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Dossier : 2011-2703(GST)G

ENTRE :

GERRY HEDGES,

requérant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu les 23, 24, 25, 27 et 30 juin 2014, à Vancouver (Colombie-Britannique)

Devant : L’honorable juge Campbell J. Miller


Comparutions :

Avocats du requérant :

Me Alistair G. Campbell,

Me David M. Sherman

Avocates de l’intimée :

Me Lynn M. Burch, Me Christa Akey

 

JUGEMENT

L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les périodes du 1er octobre 2007 au 31 décembre 2007, du 1er octobre 2008 au 31 décembre 2008 et du 1er octobre 2009 au 31 décembre 2009, est rejeté.

Les parties doivent fournir à la Cour une soumission écrite des coûts au plus tard le 31 octobre 2014.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de  septembre 2014.

« Campbell J. Miller »

Juge C. Miller


Référence : 2014 CCI 270

Date : 20140909

Dossier : 2011-2703(GST)G

ENTRE :

GERRY HEDGES,

requérant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge C. Miller 

[1]             M. Hedges cultivait de la marihuana et la vendait à la British Columbia Compassion Club Society (la « BCCCS ») qui, à son tour, la revendait à ses membres. M. Hedges n’a pas perçu ni versé de taxe sur les produits et services (la « TPS ») sur ses ventes de marihuana, qui s’élevaient à 110 732 $ en 2007, à 114 016 $ en 2008 et à 86 698 $ en 2009. Pour cette raison, la nouvelle cotisation de M. Hedges a été établie à 14 968,43 $ (avec les intérêts et les pénalités). La question soulevée dans cet appel consiste à déterminer si la marihuana vendue par M. Hedges à la BCCCS était une fourniture détaxée en vertu de l’annexe VI­I­2(d) de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi »). L’annexe se lit comme suit :

Annexe VI – Fournitures détaxées

2.                  La fourniture des drogues ou substances suivantes :

d)     les drogues contenant un stupéfiant figurant à l’annexe du Règlement sur les stupéfiants, à l’exception des drogues et des mélanges de drogues qui peuvent être vendues au consommateur sans ordonnance, conformément à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances ou à ses règlements d’application.

Pour les fournitures postérieures au 26 février 2008, cette disposition a été modifiée quelque peu, comme suit :

d)   les drogues contenant un stupéfiant figurant à l’annexe du Règlement sur les stupéfiants, à l’exception des drogues et des mélanges de drogues qui peuvent être vendus au consommateur sans ordonnance ni exemption accordée par le ministre de la Santé relativement à la vente, conformément à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances ou à ses règlements d’application.

[2]             Nul ne conteste les montants des cotisations de TPS.

[3]             Les preuves déposées en cour portent principalement sur la question à savoir si la marihuana cultivée par M. Hedges sous l’appellation Po-Chi (le nom de son chien) est une drogue. Cette question nécessite certaines précisions. En effet, il est évident que le public serait étonné d’entendre dire que la marihuana n’est pas une drogue. L’intimée reconnaît que selon la définition du terme marihuana dans la Loi sur les aliments et drogues, cette substance peut être considérée comme une drogue. Toutefois, l’intimée soutient qu’il ne s’agit pas d’une drogue aux fins de la Loi compte tenu de l’interaction entre le régime de réglementation des drogues et celui de la marihuana thérapeutique. Il importe d’examiner ce régime avant de procéder à un examen des faits entourant la vente du produit Po-Chi par M. Hedges et, ultimement, de déterminer si Po-Chi est une drogue et une fourniture détaxée au sens de l’annexe VI­I-2 de la Loi. Les paragraphes qui suivent fournissent les dispositions pertinentes du régime de réglementation, dont des extraits de la Loi de l’impôt sur le revenu, du Règlement sur les stupéfiants, de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, de la Loi sur les aliments et drogues, du Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales et du Règlement d’exemption de la marihuana (Loi sur les aliments et drogues).

RÉGIME DE RÉGLEMENTATION

Loi de l’impôt sur le revenu

ANNEXE VI

(paragraphe 123(1))

FOURNITURES DÉTAXÉES

PARTIE 1

MÉDICAMENTS SUR ORDONNANCE ET SUBSTANCES BIOLOGIQUES

1.         Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.

[…]

ordonnance Ordre écrit ou verbal, que le médecin ou le particulier autorisé donne au pharmacien, portant qu’une quantité déterminée d’une drogue ou d’un mélange de drogues précisé doit être délivrée au particulier qui y est nommé.

2.         La fourniture des drogues ou substances suivantes :

a)         les drogues incluses aux annexes C ou D de la Loi sur les aliments et drogues;

b)         les drogues figurant, individuellement ou par catégories, sur la liste établie en vertu du paragraphe 29.1(1) de la Loi sur les aliments et drogues, à l’exception des drogues et des mélanges de drogues qui peuvent être vendus au consommateur sans ordonnance conformément à cette loi ou au Règlement sur les aliments et drogues;

c)         les drogues et autres substances figurant à l’annexe de la partie G du Règlement sur les aliments et drogues;

d)         les drogues contenant un stupéfiant figurant à l’annexe du Règlement sur les stupéfiants, à l’exception des drogues et des mélanges de drogues qui peuvent être vendus au consommateur sans ordonnance ni exemption accordée par le ministre de la Santé relativement à la vente, conformément à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances ou à ses règlements d’application.

d.1)      les drogues comprises à l’annexe 1 du Règlement sur les benzodiazépines et autres substances ciblées;

e)         les drogues suivantes :

i)          digoxine,

ii)         digitoxine,

iii)        prénylamine,

iv)        deslanoside,

v)         tétranitrate d’érythrol,

vi)        dinitrade d’isosorbide,

vi.1)     5-mononitrate d’isosorbide,

vii)       trinitrate de glycéryle,

viii)      quinidine et ses sels,

ix)        oxygène à usage médical,

x)         épinéphrine et ses sels;

f)         les drogues dont la fourniture est autorisée par le Règlement sur les aliments et drogues pour utilisation dans un traitement d’urgence;

g)         les expanseurs du volume plasmatique.

N’est toutefois pas détaxée la fourniture de drogues ou de substances réservées à un usage agricole ou vétérinaire et étiquetées ou fournies à cette fin.

3.         La fourniture de drogues destinées à la consommation humaine et délivrées :

a)         par un médecin à un particulier pour la consommation ou l’utilisation personnelles par celui-ci ou par un particulier qui lui est lié;

b)         sur ordonnance d’un médecin ou d’un particulier autorisé pour consommation ou utilisation personnelles du particulier qui y est nommé.

Règlement sur les stupéfiants

2.1      Dans le présent règlement,

marihuana séchée Marihuana qui a été récoltée et soumise à un processus de séchage; (dried marihuana)

stupéfiant…,

(a)                toute substance visée à l’annexe ou toute matière en contenant…;

36.(1)  Sous réserve du paragraphe (2), le pharmacien peut, sans ordonnance, vendre ou fournir une préparation qui renferme au plus huit milligrammes ou l’équivalent de phosphate de codéine par comprimé ou par unité sous toute autre forme solide, ou au plus 20 milligrammes ou l’équivalent de phosphate de codéine par 30 millilitres dans une préparation liquide, si, à la fois :

a)la préparation contient

i)    deux ingrédients médicinaux autres qu’un stupéfiant dont la quantité n’est pas inférieure à la dose unique ordinaire la plus faible pour un de ces ingrédients ou la moitié de la dose unique ordinaire la plus faible pour chacun de ces ingrédients, ou

ii)   trois ingrédients médicinaux autres qu’un stupéfiant dont la quantité n’est pas inférieure à la dose unique ordinaire la plus faible pour un de ces ingrédients ou un tiers de la dose unique ordinaire la plus faible pour chacun de ces ingrédients; et

b)         l’étiquette intérieure et l’étiquette extérieure, au sens de l’article A.01.010 du Règlement sur les aliments et drogues, portent, imprimée lisiblement et bien en évidence, la mise en garde ci-après ou une mise en garde équivalente :

« La préparation renferme de la codéine et ne doit pas être administrée aux enfants sauf sur recommandation du médecin, du dentiste ou de l’infirmier praticien. »

(2) Il est interdit au pharmacien de vendre ou de fournir une préparation mentionnée au paragraphe (1) lorsqu’il a des motifs raisonnables de croire que celle-ci sera utilisée à des fins autres que les fins médicales ou dentaires reconnues.

ANNEXE

(Section 2)

[…]

17.      Chanvre indien (Cannabis), ainsi que ses préparations et dérivés, notamment :

(1)      résine de cannabis

(2)        cannabis (marihuana)

(3)      cannabidiol ([méthyl-3 (méthyl-1 éthenyl)-6 (cyclohexènyl-1)-2]-2 pentyl-5 benzènediol-1,3)

(4)      cannabinol (n-amyl-3 hydroxy-1 triméthyl-6,6,9 6H-dibenzopyranne)

(5)      nabilone ((±)-trans-3-(1,1-diméthylheptyl)-,6a,7,8,10,10a-hexahydro-1-hydroxy-6,6-diméthyl-9H-dibenzo[b,d]pyran-9-one)

(6)      parahexyl (3-hexyl-6,6,9-triméthyl-7,8,9,10-tétrahydro-6H-dibenzo[b,d]pyran-1-ol)

(7)      tétrahydrocannabinol (tétrahydro hydroxy-1 triméthyl-6,6,9 pentyl-3 6H-dibenzo[b,d]pyranne)

(7.1)    3-(1,2-dimethylheptyl)-7,8,9,10-tetrahydro-6,6,9-trimethyl-6H-dibenzo[b,d]pyran-1-ol (DMHP)

mais non compris :

(8)      graines de cannabis stériles — à l’exception des dérivés de ces graines

(9)      tige de cannabis mature — à l’exception des branches, des feuilles, des fleurs et des graines — ainsi que les fibres obtenues de cette tige

Loi réglementant certaines drogues et autres substances

INTERPRÉTATION

substance désignée Substance inscrite à l’une ou l’autre des annexes I, II, III, IV ou V. (controlled substance)

[…]

PARTIE I

INFRACTIONS ET PEINES

Infractions particulières

4.(1)     Sauf dans les cas autorisés aux termes des règlements, la possession de toute substance inscrite aux annexes I, II ou III est interdite.

