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Dossier : 2011-3726(IT)G

ENTRE :

 

Les propriétés belcourt inc./Belcourt properties inc.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 


 

Devant : L’honorable juge Lucie Lamarre

Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Me Konstantinos Voggas  

Me Elisabeth Robichaud

Avocate de l’intimée :

Me Marie-France Camiré

 

ORDONNANCE

          Les dépens adjugés à l’appelante seront taxés par l’officier taxateur suivant le tarif, étant entendu que l’appel était une instance de la catégorie A, sous réserve de la production de documents à l’appui, le tout conformément à la décision que j’ai rendue dans les motifs de l’ordonnance.

Signé à Montréal (Québec), ce 22e jour d’octobre 2014.

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre

 

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de décembre 2014.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice


Référence : 2014 CCI 316

Date : 20141022

Dossier : 2011-3726(IT)G

ENTRE :

Les propriétés Belcourt Inc./Belcourt Properties Inc.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

La juge Lamarre

[1]             Par un jugement daté du 27 juin 2014, j’ai accueilli l’appel interjeté par l’appelante à l’encontre de la nouvelle cotisation établie au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR ») pour son année d’imposition 2005, étant entendu que le profit réalisé sur la vente des deux biens en question avait été dûment déclaré comme gain en capital. J’ai adjugé les dépens à l’appelante et, à sa demande, j’ai accepté que chacune des parties dépose des observations écrites au sujet du montant des dépens auxquels l’appelante avait droit. J’ai maintenant reçu les observations des parties et j’examinerai les deux questions qu’elles ont soulevées.

Première question :   Catégorie d’instance selon l’annexe II, tarif A et tarif B des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles »).

[2]             L’appelante a interjeté son appel à titre d’instance de la catégorie C en vertu des Règles. L’intimée est d’avis qu’il s’agissait d’une instance de la catégorie A.

[3]             L’article 1 du tarif A de l’annexe II traite des catégories d’instance et est libellé en ces termes :

Annexe II

Tarif A — Frais judiciaires

1. Catégories d’instance — Sous réserve de l’article 1.1, aux fins du présent tarif et du Tarif B, il existe trois catégories d’instance :

a) les instances de la catégorie A qui comprennent :

(i) les appels dans lesquels le total de tous les montants en cause est inférieur à 50 000 $,

(ii) les appels dans lesquels une perte, dont le montant en cause est inférieur à 100 000 $, a été déterminée aux termes du paragraphe 152(1.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu;

b) les instances de la catégorie B qui comprennent :

(i) les appels dans lesquels le total de tous les montants en cause est égal ou supérieur à 50 000 $ et inférieur à 150 000 $,

(ii) les appels dans lesquels une perte, dont le montant en cause est égal ou supérieur à 100 000 $ mais inférieur à 300 000 $, a été déterminée aux termes du paragraphe 152(1.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu,

(iii) un renvoi sous le régime de l’article 173 ou 174 de la Loi de l’impôt sur le revenu, de l’article 310 ou 311 de la Loi sur la taxe d’accise, de l’article 97.58 de la Loi sur les douanes, de l’article 51 ou 52 de la Loi sur le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien, de l’article 204 ou 205 de la Loi de 2001 sur l’accise ou de l’article 62 ou 63 de la Loi de 2006 sur les droits d’exportation de produits de bois d’œuvre,

(iv) toute instance qui n’est pas mentionnée expressément dans le présent article;

c) les instances de la catégorie C qui comprennent :

(i) les appels dans lesquels le total de tous les montants en cause est égal ou supérieur à 150 000 $,

(ii) les appels dans lesquels une perte, dont le montant en cause est égal ou supérieur à 300 000 $, a été déterminée aux termes du paragraphe 152(1.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[4]             L’appelante est d’avis que le total de tous les montants en cause dans le présent appel est égal ou supérieur à 150 000 $, alors que l’intimée allègue qu’il est inférieur à 50 000 $.

