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Dossier : 2014-638(GST)APP

ENTRE :

LE SAGE AU PIANO, SOCIÉTÉ EN COMMANDITE,

requérante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Demande entendue sur preuve semi-commune avec la demande de la société Les Monarques complexe pour retraités Inc. (2014‑643(GST)APP) le 2 juillet 2014, à Montréal (Québec).

Devant : L’honorable juge Johanne D’Auray


Comparutions :

 

Avocate de l’appelante :

Me Camille Janvier

Avocat de l’intimée :

Me Benoît Denis

 

ORDONNANCE

          La demande de prolongation de délai pour déposer un avis d’opposition à l’encontre de la cotisation dont l’avis est daté du 3 juin 2013 pour la période du 1er octobre 2009 au 31 octobre 2009 est admise et l’avis d’opposition joint à la demande constitue un avis d’opposition valide.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour d’octobre 2014.

« Johanne D’Auray »

Juge D’Auray


Référence : 2014 CCI 319

Date : 20141028

Dossier : 2014-638(GST)APP

ENTRE :

LE SAGE AU PIANO, SOCIÉTÉ EN COMMANDITE,

requérante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


MOTIFS DE L’ORDONNANCE

La juge D’Auray

INTRODUCTION

[1]             Le dossier Le Sage au piano, société en commandite (la « requérante »), a été entendu en preuve semi-commune avec le dossier Les Monarques complexe pour retraités Inc. (« Les Monarques »). Malgré que certains éléments de preuve étaient communs à ces dossiers, c’est-à-dire que les sociétés font partie du même groupe corporatif et que les témoins étaient les mêmes, la preuve étant différente des ordonnances ont été rendues dans chacun des dossiers.

[2]             Le 5 février 2014, la requérante a déposé auprès de la Cour une demande en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, Partie IX (la « LTA ») pour proroger le délai pour présenter un avis d’opposition à l’encontre d’une cotisation dont l’avis est daté du 3 juin 2013 visant la période du 1er octobre 2009 au 31 octobre 2009.

[3]             Les questions en litige sont les suivantes :

       Est-ce que la présomption du paragraphe 334(1) de la LTA s’applique?

       Est-ce que la requérante respecte les conditions énoncées au paragraphe 304(5) de la LTA?

FAITS

[4]             La requérante est une société en commandite dont le siège social est situé au 465, rue Bibeau, porte 600, Saint‑Eustache (Québec).

[5]             La requérante exploite une résidence pour personnes âgées autonomes située au 15, rue Lesage à Ste-Thérèse. À cette fin, la requérante est propriétaire de deux immeubles d’habitations à logements multiples. La résidence a été construite en deux phases; la construction du premier immeuble fût terminée lors de la phase 1 en 2007 et celle du deuxième immeuble lors de la phase 2 en 2009.

[6]             À la suite d’une vérification effectuée à l’égard de l’immeuble de la phase 1, l’Agence du revenu du Québec (l’« ARQ ») a cotisé la requérante, pour et au nom du ministre du Revenu national (le « ministre »), pour la période du 1er novembre 2007 au 31 novembre 2007, en vertu de la LTA.

[7]             Cette cotisation fait suite à une évaluation par l’ARQ de la juste valeur marchande (la « JVM ») de l’immeuble de la phase 1 et porte sur le montant de la taxe nette déclarée par la requérante en fonction de ladite JVM.

[8]             La requérante s’est opposée à cette cotisation. Une demande de règlement a été proposée en décembre 2012. La cotisation a par la suite fait l’objet d’un appel à la Cour. Un consentement à jugement a été déposé auprès de la Cour le 2 octobre 2013.

[9]             Au cours de l’année 2013, la requérante a fait l’objet d’une vérification de la part de l’ARQ à l’égard de l’immeuble de la phase 2.

[10]        Le 23 mai 2013, l’ARQ a transmis à la requérante les résultats de la vérification.

[11]        Le 3 juin 2013, l’ARQ a cotisé la requérante en vertu de la LTA pour la période du 1er octobre 2009 au 31 octobre 2009 (la « période en litige»). La cotisation porte sur la JVM de l’immeuble de la phase 2.