[…]

7.(1)     Sauf dans les cas autorisés aux termes des règlements, la production de toute substance inscrite aux annexes I, II, III ou IV est interdite.

[…]

56.       S’il estime que des raisons d’intérêt public, notamment des raisons médicales ou scientifiques, le justifient, le ministre peut, aux conditions qu’il estime nécessaires, soustraire à l’application de tout ou partie de la présente loi ou de ses règlements toute personne ou catégorie de personnes, ou toute substance désignée ou tout précurseur, ou toute catégorie de ceux-ci.

[4]             L’annexe I couvre l’opium, la codéine, la morphine et sept ou huit autres pages de ce type de médicaments. L’annexe II est identique à l’annexe figurant à l’article 2(17) du Règlement sur les stupéfiants, décrite précédemment (cannabis, etc.).

Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales (se rapportant à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances)

Interprétation

symptôme de catégorie 1 Tout symptôme dont le traitement est effectué au moyen de soins palliatifs en fin de vie ou l’un des symptômes figurant à la colonne 1 de l’annexe et associé à l’état pathologique mentionné à la colonne 2 ou au traitement médical de cet état. (category 1 symptom)

symptôme de catégorie 2 Symptôme débilitant associé à un état pathologique ou à son traitement médical, à l’exclusion d’un symptôme de catégorie 1. (category 2 symptom)

[…]

marihuana séchée Marihuana qui a été récoltée et soumise à un processus de séchage. (dried marihuana)

[…]

marihuana La substance appelée Cannabis (marihuana), inscrite au paragraphe 1(2) de l’annexe II de la Loi. (marihuana)

[…]

fins médicales Fins visant l’atténuation chez une personne d’un symptôme de catégorie 1 ou 2 mentionné dans la demande d’autorisation de possession. (medical purpose)

[5]             Le Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales  (le « RMFM ») décrit le processus de demande d’autorisation de posséder (« AP »). Dans le cadre de ce processus, une déclaration doit être fournie par le demandeur, ainsi qu’une « déclaration médicale » par un médecin.

5(1)      La déclaration du demandeur visée à l’alinéa 4(2)a) comporte les renseignements suivants :

[…]

h)         la mention :

(i)         d’une part, qu’il sait que les avantages et les risques associés à l’usage de la marihuana ne sont pas parfaitement compris et que son usage pourrait présenter des risques non prévus,

(ii)        d’autre part, qu’il accepte les risques associés à l’usage de celle-ci;

6(1)      La déclaration médicale visée à l’alinéa 4(2)b) comporte les renseignements suivants :

a)         le nom du médecin, les adresse et numéro de téléphone de son lieu de travail, la province où il est autorisé à exercer la médecine, le numéro d’autorisation attribué par la province et, le cas échéant, son numéro de télécopieur et son adresse électronique;

b)         le nom du demandeur, son état pathologique, le symptôme associé à cet état ou à son traitement et sur lequel la demande d’autorisation est fondée, avec mention de la catégorie 1 ou 2 du symptôme;

c)         la quantité quotidienne de marihuana séchée, en grammes, ainsi que la forme posologique et le mode d’administration que le demandeur entend utiliser afin que soit déterminée, selon le calcul prévu au paragraphe 11(3), la quantité maximale de marihuana séchée à autoriser;

d)         la période d’usage prévue, si elle est inférieure à douze mois;

e)         la mention que des traitements conventionnels du symptôme ont été essayés ou envisagés mais se sont révélés inefficaces ou ne conviennent pas dans le cas du demandeur;

f)          la mention que le médecin sait qu’aucun avis de conformité n’a été délivré en vertu du Règlement sur les aliments et drogues quant à l’innocuité ou à l’efficacité de la marihuana comme drogue.

(2)        Dans le cas d’un symptôme de catégorie 2, la déclaration médicale comporte en outre les renseignements suivants :

a)         si le médecin qui fournit la déclaration est un spécialiste, son domaine de spécialisation et la mention que celui-ci est lié au traitement de l’état pathologique du demandeur;

...

11(1)    Sous réserve de l’article 12, le ministre délivre au demandeur l’autorisation de possession aux fins médicales précisées dans la demande si les exigences des articles 4 à 10 sont remplies; il en avise le médecin qui a fourni la déclaration médicale visée à l’alinéa 4(2)b).

(2)        L’autorisation comporte les renseignements suivants :

a)         les nom, date de naissance et sexe du titulaire de l’autorisation;

b)         l’adresse complète de son lieu de résidence habituelle;

c)         le numéro d’autorisation;

d)         le nom du médecin qui a fourni la déclaration médicale visée à l’alinéa 4(2)b);

e)         la quantité maximale de marihuana séchée, en grammes, que peut posséder le titulaire de l’autorisation;

f)          la date de délivrance;

g)         la date d’expiration.

(3)        La quantité maximale de marihuana séchée visée à l’alinéa (2)e) ou résultant d’une modification aux termes du paragraphe 20(1) se calcule selon la formule suivante :

A × 30

où A

représente la quantité quotidienne de marihuana séchée, en grammes, déterminée aux termes de l’alinéa 6(1)c) ou du sous-alinéa 19(2)d)(i), selon le cas.

[6]             Le RMFM comporte également une disposition décrivant le processus de demande de licence pour produire de la marihuana.

70.2     Le distributeur autorisé qui produit de la marihuana séchée au titre d’un contrat avec Sa Majesté du chef du Canada peut en fournir ou en expédier au titulaire d’une autorisation de possession.

70.3     Le pharmacien, au sens de l’article 2 du Règlement sur les stupéfiants, peut fournir au titulaire d’une autorisation de possession de la marihuana séchée produite par un distributeur autorisé au titre d’un contrat avec Sa Majesté du chef du Canada.

70.4     Le médecin peut fournir, à la personne qui est soumise à ses soins professionnels et qui est titulaire d’une autorisation de possession, de la marihuana séchée s’il l’a obtenue d’un distributeur autorisé en vertu du paragraphe 24(2) du Règlement sur les stupéfiants.

70.5     Le ministre peut vendre ou fournir au titulaire d’une autorisation de possession de la marihuana séchée produite conformément à l’article 70.2.

[7]             Dans la demande d’autorisation de possession, le demandeur doit déclarer ce qui suit :

Je sais qu’aucun avis de conformité n’a été délivré en vertu du Règlement sur les aliments et drogues quant à l’innocuité ou à l’efficacité de la marihuana comme drogue. Je comprends les implications de ce fait. Je sais que les avantages et les risques associés à l’usage de la marihuana ne sont pas parfaitement compris et que son usage pourrait présenter des risques non prévus et j’accepte ces risques.

[8]             Le formulaire du médecin indique ce qui suit :

L’examen par Santé Canada de l’information disponible à l’heure actuelle indique que la plupart des personnes consomment quotidiennement en moyenne, que ce soit par voie orale ou par inhalation, ou une combinaison des deux, de 1 à 3 grammes de marihuana séchée à des fins médicales.

a.         La quantité quotidienne proposée de marihuana séchée est moindre que ou égale à grammes (écrire la quantité en lettre).

b.         Le mode ou forme d’administration est le suivant (veuillez cocher la case appropriée) :

            ___      Inhalation        ___ Oral

Le médecin doit également faire la déclaration suivante :

Je sais qu’aucun avis de conformité n’a été délivré en vertu du Règlement sur les aliments et drogues quant à l’innocuité ou à l’efficacité de la marihuana comme drogue.

Loi sur les aliments et drogues

drogue Sont compris parmi les drogues les substances ou mélanges de substances fabriqués, vendus ou présentés comme pouvant servir :

a)         au diagnostic, au traitement, à l’atténuation ou à la prévention d’une maladie, d’un désordre, d’un état physique anormal ou de leurs symptômes, chez l’être humain ou les animaux;

b)         à la restauration, à la correction ou à la modification des fonctions organiques chez l’être humain ou les animaux;

c)         à la désinfection des locaux où des aliments sont gardés. (drug)

[…]

PARTIE 1

ALIMENTS, DROGUES, COSMÉTIQUES ET INSTRUMENTS

Dispositions générales

3.(1)     Il est interdit de faire, auprès du grand public, la publicité d’un aliment, d’une drogue, d’un cosmétique ou d’un instrument à titre de traitement ou de mesure préventive d’une maladie, d’un désordre ou d’un état physique anormal énumérés à l’annexe A ou à titre de moyen de guérison.

(2)        Il est interdit de vendre un aliment, une drogue, un cosmétique ou un instrument :

a)         représenté par une étiquette;

b)         dont la publicité a été faite auprès du grand public par la personne en cause.

à titre de traitement ou de mesure préventive d’une maladie, d’un désordre ou d’un état physique anormal énumérés à l’annexe A, ou à titre de moyen de guérison.

[…]

8.         Il est interdit de vendre des drogues qui, selon le cas :

a)         ont été fabriquées, préparées, conservées, emballées ou emmagasinées dans des conditions non hygiéniques;

b)         sont falsifiées.

[…]

12.       Il est interdit de vendre une drogue mentionnée à l’annexe C ou D à moins que le ministre n’ait, selon les modalités réglementaires, attesté que les locaux où la drogue a été fabriquée, ainsi que le procédé et les conditions de fabrication, sont propres à garantir que la drogue ne sera pas d’un usage dangereux.

