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Dossier : 2013-4066(GST)I

ENTRE :

MAHENDRAN KANDIAH,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 4 septembre 2014, à Toronto (Ontario).

Devant : L’honorable juge Campbell J. Miller


Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me Osborne G. Barnwell

Avocats de l’intimée :

Me Kathleen Beahen, Me Leo Elias

 

JUGEMENT

L’appel interjeté à l’égard de la cotisation établie au titre de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise relativement à un remboursement de la TPS/TVH pour habitation neuve, dont l’avis était daté du 28 mars 2012, est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de septembre 2014.

« Campbell J. Miller »

Juge C. Miller

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de septembre 2014.

 

Alya Kaddour‑Lord, traductrice


Référence : 2014 CCI 276

Date : 20140917

Dossier : 2013-4066(GST)I

ENTRE :

MAHENDRAN KANDIAH,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge C. Miller

[1]             M. Mahendran Kandiah interjette appel sous le régime de la procédure informelle d’une cotisation que le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établie à son endroit, par laquelle M. Kandiah s’est vu refuser un remboursement de TPS/TVH pour habitation neuve (le « remboursement ») de 24 000 $ à l’égard de l’achat d’une maison située au 50 Minerva Avenue, à Toronto. Bien que ce remboursement soit accordé par la province d’Ontario, M. Kandiah doit, pour y avoir droit, répondre aux exigences prévues à l’article 254 de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi »), qui est ainsi libellé :

(2) Le ministre verse un remboursement à un particulier dans le cas où, à la fois :

a)         le constructeur d’un immeuble d’habitation à logement unique ou d’un logement en copropriété en effectue, par vente, la fourniture taxable au profit du particulier;

b)         au moment où le particulier devient responsable ou assume une responsabilité aux termes du contrat de vente de l’immeuble ou du logement conclu entre le constructeur et le particulier, celui-ci acquiert l’immeuble ou le logement pour qu’il lui serve de lieu de résidence habituelle ou serve ainsi à son proche;

c)         le total des montants — appelé « contrepartie totale » au présent paragraphe — dont chacun représente la contrepartie payable pour la fourniture de l’immeuble ou du logement et pour toute autre fourniture taxable, effectuée au profit du particulier, d’un droit sur l’immeuble ou le logement est inférieur à 450 000 $;

d)         le particulier a payé la totalité de la taxe prévue à la section II relativement à la fourniture et à toute autre fourniture, effectuée à son profit, d’un droit sur l’immeuble ou le logement (le total de cette taxe prévue au paragraphe 165(1) étant appelé « total de la taxe payée par le particulier » au présent paragraphe);

e)         la propriété de l’immeuble ou du logement est transférée au particulier une fois la construction ou les rénovations majeures de ceux-ci achevées en grande partie;

f)          entre le moment où les travaux sont achevés en grande partie et celui où la possession de l’immeuble ou du logement est transférée au particulier en vertu du contrat de vente :

(i)         l’immeuble n’a pas été occupé à titre résidentiel ou d’hébergement,

(ii)        le logement n’a pas été occupé à titre résidentiel ou d’hébergement, sauf s’il a été occupé à titre résidentiel par le particulier, ou son proche, qui était alors l’acheteur du logement aux termes d’un contrat de vente;

g)         selon le cas :

(i)         le premier particulier à occuper l’immeuble ou le logement à titre résidentiel, à un moment après que les travaux sont achevés en grande partie, est :

(A)       dans le cas de l’immeuble, le particulier ou son proche,

(B)       dans le cas du logement, le particulier, ou son proche, qui, à ce moment, en était l’acheteur aux termes d’un contrat de vente,

(ii)        le particulier effectue par vente une fourniture exonérée de l’immeuble ou du logement, et la propriété de l’un ou l’autre est transférée à l’acquéreur de cette fourniture avant que l’immeuble ou le logement n’ait été occupé à titre résidentiel ou d’hébergement.

[…]

Les faits

[2]             M. Kandiah, sa femme, son frère et une de ses filles ont témoigné. Bien que leurs témoignages aient présenté certaines contradictions, la partie essentielle de leur récit relatif au remboursement était très semblable.