[12]        Il y a lieu de noter que l’avis de cotisation a été adressé au siège social de la requérante, au 465, rue Bibeau, Saint-Eustache (Québec), sans que le numéro de porte y soit mentionné.

[13]        La requérante n’a pas déposé son avis d’opposition à l’avis de cotisation pour la période en litige dans un délai de 90 jours de la date d’envoi de l’avis de cotisation, tel que prescrit par le paragraphe 301(1.1) de la LTA.

[14]        Madame Forget, comptable et contrôleur de la requérante, a témoigné à l’effet que la requérante n’a jamais reçu l’avis de cotisation du 3 juin 2013 établie en vertu de la LTA. Elle a affirmé que la requérante n’a été informée qu’en date du 16 septembre 2013 qu’une cotisation avait été établie le 3 juin 2013. Madame Forget a obtenu cette information lors d’une conversation téléphonique avec madame Bouchard, vérificatrice de l’ARQ au dossier. Après cette conversation, madame Bouchard a envoyé l’avis de cotisation et la requérante l’a reçu le 23 septembre 2013.

[15]        Madame Forget a indiqué dans son témoignage que le bureau de la requérante se situe dans un immeuble de six étages, d’environ 20 locataires et que la boîte postale située au rez-de-chaussée n’est pas identifiée au nom de la requérante, mais au nom de la société « EMD Construction »

[16]        Lors de l’audience, madame Privé, analyste à la Division du flottage, de l’impression, de l’expédition et l’insertion massive de l’ARQ, a expliqué la procédure de transmission des communications suivie par l’ARQ ainsi que le dépôt à Postes Canada de l’avis de cotisation du 3 juin 2013.

[17]        Madame Privé a déposé un fichier contenant les détails de la communication adressée à la requérante, dont le numéro de taxe de la requérante, la date de production et le numéro de production (31501) de l’avis de cotisation, la date de l’avis de cotisation, le code postal de l’adresse de la requérante, le numéro de lot physique et le numéro unique attribué à la communication. Madame Privé a également déposé un extrait de la page du lot physique numéro 0151, soit celui dont faisait partie l’avis de cotisation du 3 juin 2013, de même que le rapport de séquence par numéro de pièce montrant que l’avis de cotisation faisait partie d’un lot de 1 689 pièces traitées le même jour. Le témoin a déposé la feuille de travail du 3 juin 2013 d’un document intitulé DDE Quotidien montrant que l’avis de cotisation de TPS comportant le numéro de production 31501 et le numéro de lot physique 0151 faisait partie d’un lot de 1 689 pièces de communications inclus dans les 21 947 pièces traitées ce jour là. Enfin, le témoin a déposé un document de Postes Canada intitulé Sommaire du dépôt montrant que le 3 juin 2013, l’ARQ a déposé à la poste 21 947 pièces de courrier, ce qui correspond au nombre total de pièces indiqué à la feuille de travail du DDE Quotidien.

[18]        Le 8 octobre 2013, la requérante a présenté au ministre une demande pour proroger le délai pour présenter une opposition et y a joint son avis d’opposition.

[19]        Le 8 janvier 2014, le ministre a informé la requérante que sa demande de prorogation du délai pour présenter un avis d’opposition ne pouvait être accordée puisque l’avis de cotisation a été envoyé à l’adresse de la requérante et, qu’en vertu du paragraphe 334(1) de la LTA, l’avis de cotisation est réputé avoir été reçu par la requérante à la date de sa mise à la poste. Il y a lieu de noter ici que la lettre du 8 janvier 2014 fait mention du numéro de porte de la requérante.

[20]        Le 5 février 2014, la requérante a déposé auprès de cette Cour une demande de prorogation dans le délai imparti pour présenter un avis d’opposition pour la période en litige.