13.       Il est interdit de vendre une drogue mentionnée à l’annexe E à moins que le ministre n’ait, selon les modalités réglementaires, attesté que le lot d’où a été tirée la drogue n’était pas d’un usage dangereux.

[…]

29.1(1) Sous réserve des règlements, le ministre peut établir une liste sur laquelle figurent, individuellement ou par catégories, les drogues sur ordonnance.

[…]

ANNEXE C

(article 12)

Drogues, autres que les radionucléides, vendues pour être employées dans la préparation de produits pharmaceutiques radioactifs ou présentées comme pouvant servir à cette fin

Produits pharmaceutiques radioactifs

ANNEXE D

(article 12)

Substances allergènes utilisées pour le traitement ou le diagnostic d’affections allergiques ou immunitaires

Extraits hypophysaires (lobe antérieur)

Aprotinine

Sang et dérivés du sang, à l’exception du sang périphérique et du sang du cordon ombilical utilisés dans la transplantation de cellules lymphohématopoïétiques

Cholécystokinine

Drogues obtenues par des procédures de recombinaison de l’ADN

Drogues, sauf les antibiotiques, préparées à partir de micro-organismes

Glucagon

Gonadotrophines

Plasma humain prélevé par plasmaphérèse

Agents immunisants

Insuline

Interféron

Anticorps monoclonaux et leurs dérivés et conjugués

Sécrétine

Venin de serpent

Urokinase

Règlement d’exemption de la marihuana (Loi sur les aliments et drogues) (abrogée depuis)

Exemptions

2.         Est exempte de l’application de la Loi sur les aliments et drogues et des règlements pris en vertu de celle-ci, à l’exclusion du présent règlement, la marihuana produite :

a)         aux termes d’un contrat conclu avec Sa Majesté du chef du Canada;

b)         au titre d’une licence de production à titre de personne désignée au sens du paragraphe 1(1) du Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales.

RÈGLEMENT SUR LES ALIMENTS ET DROGUES

drogue sur ordonnance Drogue figurant sur la Liste des drogues sur ordonnance, avec ses modifications successives, ou faisant partie d’une catégorie de drogues figurant sur cette liste. (prescription drug)

La « Liste des drogues sur ordonnance » désigne la liste établie par le ministère en vertu de l’article 29.1 de la Loi;

[9]             La Loi sur les aliments et drogues et le Règlement sur les aliments et drogues (le « Règlement ») prévoient un processus d’examen et de surveillance des drogues. Les drogues qui sont approuvées se voient attribuer un numéro d’identification du médicament (« DIN ») et, depuis 1963, un avis de conformité (« AC »). Des exigences en matière d’approbation, d’étiquetage et d’accès sont appliquées. Si la demande est approuvée, des exigences continues en matière de signalement sont également appliquées.

[10]        L’intimée a communiqué avec M. Ormsby, un représentant de la Direction des produits thérapeutiques (DPT) de la Direction générale des produits de santé et des aliments de Santé Canada. M. Ormsby a décrit le processus d’approbation des drogues en vertu de la Loi sur les aliments et drogues et du Règlement, qui vise à assurer l’innocuité et l’efficacité du médicament. Des études cliniques doivent être menées pour prendre cette décision. La Direction évalue également la qualité des drogues, les procédés de fabrication et la qualité des pratiques de fabrication. Si la demande d’approbation d’un nouveau médicament est approuvée, on attribue au médicament un AC et un DIN. La marihuana séchée n’a jamais été soumise à ce processus d’approbation, bien qu’un extrait utilisé pour le traitement du cancer ait été approuvé.

[11]        Depuis l’introduction du RMFM Santé Canada se devait modifier la Loi sur les aliments et drogues et le Règlement sur les aliments et drogues afin de permettre la vente légale de la marihuana séchée, comme l’a expliqué M. Ormsby. Il a toutefois affirmé que seule la marihuana séchée produite par un distributeur autorisé au titre d’un contrat avec Sa Majesté du chef du Canada serait exemptée en vertu du RMFM et que cette exemption ne serait pas appliquée aux autres formes.

FAITS CONCERNANT LA MARIHUANA CULTIVÉE PAR M. HEDGES

[12]        Maintenant que nous avons établi le contexte réglementaire, je vais me pencher sur les faits entourant la vente du produit Po-Chi à la BCCCS par M. Hedges.

[13]        M. Hedges cultive de la marihuana sur l’île Gabriola depuis 1988 ou 1989. Initialement, la marihuana était destinée à son usage personnel, afin de soulager la douleur causée par une déformation congénitale de la hanche. Bien qu’il n’existe aucune preuve médicale démontrant l’état pathologique de M. Hedges, je n’ai pas de doute quant à la douleur ressentie et au fait que la marihuana lui apportait un soulagement.

[14]        En 1998, M. Hedges écoute une entrevue accordée au réseau CBC par Mme Black, fondatrice de la BCCCS. Il pense pouvoir aider son organisation en lui fournissant de la marihuana, qui était à cette époque du chanvre commun (cannabis sativa). Toutefois, en 2000, il fait l’acquisition de graines d’une autre variété appelée cannabis indica, qui semble provoquer moins de léthargie et exerce un effet plus stimulant. Depuis ce temps, il fait pousser des plants de cannabis indica, et il s’agit de la variété fournie à la BCCCS au cours des années faisant l’objet du litige. Il a nommé son produit Po-Chi. M. Hedges ne dispose d’aucun pouvoir en vertu du Règlement sur la marihuana à des fins médicales (RMFM).

[15]        M. Hedges a décrit en détail la culture du produit. Ce processus se fait en trois étapes : le stade de clonage, le stade foliaire et le stade final, ou stade de bourgeonnement. Au cours des années faisant l’objet du litige, il possédait environ 60 à 80 plants au stade de bourgeonnement, environ 40 à 50 plants à l’étape foliaire et environ 30 plants à l’étape de clonage. Cette production lui a permis de réaliser avec la BCCCS des ventes générant un peu plus de 300 000 $ pour les périodes faisant l’objet du litige. Sa production était vendue exclusivement à la BCCCS.

[16]        Les opérations de M. Hedges sur l’île Gabriola se déroulaient dans un petit atelier. Les plants de marihuana étaient conservés dans trois salles étanches (une pour chaque stade). Chacune de ces salles présentait des conditions différentes; par exemple, un éclairage fluorescent était utilisé dans la salle contenant les plants au stade foliaire, alors que des lampes à vapeur de sodium à haute pression étaient utilisées dans la salle contenant les plants au stade de bourgeonnement afin d’encourager la production de fleurs. Les plants en bourgeonnement demeuraient dans cette salle pour maturer jusqu’à ce qu’ils soient prêts pour la récolte. Les bourgeons, ou fleurs, étaient placés sur des plateaux traversés par un courant d’air chaud afin de les sécher, faisant en sorte que le produit puisse être fumé par la suite. Des ventilateurs étaient utilisés dans les trois salles; certains étaient dotés d’évents vers l’extérieur, d’autres non.

[17]        L’entretien des plants se faisait deux fois par jour; les plants étaient alors fertilisés et arrosés, en plus d’être inspectés afin de détecter la présence de moisissure. M. Hedges avait un partenaire, M. Hobson, qui participait plus activement à l’entretien que M. Hedges, qui se disait davantage responsable du contrôle de la qualité.

[18]        M. Hedges a fait l’objet d’un contre-interrogatoire sur la propreté de son exploitation, puisque des dizaines de photographies ont été soumises, certaines trouvées sur l’ordinateur de M. Hobson, d’autres, plus nombreuses, prises par les autorités policières lors d’une descente sur les lieux en janvier 2010 (d’autres renseignements seront fournis sur ce sujet ultérieurement). D’après l’impression générale laissée par les photos, l’atelier est délabré et loin d’être reluisant de propreté. L’endroit est en désordre, des toiles recouvrent certaines parties des remises qui entourent l’atelier. La cabane principale, construite dans une zone boisée de l’île Gabriola, est entourée d’autres édifices, dont l’un est utilisé pour cultiver la marihuana.

[19]        M. Hedges affirme avoir utilisé de l’eau de pluie filtrée et avoir nettoyé le filtre plusieurs fois par année, bien qu’il reconnaisse n’avoir jamais fait analyser l’eau. Les plants étaient fertilisés et traités à l’aide de fongicides, en plus d’être vaporisés d’une solution de peroxyde d’hydrogène et d’eau. Il reconnaît qu’il n’a jamais stérilisé ses vêtements ni utilisé de couvre-chaussures, bien qu’il utilisait à l’occasion des gants de plastique pour éviter que la résine colle à ses doigts.

[20]        M. Hedges n’a jamais obtenu d’autorisation de possession (AP) auprès du gouvernement du Canada et n’est jamais devenu un producteur autorisé.

[21]        En janvier 2010, les autorités policières ont procédé à une descente sur la propriété de M. Hedges. Avant cette descente, lui et M. Hobson avaient mis fin aux opérations, ne laissant que deux plants de marihuana sur place. De nombreuses masses racinaires ont été jetées sur un tas de compost. M. Hedges a déclaré qu’il avait redémarré sa culture de Po-Chi à partir de ces masses racinaires.

[22]        En 2014, M. Hedges et Mme Black ont fait parvenir deux échantillons de cannabis à Experchem Laboratories Inc. aux fins d’analyse. Un échantillon provenait de la culture de Po-Chi de M. Hedges, alors que le deuxième était un échantillon de cannabis approuvé par Santé Canada, obtenu d’un membre de la BCCCS détenant une AP.