[3]             Les Kandiah ont acheté une maison située au 132 Kearney Drive, à Ajax, en Ontario, en 2004. Peu de temps après y avoir emménagé, ils ont découvert qu’il y avait des problèmes de plomberie au sous‑sol, qui provoquaient des écoulements d’eau sale et généraient une mauvaise odeur. Ce problème semblait découler de quelque obstruction dans la tuyauterie. M. Kandiah a déclaré qu’il s’agissait d’un problème récurrent et qu’il avait dû communiquer avec la Ville d’Ajax tous les deux mois pour tenter de régler le problème. Les dossiers obtenus auprès de la Ville d’Ajax ne font état que de trois visites de M. Kandiah relativement à ce problème, une en 2005, une en 2009 et la dernière en avril 2010.

[4]             M. Kandiah a précisé qu’il avait dû lutter tant avec la Ville qu’avec le constructeur de la maison pour régler le problème de plomberie. Le constructeur a laissé entendre qu’il lui en coûterait de 10 000 $ à 12 000 $ pour régler le problème. M. Kandiah ne disposait d’aucun document pour corroborer les dires du constructeur. Il a souligné qu’une de ses filles avait écrit au constructeur pour obtenir des copies de la correspondance entretenue à l’égard de cette question. Aucun document de cette nature n’a été produit en preuve. La fille de M. Kandiah qui a prétendument communiqué avec la Ville d’Ajax n’a pas témoigné.

[5]             M. Kandiah ne savait pas avec certitude quand le problème avait finalement été réglé, mais la famille a soutenu que ce problème avait fait en sorte qu’ils avaient cherché une nouvelle maison. Les réparations ont finalement exigé qu’on retire le perron pour avoir accès aux tuyaux qui se trouvaient en dessous : le perron n’a pas pu être remplacé pendant un an, ce que les Kandiah ont fait à leurs propres frais. La fille de M. Kandiah qui a témoigné, Renu Mahendran, a déclaré qu’elle croyait que les travaux de réparation avaient été effectués plus tard en 2010 et qu’ils s’étaient peut-être prolongés jusqu’en 2011. Aucun des témoins n’a semblé très sûr du moment où les évènements relatifs au problème de plomberie s’étaient effectivement déroulés.

[6]             En août 2009, M. Kandiah a conclu un contrat avec Monarch Developments en vue de la construction d’une nouvelle maison, au 50 Minerva Avenue, à Toronto, la clôture du contrat étant prévue un an plus tard, en septembre 2010. Le prix de la maison était de 525 990 $.

[7]             M. Kandiah a déclaré qu’il avait commencé à essayer de vendre la maison située au 132 Kearney Drive en 2010, bien qu’il ne l’ait pas inscrite auprès d’un agent immobilier pour économiser l’argent de la commission. Sa femme semblait se souvenir du fait qu’ils avaient communiqué avec un agent. Ils ont tous deux déclaré qu’ils avaient essayé de vendre simplement en parlant à leurs amis.

[8]             Le 2 août 2010, la femme de M. Kandiah a signé, à titre de vendeuse, un contrat de vente de la maison située au 132 Kearney Drive, à Ajax, avec M. Ponniah, qui a été décrit comme une connaissance de la famille. Quand il lui a été présenté, Mme Kandiah ne se souvenait pas de ce document. Le 6 août, quatre jours plus tard, M. Ponniah et elle ont signé un acte de renonciation, libérant ainsi M. Ponniah de ses obligations aux termes du contrat. M. Kandiah a déclaré que, dans l’intervalle, M. Ponniah avait obtenu un rapport d’inspection faisant état du problème de plomberie, mais il a été incapable de produire un exemplaire d’un tel rapport. Mme Kandiah a déclaré qu’ils avaient simplement fait preuve d’honnêteté en parlant à M. Ponniah du problème. Rien n’indique qu’ils ont continué d’essayer de vendre la maison située au 132 Kearney Drive. M. Kandiah a laissé entendre qu’ils n’avaient pas essayé de vendre la maison située au 132 Kearney Drive en 2009, de peur que la famille n’ait pas d’endroit où déménager avant septembre 2010.

[9]             À la conclusion de la vente de la maison située au 50 Minerva Avenue en septembre 2010, le titre de propriété a été mis au nom de Mme Kandiah. Elle a laissé entendre que cela s’expliquait par le fait que sa banque lui avait attribué une meilleure cote de crédit en vue de l’obtention d’une hypothèque. Elle a ajouté qu’ils avaient acheté la maison avec l’argent de la famille.