[5]             L’appelante a résumé son interprétation concernant les montants en cause de la manière suivante aux paragraphes 6, 7, 8 et 9 de ses observations :

[traduction]

6.      En plus de l’avis de nouvelle cotisation daté du 26 août 2011 aux termes duquel l’appelante devait un montant d’impôt (46 810 $) à l’égard de son année d’imposition terminée le 31 décembre 2005 (Recueil de documents de l’appelante, pièce A‑1, onglet 20), une cotisation proposée a aussi été établie à l’égard de l’appelante aux termes d’une lettre datée du 29 septembre 2011, dans laquelle elle était avisée que, suivant la cotisation proposée, une cotisation de 420 952,50 $ serait établie à son égard au titre de la partie III de la Loi de l’impôt sur le revenu, tel qu’il appert du document 1 ci‑joint, à l’annexe B;

7.      L’appelante a donc estimé que l’avis de nouvelle cotisation visé par l’appel comportait une obligation fiscale globale supérieure au montant de 150 000 $ mentionné à l’annexe II des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), soit un minimum de 467 786 $ en tout (c’est‑à‑dire l’obligation fiscale au titre de la partie I, qui s’élève à 46 810 $, et celle au titre de la partie III, qui s’élève à 420 952 $);

8.      En outre, le changement apporté au traitement des gains a aussi donné lieu à un redressement du compte d’impôt remboursable au titre de dividendes, dans le cadre duquel le gain découlant de la disposition des deux biens en litige ne serait plus considéré comme un revenu de placement suivant le traitement par l’ARC du gain comme un revenu d’entreprise, ce qui a entraîné une diminution du solde du compte d’impôt remboursable au titre de dividendes de l’appelante. À lui seul, ce redressement représente un coût réel de plus de 150 000 $ pour l’appelante;

9.      Compte tenu des redressements apportés à son impôt sur le revenu à payer pour la fin de l’année d’imposition 2005, ainsi qu’à son compte de dividendes en capital et à son obligation fiscale au titre de la partie III de la Loi de l’impôt sur le revenu (sans même qu’il soit tenu compte du changement apporté à son compte d’impôt remboursable au titre de dividendes), l’appelante soutient que le total des montants établis par suite de l’avis de nouvelle cotisation visé par l’appel était de beaucoup supérieur à 150 000 $ et que, par conséquent, le présent appel a été dûment introduit en tant qu’instance de la catégorie C.

[6]             L’appelante a en conséquence préparé son mémoire de frais en tenant pour acquis que son appel était une instance de la catégorie C selon le tarif.

[7]             L’intimée est d’avis que le montant d’impôt dû relativement à la cotisation portée en appel devant la Cour était de 46 810 $.

[8]             L’intimée énonce ce qui suit aux paragraphes 23 à 26 de ses observations :

[traduction]

23.  L’intimée convient avec l’appelante que le montant d’impôt dû à l’égard de l’année d’imposition 2005 de l’appelante, par suite de l’avis de cotisation daté du 26 août 2011, est de 46 810 $7. Cette cotisation est la seule cotisation visée par l’appel8, et le montant d’impôt que le contribuable n’a plus à payer, suivant la décision de la Cour, est de 46 810 $.

24.  L’allégation de l’appelante selon laquelle un montant d’impôt au titre de la partie III devrait faire partie du total de tous les montants en cause n’est tout simplement pas étayée par le libellé de la Loi ou la jurisprudence.

25.  Aucune cotisation n’a jamais été établie à l’égard de l’appelante au titre de l’impôt de la partie III9. De plus, cette obligation fiscale au titre de l’impôt de la partie III est hypothétique10. Si une cotisation avait été établie au titre de l’impôt de la partie III, il se serait agi d’une cotisation au titre de l’impôt de la partie III pour l’année d’imposition 2008 de l’appelante, laquelle année n’était manifestement pas visée par l’appel.

26.  Il s’ensuit que ce montant ne peut pas faire partie du total de tous les montants en cause, tel qu’il est énoncé à article 1 du tarif A de l’annexe II des Règles et à l’article 2.1 de la Loi.

__________________

 

7         Observations de l’appelante sur les dépens, paragraphe 6.

8         La cotisation visée par l’appel est la cotisation établie au titre du paragraphe 165(3) de la LIR le 26 août 2011.