BCCCS

[23]        Je vais maintenant examiner le cas de la BCCCS, qui a été fondée par Hilary Black en 1997 et constituée en société en 1998. Mme Black a indiqué que la BCCCS a été établie afin de créer un environnement légal à l’intention des personnes ayant besoin de marihuana thérapeutique, afin de leur assurer un accès sécuritaire à un produit sûr et exempt de contamination.

[24]        Pour devenir membre de la BCCCS, il faut fournir un certificat émis par un praticien (médecin, dentiste, naturopathe ou praticien de médecine chinoise). Ce formulaire fournit une confirmation du diagnostic par le médecin et une description des symptômes. La BCCCS a créé une liste des affections pour lesquelles l’efficacité du cannabis a été démontrée, selon Mme Black. Le praticien devait déterminer si l’affection figurait sur cette liste pour que le patient puisse devenir membre, à moins qu’il détermine que le cannabis n’était pas recommandé pour des motifs médicaux. L’invocation de motifs légaux par le praticien n’était pas suffisant pour empêcher le patient de devenir membre.

[25]        Une fois le certificat du praticien reçu, la BCCCS communiquait avec lui pour confirmer qu’il avait bien signé le formulaire et qu’il comprenait que son patient aurait accès à du cannabis. La BCCCS en profitait également pour vérifier le statut en règle du médecin.

[26]        Une fois membre, le patient devrait suivre une séance d’orientation individuelle sur le programme. C’est ce qu’a expliqué Mme ff, conseillère professionnelle autorisée à l’emploi de la BCCCS. Pendant la séance d’orientation, le membre du personnel devait passer en revue le diagnostic et les symptômes avec le nouveau membre, discuter des antécédents en matière de consommation de cannabis, vérifier la présence d’allergies et déterminer les médicaments sur ordonnance pris par le patient. Le membre devait ensuite remplir une fiche d’inscription et recevait une trousse contenant un document sur les droits et les responsabilités des membres, ainsi qu’une carte de membre. Ce document stipulait que des limites pourraient être imposées quant à l’utilisation du cannabis et que le cannabis était pour usage personnel seulement. La BCCCS assurerait la surveillance des quantités vendues au moyen d’un logiciel. Les membres étaient limités à 5 grammes par jour, ce que la BCCCS reconnaît comme la consommation maximale. Les membres recevaient également un journal de suivi.

[27]        Il était possible pour un membre de demander à un fournisseur de soins de se rendre au dispensaire de la BCCCS en son nom ou de recevoir le produit par la poste, mais il m’a semblé que la vaste majorité des membres se rendaient en personne pour aller chercher leur cannabis. Le dispensaire avait un menu indiquant les différentes marques, comme Po-Chi, ainsi que les différentes formes (la forme comestible, par exemple). Les membres avaient la possibilité d’expérimenter différentes marques afin de déterminer la plus efficace pour leurs besoins particuliers. Les membres du personnel qui délivrent le produit sont, selon le site Web de la BCCCS, « bien informés des différentes variétés et des différents produits distribués afin d’aider les membres à sélectionner le produit le plus efficace. » Au cours des périodes faisant l’objet du litige, la BCCCS comptait environ 6 000 membres, dont 3 500 étaient considérés comme actifs.

[28]        Un administrateur et acheteur pour la BCCCS, M. Vandebeek, a expliqué comment se faisait l’acquisition du cannabis auprès de cultivateurs. Pour devenir cultivateur, comme M. Hedges, il fallait fournir un échantillon à la BCCCS, qui serait ensuite examiné par des membres du personnel et des membres réguliers afin d’en vérifier la puissance, les effets, la propreté et la combustion. Les membres du personnel en faisaient d’abord l’essai afin de s’assurer que le produit n’était pas dangereux pour une personne ayant des problèmes médicaux. Si le produit était jugé satisfaisant, un échantillon plus volumineux était demandé afin de procéder à des analyses en laboratoire (pour déceler la présence de bactéries, dont E. coli, de matières fécales, de levures, de moisissures, etc.). Des tests étaient ensuite effectués tous les six mois ou, une fois que la marque était jugée fiable, une fois l’an.

[29]        Si le cannabis remplissait les conditions requises, le cultivateur était rencontré en entrevue. Une lettre décrivant les conditions de l’entente était fournie au cultivateur, qui débutait alors une période d’essai de trois mois. Bien que la BCCCS était autorisée à aller inspecter sur place les opérations du cultivateur, cela se produisait rarement, et l’organisme n’a pas inspecté les opérations de M. Hedges.

[30]        Une fois le cultivateur accepté comme fournisseur, il apportait le cannabis à la BCCCS, comme M. Hedges le faisait chaque mois. Le produit était examiné et pesé, et un bon d’achat était rempli. Aucune facture n’était reçue du cultivateur.

[31]        Cinq membres de la BCCCS ont témoigné de leurs troubles de santé, de leur utilisation de Po-Chi et de son effet thérapeutique. Il n’est pas nécessaire de décrire en détail le témoignage de chaque membre. Ces témoignages présentaient des thèmes communs. Les troubles de santé évoqués comprenaient neuropathie grave, VIH, troubles gastro-intestinaux chroniques entraînant des nausées, fibromyalgie, polyarthrite rhumatoïde, dépression, migraines intenses et maladies dégénératives des disques. Tous les membres avaient déjà fait appel à la médecine conventionnelle, en prenant notamment des médicaments sur ordonnance. Une membre a nommé au moins cinq médicaments sur ordonnance pris antérieurement, qui entraînaient de nombreux effets secondaires. Aucun membre n’a obtenu de soulagement significatif de ces traitements.

[32]        Pour tous les membres qui ont témoigné, le formulaire du praticien requis pour devenir membre de la BCCCS a été rempli par un médecin.

[33]        Tous ces membres se sont procuré Po-Chi et l’ont consommé sous différentes formes, et tous ont décrit en des termes positifs le soulagement obtenu pour la douleur ou les nausées. Un membre a déclaré que ce produit lui avait permis de surmonter sa douleur et d’avoir une vie normale.

[34]        Deux membres étaient également détenteurs d’une AP. Un autre membre s’est vu recommander une dose de 2,5 grammes par jour, mais elle a continué à s’approvisionner en Po-Chi auprès de la BCCCS.

Rapport d’expert

[35]        J’ai accepté le rapport d’expert de M. J. Page, Ph. D., professeur adjoint au département de botanique de l’Université de la Colombie-Britannique, bien que j’aie fait retirer certaines parties de son rapport après avoir appris quelles étaient ses compétences. Plus particulièrement, je n’étais pas prêt à recevoir son opinion quant à savoir si Po-Chi était une drogue; il s’agit d’une question juridique qu’il m’appartient de trancher.

[36]        Toutefois, le témoignage de M. Page était nécessaire pour me permettre de comprendre la botanique du cannabis et d’interpréter les résultats de laboratoire obtenus pour les deux échantillons fournis à Experchem Laboratories Inc. en 2014. En avant-propos de son rapport, M. Page a expliqué que le cannabis était utilisé comme médicament depuis des millénaires.

[37]        Le cannabis est défini selon des catégories biologiques et des catégories fonctionnelles. Les catégories fonctionnelles, soit le chanvre et la marihuana, sont mieux connues. Le chanvre est cultivé à des fins industrielles, alors que le cannabis, qui présente un rapport tétrahydrocannabinol  (« THC »)/cannabidiol (« CBD ») plus élevé, est cultivé à des fins médicales ou sociales.

[38]        Sur le plan biologique, le genre cannabis comporte deux principales variétés : sativa et indica. M. Page a mentionné une troisième catégorie, qui n’est  toutefois pas pertinente aux fins des présents motifs. Les plants de cannabis sativa et indica diffèrent en apparence, les plants de sativa étant plus hauts et plus minces, alors que les plants d’indica sont plus courts et plus larges et d’un vert plus sombre. Ils diffèrent également sur le plan des effets, l’un possédant des propriétés plus stimulantes, alors que l’autre procure un effet plus sédatif. Il existe également des plants hybrides.

[39]        On attribue généralement des noms aux plantes ou cultivars, mais cela ne s’est pas produit dans l’évolution de la marihuana. Les cultivateurs ont plutôt développé des souches, auxquelles ils ont attribués leurs propres noms de marque, comme Po-Chi. M. Page avance qu’il pourrait y avoir des milliers de souches.

[40]        Les fleurs femelles du plant de marihuana contiennent des substances chimiques, les cannabinoïdes (110 au total, bien que le THC et le CBD représentent entre 95 et 98 % des cannabinoïdes) et les terpènes, un groupe de substances chimiques présentes dans de nombreuses plantes, contrairement aux cannabinoïdes, qui sont uniques au cannabis. Les combinaisons de terpènes diffèrent selon la souche, ce qui affecte l’odeur, de même que les proportions de THC et de CBD. Le THC est le principal cannabinoïde psychoactif. Chez les humains, il réagit avec des récepteurs cannabinoïdes précis et entraîne des effets pharmacologiques. Selon la teneur en THC et en CBD, le plant de cannabis est défini comme étant de chimiotype 1 (taux de THC élevé par rapport au CBD), de chimiotype 2 (proportions égales) et de chimiotype 3 (taux de THC élevé par rapport au CBD). La marihuana est plus souvent de chimiotype 1.

[41]        De 2007 à 2009, une souche appelée MS-17/338 était disponible auprès de Santé Canada par l’intermédiaire du RMFM. Cette souche a été élaborée à partir de graines saisies par les autorités. Santé Canada a tenté de trouver une souche intermédiaire : le MS­17/338 présentait un taux de THC de 12,5 % (plus ou moins 2 %) par rapport à un taux de CBD de moins de 0,5 %. Depuis, Santé Canada a approuvé 58 souches et M. Page soupçonne qu’il pourrait y en avoir éventuellement plusieurs centaines.