[10]        En septembre 2010, M. Kandiah et sa fille, Renu, ont commencé à vivre dans la nouvelle maison située au 50 Minerva Avenue, d’une manière que je décrirai sous peu. Le frère de M. Kandiah a déclaré qu’il avait aidé M. Kandiah à emménager, ce qui avait consisté à emporter deux matelas, un petit four, un réfrigérateur et une bouilloire dans la nouvelle maison. Il a également précisé qu’une cérémonie hindoue s’était tenue dans la nouvelle maison. M. Kandiah a déclaré que sa fille et lui avaient aussi emporté deux serviettes ainsi que deux assiettes et deux tasses. Quand on lui a demandé où elle mangeait, étant donné qu’il n’y avait pas de table, la fille de M. Kandiah a laissé entendre qu’elle mangeait simplement assise sur son lit.

[11]        Mme Kandiah et le reste de la famille sont restés au 132 Kearney Drive, à Ajax, où sont également demeurées la plupart des possessions de M. Kandiah.

[12]        Renu, la fille de M. Kandiah, était satisfaite de son nouveau domicile parce que cela lui permettait de consacrer deux heures de moins à ses allers et retours quotidiens pour se rendre à l’Université Ryerson, étant donné que la nouvelle maison se trouvait plus près de l’Université Ryerson que la maison d’Ajax. Elle a déclaré qu’elle avait vécu ainsi pendant environ cinq mois.

[13]        En même temps qu’il occupait la nouvelle maison située au 50 Minerva Avenue, M. Kandiah cherchait des locataires possibles. Au cours des semaines suivantes, avant le 5 octobre 2010, il a également mis la maison située au 50 Minerva en vente. L’inscription faisait état d’une maison [traduction] « flambant neuve, jamais occupée ». En décembre 2010, il a vendu la maison pour la somme d’environ 558 675 $, et les acheteurs en ont pris possession en mars 2011.

[14]        M. Kandiah a présenté au constructeur de la maison située au 50 Minerva Avenue une demande remboursement de la TPS/TVH pour habitation neuve de 24 000 $. Le constructeur a présenté la demande de remboursement avec sa déclaration de TPS/TVH. Le constructeur a été autorisé à déduire la somme de 24 000 $, réduisant ainsi sa taxe nette dans sa déclaration de TPS/TVH.

[15]        Mme Kandiah et sa fille ont acheté un appartement en copropriété à l’automne 2011, dans lequel cette dernière a vécu pendant une courte période, mais elles n’ont plus eu les moyens d’effectuer les paiements hypothécaires, de telle sorte que le bien est maintenant loué. Depuis, les Kandiah ont vendu la maison d’Ajax et acheté une nouvelle maison à Toronto, dont ils ont pris possession en juin 2012. Ils ont demandé le remboursement de 24 000 $ à l’égard de leur nouvelle maison.

La question en litige

[16]        M. Kandiah est‑il tenu de restituer le remboursement de 24 000 $? Il y est tenu à moins de respecter les exigences prévues au paragraphe 254(2) de la Loi, plus précisément aux alinéas b) et e).

[17]        Ainsi, la question est de savoir si, premièrement, au moment où M. Kandiah a conclu l’offre d’achat relative à la maison située au 50 Minerva Avenue, il achetait la maison pour qu’elle lui serve de lieu de résidence habituelle ou serve ainsi à un proche (alinéa 254(2)b)), et, deuxièmement, si la « propriété » de cette maison lui avait été transférée (alinéa 254(2)e)).