9         Observations de l’appelante sur les dépens, onglet B-1[.]

10     Pour de plus amples renseignements concernant le fait que ce montant est hypothétique, voir le paragraphe 4 de la lettre datée du 29 septembre 2011, à l’onglet B-1 des observations de l’appelante sur les dépens. L’appelante et l’actionnaire auraient pu choisir que le dividende soit imposé entre les mains de l’actionnaire. L’obligation hypothétique aurait été l’obligation d’un autre contribuable que l’appelante, et l’impôt aurait été exigible pour l’année d’imposition 2008.

[9]             Les termes « le total de tous les montants » figurant au tarif A ont le même sens que ceux employés à l’article 2.1 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt (la « Loi sur la CCI ») (voir les décisions James v. The Queen, 2001 CanLII 26508, [2001] 4 C.T.C. 2919, au paragraphe 8, et De Mond v. R., 2000 CarswellNat 1777, [2000] 4 C.T.C. 2203, au paragraphe 16).

[10]        L’article 2.1 de la Loi sur la CCI est libellé ainsi :

2.1 Interprétation — Pour l’application de la présente loi, « total de tous les montants » s’entend du total de tous les montants déterminés par le ministre du Revenu national en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu ou à l’égard desquels il a établi une cotisation, à l’exception toutefois des intérêts ou des pertes déterminés par ce ministre.

[11]        La question clé en l’espèce est de savoir si « le total de tous les montants en cause » peut comprendre la cotisation proposée de 420 952 $ au titre de l’impôt de la partie III.

[12]        Les deux parties conviennent que la nouvelle cotisation datée du 26 août 2011 visée par l’appel représentait une augmentation 46 810 $ de l’impôt au titre de la partie I de la LIR à l’égard de l’année d’imposition 2005 de l’appelante.

[13]        Par suite de cette nouvelle cotisation, l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») a révisé le calcul du compte de dividendes en capital (le « CDC ») de l’appelante. Par une lettre datée du 29 septembre 2011, l’ARC a avisé l’appelante que le dividende en capital déclaré et payable le 30 décembre 2008 était supérieur de 701 588 $ au CDC et que le montant excédentaire était assujetti à l’impôt de la partie III au titre de la LIR, lequel s’élevait à 420 952,50 $ (Annexe B, document 1, observations de l’appelante sur les dépens).

[14]        Si l’on ne tient pas compte de la façon dont le ministre a qualifié le profit réalisé sur la vente des deux biens en question comme revenu d’entreprise (plutôt que comme gain en capital), il est clair que la partie non imposable du gain en capital a été correctement ajoutée au CDC, de sorte que la totalité du montant du dividende déclaré en 2008 constituait un dividende en capital, et que, par conséquent, aucun impôt au titre de la partie III n’était exigible, étant donné qu’il n’y a pas eu de dividende excédentaire.

[15]        À ma connaissance, l’ARC n’avait pas envoyé d’avis de cotisation au titre de l’impôt de la partie III découlant d’un dividende excédentaire au moment où l’avis d’appel a été déposé le 24 novembre 2011, et elle n’a pas non plus envoyé un tel avis de cotisation par la suite.

[16]        Maintenant, comme l’appel interjeté à l’encontre de la cotisation pour 2005 a été accueilli, étant entendu que le profit réalisé sur la vente des deux biens en question avait été dûment déclaré comme gain en capital, la cotisation proposée disparaîtra, puisque l’appelante n’est pas assujettie à l’impôt de la partie III.

[17]        La question qui se pose est donc de savoir si, bien que l’appel ait été interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie pour l’année d’imposition 2005, on peut dire que « le total de tous les montants en cause » comprend également l’impôt de la partie III proposé, compte tenu du fait qu’il constituait un montant établi par l’ARC qui découlait directement du dividende déclaré en 2008, qui a été considéré comme un dividende excédentaire plutôt qu’un dividende en capital par suite de la nouvelle cotisation établie pour 2005. Autrement dit, l’impôt de la partie III proposé dépendait de la question de savoir si le profit réalisé sur la vente des biens en question pour l’année d’imposition 2005 devait être considéré comme un gain en capital ou comme un revenu d’entreprise. Comme je l’ai déjà mentionné, puisque l’appel a été accueilli, l’impôt de la partie III n’est plus exigible.

