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Dossiers : 2012-1715(IT)G

2013-1836(GST)I

 

ENTRE :

 

SCOTT MCDONALD,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appels entendus sur preuve commune le 29 septembre 2014, à Kamloops (Colombie‑Britannique)

 

Devant : L'honorable juge Diane Campbell

 

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

 

 

Avocat de l'intimée :

Me Robin Whittaker

 

 

JUGEMENT

 

          Les appels interjetés à l'encontre des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2005, 2006, 2007, 2008 et 2009 sont rejetés.

 

          L'appel interjeté à l'encontre d'une cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise pour la période allant du 1er juin 2008 au 30 avril 2009 est rejeté.

 

          Les dépens sont adjugés à l'intimée, mais seulement en ce qui concerne l'appel entendu sous le régime de la procédure générale, les présents appels ayant été entendus ensemble, sur preuve commune.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour d'octobre 2014.

 

 

« Diane Campbell »

La juge Campbell

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de janvier 2015.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2014 CCI 315

Date : 20141024

Dossiers : 2012-1715(IT)G

2013-1836(GST)I

 

ENTRE :

 

SCOTT MCDONALD,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Campbell

 

Introduction

 

[1]             Les appels en l'espèce sont interjetés à l'encontre de cotisations établies en vertu de l'article 227.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « LIR ») et de l'article 323 de la Loi sur la taxe d'accise (la « LTA »). Ils ont été entendus ensemble, sur preuve commune. Conformément à ces deux dispositions légales, les administrateurs d'une société sont personnellement responsables du paiement de la taxe sur les produits et services (la « TPS ») et des retenues à la source dues par la société en cas de défaut de versement de cette dernière.

 

[2]             Des cotisations ont été établies à l'égard de l'appelant à titre d'administrateur d'Arc Electrical Technicians Ltd. (la « société ») pour la période au cours de laquelle la société a omis de verser le montant de taxe nette et les retenues à la source conformément à chaque loi. Bien que l'appelant n'ait pas été légalement ou officiellement désigné en tant qu'administrateur, l'intimée a fait valoir qu'il était un administrateur de fait qui [TRADUCTION] « [...] s'est acquitté des fonctions d'un administrateur de la société » et qui [TRADUCTION] « [...] a assumé les fonctions qu'un administrateur de la société est censé exécuter normalement » (réponse à l'avis d'appel dans le dossier de l'impôt sur le revenu, hypothèses a) et b) respectivement). Un libellé presque identique a été utilisé dans l'appel en matière de TPS (réponse à l'avis d'appel, hypothèses 10j) et k)).

 

[3]             Les appels en matière d'impôt sur le revenu se rapportent aux années d'imposition 2005, 2006, 2007, 2008 et 2009 de l'appelant, tandis que l'appel en matière de TPS vise la période allant du 1er juin 2008 au 30 avril 2009.

 

La question en litige

 

[4]             La question en litige, telle qu'elle a été énoncée dans les avis d'appel et à l'audience, se limite à celle de savoir si, bien qu'il n'ait pas été un administrateur en principe, l'appelant était un administrateur de fait au cours des périodes pertinentes. Le seul renvoi indirect à un argument fondé sur la diligence raisonnable se rapportait à certains faits précis touchant quelques mesures prises à la suite des cotisations établies à l'égard de la société. Pour le reste, l'appelant a limité ses arguments à la question de sa qualité d'administrateur.

 

La preuve

 

[5]             L'appelant et son épouse, Deborah McDonald, ont tous deux témoigné. L'intimée s'est fondée sur le témoignage de Linda Robertson, l'agente des appels.

 

[6]             L'appelant a témoigné qu'il est un entrepreneur en électricité d'expérience. Avant la constitution de la société au mois de juin 2005, il exploitait une entreprise similaire, qu'il a vendue parce que, bien que le volet « affaires » se portât bien, il [TRADUCTION] « éprouvait des difficultés au sujet de la tenue des livres ».