ANALYSE

[21]        La requérante fait valoir qu’elle n’a pas présenté au ministre un avis d’opposition dans le délai prescrit par la LTA pour le motif qu’elle n’a pas reçu l’avis de cotisation du 3 juin 2013.

a.       La présomption de la réception de l’avis – paragraphe 334(1) de la LTA

[22]        Le premier argument de la requérante est qu’elle n’a pas reçu l’avis de cotisation mis à la poste le 3 juin 2013 en vertu de la LTA, puisque l’adresse utilisée par le ministre à l’avis de cotisation est incomplète, le numéro de porte étant manquant. Par conséquent, la requérante soutient que la présomption prévue au paragraphe 334(1) de la LTA ne peut s’appliquer.

[23]        L’intimée soutient pour sa part que l’avis de cotisation a été envoyé à la bonne adresse et qu’ainsi, la présomption du paragraphe 334(1) de la LTA s’applique.

[24]        Le paragraphe 334(1) de la LTA prévoit que tout envoi en première classe est réputé reçu à la date de sa mise à la poste. Ce paragraphe est rédigé comme suit:

334(1) Date de réception -- Pour l’application de la présente partie, tout envoi en première classe ou l’équivalent est réputé reçu par le destinataire à la date de sa mise à la poste.

[25]        Lorsqu’un contribuable affirme qu’il n’a pas reçu un document et croit que ce document n’a pas été envoyé, il incombe à l’autorité fiscale compétente de prouver l’envoi du document. Ce principe a été souligné par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Aztec Industries Inc. v Canada, [1995] ACF no 535, 95 DTC 5235. La Cour d’appel fédérale a fait observer ce qui suit :

Lorsque, comme en l’espèce, le contribuable affirme non seulement qu’il n’a pas reçu l’avis de cotisation, mais encore que cet avis n’a jamais été émis, c’est au ministre qu’il incombe de prouver l’existence de l’avis et la date de sa mise à la poste; lui seul est en possession de ces faits et lui seul peut en administrer la preuve. [...]

[26]        Le paragraphe 334(1) de la LTA crée une présomption irréfutable, le ministre doit prouver l’envoi de l’avis de cotisation et non pas que l’avis de cotisation a été reçu par le contribuable. À cet effet, dans la décision Schafer c Canada, [2000] ACF no 1480, 2000 DTC 6542, la juge Sharlow, de la Cour d’appel fédérale, écrit au paragraphe 24 de ses motifs ce qui suit au sujet du paragraphe 334(1) de la LTA:

[24]  Les dispositions législatives en matière d’établissement de cotisations, d’oppositions et d’appels visent à fournir des règles claires permettant de déterminer si le ministre a rempli son obligation d’établir une cotisation, et à fournir des procédures par lesquelles les contribuables peuvent contester des cotisations susceptibles d’être erronées. Le législateur fédéral a choisi d’adopter une règle qui ne tient pas compte de la possibilité, même lointaine, que le contribuable puisse omettre de respecter le délai dans lequel il pouvait s’opposer ou former un appel en raison d’un manquement de la part du système postal. Je ne comprends pas pourquoi le législateur fédéral a choisi de priver les contribuables de l’occasion de contester une cotisation dont ils ignorent l’existence, mais il s’agit d’un choix que le législateur pouvait valablement faire.

[27]        L’envoi de l’avis de cotisation du 3 juin 2013 ne fait aucun doute. Cela étant dit, pour que la présomption au paragraphe 334(1) de la LTA s’applique l’adresse utilisée par l’ARQ doit être la bonne.

[28]        Il incombe au ministre d’établir que l’avis de cotisation a été envoyé par la poste à la bonne adresse. Un avis de cotisation qui est envoyé à une mauvaise adresse n’est pas réputé avoir été reçu.

[29]        L’intimée reconnaît que l’inclusion du bon code postal constitue un élément essentiel d’une adresse exacte et complète, tel qu’il a été établi par la jurisprudence. Pour lui, le numéro de porte ne l’est pas nécessairement. Dans le présent cas, il soutient que l’absence du numéro de porte n’a pas empêché les autres lettres de l’ARQ au dossier de se rendre à la requérante.