[18]        Dans ses observations, l’appelante a présenté ses arguments de la manière suivante aux paragraphes 13 à 19 :

[traduction]

13. Il est bien établi que l’obligation fiscale découle de la Loi de l’impôt sur le revenu et qu’il n’est pas nécessaire qu’une cotisation ait été établie;

14. Le fait que l’ARC ait choisi d’établir des cotisations distinctes pour différentes parties de la Loi de l’impôt sur le revenu n’a aucune incidence sur le fait qu’une obligation fiscale existe;

15. De même, le fait que l’ARC ait choisi [sic] de reporter certaines obligations fiscales découlant de la nouvelle cotisation à des années d’imposition ultérieures n’a aucune incidence sur le fait qu’une obligation fiscale a pris naissance au cours de l’année visée par la nouvelle cotisation contestée;

16. En fait, une telle obligation fiscale est considérée comme ayant été déterminée simplement par suite de la nouvelle cotisation établie par l’ARC, même si l’ARC omet de la recouvrer au cours de la même année d’imposition;

17. Quant à la question précise de l’obligation fiscale découlant de la partie III de la Loi de l’impôt sur le revenu, nous soutenons en outre qu’il était entendu par les parties que cette obligation fiscale était visée et donc en cause dans le présent appel;

18. Plus précisément, les deux parties ont tenu pour acquis que le rejet du présent appel aurait aussi pour effet de trancher la question de l’obligation fiscale au titre de la partie III;

19. L’obligation fiscale au titre de la partie III découle directement du changement, par l’ARC, de la façon dont celle‑ci a traité le produit de la disposition des deux biens en litige, le faisant passer de gain en capital à revenu d’entreprise, et cette obligation n’existerait donc pas [s’il] avait été possible de traiter le gain comme un gain en capital;

[19]        La lacune que comporte le raisonnement de l’appelante est que l’ARC ne choisit pas d’établir des cotisations distinctes. Une obligation fiscale au titre de l’impôt de la partie III ne naîtra que si la société choisit de verser à ses actionnaires un dividende en capital supérieur au montant du compte de dividendes en capital. Ce n’est que lorsqu’un choix est fait par la société que le ministre peut établir une cotisation au titre de l’impôt de la partie III, et ce n’est qu’à ce moment‑là qu’il est possible de s’opposer à cette cotisation ou en faire appel (article 185 de la LIR).

[20]        Je conviens avec l’appelante que la nouvelle cotisation établie pour 2005 visée par l’appel avait une incidence directe sur le calcul du CDC, ce qui aurait donné lieu à de l’impôt de la partie III en 2008 si, par exemple, l’appelante n’avait pas interjeté appel à l’encontre de la cotisation pour 2005 ou bien si l’appel avait été rejeté.

[21]        Cependant, je conviens avec l’intimée que, pour la détermination de la catégorie dont relève l’instance pour l’application du tarif A, la cotisation visée par l’appel était celle établie au titre de partie I de la LIR pour l’année d’imposition 2005 et l’appel a été déposé en vertu du paragraphe 169(1) de la LIR.

[22]        Le fait que, par suite de la nouvelle cotisation établie pour 2005, le ministre a révisé le calcul du CDC et a déterminé qu’un montant de 420 952 $ pouvait faire l’objet d’une cotisation au titre de la partie III de la LIR (l’impôt de la partie III) n’a pas, à mon avis, d’incidence sur le montant en cause dans l’appel dont la Cour est saisie. J’en viens à cette conclusion pour les raisons suivantes.

[23]        Tout d’abord, dans la lettre à laquelle l’appelante fait référence, qui a été envoyée par le ministre le 29 septembre 2011 (Annexe B, document 1, Observations de l’appelante sur les dépens), il est clairement mentionné que les nouveaux chiffres étaient fondés sur les renseignements dont disposait le ministre et qu’ils pouvaient être révisés si d’autres redressements étaient apportés aux déclarations de revenus de l’appelante. Je déduis de cet énoncé que ces chiffres n’étaient pas encore en litige.