 

[7]             L'appelant a témoigné que c'était son beau‑père, Gordon Cross, aujourd'hui décédé, qui avait encouragé son épouse à constituer une société et à l'exploiter. À l'époque, l'appelant était temporairement incapable de travailler sur les chantiers parce qu'il était blessé; les membres de la famille dépendaient donc de la contribution de Mme McDonald pour subvenir à leurs besoins. Il a déclaré que c'était son beau‑père et son épouse qui avaient pris la décision de lancer l'entreprise et de la constituer en société. La société a été constituée, et M. Cross et sa fille, Mme McDonald, ont été nommés administrateurs. En sa qualité d'employé de la société, l'appelant voyait aux activités qui se déroulaient sur le terrain. Malgré l'attelle qu'il devait porter à la jambe, il était en mesure de faire ce à quoi il excellait : trouver du travail, préparer les devis, déterminer le nombre d'employés requis pour effectuer un travail donné et superviser ces employés.

 

[8]             L'appelant a témoigné que, comme il ne [TRADUCTION] « [...] savait pas comment tenir les livres », il ne voulait pas s'occuper de ce volet de l'entreprise, et que c'était son épouse qui s'occupait des aspects financiers des activités de la société. L'appelant a déclaré que son épouse possédait une formation dans le domaine de la tenue de livres et qu'elle se servait d'un programme comptable pour s'acquitter de sa tâche. Cependant, lorsqu'elle a éprouvé des difficultés, elle a remis tout le système à un comptable agréé, qui a conservé celui‑ci pendant des mois. Lorsque le programme lui a été remis, l'épouse de l'appelant, qui passait plus de temps avec les enfants, a embauché une amie, qui était aussi aide‑comptable, et lui a demandé de s'occuper des livres et du bureau. Lorsque cette aide‑comptable a remis sa démission en 2008, une autre personne a été embauchée pour la remplacer. Cette personne a relevé un certain nombre de problèmes et a demandé à sa mère, une comptable à la retraite, de l'aider à cerner ces problèmes. Toutes deux ont mentionné à l'appelant et à son épouse qu'ils devaient communiquer avec l'Agence du revenu du Canada (l'« ARC ») et l'informer de l'existence de certains problèmes.

 

[9]             L'appelant a témoigné que pendant toute cette période, à titre de dirigeant de la société, il a signé des chèques, ainsi que divers formulaires de versement, mais que c'était l'aide‑comptable qui les remplissait et qu'il se contentait de les signer lorsqu'ils lui étaient présentés. Il a déclaré qu'il ignorait comment elle en arrivait aux calculs finaux. Il a cependant préparé des factures, et il a à l'occasion recouvré les montants de ces factures.

 

[10]        En ce qui concerne le rôle joué par son beau‑père, l'appelant a déclaré que son épouse a joué un rôle plus actif, mais qu'elle discutait des affaires avec son père. Lorsqu'il a proposé que la société tente d'obtenir des projets commerciaux plus importants, son épouse et son beau‑père l'ont empêché de se lancer dans cette voie et l'ont confiné, ainsi que la société, aux contrats plus modestes que la société exécutait. Il a témoigné qu'ils avaient pris cette décision de crainte que l'appelant ne fasse des devis incorrects à l'égard de ces contrats plus importants.

 

[11]        L'appelant possédait une carte bancaire, mais il devait cependant obtenir l'autorisation de l'utiliser, à l'instar des autres employés, auprès du gestionnaire de bureau.

 

[12]        En contre‑interrogatoire, l'appelant a admis qu'il était au courant des obligations auxquelles une entreprise est tenue au titre des retenues d'impôt et des retenues à la source concernant les employés. Il a déclaré avoir signé les chèques de versement parce que l'aide‑comptable avait effectué les calculs.

 

[13]        Il est ressorti clairement du contre‑interrogatoire que l'appelant et son épouse ont eu affaire avec l'ARC concernant des problèmes de versement et l'omission de produire des déclarations dans chacune des années 2006 à 2009, année au cours de laquelle la société a finalement cessé ses activités. Cependant, l'appelant a déclaré que seule son épouse s'occupait des affaires financières de la société et que, même lorsqu'elle n'était pas souvent au bureau, il se fiait aux aides‑comptables qui avaient été embauchées.