[42]        En ce qui concerne la comparaison des deux échantillons soumis en 2014 à Experchem Laboratories Inc. aux fins d’analyse, M. Page a indiqué qu’ils étaient tous deux de chimiotype 1. Il a indiqué que le Po-Chi était similaire aux 58 souches approuvées par Santé Canada. Il a reconnu que le profil peut changer au fil du temps, selon la nature et les soins apportés au plant et selon le traitement effectué après la récolte. Il s’est dit d’avis que même si cela était difficile à établir clairement sans connaître l’ensemble des conditions environnantes, il est possible de cultiver de la marihuana par multiplication végétative à partir de la masse racinaire d’un plant de cannabis.

[43]        Santé Canada a perçu la TPS sur la marihuana fournie en vertu du RMFM.

Question en litige

[44]        Il faut répondre à quatre questions pour déterminer si le produit Po-Chi est une fourniture détaxée en vertu de la Loi :

1)    Qu’est-ce que Po-Chi? J’ai conclu que Po-Chi était de la marihuana séchée.

2)    Est-ce que la marihuana séchée est une drogue au sens du terme utilisé dans l’annexe VI-I-2(d) de la Loi? J’ai conclu que la marihuana séchée vendue aux fins thérapeutiques est une drogue selon cette définition.

3)    Le produit contient-il du cannabis ou du THC? J’ai conclu par l’affirmative.

4)    Est-ce une drogue qui peut être obtenue en vertu du RMFM sans ordonnance ou exemption? J’ai conclu par l’affirmative, ce qui l’élimine spécifiquement de la catégorie des drogues détaxées.

1)    Qu’est-ce que Po-Chi?

[45]        M. Hedges a décrit en détail son processus de culture de la marihuana. J’estime que ces plants étaient des plants de cannabis et que le processus comportait une étape de séchage permettant d’obtenir de la marihuana séchée. Je conclus que le produit final est de la marihuana séchée au sens du terme utilisé dans le RMFM.

2)  Est-ce que la marihuana séchée est une drogue au sens du terme utilisé dans l’annexe VI-I-2(d) de la Loi?

[46]        L’intimée affirme que pour qu’une drogue soit considérée comme une fourniture détaxée en vertu de l’annexe VI-I-2(d) de la Loi, il doit s’agir d’une substance approuvée par Santé Canada comme produit thérapeutique accessible aux Canadiens sous ordonnance.

[47]        Le requérant m’a fourni plusieurs autres définitions du terme drogue, de la définition de l’homme de la rue aux définitions figurant dans les dictionnaires, reconnaissant toutefois qu’en raison de l’utilisation récréative de la marihuana, je devrais explorer la définition plus attentivement.

[48]        On m’a renvoyé au cas Robitaille c. Québec[1], un cas portant sur la cotisation établie pour la taxe de vente provinciale, où la Cour a statué comme suit :

Ainsi, l’intention du législateur relativement à ces dispositions n’est pas de déterminer le statut de fourniture détaxée de drogues comme la cocaïne, mais bien celui de médicaments, c’est-à-dire de drogues selon la définition de la Loi sur les aliments et drogues, qui englobent les narcotiques et doivent être prescrits par un médecin.

Le requérant suggère que même si le cas Robitaille introduit la notion de vente pour utilisation comme médicament à la définition du terme drogue, le terme correspond quand même à la définition. Le point auquel le requérant s’objecte est l’ajout de la notion d’obligation d’une « ordonnance » pour être considéré comme une drogue au sens de l’annexe VI-I-2(d) de la Loi. Finalement, le requérant estime que la définition de la Loi sur les aliments et drogues est appropriée, bien qu’il serait avisé d’ajouter la notion de bonne foi à la représentation de l’utilisation à des fins thérapeutiques (pour prévenir l’utilisation à des fins récréatives, souvent déguisée en utilisation à des fins médicales).

[49]        Si j’en juge par leurs observations, j’estime que les deux parties acceptent la définition de la Loi sur les aliments et drogues d’une drogue comme point de départ, quoique l’intimée suggère comme exigence supplémentaire qu’elle soit approuvée en vertu de la Loi sur les aliments et drogues et accessible sous ordonnance, alors que le requérant suggère la notion de bonne foi décrite précédemment.

[50]        Textuellement, le terme drogue au sens de l’annexe VI-I-2(d) de la Loi correspond à chacune des définitions suggérées par le requérant. Je conviens avec les parties que la Loi sur les aliments et drogues est un point de départ approprié. Plusieurs dispositions de l’annexe VI­I-2(d) de la Loi renvoient à la Loi sur les aliments et drogues. Il s’agit de la loi qui régit de façon générale l’examen et l’approbation des médicaments afin d’assurer au public qu’ils sont sûrs et efficaces. Il s’agit également de la loi qui définit les drogues comme un type de substances devant être soumises à un processus d’examen, et non un type de substance ayant réussi avec succès le processus d’examen aboutissant à un AC.

[51]        Ce fait est indiqué clairement dans les demandes d’AP et dans les formulaires de déclaration médicale des praticiens, conformément au RMFM dans les deux cas. Les demandeurs et les praticiens doivent déclarer ou reconnaître qu’ils savent « qu’aucun avis de conformité n’a été délivré en vertu du Règlement sur les aliments et drogues quant à l’innocuité ou à l’efficacité de la marihuana comme drogue. »

[52]        Bien que le RMFM soit une réglementation établie sous les auspices de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, il est clair qu’elle reconnaît le rôle de la Loi sur les aliments et drogues et du Règlement sur le plan de l’innocuité et de l’efficacité. Je conclus qu’il convient d’intégrer à cette réglementation la définition de la Loi sur les aliments et drogues du terme drogue.

[53]        Ainsi, aux fins de la Loi sur les aliments et drogues et du Règlement, mais également du RMFM, j’accepterais la définition de la Loi sur les aliments et drogues du terme drogue comme définition générale. Je souhaite également accepter la définition textuelle la plus appropriée à l’annexe VI­I­2(d) de la Loi.

[54]        Est-ce qu’une analyse contextuelle et fondée sur l’objet visé élargit la définition de façon à imposer l’obligation d’une approbation par Santé Canada et l’accessibilité au moyen d’une ordonnance? Examinons certaines des sections adjacentes à la section VI-I-2(d), en commençant par la section VI­I-2(f) de la Loi : « Drogues prévues à l’annexe C ou D de la Loi sur les aliments et drogues ». Lorsque je consulte les annexes C et D, je vois une liste de médicaments allant de l’aprotinine à l’urokinase; cette liste ne signifie rien pour moi. La seule référence à la Loi sur les aliments et drogues aux annexes C et D est l’article 12, qui se lit comme suit :

12.       Il est interdit de vendre une drogue mentionnée à l’annexe C ou D à moins que le ministre n’ait, selon les modalités réglementaires, attesté que les locaux où la drogue a été fabriquée, ainsi que le procédé et les conditions de fabrication, sont propres à garantir que la drogue ne sera pas d’un usage dangereux.

[55]        La liste de l’annexe D n’indique pas que les médicaments ont reçu l’attestation du ministre de la Santé décrite à l’article 12, mais bien qu’ils ne peuvent être vendus sans cette attestation. Le fait que M. Ormsby suggère que tous les médicaments figurant sur la liste sont approuvés par Santé Canada ne fait pas de l’annexe D une liste approuvée. Il s’agit bel et bien d’une liste nécessitant une forme d’approbation. Il est plus juste de dire qu’il s’agit d’une liste de médicaments qui doivent être approuvés avant de pouvoir être vendus. La section D du Règlement établit les exigences relatives aux médicaments figurant à l’annexe D relativement à leur fabrication, à leur emballage, à leur vérification, à leur étiquetage, etc.

[56]        Des commentaires similaires peuvent être formulés à l’égard de l’annexe VI-I-2(c) de la Loi et des médicaments de l’annexe à la section G du Règlement. Encore une fois, l’annexe fait état de médicaments comme les amphétamines, les barbituriques et les stéroïdes. Même si le Règlement impose également certaines exigences aux médicaments de la liste, selon mon interprétation, cela n’en fait pas une liste de médicaments approuvés, comme M. Ormsby semble le suggérer. Il semble un peu tordu que les médicaments qui figurent sur cette liste, mais qui ne sont pas approuvés, ne puissent être vendus légalement. S’ils ne peuvent être vendus légalement, ils ne correspondent donc pas à la définition de la Loi sur les aliments et drogues du terme drogue. Je ne suis pas de cet avis.

[57]        L’annexe VI-I-2(b) de la Loi désigne les médicaments d’une liste figurant au paragraphe 29.1(1) de la Loi sur les aliments et drogues. Il s’agit d’une liste de médicaments sur ordonnance.

[58]        Les annexes VI-I-2(e) et (f) de la Loi fournissent la liste des médicaments utilisés en cas d’urgence, pour lesquels, selon M. Ormsby, il n’y aurait pas assez de temps pour obtenir une ordonnance ou pour lesquels un accès particulier à un médicament d’un pays étranger est requis.

[59]        L’intimé soutient que toutes les autres catégories sont des médicaments approuvés et que, par conséquent, le terme « drogue » au sens de l’annexe VI-I-2(d) de la Loi doit être interprété dans le même sens. Premièrement, je n’accepte pas le raisonnement de l’intimé selon lequel tous les médicaments de l’annexe mentionnée sont approuvés. Certaines annexes sont de simples listes de noms de médicaments, et il faut consulter le Règlement pour déterminer le processus d’approbation qui s’y applique. Je ne vois aucun motif de conclure que le terme « drogue » au sens de l’annexe VI-I-2(d) de la Loi signifie implicitement un médicament approuvé dans une lecture contextuelle.