[24]        Ensuite, dans la décision Dekker c. La Reine, 93 DTC 1481, [1993] A.C.I. no 694 (QL), 1993 CarswellNat 1153, la Cour devait décider quel était « le total de tous les montants en cause dans un appel interjeté sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu » pour établir si le contribuable avait le droit de procéder à l’interrogatoire préalable oral de la Couronne suivant le paragraphe 17.3(1) de la Loi sur la CCI. Le juge en chef adjoint Christie a effectué l’analyse suivante à la page 1484 du DTC; aux paragraphes 15 et 16 (QL); aux paragraphes 20 à 22 (CarswellNat) :

Le paragraphe prévoit que :

« 17.3(1) Il ne peut y avoir d’interrogatoire préalable oral si le total de tous les montants en cause dans un appel interjeté sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu ou celui de la perte en cause déterminé aux termes du paragraphe 152(1.1) de cette loi sont respectivement égaux ou inférieurs à 15 000 $ et 30 000 $, sauf avec le consentement des parties ou sauf si, après avoir étudié la demande d’une partie, la Cour est d’avis que l’appel ne pourrait procéder sans un interrogatoire préalable oral. »

Les mots clés aux fins des présentes sont : « montants en cause dans un appel interjeté sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu ». Les appels interjetés sous le régime de cette loi du type présentement en cause portent sur des cotisations ou des nouvelles cotisations, établies par le Ministre, relatives à l’assujettissement à l’impôt sur le revenu de l’appelant en ce qui concerne une année d’imposition en particulier. Ceci, à mon sens, est clairement l’effet combiné des paragraphes 150(1), 152(1), 165(1), 165(3) et 169(1) de la Loi, et c’est le montant d’impôt en litige dans une année d’imposition en particulier qui doit être comparé aux 15 000 $ du paragraphe 17.3(1) afin de déterminer si un interrogatoire préalable oral est interdit, sauf avec le consentement des parties ou sauf si la Cour est d’avis que l’appel ne pourrait procéder sans un interrogatoire préalable.

Dans le calcul des sommes à comparer aux 15 000 $, les ramifications d’une cotisation ou d’une nouvelle cotisation établie pour une année en particulier en ce qui concerne l’assujettissement à l’impôt pour les années futures ne doivent pas être prises en considération. C’est cette approche qu’a adoptée l’appelant, approche que je considère comme erronée. Nous devons garder à l’esprit que le paragraphe 17.3(1) parle non pas de montant total de l’assujettissement à l’impôt découlant d’une nouvelle cotisation, mais plutôt des sommes en litige dans un appel. [...]

[Non souligné dans l’original.]

[25]        Dans la décision Maier v. Canada, [1994] T.C.J. No. 1260 (QL), 1994 CarswellNat 3242 (citée et approuvée par le juge Webb dans la décision Pink Elephant Inc. c. La Reine, 2011 CCI 395, au paragraphe 17), la question était de savoir si « le total de tous les montants en cause » atteignait le seuil à partir duquel un appel interjeté sous le régime de la procédure informelle devait être régi par la procédure générale selon l’article 18.12 de la Loi sur la CCI. Le juge Garon est arrivé à la conclusion que « le total de tous les montants » en cause dans le contexte de la Loi sur la CCI faisait référence au total de tous les montants en cause dans une seule cotisation établie au titre de la LIR (paragraphe 5). Le juge Garon a mentionné ce qui suit au paragraphe 6 :

[traduction]

6          Comme un droit d’appel en vertu de l’article 169 de la Loi de l’impôt sur le revenu est accordé à l’égard de chacune des cotisations établies au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu, il est plus logique de considérer que la question de la procédure applicable doit être tranchée en fonction du total de tous les montants en cause dans chacune des cotisations. Je suis conforté dans ma façon de voir les choses par un examen approfondi du libellé de l’article 18.11, où il est fait référence à un appel et à une cotisation. [...]

[Non souligné dans l’original.]