 

[14]        L'épouse de l'appelant a confirmé le gros de ce témoignage. Elle a déclaré que c'était son père qui avait eu l'idée de constituer une nouvelle société, que tous deux exploiteraient, et que l'appelant s'occuperait des travaux d'électricité comme tels, son domaine d'expertise. Son rôle devait être celui de directeur des services : obtenir des contrats, présenter les devis et superviser les employés. Initialement, elle devait tenir les livres, mais elle s'est rapidement rendu compte qu'elle était « dépassée » et qu'elle avait besoin d'aide. Un comptable a été engagé pour s'occuper du programme de comptabilité. Une aide‑comptable a finalement été embauchée pour aider et remplacer Mme McDonald au bureau. Il y a eu des problèmes avec cette personne, et une autre aide‑comptable a été embauchée comme gestionnaire de bureau.

 

[15]        Deborah McDonald a témoigné qu'elle n'avait pas informé l'appelant des problèmes persistants au bureau parce qu'il était occupé à mener les activités comme telles sur le terrain. Elle a tenté de régler les problèmes au bureau elle‑même, en retenant les services de professionnels. Elle a cependant reconnu qu'elle n'avait pas choisi les bonnes personnes. Lorsque la deuxième aide‑comptable a quitté son emploi sans préavis, la personne qui a été embauchée pour la remplacer a découvert un problème à l'égard des retenues à la source. Cette aide‑comptable a obtenu la permission de se faire aider par sa mère, une comptable à la retraite, pour régler ces problèmes.

 

[16]        Il y a eu communication avec l'ARC, et des représentants de celle‑ci se sont rendus aux bureaux de l'entreprise et y ont passé une semaine pour tenter de régler les problèmes.

 

[17]        En ce qui concerne la direction de la société, Mme McDonald a témoigné que c'était son père et elle qui déterminaient le type de contrats que la société pouvait accepter et qu'ils avaient opposé un refus à la demande de l'appelant de présenter des devis pour d'importants contrats commerciaux. Bien que son père n'ait pas été présent au bureau, elle a déclaré qu'elle discutait de ses décisions avec lui.

 

[18]        En contre‑interrogatoire, elle a confirmé que c'était l'appelant, et non pas son père, qui l'avait accompagnée aux rencontres qui avaient eu lieu avec les examinateurs des fiducies de l'ARC. Elle a déclaré que son père commençait alors à montrer des signes d'inaptitude avec l'âge, bien qu'elle ait maintenu qu'il avait encore son mot à dire.

 

[19]        Linda Robertson, l'agente des appels, a déclaré qu'un certain nombre d'agents de recouvrement avaient communiqué avec l'appelant et la société à compter de 2005, peu de temps après sa constitution en société, et au fil des années. Entre 2005 et 2009, le compte n'a jamais quitté le service de recouvrement. Elle a témoigné que l'ARC communiquait le plus souvent avec l'appelant sur ces questions. Lorsque les examinateurs des fiducies ont tenté de déterminer le solde dû, l'appelant a assisté à ces rencontres pour le compte de la société, de même que son épouse. Des examens des fiducies ont été effectués parce que, bien que la société ait été constituée en 2005, aucun versement n'avait été déclaré ou versé et aucune déclaration n'avait été faite en dépit de promesses de le faire. En janvier 2008, l'appelant a acquitté le solde dû à l'époque, mais les déclarations s'y rapportant n'ont pas été produites. Finalement, des cotisations théoriques ont été établies. À l'automne 2009, le ministre a enregistré des certificats auprès de la Cour fédérale et, le 19 novembre 2009, il y a eu défaut d'exécution à l'égard des brefs de saisie‑exécution délivrés subséquemment.