[60]        Effectivement, à l’annexe VI-I-2(f) de la Loi le législateur a utilisé spécifiquement le mot « autoriser » afin d’approfondir la définition du terme drogue. Il ne l’a pas fait à l’annexe VI-I-2(d) de la Loi.

[61]        L’intimée souhaite que j’intègre le processus réglementaire complet mené en vertu de la Loi sur les aliments et drogues à la définition du terme drogue aux fins de l’annexe VI-I-2 de la Loi. Si tel était le but, il aurait été plus simple pour les législateurs de le faire, plutôt que de laisser place aux conjectures ou aux insinuations. Si les autres catégories de l’annexe VI-I-2 de la Loi ont en commun non pas qu’il s’agit de médicaments approuvés, mais bien qu’il s’agit de médicaments nécessitant une approbation avant la vente, je ne vois pas comment ce thème commun pourrait écarter la marihuana séchée.

[62]        Le titre de l’annexe VI-I de la Loi est « Médicaments sur ordonnance et substances biologiques ». Cela m’amène à prendre une période de réflexion, bien qu’il y ait au moins une catégorie de médicaments, les médicaments en cas d’urgence, qui pourrait ne pas faire partie des médicaments sur ordonnance. Je ne me laisse pas influencer par le titre où le terme « ordonnance » vient définir de façon plus détaillée le terme « drogue » à l’annexe VI-I-2(d) de la Loi.

[63]        D’un point de vue raisonné, l’intimée avance que le Parlement n’avait pas l’intention d’attribuer le statut de fourniture détaxée aux drogues qui ne sont pas approuvées comme produit thérapeutique par le ministre de la Santé et invoque principalement le contexte pour soutenir son raisonnement, bien qu’elle mentionne également un commentaire formulé par un comité législatif de la Chambre des communes, selon lequel « aucune taxe ne sera appliquée aux médicaments prescrits par les médecins ». Ce commentaire a des effets limités : s’il est vrai qu’aucune taxe n’est appliquée aux drogues prescrites par les médecins, cela ne signifie pas pour autant que toutes les drogues figurant à l’annexe VI-I de la Loi sont des médicaments sur ordonnance. Je désire apporter un peu de substance à cet argument plutôt laconique.

[64]        On ne m’a soumis aucun élément concret décrivant les intentions du gouvernement relativement aux médicaments considérés comme des fournitures détaxées à l’annexe VI-I de la Loi qui pourrait m’aider à définit le mot « drogue ». On ne peut se limiter à parler de drogues nécessaires à la santé, puisqu’un grand nombre de produits en vente libre seront exclus de l’annexe VI-I de la Loi. Le requérant souligne que les fournitures détaxées semblent généralement être des « nécessités de la vie » plutôt que des dépenses discrétionnaires. Par exemple, les denrées de base sont détaxées, alors que les friandises et les repas au restaurant ne le sont pas. Le requérant suggère que l’objet de l’annexe VI-I de la Loi est donc de détaxer les médicaments destinés à traiter des affections graves. Selon moi, cette précision n’est pas particulièrement utile pour définir le terme drogue et ouvre la porte à un débat à savoir ce qui constitue réellement une affection grave (par exemple, un mal de tête par rapport à une migraine). Une affection grave pour une personne peut être banale pour une autre. Donc, je ne suis pas prêt à ajouter la notion de gravité de l’affection à la définition de drogue à l’annexe VI-I-2 de la Loi.

[65]        Donc, que me reste-t-il, comme définition du terme drogue aux fins de l’annexe VI-I-2 de la Loi? La définition de ce terme doit être cohérente dans l’ensemble de l’annexe VI-I-2 de la Loi : par exemple, le terme « drogue » à l’alinéa 2(a) ne signifie rien de plus que le terme « drogue » à l’alinéa 2(d), exception faite des renvois à l’alinéa 2(a) de la Loi sur les aliments et drogues et des renvois à l’alinéa 2(d) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Si les rédacteurs de la Loi avaient prévu un autre sens, ils auraient parlé d’une « drogue, tel que définie dans la Loi sur les aliments et drogues, se rapportant à la… » ou d’une « drogue, tel que définie dans la Loi réglementant certaines drogues et autres substances… »

[66]        J’estime qu’une définition générique est plus appropriée, et compte tenu du fait que la Loi sur les aliments et drogues est le principal régime réglementaire pour l’approbation et l’identification des drogues, et compte tenu du fait également qu’une révision du texte, du contexte et de l’objet du terme n’a pas permis d’obtenir une définition plus appropriée, je considère que la définition de la Loi sur les aliments et drogues est la définition valable du terme « drogue » à l’annexe VI-I-2 de la Loi.

[67]        Est-ce que la marihuana séchée correspond à cette définition?

Il vaut la peine de rappeler la définition de la Loi sur les aliments et drogues :

drogue Sont compris parmi les drogues les substances ou mélanges de substances fabriqués, vendus ou présentés comme pouvant servir :

a)         au diagnostic, au traitement, à l’atténuation ou à la prévention d’une maladie, d’un désordre, d’un état physique anormal ou de leurs symptômes, chez l’être humain ou les animaux;

b)         à la restauration, à la correction ou à la modification des fonctions organiques chez l’être humain ou les animaux;

c)         à la désinfection des locaux où des aliments sont gardés. (drug)

[…]

L’intimée affirme que la définition du terme « drogue » ne devrait pas être fondée sur sa fonction, mais c’est précisément ce que fait la définition de la Loi sur les aliments et drogues en utilisant les mots « comme pouvant servir ». La marihuana séchée vendue à des fins récréatives n’est pas une drogue tel que définie dans la Loi sur les aliments et drogues, alors que la marihuana séchée vendue à des fins thérapeutiques correspond à cette définition. Ainsi, il ne convient pas d’appeler la marihuana séchée une drogue. Effectivement, cette définition est fonction de l’usage.

[68]        L’intimée fait valoir que le requérant n’a déposé aucune preuve d’expert me permettant de conclure effectivement que la marihuana séchée correspond à cette définition. L’intimée me recommande de ne pas me fier aux faits anecdotiques relatés par les cinq témoins qui se sont procuré le produit Po-Chi auprès de la BCCCS.

[69]        Cependant, soyons clairs quant à la définition. Celle-ci ne parle pas de drogue dont l’efficacité a été démontrée pour le diagnostic, le traitement ou la correction de fonctions organiques. Elle parle plutôt de substances vendues ou présentées comme pouvant servir au diagnostic, au traitement, etc. Je considère comme un fait établi que le produit Po-Chi a été présenté comme pouvant servir au traitement d’une maladie ou d’une affection ou pour corriger des fonctions organiques. L’intimée semble suggérer que je dois fonder ma conclusion sur l’efficacité de la marihuana séchée et qu’il faut démontrer ses effets thérapeutiques. Ce n’est pas ce que dit la définition. Toutefois, si je combine la description de la marihuana par M. Page à un examen de la documentation jointe à son rapport d’expert et aux témoignages solides et sincères des utilisateurs du produit Po-Chi, je conclus sans peine que la marihuana séchée peut avoir un effet thérapeutique sur les humains. L’intimée peut suggérer que je n’ai entendu que la moitié de l’histoire et que je n’ai pas été mis au fait des effets nocifs du produit. Toutefois, ce quoi cela diffère-t-il des témoignages entendus de la part d’une utilisatrice de Po-Chi, qui décrivait le cocktail de médicaments sur ordonnances ingérés, dont un grand nombre servaient à contrer les effets nocifs d’autres médicaments sur ordonnance. Il faut peu de preuves pour conclure que toutes les drogues comportent un certain risque. Les médicaments doivent faire l’objet d’une analyse des risques et des avantages, mais cela n’empêche pas de définir comme une drogue une substance comme la marihuana séchée. Il s’agit d’une drogue au sens de l’annexe VI-I-2 de la Loi.

3)  Est-ce que la marihuana séchée contient du cannabis ou du THC?

[70]        La marihuana séchée est du cannabis; elle contient donc certainement du THC. Cette condition est satisfaite.

4)  Est-ce que la marihuana séchée peut être obtenue en vertu du RMFM sans ordonnance ou exemption? Dans l’affirmative, elle est donc éliminée de la catégorie des drogues détaxées.

[71]        J’estime que la marihuana séchée présentée comme pouvant servir à des fins thérapeutiques est une drogue aux termes de la Loi. En outre, il n’existe aucun autre classement de la marihuana séchée en tant que drogue, qu’elle soit vendue légalement ou non, en d’autres termes, qu’elle soit vendue en vertu du RMFM à une personne détenant une AP ou vendue par M. Hedges à la BCCCS. Dans l’un ou l’autre des cas, il s’agit quand même d’une drogue aux termes de la Loi, et si la marihuana séchée est éliminée en l’excluant de l’annexe VI-I-2(d) de la Loi, il faut également éliminer toutes les formes de marihuana séchée présentées comme une drogue. Il serait absurde que la marihuana séchée vendue en vertu du RMFM soit exclue, ce qui signifie qu’elle n’est pas détaxée, alors que la marihuana séchée vendue par M. Hedges à la BCCCS n’est pas exclue et est donc détaxée. Cela s’explique par la nature inconditionnelle de l’annexe VI-I-2(d) de la Loi dans sa forme actuelle. La marihuana séchée est une drogue détaxée, ou elle ne l’est pas. Si la marihuana séchée en tant que drogue est exclue, toutes les formes de marihuana séchée considérées comme une drogue doivent également être exclues; inversement, si la marihuana séchée en tant que drogue est détaxée, toutes les formes de marihuana séchée considérée comme une drogue doivent également être détaxées. Cette dernière conclusion pourrait soulever des inquiétudes chez les législateurs. Heureusement, je n’ai pas à me pencher sur cette question puisque, pour les motifs qui suivent, je conclus que la marihuana séchée est prise en compte dans l’exclusion et n’est donc pas détaxée. Je soumets cette question aux législateurs puisque les lois entourant l’utilisation de la marihuana sont en constante évolution. Si les législateurs envisagent qu’un jour, certaines souches de marihuana séchée pourront être prescrites, ils doivent déterminer s’il convient d’établir ou non une distinction entre ces souches prescrites et les souches de marihuana séchée qui pourraient encore être disponibles sans ordonnance (comme celles obtenues par l’intermédiaire de la BCCCS). Je souligne respectueusement que la loi dans son libellé actuel devra être remaniée en fonction de l’intention du Parlement.