[26]        Il y a lieu de reproduire les paragraphes 18.11(1) et (2) de la Loi sur la CCI :

18.11 (1) Application de la procédure générale — À la demande du procureur général du Canada, la Cour peut ordonner qu’un appel visé à l’article 18 soit régi par les articles 17.1 à 17.8.

(2) Ordonnance obligatoire — La Cour est tenue de faire droit à une demande présentée en vertu du paragraphe (1) si :

a) d’une part, la décision sur l’appel aura vraisemblablement un effet sur un autre appel interjeté par l’appelant ou sur la détermination d’une autre cotisation ou cotisation proposée — pour la même ou pour une autre année d’imposition — établie à l’égard de l’appelant;

b) d’autre part, le total de tous les montants en cause — montant faisant l’objet de l’appel visé dans la demande et montants visés dans l’autre appel et dans l’autre cotisation ou cotisation proposée et sur lesquels la décision visée à l’alinéa a) aura vraisemblablement un effet — est supérieur à 25 000 $.

 

[27]        Il est intéressant de souligner que l’alinéa 18.11(2)b) fait une distinction entre (i) le total de tous les montants en cause, (ii) le total de tous les montants susceptibles d’êtes visés dans un autre appel et (iii) le total de tous les montants susceptibles d’êtes visés dans une autre cotisation ou cotisation proposée, que la cotisation ou cotisation proposée soit établie pour la même ou pour une autre année d’imposition. Une telle distinction dans cette disposition particulière des Règles est compatible avec l’interprétation de la Cour, dans les affaires susmentionnées, du sens donné à l’expression « le total de tous les montants en cause » et, à mon avis, peut très bien être appliquée dans la présente affaire.

[28]        De plus, comme il est mentionné dans la décision De Mond, précitée, au paragraphe 23 (invoquée par l’appelante), dans laquelle il est fait allusion à l’arrêt rendu par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Canada c. Consumers’ Gas Co., [1987] 2 C.F. 60, [1987] 1 C.T.C. 79, le montant total en cause n’est pas constitué des montants qui ont été examinés ou déterminés dans le processus, mais plutôt du produit final découlant du processus.

[29]        En l’espèce, l’impôt de la partie III a fait l’objet d’une cotisation proposée seulement, et, bien qu’il ait fait l’objet d’une détermination par le ministre, il n’était pas en cause dans l’appel dont j’étais saisie, lequel appel a été déposé en vertu de l’article 169 de la LIR à l’encontre de la cotisation établie pour l’année d’imposition 2005. Aucun appel n’a été déposé en vertu de l’article 185 de la LIR relativement à l’impôt de la partie III, étant donné que l’impôt de la partie III n’a jamais fait l’objet d’une cotisation.

[30]        Par conséquent, je conclus que le total de tous les montants en cause était de 46 810 $ et que l’appel était une instance de la catégorie A.

Deuxième question : La demande par l’appelante de dépens majorés supérieurs au montant prévu dans le tarif applicable au titre du paragraphe 147(1) et des alinéas 147(3)d) et j) des Règles

[31]        Les paragraphes 147(1) et 147(3), (3.1), (3.2) et (3.3) des Règles sont libellés en ces termes :

FRAIS ET DÉPENS

147. (1) Règles générales — La Cour peut fixer les frais et dépens, les répartir et désigner les personnes qui doivent les supporter.

[…]

(3) En exerçant sa discrétion conformément au paragraphe (1), la Cour peut tenir compte :

a) du résultat de l’instance;

b) des sommes en cause;

c) de l’importance des questions en litige;

d) de toute offre de règlement présentée par écrit;

e) de la charge de travail;

f) de la complexité des questions en litige;

g) de la conduite d’une partie qui aurait abrégé ou prolongé inutilement la durée de l’instance;

h) de la dénégation d’un fait par une partie ou de sa négligence ou de son refus de l’admettre, lorsque ce fait aurait dû être admis;

i) de la question de savoir si une étape de l’instance,

(i) était inappropriée, vexatoire ou inutile,

(ii) a été accomplie de manière négligente, par erreur ou avec trop de circonspection;

i.1) de la question de savoir si les dépenses engagées pour la déposition d’un témoin expert étaient justifiées compte tenu de l’un ou l’autre des facteurs suivants :

(i) la nature du litige, son importance pour le public et la nécessité de clarifier le droit,

(ii) le nombre, la complexité ou la nature des questions en litige,

(iii) la somme en litige;

j) de toute autre question pouvant influer sur la détermination des dépens.