 

[20]        En ce qui concerne l'argument de l'appelant selon lequel l'ARC est revenue sur une entente de paiement alléguée et a entrepris des mesures de recouvrement, ce qui a forcé la fermeture de la société, l'agente des appels a témoigné que la société devait une somme d'argent importante qui s'était accumulée et qu'aucun paiement n'avait été effectué. Des recherches menées par l'ARC ont révélé qu'il y avait peut‑être également des problèmes concernant le paiement des fournisseurs.

 

Analyse

 

[21]        Je dois trancher la question de savoir si, bien qu'il n'ait jamais été officiellement nommé administrateur de la société, l'appelant agissait néanmoins à titre d'administrateur. S'il n'agissait pas à titre d'administrateur, l'article 227.1 de la LIR et l'article 323 de la LTA ne s'appliqueront pas et l'appelant ne sera pas responsable du paiement des montants que la société a omis de verser. S'il est conclu que l'appelant agissait à titre d'administrateur, il sera tenu de verser les montants en cause.

 

[22]        Suivant l'arrêt rendu par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire R. c. Corsano, [1999] 3 R.C.F. 173, le particulier qui n'est pas juridiquement un administrateur inscrit dans les registres d'une société peut quand même être tenu responsable en tant qu'administrateur s'il agit en qualité d'administrateur de la société.

 

[23]        Au paragraphe 12 des motifs qu'il a exposés dans l'affaire Beauchemin c. La Reine, 2007 CCI 105, [2007] A.C.I. no 43 (QL), le juge Bédard a énoncé les deux facteurs suivants, à utiliser pour déterminer si une personne peut être considérée comme étant un administrateur de fait d'une société :

 

[12]      [...]

 

i) elle usurpe cette fonction en posant des actes normalement réclamés ou réservés aux administrateurs d'une société en vertu de la loi constitutive de la société concernée : par exemple participer aux réunions du conseil d'administration, signer des résolutions du conseil, etc.

 

ii) elle se présente à des tiers comme un administrateur de la société concernée.

 

Bien qu'il ait fait une mise en garde contre l'application trop hâtive du concept de l'administrateur de fait, il a aussi insisté sur le fait que des particuliers peuvent posséder et exercer certains pouvoirs au sein d'une société sans que cela ne mène nécessairement à la conclusion qu'ils sont des administrateurs de fait. Le juge Bédard a ensuite déclaré ce qui suit au paragraphe 13 :

 

[13] [...] Je suis d'avis qu'une personne qui pose de tels actes peut être considérée comme un administrateur de fait vis-à-vis les tiers uniquement si elle [se] présente comme administrateur de la société ou elle laisse entendre clairement qu'elle accomplit ces actes à titre d'administrateur de la société. [...]

 

[24]        Toutefois, dans l'affaire Hartrell c. La Reine, 2006 CCI 480 (conf. par 2008 CAF 59), le juge Paris affirme que, dans certains cas, il n'est pas nécessaire que le contribuable se présente expressément à des tiers comme étant un administrateur pour être tenu responsable, ainsi que le juge Bédard le soutient dans l'affaire Beauchemin. Au paragraphe 27, le juge Paris a déclaré ce qui suit :

 

[27]      Toutefois, dans des cas comme celui en l'espèce, où une société est en exploitation, mais n'est pas dotée d'une structure appropriée, et où l'unique administrateur inscrit dans les registres de la société ne participe pas à son exploitation, les personnes qui prennent en charge la direction des affaires de la société peuvent être considérées comme étant des administrateurs de fait, qu'elles se soient expressément présentées ainsi à des tiers ou non. La question fondamentale est de savoir si ces personnes ont, dans les faits, assumé le rôle d'administrateur de la société.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[25]        Le juge Paris nuance la déclaration qu'il a faite dans ce paragraphe en concluant que, dans les circonstances de l'appel dont il est saisi, le fait de se présenter comme un administrateur à des tierces parties ne serait pas un facteur essentiel si la société n'était pas dotée d'une structure appropriée et que l'unique administrateur inscrit dans les registres ne participait pas à l'exploitation de la société. Je crois que l'unique conclusion que je peux tirer de ces déclarations est exprimée clairement par le juge Paris dans la partie liminaire du paragraphe 28 :

 

[28]      Par conséquent, le fait que l'appelant ne se soit jamais présenté à des tiers comme étant l'un des administrateurs du Lynx n'est pas concluant en ce qui concerne la question de savoir s'il était un administrateur de fait ou non. [...]

