interrompre pendant une seconde, juste parce que j’ai perdu le fil de mes idées. Le bas de la page 15, les deux premières lignes sur le graphique, du 1306 au 1.0049.

Le témoin : Oui.

Juge Boyle : Cette fois, nous convertissons un taux à un escompte directement?

Le témoin : Oui.

Juge Boyle : Peut-être que c’est ce que j’ai mal compris, le rendement réel n’est pas exprimé sous la forme d’un taux et - - il s’agit d’un escompte, et non d’un taux d’intérêt?

Le témoin : Oui, et comme je l’ai déclaré hier - -.

Juge Boyle : Je m’en suis souvenu. Cette fois-ci, j’ai pensé que vous aviez converti, mais ce n’est pas le cas?

Le témoin : Je ne convertis pas l’intérêt réel à un taux d’escompte. Je prends un taux d’intérêt annuel et je le divise par 13 et je me dis que cela suffit pour le considérer comme un taux d’escompte.

Juge Boyle : Je savais que c’était ça ou que vous le divisiez par 12 après la conversion d’un taux d’intérêt à un taux d’escompte. Ai-je confondu qui que ce soit? Cela m’a certainement aidé. Merci. Continuez.

[112]   L’échange suivant a été consigné pendant le contre-interrogatoire de M. Reifsnyder par M. Laperrière à la page 1164 de la transcription :

[traduction]

Question : Dans votre rapport déposé en contre-preuve, vous critiquez les rapports d’expert de M. Glucksman et de M. Finard pour avoir converti le taux d’escompte dans l’EVCC en un taux d’intérêt annuel, vous souvenez-vous de ces parties de votre rapport?

Réponse : Oui.

Question : On me demande encore une fois de vous demander où, dans l’un ou l’autre des rapports de M. Glucksman ou de M. Finard, prétendent-ils que l’EVCC a un taux d’intérêt annuel déclaré?

Réponse : Je ne suis pas sûr qu’une telle déclaration est faite dans les rapports. Ils ont tout simplement caractérisé les coûts de financement comme équivalant à un taux d’intérêt annuel, si je me souviens bien.

[113]   Et à la page 1165 :

[traduction]

Question : Permettez-moi de vous poser la question suivante : Les rapports n’ont-ils pas tous deux juste converti le taux d’escompte dans l’EVCC à un taux d’intérêt annuel par souci de comparaison avec d’autres sources de financement?

Réponse : Nous établissons ici une comparaison avec un taux d’intérêt annuel en fonction d’un indice. Soyons clairs, il s’agit d’un rendement, un rendement actualisé sur un portefeuille. C’est mon seul point.

Question : Selon votre expérience, les entreprises ne veulent-elles pas généralement comparer les coûts de financement potentiels qu’elles obtiendraient en vertu de différentes structures de financement?

Réponse : Oui.

Question : Si un directeur financier tentait de comprendre les coûts de financement afférents, si nous prenons une opération de comptes clients similaire à l’EVCC et, disons, un prêt bancaire, serait-il nécessaire de convertir le taux d’escompte de l’EVCC en un taux d’intérêt annuel?

Réponse : En un taux annuel réel, oui. Mais cela dépend - - je ne pense pas qu’il faut confondre cela avec un taux d’intérêt. Ce n’est pas un taux d’intérêt déclaré. Il s’agit d’une question liée au risque. Ce n’est pas accumulé à ce taux avant que l’opération arrive à échéance.

Question : Vous pouvez également en évaluer la raison d’être, c’est-à-dire, en comparant en quelque sorte « des choses comparables »?

Réponse : Oui. D’une manière simple et rapide, comme on dit.

[114]   Je peux répéter ce que j’ai dit dans la note de bas de page 5 ci-dessus que la preuve a établi que l’escompte dans l’EVCC a en fait été consigné à titre de frais de financement dans les états financiers de McKesson Canada.