(3.1) Sauf directive contraire de la Cour, lorsque l’appelant fait une offre de règlement et qu’il obtient un jugement qui est au moins aussi favorable que l’offre de règlement, l’appelant a droit aux dépens entre parties jusqu’à la date de la signification de l’offre et, après cette date, aux dépens indemnitaires substantiels que fixe la Cour, plus les débours raisonnables et les taxes applicables.

(3.2) Sauf directive contraire de la Cour, lorsque l’intimée fait une offre de règlement et que l’appelant obtient un jugement qui n’est pas plus favorable que l’offre de règlement, ou que l’appel est rejeté, l’intimée a droit aux dépens entre parties jusqu’à la date de la signification de l’offre et, après cette date, aux dépens indemnitaires substantiels que fixe la Cour, plus les débours raisonnables et les taxes applicables.

(3.3) Les paragraphes (3.1) et (3.2) ne s’appliquent que si l’offre de règlement :

a) est faite par écrit;

b) est signifiée au moins trente jours après la clôture de la procédure écrite et au moins quatre-vingt-dix jours avant le début de l’audience;

c) n’est pas retirée;

d) n’expire pas moins de trente jours avant le début de l’audience.

[32]        L’offre de l’appelante selon laquelle l’appel devait être accueilli sans frais a été présentée à l’intimée moins de deux semaines avant l’audience. L’offre n’a pas été acceptée par l’intimée.

[33]        L’appelante s’est fondée sur cette offre pour faire valoir que, selon le paragraphe 147(3) des Règles, il était justifié de s’écarter du tarif applicable. Selon l’appelante, étant donné le manque de fiabilité du travail et des conclusions du vérificateur, l’intimée aurait dû déterminer que sa thèse n’était pas solide et elle aurait dû tenir compte de l’offre de règlement de l’appelante et lui donner raison, plutôt que de l’obliger à supporter les coûts liés à un litige et à un procès (Observations de l’appelante sur les dépens, paragraphe 43). Selon l’appelante, la question à trancher dans l’appel [traduction] « avait trait à une question à laquelle on pouvait répondre “par un oui ou par un non” » et à l’égard de laquelle aucun compromis n’était possible (Observations de l’appelante sur les dépens, paragraphe 46). L’appelante a dit qu’elle pouvait faire une offre de règlement seulement si la totalité du montant en litige était considérée comme un gain en capital plutôt que comme un revenu d’entreprise (en faisant référence à l’arrêt CIBC World Markets Inc. c. La Reine, 2012 CAF 3).

[34]        L’appelante prétend qu’en pareil cas, une offre de règlement relative à la totalité du montant en litige peut constituer une offre de règlement valide pour les besoins de l’établissement des dépens.

[35]        L’appelante ajoute qu’aucun nouveau fait ni aucun nouvel argument n’ont été présentés au cours de l’instruction et que l’intimée disposait de tous les renseignements pertinents dont elle avait besoin pour juger du bien‑fondé de sa cause sans l’obliger à supporter les coûts d’un procès (Observations de l’appelante sur les dépens, paragraphe 52).

[36]        En toute déférence, je ne partage pas l’avis de l’appelante. L’affaire dont je suis saisie porte sur ce qu’on appelle, en jargon fiscal, une « question d’activités commerciales ».

[37]        Dans ce genre d’affaires, la question porte principalement sur la façon dont le juge interprétera les faits relatifs à l’acquisition, à la conservation et à la disposition du bien en cause. Le juge doit, entre autres, statuer sur l’intention du contribuable lorsqu’il a fait l’acquisition du bien, ainsi que sur le fait ou l’événement particulier qui a donné lieu à la vente du bien.