[72]        Avant de me pencher sur la véritable question au centre de la quatrième condition, à savoir si le RMFM exclut la marihuana séchée des fournitures détaxées, je vais répondre à l’argument du requérant à l’effet que la quatrième condition exclut réellement les drogues qui « peuvent être vendues sans ordonnances », ou, en d’autres termes, que tout ce qu’il faut pour acheter des drogues est de l’argent. Même si j’acceptais le fait qu’il existe une interprétation familière de cette disposition technique, je soutiens que le requérant ne va pas assez loin. Ce qui me semble implicite dans l’exclusion de l’annexe VI-I-2(d) de la Loi est l’exclusion des médicaments qui peuvent être simplement achetés avec de l’argent et qui ne font l’objet d’aucun contrôle, d’aucune réglementation, d’aucune intervention de la part du gouvernement, selon le terme que vous désirez utiliser. Pour être bien honnête, c’est exactement de cette façon qu’on peut se procurer Po-Chi. Par exemple, une personne affligée de migraines graves peut devenir membre de la BCCCS, demander à son médecin de remplir le formulaire de la BCCCS et avoir accès immédiatement à toute forme de marihuana séchée figurant au menu de la BCCCS.

[73]        Si le requérant soutient que la marihuana séchée ne peut être considérée comme une « drogue vendue sans ordonnance » puisque certaines personnes ne peuvent s’en procurer légalement sans obtenir une AP du gouvernement, cela revient à créer les catégories de marihuana séchée (légale ou illégale) que le requérant m’exhorte de ne pas créer. Je ne fonde donc aucune distinction sur ces motifs.

[74]        Quoi qu’il en soit, je ne suis pas prêt à intégrer la notion de « vente sans ordonnance » à l’interprétation de l’annexe VI-I-2(d) de la Loi, mais même si j’étais prêt à le faire, cela ne serait d’aucune utilité pour M. Hedges. Je compte interpréter les termes de l’annexe VI-I-2(d) de la Loi tels qu’ils ont été écrits et, en ce qui concerne la marihuana séchée, je les interprète ainsi : la marihuana séchée est une fourniture détaxée à moins qu’elle soit vendue sans ordonnance ni exemption en vertu du RMFM. C’est ainsi que se lit la disposition.

[75]        Le requérant a soulevé trois arguments selon lesquels la marihuana séchée, même dans cette formulation, n’est pas exclue des fournitures détaxées.

[76]        Premièrement, le requérant soutient que le texte « peuvent être vendus au consommateur sans ordonnance » signifie forcément qu’elle peut être vendue à tout consommateur et qu’elle ne se limite pas aux rares consommateurs qui se procurent de la marihuana séchée au moyen d’une AP. Le texte de l’article est clair : elle peut être « vendue à au consommateur ». Le fait à savoir si seule une personne possédant une AP peut s’en procurer est sans importance, car cette personne est quand même définie comme un consommateur. Je ne vois aucune raison, sur le plan grammatical, d’interpréter l’expression « au consommateur » comme signifiant « tout consommateur ».

[77]        Le requérant poursuit en faisant valoir qu’il ne peut y avoir aucune politique concevable justifiant d’interpréter que si la marihuana séchée peut être vendue à un seul consommateur sans ordonnance, toutes les formes de marihuana séchées doivent alors être exclues. Ce raisonnement soulève la question suivante : quelle est la politique à l’égard de la marihuana séchée et des médicaments qui sont clairement détaxés? Il n’y a, à ma connaissance, aucune politique clairement définie à cet égard. En outre, bien que l’application des principes logiques pour établir une distinction entre les expressions « un consommateur » et « tout consommateur » permette de générer un argument grammatical, celui-ci ne tient pas compte des réalités de la vie. La réalité est que toute personne présentant une certaine affection peut demander une AP; le fait que peu de personnes se soient prémunies de ce droit est sans importance. Il n’est pas question ici d’un seul consommateur. Si la tournure « vendue au consommateur » était remplacée par « vendue à des consommateurs », cela sous-entendrait la possibilité que deux personnes puissent demander une AP et répondent aux critères. Le requérant me renvoie au paragraphe 36(1) du Règlement sur les stupéfiants qui permet spécifiquement au pharmacien de fournir une certaine quantité de phosphate de codéine sans ordonnance. Le requérant suggère que c’est ce type de médicament qui était visé par le libellé restrictif utilisé à l’annexe VI-I-2(d) de la Loi (dans les faits, un médicament sans ordonnance). Bien que j’en convienne, cela ne signifie pas pour autant que le langage établi au paragraphe 36(1) du Règlement sur les stupéfiants était le seul prévu par les législateurs. Je maintiens qu’il reste à déterminer si le mécanisme prévu au RMFM permet la vente aux consommateurs sans ordonnance ni exemption.

[78]        Le requérant poursuit en expliquant que l’interprétation de « au consommateur » comme « un consommateur » se solderait par l’absurdité suivante. En vertu de la réglementation établie aux termes du Règlement sur l’exécution policière de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances,[2] les autorités policières pourraient vendre des drogues figurant dans les annexes de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances à toute personne n’ayant pas d’ordonnance. Par conséquent, il s’ensuit que chaque médicament figurant dans les annexes de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances ne pourra jamais être détaxé. Ces pouvoirs sont accordés aux autorités policières en vertu d’une exemption. Cette exemption est établie dans la réglementation : si cette situation peut être considérée comme une exemption par le ministre de la Santé, l’argument du requérant n’est pas fondé. Évidemment, il faut faire preuve d’un certain bon sens dans l’interprétation; pour reprendre la phrase du requérant, il est inconcevable que toutes les drogues figurant dans les annexes de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances ne puissent être détaxées pour le motif que les autorités policières pourraient en faire la vente en vertu d’une exemption. Cet argument ne me convainc pas que l’expression à l’annexe VI-I-2(d) de la Loi devrait être interprétée comme signifiant « peuvent être vendues sans ordonnances ».

[79]        Finalement, le requérant me renvoie à la version française de l’annexe VI-I-2(d) de la Loi, ou on peut lire la phrase « peuvent être vendus au consommateur », qui englobe tous les consommateurs. Je ne partage pas son avis. J’estime que la phrase « au consommateur » a la même signification que « a consumer » : il n’existe aucune incohérence entre les libellés français et anglais.

[80]        Le deuxième argument du requérant entourant cette question est que la vente de marihuana en vertu du RMFM est une vente sous ordonnance et que puisque la marihuana séchée ne peut être vendue que sous ordonnance en vertu du RMFM, elle n’est pas exclue des fournitures détaxées.

[81]        Donc, la déclaration médicale qui doit être soumise en vertu du RMFM pour obtenir une AP constitue-t-elle une ordonnance? Qu’est-ce qu’une ordonnance?

[82]        Comme nous l’avons noté dans l’examen de la réglementation, le terme ordonnance est défini à l’annexe VI-I-1 de la Loi comme un « ordre écrit ou verbal, que le médecin ou le particulier autorisé donne au pharmacien, portant qu’une quantité déterminée d’une drogue ou d’un mélange de drogues précisé doit être délivrée au particulier qui y est nommé ». Toutefois, le requérant soutient qu’en raison du libellé de l’annexe VI-I-2(d) de la Loi (« drogues qui peuvent être vendus au consommateur sans ordonnance, conformément à la Loi,… »), le mot « ordonnance » devrait être défini par la réglementation établie en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, qui est dans ce cas le Règlement sur les stupéfiants. Dans ce règlement, « ordonnance » se définit comme suit : « À l’égard d’un stupéfiant, autorisation donnée par un praticien selon laquelle une quantité déterminée du stupéfiant doit être préparée à l’intention de la personne qui y est nommée. » Je ne suis pas d’avis que cette définition supplante la définition figurant à l’annexe VI-I-1 de la Loi.

[83]        Si les législateurs avaient voulu donner au mot « ordonnance » à l’annexe VI-I-2(d) de la Loi une signification différente du même mot à l’annexe VI­I­1 de la Loi, il aurait fallu qu’ils soient plus clairs et utilisent une formulation comme « ordonnance au sens du Règlement sur les stupéfiants. » Sinon, je crois que l’expression « conformément à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances ou à ses règlements d’application », qui suivent l’expression « peuvent » et « être vendus », reflète simplement l’autorité de vendre en vertu du RMFM, mais aucune de ces tournures ne nécessite explicitement ou implicitement la notion sur ordonnance pour correspondre à la définition en vertu du Règlement sur les stupéfiants. Je reconnais que cela reflète le fait que le libellé de l’annexe VI-I-2(d) de la Loi a été modifié légèrement lorsque la notion d’« exemption » a été introduite, mais je suis du même avis concernant l’ancien libellé. Dans l’ancienne et la nouvelle version, j’estime que le mot « ordonnance » correspondant à la définition de l’annexe VI­I de la Loi elle-même.

[84]        Une ordonnance nécessite un ordre donné à un pharmacien. La déclaration médicale qui doit être remplie par le médecin en vertu du RMFM n’est pas un ordre donné à un pharmacien. Il ne s’agit clairement pas d’une ordonnance au sens de cette définition, mais d’une simple déclaration de soutien de la part d’un médecin dans le cadre d’une demande d’AP soumise par un particulier, et rien de plus.