[115]   Lorsque nous lisons les transcriptions de l’interrogatoire préalable portant sur la preuve qui faisait suite au témoignage de M. Reifsnyder, l’avocat de l’appelante, aux pages 1310 et 1311 du volume 9 de la transcription, m’a dit ce qui suit en me décrivant les points saillants des pièces consignées (qui n’ont pas été reproduites intégralement dans le dossier, mais qui ont été acceptées telles quelles) :

[traduction]

Juge Boyle : Je vais vous demander maintenant, puisque tout se passe entre des avocats et un juge, et qu’il n’y a aucun témoin. Quelle est la pertinence de tout ceci? L’ARC a mis bien du temps à entrer dans le jeu et elle a dû se dépêcher, car elle avait une échéance et vous pensez qu’elle a fait une gaffe. Comment cela peut-il m’aider?

M. Schabas : Cela a trait au contexte des hypothèses. À l’onglet 2A, il s’agit là encore du fait que, tant qu’elle n’avait pas rencontré un économiste, elle n’avait pas réalisé que l’escompte de 2,2 %, si vous acceptiez cette approche, pouvait équivaloir à un taux d’intérêt beaucoup plus élevé et c’est l’objet de l’onglet 2A. L’onglet 2B sert à illustrer l’argument, comme nous y reviendrons plus tard, que la vérificatrice- -.

Juge Boyle : Ont-ils travaillé sur ce que Sears leur facturait sur le solde chaque année?

M. Schabas : C’est certes un argument qu’on pourrait faire valoir dans nos plaidoiries, M. le juge. L’onglet 2 porte sur le fait que la vérificatrice a reconnu qu’elle n’avait pas traité de dossier d’affacturage et, là encore, à l’onglet 2C, on trouve encore plus de références au fait que c’était M. St. Pierre, l’économiste que l’ARC avait rencontré en décembre, qui a porté à son attention que 2,2 n’était pas un taux d’escompte annuel et qu’elle croyait que c’était un taux d’escompte raisonnable jusqu’à ce qu’elle le rencontre. Ce point est expressément traité à la page 356 de la question 1633, elle affirme que, jusqu’à ce qu’elle rencontre l’économiste, l’équipe fonctionnait selon le principe que le taux d’escompte était raisonnable.

[traduction]

Juge Boyle : Vous venez de me dire que c’est parce qu’elle croyait que c’était 2,2 %.

M. Schabas : Elle ne pensait pas que le taux d’escompte pouvait équivaloir à 28 %, selon les preuves produites.

[116]   Il me paraît en effet très difficile, en me fondant sur ces éléments de preuve de M. Reifsnyder et des états financiers de McKesson Canada, et sur cet échange avec l’avocat de l’appelante dans son argumentation, d’imaginer que j’ai tenté d’induire en erreur.

e) Est-ce que les deux approches du rapport d’expert de M. Glucksman et de la preuve ont été mentionnées dans les motifs?

[117]   Au paragraphe 28 de son mémoire, l’appelante déclare :

[traduction]

28.       Myron Glucksman, le dernier expert de la Couronne, disposait de deux analyses : une « estimation positive » avec une réserve en cas de transfert du risque de 18,5 %, et une autre méthode d’estimation devant servir à déterminer un taux d’escompte de pleine concurrence dans le cadre de l’entente sans modifier fondamentalement l’opération. En vertu de la deuxième approche, qui n’a jamais été mentionnée par le juge de première instance [. . .]

[118]   Dans les motifs, j’ai décrit ces deux approches au paragraphe 265 :

[265]    En plus de critiquer les méthodes de détermination d’un taux d’escompte qui sont exposées dans le rapport de VMTD (ainsi que dans le rapport de PwC), le rapport de M. Glucksman estime de manière positive un taux d’escompte de pleine concurrence pour l’EVCC.