 

Je ne crois pas que le juge Paris affirme que cela ne sera jamais un facteur, mais simplement que ce n'est pas un facteur qui doit nécessairement exister pour conclure qu'un particulier est un administrateur de fait, ainsi que les motifs exposés dans l'affaire Beauchemin le concluent. La décision rendue dans l'affaire Hartrell a été confirmée par la Cour d'appel fédérale, bien qu'aucun commentaire précis n'ait été formulé relativement à la façon dont le particulier se présentait à des tiers.

 

[26]        Je souscris aux motifs exposés dans l'affaire Hartrell. Bien que le fait pour un particulier de se présenter à des tiers comme étant un administrateur puisse jouer un rôle important, voire nécessaire, pour conclure dans certaines situations que ce particulier est un administrateur de fait, je ne crois pas que ce soit un facteur à ce point essentiel que sa présence ou son absence serait déterminante pour répondre à la question de savoir si un contribuable est un administrateur de fait ou non dans chaque cas. À mon avis, il s'agit de l'un des nombreux facteurs qui peuvent être ou ne pas être présents, et il sera l'un des facteurs à soupeser dans l'ensemble des circonstances de chaque appel pour en arriver à une conclusion. Ainsi que l'intimée l'a souligné, c'est particulièrement le cas dans les sociétés familiales, où les lignes de démarcation entre les particuliers qui exercent le contrôle, ou qui assument des responsabilités particulières, paraissent souvent floues aux yeux du monde extérieur. Dans certaines circonstances, les actions d'un particulier lors de la direction des affaires d'une société pourraient être beaucoup plus importantes pour trancher la question de savoir si le particulier est un administrateur de fait que le fait que le particulier soutienne auprès de tiers qu'il est un administrateur.

 

[27]        Compte tenu des faits propres aux présents appels, l'appelant jouait‑il un rôle subordonné dans les affaires et les activités de la société, comparativement à son épouse et à son beau‑père? Compte tenu des faits, je ne crois pas qu'il ait été dans une situation subordonnée. Il a joué un rôle important et actif dans l'ensemble des activités de la société. Il a signé des chèques, il avait accès aux registres de la société, il était libre de poser des questions aux aides‑comptables sur les versements, les déclarations et les autres procédures administratives, et il gérait et contrôlait seul les employés, le travail sur le terrain, les contrats obtenus et les devis. Il a aussi assisté, en compagnie de son épouse, aux rencontres qui ont eu lieu avec les examinateurs des fiducies et, ce faisant, il s'est présenté comme étant l'un des particuliers possédant des connaissances approfondies sur les affaires de la société. Son beau‑père n'a jamais été présent au bureau et n'a pas pris part aux activités de la société et, pendant les dernières années, ses capacités intellectuelles se sont détériorées. D'après la preuve, il a tenté d'aider sa fille lorsque l'appelant a été temporairement incapable de travailler, et c'est lui qui a eu l'idée de constituer une nouvelle société. En revanche, il n'y a aucune preuve qu'il prenait une part active aux activités, financières ou autres, de la société, si ce n'est que Deborah McDonald a témoigné qu'elle l'en tenait informé. La question de savoir dans quelle mesure cela s'est produit n'est pas claire, puisqu'elle a témoigné qu'elle était « dépassée » par la tenue de livres et qu'elle avait en fait délaissé le bureau et laissé les aides‑comptables qu'elle avait embauchées s'occuper de ces activités. En fait, elle a témoigné qu'elle n'avait pas informé son époux de ces problèmes, bien qu'il ait eu accès aux registres et qu'il ait été chargé de signer les chèques et les déclarations.