[30]        Sur les cinq pièces au dossier référant à l’adresse de la requérante, quatre pièces ne mentionnent pas le numéro de porte. L’une de ces pièces émane de la requérante elle-même; l’adresse inscrite sur l’avis d’opposition ne fait pas référence au numéro de porte 600. Cependant, l’avis d’opposition a été préparé et signé par les avocats de la requérante.

[31]        Les trois autres pièces sont des lettres envoyées par l’ARQ à la requérante. Selon la preuve, seul l’avis de cotisation du 3 juin 2013 n’a pas été reçu par la requérante. Les détails des pièces n’indiquant pas le numéro de porte sont les suivants :

       Le 23 mai 2013, l’ARQ a envoyé par la poste les résultats de vérification à l’adresse de la requérante sans spécifier le numéro de porte. La lettre a été reçue à cette adresse le 31 mai 2013.

       L’avis de cotisation du 3 juin 2013 a été adressé au 465, rue Bibeau, Saint‑Eustache (Québec), sans mentionner le numéro de porte « 600 ». Selon la requérante, l’avis de cotisation n’a pas été reçu.

       Le 18 juin 2013, l’ARQ a envoyé par la poste une lettre avisant d’un changement de responsable au dossier à l’adresse de la requérante sans spécifier le numéro de porte. La lettre a été reçue par la requérante le 18 juin 2013.

[32]        L’intimée fait valoir que toutes les correspondances de l’ARQ entre le 23 mai et le 18 juin 2013 se sont rendues à la requérante même si elles ne faisaient pas mention du numéro de porte.

[33]        Cependant, dans la correspondance de l’ARQ en date du 8 janvier 2014, qui indique à la requérante que le ministre refuse de proroger le délai pour présenter une opposition, l’adresse de la requérante fait référence à la porte 600.

[34]        Outre l’affaire Scott v Minister of National Revenue, [1960] CTC 402, 60 DTC 1273, qui indique qu’une adresse qui est incorrecte ou fictive ne peut pas constituer un envoi règlementaire, la requérante a soumis deux autres décisions pour soutenir sa prétention. Elle s’est appuyée sur les décisions 236130 British Columbia Ltd. c Sa Majesté la Reine, 2006 FCA 352, 2007 DTC 5021 et Katepwa Park Golf Partnership c La Reine, [2000] ACI no 246, [2000] 3 CTC 2043. Dans ces décisions, les adresses étaient inexactes quant aux codes postaux.

[35]        La requérante soutient que bien qu’en l’espèce l’erreur ne concerne pas le code postal, il existe tout de même une forte probabilité que la lettre ne se soit pas rendue à destination, notamment en raison de la disposition physique des lieux. Madame Forget a indiqué dans son témoignage que la place d’affaires de la requérante se situe dans un immeuble d’environ 20 locataires. Le bureau de la requérante est situé au 6e étage à la porte 600 alors que la boîte postale est située au rez-de-chaussée avec plusieurs autres boîtes postales. De plus, la boîte postale n’est pas identifiée au nom de la requérante, mais au nom de la société principale du groupe « EMD Construction ». La boîte postale sert également pour toutes les sociétés du groupe, soit une trentaine de sociétés.

[36]        L’intimée n’a présenté aucune preuve quant à l’adresse que la requérante avait fournie à l’ARQ, c’est-à-dire l’adresse de la requérante dans les registres informatiques de l’ARQ ou à l’adresse inscrite par la requérante sur ses déclarations de la TPS ou ses déclarations de revenus.

[37]        Outre le témoignage de madame Forget, la requérante n’a pas présenté de preuve de l’adresse qu’elle avait fournie à l’ARQ. Par exemple, elle n’a pas indiqué l’adresse qu’elle utilisait dans ses déclarations de la TPS ou de revenus. Cela étant dit, c’est à l’ARQ de prouver qu’elle a envoyé l’avis de cotisation à la bonne adresse.

[38]        La notion d’« adresse » n’est pas définie dans la LTA ou dans la Loi de l’impôt sur le revenu. De plus, aucune décision relative à ces lois ne semble en donner une définition. Le recours aux dictionnaires connus ou aux dictionnaires juridiques pour établir le contenu d’une adresse ne s’est pas révélé concluant.