[119]   Étant donné qu’il n’y a que deux approches établies dans le rapport d’expert de M. Glucksman et dans son témoignage (largement évoquées au cours de l’audience en tant qu’approche « telle quelle » et approche « substantielle » ou « positive »), je crois qu’il serait difficile pour quelqu’un qui connaît la procédure ou qui en est informé de lire ce paragraphe dans mes motifs en n’y voyant pas un renvoi aux deux approches présentées par M. Glucksman ou une description de celles-ci.

[120]   Je suis d’avis que le paragraphe 28 du mémoire déposé au nom de l’appelante dit des faussetés à mon sujet et sur ce que j’ai dit ou n’ai pas dit.

f) Le juge de première instance a-t-il négligé de tenir compte d’une concession de la Couronne?

[121]   Au paragraphe 4 de son mémoire, l’appelante déclare :

[traduction]

4.         À la fin du procès, cependant, la Couronne avait abandonné son idée d’une réserve de 20 %, et avait effectivement admis que, sans cette réserve (en cas de transfert de risque), le taux d’escompte initial de 1 % du ministre était indéfendable.

[122]   De même, au paragraphe 25 de son mémoire, l’appelante déclare :

[traduction]

25.       La Couronne s’est fondée finalement sur une preuve à l’appui d’une conclusion selon laquelle, sans réserve importante pour pertes en cas de transfert de risque, les parties sans lien de dépendance auraient accepté un taux d’escompte de l’ordre de 1,35 %.

[123]   Le paragraphe 28 du mémoire (déjà examiné dans le cadre de la rubrique précédente) renvoie au témoignage de M. Glucksman sur sa réserve à cet égard.

[124]   Aux paragraphes 35 et 36 de son mémoire, l’appelante déclare :

[traduction]

35.       Dans ses motifs, le juge de première instance rejette la réserve de 20 % initialement avancée par la Couronne au motif que l’ajout d’une telle modalité reviendrait à réécrire en réalité l’opération; cependant, il ne tient pas compte de l’incidence qu’aurait la concession de la Couronne sur le taux d’escompte. La Couronne a concédé que la tarification de l’opération réelle sans l’ajout d’une réserve en cas de transfert du risque se traduirait par un taux d’escompte aussi élevé que 1,35 %.

36.       Plutôt que de considérer la preuve ou la thèse de la Couronne, le juge de première instance est parvenu à un taux d’escompte fondé sur ses propres conjectures quant à ce que des parties sans lien de dépendance auraient accepté ou non, puis il a conclu que le taux d’escompte invoqué par le ministre dans la nouvelle cotisation s’inscrivait dans les limites des taux de pleine concurrence. Le juge de première instance a considéré un taux d’escompte aussi bas que 0,92 % pour produire un taux de référence de pleine concurrence pour l’opération de McKesson Canada, un taux d’escompte sans réserve, alors que les témoins de la Couronne (M. Glucksman et M. Finard) voyaient un chiffre de cet ordre comme étant acceptable seulement si une réserve de 90 millions de dollars y était ajoutée. [3]

[125]   Nous pouvons revenir au dossier des délibérations pour voir si le juge de première instance a négligé de tenir compte des concessions faites par la Couronne ou a omis de tenir compte de la preuve de la Couronne sur ce point, et pour voir si une telle concession a été faite par la Couronne.

[126]   Il ressort clairement du dossier que l’avocat de l’intimée n’a jamais reconnu un tel point, même après qu’on lui eut rappelé le témoignage de M. Glucksman donnant lieu aux taux de 1,3 et 1,35. (Cela semble être reconnu indirectement dans la dernière phrase du paragraphe 30 du mémoire.)

[127]   L’échange suivant lors de l’argumentation de l’avocat de l’appelante a eu lieu vers la fin de la deuxième journée de sa discussion sur la question du rajustement du prix de transfert aux pages 3806 et 3807 du volume 23 de la transcription :

[traduction]

Juge Boyle : […] J’ai posé la question à M. Laperrière, est-ce que 1,3 constitue maintenant mon seuil[,] pour la raison que vous avancez, mais vous dites que je dois. Je vous pose cette question. Cela exerce des pressions sur lui de poser cette question.