[85]        Le requérant me renvoie à la décision rendue dans l’affaire R. c. Mernagh[3], dans laquelle la Cour supérieure de justice de l’Ontario est venue à la conclusion suivante :

Bien que la déclaration ne contienne pas explicitement les termes ordonnance, autorisation ou approbation, il serait naïf de suggérer qu’elle désigne quoi que ce soit d’autre. En signant la déclaration, le médecin permet au patient d’utiliser de la marihuana comme médicament.

Ce cas, toutefois, ne porte pas sur la définition explicite du terme « ordonnance ». Il n’est donc d’aucune utilité.

[86]        Même si j’acceptais l’affirmation du requérant que la définition du Règlement sur les stupéfiants est la définition valable, je maintiendrai mon avis que la déclaration médicale n’est pas une ordonnance. Le Règlement sur les stupéfiants fait état d’une autorisation donnée selon laquelle une quantité déterminée doit être préparée. Une déclaration médicale n’est pas une autorisation : il s’agit d’une déclaration devant accompagner une demande d’AP.

[87]        De même, la déclaration médicale n’est pas communiquée directement au préparateur. Elle est retournée au gouvernement, qui détermine si la demande est acceptée ou refusée.

[88]        Selon la définition du mot ordonnance dans le Règlement sur les stupéfiants, un médecin doit autoriser une quantité déterminée à délivrer. En ce qui concerne la demande médicale à remplir, l’exigence en vertu de l’article 6(c) du RMFM stipule simplement que le médecin doit indiquer « la quantité quotidienne de marihuana séchée, en grammes, ainsi que la forme posologique et le mode d’administration que le demandeur entend utiliser afin que soit déterminée, selon le calcul prévu au paragraphe 11(3), la quantité maximale de marihuana séchée à autoriser. » Le paragraphe 11(3) du RMFM porte sur la quantité maximale de marihuana séchée que la personne peut avoir en sa possession, et non sur la dose prise. Toute quantité excédentaire à la quantité indiquée pourrait exposer le titulaire d’une AP à des poursuites éventuelles. Il ne s’agit pas d’une quantité indiquée aux fins sur ordonnance.

[89]        Le requérant me renvoie à deux cas portant sur le terme « ordonnance », l’un dans un contexte criminel (R c. Falconi[4]), et l’autre étant la décision que j’ai rendue dans l’affaire Pagnotta c. R[5]. Les deux cas en arrivent à la même conclusion. Le cas Falcone cite même la définition du Règlement sur les stupéfiants. La conclusion est qu’une ordonnance nécessite une communication entre un médecin et la personne qui prépare ou dispense les quantités indiquées. J’estime que la déclaration médicale ne correspond pas non plus à cette définition.

[90]        La déclaration médicale ne fournit aucune garantie qu’une AP sera éventuellement émise puisque le demandeur doit satisfaire aux critères du RMFM. Encore une fois, la déclaration diffère du processus normal de prescription d’un médicament par un médecin, en ce sens qu’il n’y a pas de condition préalable à l’exécution d’une ordonnance.

[91]        Le mécanisme établi dans le RMFM n’exige pas expressément sur ordonnance et on ne peut déduire que la déclaration médicale constitue une ordonnance selon l’une des définitions du terme. Je conclus que la marihuana séchée peut, en vertu du RMFM, être vendue à un consommateur sans ordonnance.

[92]        La marihuana séchée peut-elle être vendue à un consommateur sans exemption? Autrement dit, l’AP délivrée par le ministre de la Santé constitue-t-elle une « exemption »? Le cas échéant, la marihuana séchée n’est pas concernée par l’exclusion définie à l’annexe VI-I-2(d) de la Loi et est donc détaxée.

[93]        Le requérant me renvoie aux notes techniques publiées par le ministère des Finances en avril 2008, lorsque la référence au terme « exemption » a été intégrée à l’annexe VI­I­2(d) de la Loi. Cette note indique ce qui suit :

L’alinéa 2(d) est modifié afin de préciser que les seules drogues incluses dans le Règlement sur les stupéfiants qui ne sont pas détaxées par l’effet de cet alinéa sont celles qui peuvent être vendues au consommateur lorsqu’aucune ordonnance ni exemption du ministre de la Santé n’autorise la vente.

[94]        Le requérant suggère qu’affirmer que le ministre de la Santé autorise la vente par une ordonnance ou une exemption revient à dire qu’une autorisation est l’équivalent d’une exemption. Ce raisonnement me semble exagéré. Une AP n’est pas une exemption. Il n’y aucune référence au terme « exemption » dans le RMFM.

[95]        Les alinéas 70.2 à 70.5 du RMFM définissent les sources à partir desquelles un titulaire d’AP peut se procurer de la marihuana séchée. Ce texte n’est pas axé sur la notion d’exemption, comme le décrit l’alinéa 56 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances) citée précédemment. Si les législateurs avaient souhaité créer une exemption pour la marihuana séchée, sur la base des alinéas 55 et 56 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, un règlement comme le Règlement d’exemption de la marihuana en vertu de la Loi sur les aliments et drogues aurait été avisé. Ils ne l’ont pas fait.

[96]        J’estime que l’AP n’est pas une exemption accordée par le ministre de la Santé.

Conclusion

[97]        Comme c’est souvent le cas, lorsque des lois et des règlements entrés en vigueur après d’autres lois pertinentes doivent être interprétés dans le contexte de cette législation antérieure, l’interprétation peut être empreinte d’une certaine maladresse. C’est le type de situation à laquelle je suis confronté. Bien que j’aie déterminé que le terme « drogue » utilisé dans l’introduction de l’annexe VI­I­2(d) de la Loi ne peut qu’englober la marihuana séchée, cette conclusion, compte tenu de la constante évolution des lois régissant la marihuana, fait en sorte que la clause restrictive (qui commencent par la mention « autre que » à l’annexe VI­I­2(d) de la Loi) biaise quelque peu son application à la marihuana.

[98]        Les avocats du requérant ont soulevé des arguments solides et suscitant la réflexion, qui ont abouti à l’interprétation que la marihuana séchée est une fourniture détaxée, mais en tout respect, ils ont perdu de vue l’essentiel. Cela m’est apparu plus évident dans leur argumentation soutenant que l’exclusion décrite à l’annexe VI­I­2(d) de la Loi était l’exclusion des médicaments sans ordonnance. J’estime que le produit Po-Chi s’apparente davantage à un médicament sans ordonnance qu’un médicament sur ordonnance, en ce sens que le premier fait l’objet de peu ou d’aucun contrôle de la part du gouvernement, alors que le deuxième fait l’objet d’un contrôle important.

[99]        La loi a perdu sa forme en exigeant que la vente à un consommateur se fasse conformément aux règlements de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (le RMFM), sans ordonnance ni exemption. Elle ne tient compte que des drogues gérées légalement. Si une drogue gérée légalement peut être obtenue sans ordonnance (ce qui est le cas de la marihuana séchée, au moyen d’une AP), elle n’est donc pas détaxée. Si cette drogue n’est pas détaxée, la marihuana séchée qui n’est pas assujettie à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances ne peut être détaxée. Tout autre raisonnement mènerait à un résultat illogique. Comme je l’ai laissé entendre plus tôt dans les motifs, ce domaine législatif doit faire l’objet d’améliorations. Si le gouvernement souhaite que la vente de la marihuana séchée soit détaxée, il faut l’indiquer clairement. De même, si le gouvernement souhaite que la vente de la marihuana séchée soit assujettie à la TPS, il faut l’indiquer clairement. Si le gouvernement souhaite que la marihuana séchée soit un médicament sous ordonnance et que seule la marihuana obtenue au moyen d’une ordonnance soit détaxée, il faut l’indiquer clairement.

[100]   À ce stade, il est compréhensible qu’il règne une certaine confusion dans l’industrie. Ma conclusion est claire – la marihuana séchée vendue par M. Hedges n’est pas détaxée. Je ne peux toutefois affirmer avec enthousiasme que j’ai apporté des clarifications quant à la loi proprement dite : il reste encore des lacunes à combler et des incohérences à éclaircir. Malheureusement, telle est la nature de ce monstre législatif.

[101]   L’appel est rejeté. Je demande aux parties de fournir à la Cour des soumissions écrites des coûts au plus tard le 31 octobre 2014.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de septembre 2014.

« Campbell J. Miller »

Juge C. Miller 


RÉFÉRENCE :

2014 CCI 270

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2011-2703(GST)G

INTITULÉ :

GERRY HEDGES c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

23, 24, 25, 27 et 30 juin 2014

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L’honorable juge Campbell J. Miller

DATE DU JUGEMENT :

Le 9 septembre 2014

COMPARUTIONS :

Avocats du requérant :

Me Alistair G. Campbell,

Me David M. Sherman

Avocates de l’intimée :

Me Lynn M. Burch, Me Christa Akey

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour le requérant :

Nom :

Me Alistair G. Campbell, Me David M. Sherman

 

Cabinet :

Legacy Tax & Trust Lawyers

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1]               2010 QCCQ 9283.

 

[2]               Section 5.1

Est soustrait à l’application de l’article 5 de la Loi le membre d’un corps policier qui se livre ou tente de se livrer à des activités visées à cet article du fait qu’il présente une substance comme étant une substance inscrite aux annexes I, II, III ou IV ou la tient pour telle, si les conditions suivantes sont réunies :

a)            il est membre actif du corps policier;

b)            il agit dans le cadre de ses responsabilités, pour les besoins d’une enquête particulière.

[3]               2011 ONSC 2121 (Ont. SCJ).

 

[4]               1976 31 C.C.C. (2d) (144)  Cour de comté de l’Ontario

 

[5]               (2001) 4 C.T.C. 2613.

 

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