[39]        Dans Katepwa Park Golf Partnership, supra la Cour a décidé que le code postal était un élément essentiel à une adresse. En l’espèce, la question est à savoir si le numéro de porte est aussi un élément essentiel à une adresse.

[40]        À mon avis, à la lumière des faits au dossier, soit dans un immeuble à plusieurs étages où la boîte postale ne porte pas le nom de la requérante, le numéro de porte prend un caractère essentiel, ce qui pourrait s’avérer différent pour un duplex ou un immeuble avec peu d’occupants.

[41]        Bien que le ministre ait démontré que la majorité des envois postaux intervenus dans le dossier s’est rendue à la requérante malgré l’absence du numéro de porte, cela ne fait pas en sorte de rendre l’adresse complète.

[42]        De plus, comme l’a souligné la requérante, comment se fait-il que la porte se retrouve sur la correspondance envoyée par l’ARQ à la requérante le 8 janvier  2014? L’ARQ ne peut pas avoir utilisé l’adresse indiquée sur l’avis d’opposition produit par les procureurs de la requérante, car l’adresse indiquée ne comprend pas le numéro de porte. Il y a donc une probabilité que l’adresse avec le numéro de porte fasse partie des registres informatiques de l’ARQ. À cet effet, j’ai noté que la requérante dans les dossiers de l’immeuble de la phase 1 indiquait le numéro de porte à son adresse.

[43]        À mon avis, l’intimée devait prouver que l’adresse utilisée pour fins postales était la bonne adresse, ce qu’elle n’a pas fait dans le cas présent. Si l’intimée avait prouvé que l’adresse fournie par la requérante n’incluait pas le numéro de porte, ma conclusion aurait été différente. Un contribuable ne peut faire valoir que l’adresse utilisée par l’ARQ n’est pas la bonne si l’ARQ utilise l’adresse fournie par le contribuable.

[44]        Tel qu’indiqué par le juge Noël dans la décision Scott, supra un avis de cotisation envoyé à la mauvaise adresse équivaut à un avis de cotisation qui n’a pas été envoyé.

[45]        Par conséquent, la demande pour proroger le délai pour présenter un avis d’opposition est admise.

[46]        De toute façon dans ce dossier, à la lumière des faits, je suis d’avis que la requérante remplit les conditions énoncées au paragraphe 304(5) de la LTA qui permettent à la Cour de faire droit à une demande de prorogation du délai pour présenter un avis d’opposition.

b.       Les conditions nécessaires pour une prorogation de délai – paragraphe 304(5) de la LTA

[47]        Ce paragraphe énumère les conditions qui doivent être réunies pour faire droit à une demande de prorogation de délai. Ces conditions sont cumulatives et doivent toutes être remplies afin que la Cour puisse faire droit à la demande.

304(5) Acceptation de la demande. – Il n’est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies:

a)  la demande a été présentée en application du paragraphe 303(1) dans l’année suivant l’expiration du délai par ailleurs imparti pour faire opposition ou présenter la requête en application du paragraphe 274(6);

b)  la personne démontre ce qui suit:

(i)  dans le délai d’opposition par ailleurs imparti, elle n’a pu ni agir ni mandater quelqu’un pour agir en son nom, ou avait véritablement l’intention de faire opposition à la cotisation ou de présenter la requête,

(ii)  compte tenu des raisons indiquées dans la demande et des circonstances de l’espèce, il est juste et équitable de faire droit à la demande,

(iii)  la demande a été présentée dès que les circonstances le permettaient,

(iv)  l’opposition est raisonnablement fondée.

304(5)a)

[48]        La condition énoncée à l’alinéa 304(5)a) de la LTA n’est pas problématique. Nul ne conteste le fait que le délai d’un an a été respecté.

304(5)b)(i)

[49]        La requérante doit démontrer que dans le délai d’opposition par ailleurs imparti que :

       elle était incapable d’agir ou de mandater une personne pour agir en son nom, ou

       elle avait une intention véritable de s’opposer à la cotisation.