M. Gilliland : Il y pense encore deux jours plus tard. Je ne suis pas en désaccord, vous pourriez rejeter tous les éléments de preuve et quelle que soit la manière que vous jugez utile, arriver à 1,1. Mon argument est que, d’après la preuve qui vous a été soumise, vous auriez de la difficulté à le faire, compte tenu du fait que le propre témoin de la Couronne arrive à 1,3 et mon intuition sur ce point est que, si j’ai raison et que nous nous situons à 1,3, il y a un écart entre ces deux preuves prépondérantes.

À partir de maintenant à titre d’appelantes, nous vous poussons au-delà de 1,1. Je dis que si nous en sommes arrivés là, il semble que nous avons déjà parcouru beaucoup de chemin en ce sens compte tenu de la preuve et du changement de thèse. Mon seul point alors est que nous en sommes à la prépondérance de la preuve. Si ce n’est pas le cas, le fardeau nous incombait de faire bouger les choses.

Juge Boyle : C’est vous qui aviez le fardeau de repousser les hypothèses de fait. Je crois que cela a été fait. Je ne pense pas que je vais entendre un argument à l’effet contraire de la part de M. Laperrière.

Vous vous trouvez désormais dans la position où se trouve chaque personne présentant une demande devant une cour, il vous incombe de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que ce qu’ils ont fait n’est pas le bon et je dis que ce qu’ils ont fait se situait encore à 1,1. Vous dites qu’il s’agit à peu de chose près et peut-être d’un point de vue juridique d’un taux de 1,3. En dehors de ce désaccord, je pense que nous disons la même chose. Ils n’ont pas à me démontrer que le taux de 1,1 est le bon, même si l’hypothèse est exclue. Vous devez me démontrer que ce n’est pas le bon.

[128]   Je crois que ce dernier échange se passe de commentaires. Je crois qu’il est faux pour l’appelante de dire que j’ai négligé de tenir compte d’une concession de la Couronne et que je n’ai pas examiné la preuve de l’expert de la Couronne sur ce point.

3. Où il ressort du mémoire que McKesson Canada conteste l’impartialité du juge de première instance.

[129]   Au paragraphe 9 de son mémoire, l’appelante écrit à propos de l’[traduction]« antipathie palpable » du juge de première instance envers le contribuable, ses témoins et son avocat. Elle renvoie à l’une de mes déclarations comme étant [traduction] « acerbe ».

[130]   Elle conclut le paragraphe 34 en écrivant ceci :

[traduction]

Ce qui ressort des motifs est la position peu flatteuse prise à l’égard de McKesson Canada, ses témoins et son avocat.

[131]   Au paragraphe 70, elle renvoie à mon analyse en disant qu’elle est [traduction] « contaminée par ses commentaires péjoratifs et injustes ».

[132]   J’ai déjà traité ci-dessus sous ma première rubrique de mes préoccupations selon lesquelles, aux paragraphes 84, 88 et 89, l’appelante semble dire que je ne dis pas la vérité.

[133]   Je considère ces commentaires comme des allégations publiques par une partie à l’instance portant sur des questions liées aux dépens et aux renseignements confidentiels dont est toujours saisie la Cour que, quel que soit le bien-fondé de son raisonnement ou de ses pensées, je suis incapable de trancher les questions en suspens de manière impartiale. J’estime qu’une personne raisonnable qui lirait uniquement ces phrases dans le mémoire, sans examiner mes motifs ou la transcription du procès, serait portée à croire que ces vives plaintes par McKesson Canada et son avocat peuvent soulever un doute sérieux quant à ma capacité de trancher les deux questions qui demeurent et à m’acquitter de mes fonctions de façon impartiale.