[38]        Il est vrai, comme l’a prétendu l’appelante, que la question de l’intention secondaire n’avait pas été soulevée dans les présomptions de fait prises en considération par le vérificateur. Toutefois, l’intimée a néanmoins plaidé cette question dans sa réponse à l’avis d’appel. L’appelante, qui n’avait pas la charge de la preuve à cet égard, a certainement eu à s’acquitter d’un moindre fardeau. Cependant, il n’était pas déraisonnable pour la Couronne de tenter de faire valoir l’existence d’une intention secondaire dans l’espoir de convaincre la Cour de l’existence d’une telle intention.

[39]        La présente affaire peut être distinguée de l’affaire Walsh c. La Reine, 2010 CCI 125, 2010 CarswellNat 470, 2010 DTC 1109, ou de l’affaire Langille c. La Reine, 2009 CCI 540, 2009 CarswellNat 3309, 2009 DTC 1351, auxquelles l’appelante a renvoyé, étant donné qu’une affaire portant sur des activités commerciales est le genre d’affaire dans laquelle l’intimé peut nécessiter que l’ensemble des faits fasse l’objet de déclarations sous serment et soient éprouvés pendant le contre‑interrogatoire. De plus, l’appelante n’a pas appelé qu’un seul témoin, et, comme l’a mentionné l’intimée, une des personnes appelées à témoigner n’avait pas été interrogée par la Couronne auparavant.

[40]        Je ne suis pas d’accord avec l’appelante pour dire qu’il n’y avait aucun compromis possible et que l’appelante, qui voulait vraiment régler l’affaire avant l’audience, n’avait d’autre choix que de présenter à l’intimée une offre de règlement dans laquelle elle consentirait au jugement si on lui accordait le montant total qu’elle réclamait, sans frais. Il y avait deux biens en cause, et les circonstances de l’acquisition et de la vente différaient pour chacun des biens.

[41]        Enfin, comme l’a fait valoir l’intimée, la prétendue offre de règlement n’a pas été présentée bien avant l’instruction, mais très peu de temps avant celle‑ci. Je conviens avec l’intimée que cet élément (le moment où l’offre a été présentée) n’exige pas que l’on s’écarte des dépens entre parties auxquels l’appelante a droit selon le tarif (paragraphe 147(3.3) des Règles).

[42]        J’ai examiné les facteurs énumérés au paragraphe 147(3) des Règles, et je suis d’avis que l’appelante n’a pas établi que la thèse de la Couronne n’était pas raisonnablement défendable. Je conclus qu’il n’existait pas de circonstances exceptionnelles qui justifieraient que j’adjuge des dépens plus élevés à l’encontre de l’intimée.

Décision

[43]        Je conclus donc que les dépens adjugés à l’appelante seront taxés par l’officier taxateur conformément au tarif, étant entendu que l’appel était une instance de la catégorie A, sous réserve de la production de documents à l’appui.

[44]        Ainsi, j’ordonne à l’officier taxateur d’accepter, parmi les frais figurant dans le mémoire de frais de l’appelante qui sont contestés par l’intimée, les honoraires d’un second avocat présent à l’audience, conformément à l’alinéa 1(1)h) du tarif B, ainsi que tous les frais de photocopie étayés.

[45]        Une somme sera aussi allouée à l’appelante pour les services fournis après le prononcé du jugement, conformément à l’alinéa 1(1)i) du tarif B.

[46]        Le montant excédentaire que l’appelante a payé pour déposer son appel à titre instance de la catégorie C plutôt que d’instance de la catégorie A lui sera remboursé.

Signé à Montréal (Québec), ce 22e jour d’octobre 2014.

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre

 

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de décembre 2014.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice

 


RÉFÉRENCE :

2014 CCI 316

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2011-3726(IT)G

INTITULÉ :

Belcourt properties inc./Les propriétés belcourt inc. c. LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

s.o.

DATE DE L’AUDIENCE :

s.o.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

L’honorable juge Lucie Lamarre

DATE DE L’ORDONNANCE :

Le 22 octobre 2014

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l’appelante :

Me Konstantinos Voggas

Me Elisabeth Robichaud

Avocate de l’intimée :

Me Marie-France Camiré

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

 

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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