[50]        À mon avis, la requérante a toujours eu l’intention véritable de faire opposition. À l’appui de sa thèse, elle évoque ses agissements passés dont le fait que la cotisation pour la période en litige s’inscrit à la suite d’une cotisation antérieure similaire pour laquelle elle s’était opposée. À cet effet, un appel avait été déposé et un consentement à jugement a été déposé auprès de la Cour dans Le Sage au piano, phase 1.

[51]        Contrairement au dossier Les Monarques, aucun avis de paiement n’a fait suite à la vérification. De plus, il n’y avait aucun document émanant de l’ARQ qui faisait référence à la date de la cotisation du 3 juin 2013.

[52]        Madame Forget a transmis aux avocats de la requérante les résultats de vérification dès qu’elle les a reçus. Elle avait la consigne d’attendre l’avis de cotisation et dès qu’elle a reçu l’avis de cotisation, madame Forget a fait parvenir aux avocats de la requérante l’avis de cotisation afin qu’une demande de prolongation de délai pour présenter un avis d’opposition soit présenté au ministre.

304(5)b)(ii)

[53]        Selon le sous-alinéa 304(5)b)(ii) de la LTA, une demande de prorogation de délai ne peut être accordée que s’il est juste et équitable de le faire. En l’espèce, j’estime qu’il est juste et équitable d’admettre la demande.

[54]        Pour examiner cette condition, il y a d’abord lieu de tenir compte des risques que les parties subissent un préjudice. La requérante pourrait subir un préjudice si son opposition ne pouvait pas être jugée sur le fond, d’autant plus qu’un consentement à jugement a été déposé quant à l’immeuble de la phase 1.

304(5)b)(iii)

[55]        Aux termes du sous-alinéa 304(5)b)(iii) de la LTA, la demande doit être présentée dès que les circonstances le permettent. En l’espèce, cette condition est remplie.

[56]        À cet égard, la chronologie des évènements revêt une importance. Cette chronologie est la suivante :

a)                 3 juin 2013 - avis de cotisation;

b)                3 septembre 2013 - délai imparti pour s’opposer;

c)                 8 octobre 2013 - présentation de la demande de prorogation du délai au ministre à laquelle l’avis d’opposition est joint;

d)                8 janvier 2014 - rejet du ministre de la demande de prorogation;

e)                 5 février 2014 - présentation de la demande à la Cour.

[57]        La requérante a déposé une demande à cette Cour dans un délai raisonnable, soit moins d’un mois du refus du ministre.

304(5)b)(iv)

[58]        La requérante n’a pas à démontrer un fondement raisonnable pour son opposition. En raison de la divergence avec la version anglaise, la version française de l’alinéa 304(5)b) de la LTA doit être interprétée comme n’exigeant pas la quatrième condition prévue au sous-alinéa 304(5)b)(iv).

DISPOSITIF

[59]        Je suis d’avis que la présomption du paragraphe 334(1) de la LTA ne s’applique pas en l’espèce. Par conséquent, la demande de prolongation de délai pour déposer un avis d’opposition est admise et l’avis d’opposition joint à la demande constitue un avis d’opposition valide.

[60]        Si la présomption du paragraphe 334(1) de la LTA s’était appliquée, j’aurais tout de même fait droit à la demande de la requérante puisque les conditions prévues au paragraphe 304(5) de la LTA sont remplies.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour d’octobre 2014.

« Johanne D’Auray »

Juge D’Auray


RÉFÉRENCE :

2014 CCI 319

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2014-638(GST)APP

INTITULÉ DE LA CAUSE :

LE SAGE AU PIANO, SOCIÉTÉ EN COMMANDITE (638) c SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 2 juillet 2014

MOTIFS DE L’ORDONNANCE PAR :

L’honorable juge Johanne D’Auray

DATE DE L’ORDONNANCE :

Le 28 octobre 2014

COMPARUTIONS :

Avocate de la requérante :

Me Camille Janvier

Avocat de l’intimée :

Me Benoît Denis

AVOCATE INSCRITE AU DOSSIER :

Pour la requérante:

Nom :

Me Camille Janvier

Cabinet :

BCF s.e.n.c.r.l.

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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