4. Erratum

[134]   Avant de conclure, il semble approprié pour moi de reconnaître une erreur dans mes motifs que l’appelante a correctement identifiée dans son mémoire. Au paragraphe 56 de son mémoire, l’appelante renvoie à l’expression dans la phrase du paragraphe 13 de mes motifs qu’« une partie a été prêtée pendant un certain temps à une autre société canadienne afin de lui permettre d’utiliser ses pertes fiscales ». Je peux confirmer qu’elle a raison de dire que la preuve n’étaye aucunement que le but de ce prêt était de faire en sorte que la société affiliée de Vancouver utilise ses pertes fiscales. Je vous prie de m’excuser pour avoir utilisé les mots « afin de lui permettre d’utiliser ses pertes fiscales ». Il appartiendra à d’autres de décider, bien sûr, de la pertinence de ma phrase erronée par rapport à l’ensemble de ma décision et de mes motifs.

[135]   En guise d’explication et non d’excuse, je peux voir que j’avais mal interprété une question à deux volets que j’avais l’intention de poser à M. Brennan par souci de clarification à la fin de son témoignage, comme étant une question et une réponse. Dans son interrogatoire principal, M. Brennan, le vice-président des affaires fiscales de McKesson États-Unis, a décrit la société affiliée de Vancouver comme un grand centre de R. et D., et plus tard, il en a parlé comme d’un très grand bureau physique de R. et D. dont les employés étaient instruits. Il a ensuite parlé de la somme de 92 millions de dollars comme ayant [traduction] « été simplement prêtée par nous à une de nos entreprises qui sont situées à Vancouver au Canada. Nous avions l’argent pour payer cette somme immédiatement. Nous n’étions pas tenus de le faire, mais nous l’avons fait. Et, vous savez, et, en fait, cette facture a été payée sur une période de deux ans par la suite, mais nous pourrions l’avoir payée en passant par notre filiale de l’Irlande beaucoup plus tôt, si nous l’avions voulu ». Plus tard, il a dit : [traduction] « tout ce que nous avons fait est d’accorder à notre tour un prêt à l’une de nos sociétés affiliées canadiennes ». Et [traduction] « mais, de toute façon, c’est l’argent de McKesson Canada, et nous avons demandé de le prêter à sa société, non pas une filiale, il s’agit d’une société affiliée, une société affiliée canadienne, et nous pouvons maintenant le faire en raison de la restructuration ». Ce sont les seules preuves dont je dispose. Ma question devait être, dans ces circonstances, pourquoi le prêt a été consenti. La deuxième partie de ma question, si je l’avais posée, était de savoir si ce prêt avait été fait aux fins d’utiliser les pertes fiscales. En fin de compte, j’ai décidé de ne pas du tout poser cette question à M. Brennan. Toutefois, en rédigeant mes motifs, il semble que j’aie confondu la deuxième moitié de ma question avec une réponse à la première. Là encore, je me suis trompé à cet égard dans mes motifs et je m’en excuse.

5. Conclusion

[136]   Pour les motifs indiqués ci-dessus, j’ai décidé que je devais me récuser pour les questions liées aux dépens et aux renseignements confidentiels dans l’instance visant McKesson Canada et dont est toujours saisie la Cour.

[137]   Il se peut que certaines des contre-vérités perçues à propos du juge de première instance et décrites ci-dessus sous la rubrique II pourraient individuellement ne pas justifier la récusation, et il se peut qu’un avocat plaidant en appel pourrait avoir licence pour exagérer par l’utilisation d’absolus comme « jamais », « uniquement » et « n’importe lequel ».