(i) L’intention de l’appelant en septembre 2009

[18]        Il incombe à l’appelant de me convaincre que, selon la prépondérance des probabilités, il a convenu en septembre 2009 d’acheter le logement situé au 50 Minerva Avenue avec l’intention qu’il serve de lieu de résidence habituelle à sa famille. Comme l’ancien juge en chef Bowman l’a déclaré dans la décision Coburn Realty Ltd. c Canada[1] :

[10]      Les énoncés que fait le contribuable de ses buts et de ses intentions ne sont pas nécessairement et toujours le fondement le plus fiable sur lequel une question de ce genre peut être tranchée. L’utilisation réelle du bien constitue souvent la meilleure preuve du but de l’acquisition. Dans la décision 510628 Ontario Limited v. The Queen, 2000 GTC 877, il est indiqué ce qui suit:

[11]      Il y a lieu de noter que l’expression « en vue d’être utilisé [...] » nécessite la détermination de l’objet de l’acquisition, non de l’utilisation réelle. Néanmoins, je crois qu’en pratique, si un bien est utilisé en fait principalement à des fins commerciales, il est raisonnable d’inférer qu’il a été acquis à ces fins.

[19]        Compte tenu de certaines contradictions dans le récit de la famille, ainsi que de ce qu’il faut qualifier d’incongruités dans la manière de justifier certaines décisions, je n’accorde que peu de poids à l’intention déclarée de M. Kandiah, mais je trouve qu’il est nécessaire d’approfondir les circonstances de l’espèce et les comportements. Je commence, comme l’ancien juge en chef Bowman l’a suggéré, à étudier l’usage qui a été effectivement fait de la maison située au 50 Minerva Avenue, quand M. Kandiah a été en mesure d’en prendre possession en septembre 2010. La maison servait-elle alors de lieu de résidence habituelle de la famille? Non, ce n’était pas le cas.

[20]        À titre préliminaire, je conclus que s’il y a jamais eu une intention, c’était une intention qui concernait toute la famille, et non uniquement M. Kandiah ou sa fille. Il s’ensuit que, pour examiner l’utilisation réelle de la maison, je dois vérifier si celle‑ci correspond à l’utilisation qu’on avait l’intention d’en faire, à savoir s’en servir comme lieu de résidence habituelle de toute la famille. Ce n’était pas le cas. Seuls M. Kandiah et une de ses filles ont habité dans la maison. Et quand bien même cela aurait été leur intention, je me demande s’ils se sont servis de la maison située au 50 Minerva Avenue comme d’un lieu de résidence habituelle, question sur laquelle je vais maintenant me pencher.

[21]        Le fait d’emporter quelques possessions (des matelas et une serviette, par exemple), et de laisser derrière soi quasiment toutes ses autres possessions ainsi que ses meubles, au domicile familial, ne fait pas en sorte que la maison située au 50 Minerva Avenue servait de lieu habituel de résidence à la famille. Au mieux, je décrirais la façon de vivre de M. Kandiah et de sa fille comme du camping, et non comme le fait de résider quelque part – et certainement pas comme le fait de se servir d’une maison comme lieu de résidence habituelle.

[22]        L’avocat de M. Kandiah a fait valoir qu’il ne convenait pas de tenir compte de la qualité de la résidence – qu’on vive dans la misère ou dans l’opulence – mais qu’il fallait simplement s’en tenir au fait de résider quelque part. Je ne suis pas forcément en désaccord. Mais l’élément relatif au fait de se servir d’un logement comme de son lieu de résidence doit toujours être présent, et il doit bien s’agir du lieu de résidence habituelle. M. Kandiah n’a fourni aucune preuve relative au temps qu’il passait au 50 Minerva Avenue, ni aux dispositions concernant les repas, ni à ses allées et venues. Sa fille ayant laissé entendre qu’elle buvait du thé sur son lit, il semble qu’il n’y avait pas d’endroit où manger. La preuve est loin de montrer qu’il résidait véritablement là-bas, comme on verrait normalement le fait de résider quelque part, et, dans cette optique, de se servir de la maison comme de son lieu de résidence habituelle.

[23]        À cet égard, l’inscription de la propriété, qui décrit précisément la maison comme flambant neuve, jamais occupée, constitue un autre élément de preuve. Le facteur de l’utilisation véritable n’aide pas à prouver l’intention de M. Kandiah.