 

[28]        L'appelant possédait déjà de l'expérience dans l'exploitation d'une entreprise et il était au courant de l'obligation des entreprises de produire des déclarations et d'effectuer des versements. Bien que l'appelant et son épouse aient tous deux invoqué l'exemple unique fourni, soit que l'appelant n'avait pas eu son mot à dire sur la question de l'obtention par la société de contrats commerciaux plus importants, aucun autre élément de preuve n'a été produit pour appuyer une conclusion selon laquelle l'appelant ne prenait pas part à la direction et au contrôle de l'ensemble des affaires de la société. C'est l'expertise de l'appelant qui était au cœur de l'exploitation de la société. La preuve permet de conclure que l'épouse de l'appelant avait délaissé la société et délégué ses responsabilités au bureau aux aides‑comptables qu'elle avait engagées. D'après le témoignage de l'agente des appels, le problème des versements existait depuis le début de l'existence de la société, et c'était principalement avec l'appelant que l'ARC traitait.

 

[29]        Je suis d'avis qu'un particulier ne doit pas nécessairement prendre part à tous les aspects de la direction des activités d'une société pour être déclaré administrateur de fait. Selon la structure organisationnelle et la complexité des activités commerciales, la question de savoir si un particulier s'est acquitté de fonctions que l'on s'attendrait à ne voir exécutées que par un administrateur de droit sera une question de fait. La question de savoir si la société présente le particulier comme étant l'un de ses administrateurs sera l'un des nombreux facteurs pertinents, mais il ne sera pas un facteur décisif en lui‑même.

 

[30]        Les faits soutiennent ma conclusion selon laquelle l'appelant exerçait un contrôle suffisant, à la fois direct et indirect, sur les affaires de la société pour être tenu responsable en tant qu'administrateur de fait des obligations de la société à l'égard de l'ARC, dont elle ne s'est pas acquittée. Comme les présents motifs le démontrent, il n'existe pas de critère notable susceptible d'être appliqué à toutes les circonstances pour déterminer si un particulier est un administrateur de fait. La jurisprudence a déterminé qu'il y aura un certain nombre de facteurs qui devront être examinés, mais il ne s'agit pas d'une liste exhaustive, et le poids à donner à chacun peut varier selon les faits propres à chaque appel. Finalement, ainsi qu'il ressort de la jurisprudence, la question à trancher est celle de savoir si un particulier peut être considéré comme faisant partie de la structure de direction de la société, de sorte qu'il est responsable des questions à l'égard desquelles il a détenu et exercé un certain pouvoir, comme s'il avait été nommé administrateur de cette société.

 

Conclusion

 

[31]        L'appelant était au cœur des activités et de la structure de cette société, bien qu'il n'ait pas, en principe, été un administrateur. Compte tenu de la preuve produite en l'espèce, je conclus que l'appelant a joué un rôle important dans les affaires de la société et qu'il a contrôlé ou encore qu'il avait le droit de contrôler la majorité des activités de la société. Il n'a pas produit suffisamment d'éléments de preuve pour réfuter les hypothèses du ministre selon lesquelles il s'acquittait des fonctions et des tâches réservées à un administrateur. Pour ces motifs, les deux appels sont rejetés. Les dépens sont adjugés à l'intimée, mais seulement en ce qui concerne l'appel entendu sous le régime de la procédure générale, les présents appels ayant été entendus ensemble, sur preuve commune.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour d'octobre 2014.

 

 

« Diane Campbell »

La juge Campbell

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de janvier 2015.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


RÉFÉRENCE :

 

2014 CCI 315

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR :

 

2012-1715(IT)G

2013-1836(GST)I

 

INTITULÉ :

 

SCOTT MCDONALD c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

 

Kamloops (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

 

Le 29 septembre 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

 

L'honorable juge Diane Campbell

 

DATE DU JUGEMENT :

 

Le 24 octobre 2014

 

COMPARUTIONS :

 

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

 

Avocat de l'intimée :

Me Robin Whittaker

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l'appelant :

 

Nom :

 

Cabinet :

 

 

Pour l'intimée :

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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