[138]   Toutefois, je suis convaincu qu’un Canadien raisonnable, impartial, bien informé et conscient de toutes les questions abordées en l’espèce, douterait que je puisse demeurer en mesure de rendre des décisions impartiales. Je crois que cette personne raisonnable, impartiale et bien informée, considérant ceci de façon réaliste et pratique, aurait, après mûre réflexion, des motifs de suspicion raisonnée ou de crainte de partialité, réelle ou perçue. Les Canadiens devraient, à juste titre, s’attendre à ce que les juges de première instance aient les reins solides et n’aient pas l’épiderme trop sensible lorsqu’une partie qui a perdu sa cause interjette appel de sa décision, mais je ne crois pas que les Canadiens estiment que cela devrait aller jusqu’à accuser le juge de malhonnêteté et de dire des contre-vérités à leur propos. Les juges de première instance ne devraient pas avoir à défendre leur honneur et leur intégrité à l’encontre de telles attaques inappropriées. L’anglais est une langue très riche; l’appelante et son avocat auraient pu énergiquement faire valoir les motifs d’appel qu’ils préconisaient sans avoir recours à des propos extrêmes déplacés qui s’attaquent à l’intégrité personnelle ou professionnelle du juge de première instance.

[139]   Pour ces motifs, j’informerai le juge en chef que je me récuse de la poursuite de l’instruction de la présente affaire, McKesson Canada. devant la Cour canadienne de l’impôt. Cette récusation s’applique également à l’examen des observations des parties à la présente cause sur les dépens et à la décision portant sur ceux-ci, ainsi qu’à l’ordonnance de 2010 concernant les renseignements confidentiels rendue par le juge Hogan en l’espèce et à son application finale adéquate par la Cour canadienne de l’impôt et son greffe.

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de septembre 2014.

« Patrick Boyle »

Le juge Boyle

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de juin 2016.

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :

2014 CCI 266

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2008-2949(IT)G, 2008-3471(IT)G

INTITULÉ :

MCKESSON CANADA CORPORATION ET LA REINE

ORDONNANCE ET MOTIFS DE RÉCUSATION :

L’honorable juge Patrick Boyle

DATE DE L’ORDONNANCE ET DES MOTIFS DE RÉCUSATION :

Le 4 septembre 2014

COMPARUTIONS :

Avocats de l’appelante :

Me Paul B. Schabas

Me Ryder Gilliland

Me Jeffrey Trossman

Me Ilan Braude

Me Kaley Pulfer

Avocats de l’intimée :

Me Guy Laperrière

Me Janie Payette

Me Sylvain Ouimet

Me Chantal Roberge

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Noms :

Me Paul B. Schabas

Me Ryder Gilliland

Me Jeffrey Trossman

Me Ilan Braude

Me Kaley Pulfer

Cabinet :

Blake, Cassels & Graydon LLP

Toronto (Ontario)

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 



[1]               C’est moi qui ai ajouté la plupart des soulignés dans les nombreux passages cités ci-dessous. J’ai également omis de nombreuses notes de bas de page des passages cités.

[2]               Et je noterais là encore que ceux-ci sont clairement différents des résultats du ratio de perte historique calculés à titre de radiations par rapport aux ventes. En effet, malgré l’apparente confusion de l’appelante quant aux faits énoncés au paragraphe 87 de son mémoire dont il a été question ci-dessus, il me semble clair, selon la note de bas de page 17 du mémoire qu’elle comprend bien en réalité la différence entre le ratio de défaillance et le ratio de perte d’une part et la perte calculée à titre de fonction des radiations par rapport aux ventes d’autre part. Sa compréhension claire de la différence semble aussi évidente tout au long des observations écrites additionnelles de l’appelante par écrit d’avril 2012, aux pages 81 à 83 sous la rubrique [TRADUCTION] « Le déclencheur de résiliation en fonction du ratio de perte demeure utile ».

[3]               Il convient de noter que l’avocat de l’appelante a soit commis une erreur, soit surestimé mon taux d’escompte le plus faible de 0,92 %. Il est évident qu’il devrait être de 0,959 % compte tenu d’une simple lecture des paragraphes 350 et 351 des motifs de ma décision. Ni le témoignage de M. Glucksman ni celui de M. Finard n’ont été livrés ou tirés devant la Cour même dans le contexte d’un DMR applicable à l’achat initial au cours de la courte année d’imposition et traités au paragraphe 351 des motifs de ma décision.

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