[24]        Il devient dès lors nécessaire d’établir si l’utilisation réelle de la maison comme lieu de résidence habituelle se trouvait entravée par les circonstances. L’avocat de M. Kandiah fait valoir que l’incapacité de son client à vendre la maison située au 132 Kearney Drive constituait une entrave à l’intention d’acquérir la maison située au 50 Minerva Avenue à titre de lieu de résidence habituelle. Dans les cas où un contribuable n’a pas pu établir véritablement sa résidence dans une nouvelle maison, c’est parce qu’un évènement constituant une entrave claire et compréhensible s’était produit (voir par exemple la décision Boucher v Canada[2], dans laquelle la conjointe n’arrivait pas à trouver de travail, la décision Gagné c Canada[3], dans le contexte de laquelle l’évènement constituant une entrave tenait à des raisons médicales, et la décision Hamel c Canada[4], dans laquelle il était question de problèmes d’intégration familiale). Le fait d’être incapable de vendre sa maison est‑il un évènement constituant une entrave de cette nature? En l’espèce, je ne le crois pas, pour les raisons suivantes :

                                   1.      On n’a fait aucun effort en vue de vendre la maison située sur Kearney Drive – aucune inscription, pas d’agent, aucune preuve montrant que le prix de la maison avait été diminué afin de compenser la nécessité d’effectuer des réparations.

                                   2.      La crédibilité qu’il convient d’accorder à l’offre que M. Ponniah, une connaissance, aurait prétendument faite. Quatre jours après que ce dernier a fait l’offre, celle-ci a été bel et bien annulée. Les témoignages de M. Kandiah et de sa femme ne se recoupent pas en ce qui a trait aux raisons de cette annulation; M. Kandiah affirme qu’une inspection menée dans les quatre jours qui ont suivi la signature de l’offre a permis de repérer le problème, alors que Mme Kandiah soutient qu’ils ont fait preuve d’honnêteté à l’endroit de M. Ponniah, qui a préféré se retirer. M. Ponniah n’a pas témoigné. Je n’accorde que peu de poids à cette offre en tant que preuve d’efforts sérieux en vue de vendre la maison.

                                   3.      M. Kandiah a déclaré qu’il n’avait pas commencé à essayer de vendre la maison jusqu’à plus tard en 2010, parce qu’il ne voulait pas se retrouver dans une situation où il n’aurait nulle part où habiter, étant donné que la nouvelle maison ne serait pas prête avant septembre 2010. Au mieux, il s’agit d’un raisonnement contre‑intuitif. M. Kandiah aurait pu avoir recours à des dates de prise de possession plus tardives. Prendre le risque de devoir payer pour deux maisons n’est tout simplement pas logique. Son histoire ne tient pas.

[25]        Y a-t-il d’autres éléments susceptibles d’appuyer la thèse de M. Kandiah? Premièrement, le fait que la famille faisait face à un problème de plomberie dans la maison située sur Kearney Drive, problème qui persistait depuis plusieurs années : en 2009, les Kandiah n’en pouvaient plus. Ils affirment qu’ils avaient la motivation voulue pour déménager. Il s’est agi d’un thème récurrent dans le témoignage des trois membres de la famille.

[26]        Le rapport produit par la Ville d’Ajax confirme bien l’existence de problèmes de plomberie, mais il en ressort que la Ville n’est véritablement intervenue pour régler le problème qu’à trois reprises. Les Kandiah ont laissé entendre qu’il y avait eu beaucoup plus de visites.

[27]        Bien que je croie qu’il y ait eu des problèmes de plomberie dans l’ancienne maison, je n’accorde pas à ce fait un grand poids pour ce qui est de prouver l’intention de M. Kandiah en septembre 2009 à l’égard de la maison située au 50 Minerva Avenue. M. Kandiah avait la possibilité d’effectuer des réparations, ce qu’il a finalement fait. Comme je l’ai déclaré plus tôt, le calendrier de ces réparations est flou.

[28]        Y a-t-il d’autres facteurs allant à l’encontre d’une conclusion selon laquelle M. Kandiah avait l’intention d’acheter la maison située au 50 Minerva Avenue et de s’en servir comme lieu de résidence habituelle? Oui.

                                           i.            Dès que la maison située au 50 Minerva Avenue a été prête à être occupée, M. Kandiah a cherché à la mettre en location, et il l’a ensuite mise en vente. Bien que cela se soit produit un an après la période à examiner pour établir l’intention, cela constitue une certaine indication du fait qu’il n’a jamais eu l’intention de s’en servir comme lieu de résidence habituelle.

 

                                         ii.            Si le problème de plomberie était réparé, le facteur motivant le déménagement disparaissait.

 

                                      iii.            Le fait que les Kandiah n’aient pas eu recours aux services d’un agent pour vendre la maison située au 132 Kearney Drive ajouté au fait qu’ils n’ont pas démontré qu’ils avaient fait quelque autre effort de bonne foi que ce soit en vue de vendre la maison donne encore une fois à entendre que c’est la maison située au 132 Kearney Drive qui devait demeurer le lieu de résidence habituelle de la famille, et non la maison située au 50 Minerva Avenue.

[29]        Pour résumer, les témoignages de M. Kandiah et de sa famille relatifs à ce qui les a motivés à acquérir un nouveau lieu de résidence habituelle ne suffisent pas à prouver, selon la prépondérance des probabilités, que, au moment où M. Kandiah a signé le contrat de vente, son intention était d’acquérir un nouveau lieu de résidence habituelle pour sa famille. Les circonstances de l’espèce, et avant tout une absence d’efforts en vue de vendre la maison située sur Kearney Drive, ne corroborent pas une telle intention. L’appel peut être rejeté sur ce fondement.

(ii) « La propriété »

[30]        Si j’avais conclu que M. Kandiah avait bien l’intention requise, je devrais examiner la seconde question en litige, à savoir si le fait que le titre de propriété ait été mis au nom de Mme Kandiah, et non à celui de M. Kandiah, porte un coup fatal à l’appel de ce dernier. L’alinéa 254(2)e) de la Loi exige que la « propriété » ait été transférée à M. Kandiah.

[31]        Son avocat s’appuie, ce qui ne m’étonne pas, sur les commentaires que j’ai formulés dans la décision Rochefort c Canada[5], dans le contexte de laquelle je me suis penchée sur le concept de propriété. Dans l’affaire Rochefort, il était question d’une situation exceptionnelle, et de circonstances différentes de celles que je dois examiner à l’égard de M. Kandiah. Dans la décision Rochefort, je n’ai pas assimilé la propriété au titre, mais je reconnais que le titre demeure un facteur important quand il s’agit d’établir la propriété. La « propriété » a‑t‑elle été transférée à M. Kandiah? Autrement dit, a-t-il acquis suffisamment de droits sur le bien pour que cela constitue une « propriété », nonobstant le fait que son nom n’apparaissait pas sur le titre?

[32]        Un des droits clés que j’ai définis dans la décision Rochefort, et qui a lourdement pesé dans l’établissement de la propriété, était le droit de transférer le titre. Dans la décision Rochefort, étant donné que le mari et la femme habitaient dans la maison, celle-ci était le foyer conjugal, comme le prévoit la Loi sur le droit de la famille. Au titre de la Loi, un conjoint a certains droits en ce qui concerne le transfert. On ne peut pas dire que la maison située au 50 Minerva Avenue ait jamais été le foyer conjugal des Kandiah. M. Kandiah n’avait aucun droit relatif au transfert.

[33]        En outre, dans l’affaire Rochefort, des éléments de preuve relatifs aux circonstances inhabituelles m’ont permis de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que Mme Rochefort avait un intérêt bénéficiaire dans le bien, et ce, bien que son nom n’apparaisse pas sur le titre. Les témoignages des Kandiah ne m’ont pas convaincu qu’il existait entre eux une telle entente relative à la propriété effective. Non, M. Kandiah ne s’est vu transférer aucune propriété.

[34]        Pour ce motif également, je rejette l’appel de M. Kandiah.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de septembre 2014.

 « Campbell J. Miller »

Juge C. Miller

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de septembre 2014.

 

Alya Kaddour‑Lord, traductrice


RÉFÉRENCE :

2014 CCI 276

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2013-4066(GST)I

INTITULÉ :

Mahendran Kandiah c Sa Majesté la Reine

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 4 septembre 2014

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Campbell J. Miller

DATE DU JUGEMENT :

Le 17 septembre 2014

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me Osborne G. Barnwell

Avocats de l’intimée :

Me Kathleen Beahen, Me Leo Elias

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

                 Nom :

Osborne G. Barnwell

 

                 Cabinet :

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1]           2006 CCI 245.

 

[2]           2004 G.T.C. 23.

 

[3]           2007 CCI 175.

 

[4]           2004 CCI 315.

 

[5]           2014 CCI 34.

 

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