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Dossiers : 2013-3528(IT)I,

2013-3529(IT)I, 2013-3530(IT)I

ENTRE :

NATHALIE CONSTANTIN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appels entendus le 18 juillet 2013, à Sherbrooke (Québec).

Devant : L'honorable juge Réal Favreau


Comparutions :

 

Pour l'appelante :

L'appelante elle-même

Avocate de l'intimée :

Me Christina Ham

 

JUGEMENT

          Les appels à l’encontre des nouvelles cotisations établies par le ministre du Revenu national en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu dont les avis datés du 13 juin 2013 concernent les années d'imposition 2007 et 2009 et dont l'avis daté du 20 mai 2011 concerne l'année 2008, sont rejetés conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de novembre 2014.

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


Référence : 2014 CCI 327

Date : 20141106

Dossiers : 2013-3528(IT)I,

2013-3529(IT)I, 2013-3530(IT)I

ENTRE :

NATHALIE CONSTANTIN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Favreau

[1]             Il s'agit ici d'appels à l'encontre de nouvelles cotisations établies par le ministre du Revenu national (le « ministre ») en vertu de Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) ch. 1 (5e suppl.), telle que modifiée (la « Loi »), dont les avis datés du 13 juin 2013 concernent les années d'imposition 2007 et 2009 et dont l'avis daté du 20 mai 2011 concerne l'année d'imposition 2008.

[2]             Le litige porte sur le traitement fiscal du bénéfice net réalisé par l'appelante lors de la disposition d'immeubles au cours de chacune des années d'imposition en litige.

[3]             Concernant l'année d'imposition 2007, le seul point en litige porte sur le bénéfice net de 41 227 $ que le ministre a considéré comme étant un revenu d'entreprise net résultant de la vente de deux immeubles.

[4]             Concernant l'année d'imposition 2008, le seul point en litige porte sur le bénéfice net de 9 098 $ que le ministre a considéré comme étant un revenu d'entreprise net résultant de la vente d'un immeuble.

[5]             Concernant l'année d'imposition 2009, le seul point en litige porte sur le bénéfice net de 53 486 $ que le ministre a considéré comme étant un revenu d'entreprise net résultant de la vente de trois immeubles.

[6]             En fixant l'impôt payable par l'appelante, le ministre s'est fondé sur les faits suivants, énoncés aux trois réponses aux trois avis d'appel :

a)      entre 2007 et 2010, l'appelante, son conjoint Patrice Hébert et la Fiducie Hébert Trust (ci-après « Fiducie ») dont elle est co-fiduciaire avec son conjoint, ont procédé séparément à 19 transactions de ventes immobilières dont six transactions faites par l'appelante à titre de propriétaire unique;

b)      dans ses déclarations de revenus pour les années 2007, 2008 et 2009, l'appelante a déclaré la disposition des cinq immeubles suivants :

Immeubles

Date d'acquisition

Date de vente

Durée de possession

 

75, de l'Érablière, Eastman

 

2 mai 2007

 

28 juin 2007

 

 2 mois

3135-3141, Laurier Est, Montréal

12 avril 2006

5 mars 2007

11 mois

1460, rue Cabana, Sherbrooke

2 mai 2007

2 juin 2008

11 mois

1591-1595, Montarville, Longueuil

20 juin 2008

20 mai 2009

11 mois

1631, de Lorimier, Longueuil

18 août 2008

19 mai 2009

 9 mois

c)      la durée moyenne de possession de ces cinq immeubles est de 9 mois;

d)      en août 2006, l'appelant [sic] et son conjoint prétendent vouloir déménager dans les Cantons de l'est en juillet 2008 et vendre l'immeuble 75, rue de l'Érablière à Eastman pour ne pas avoir à gérer à distance;

e)      en novembre 2006, la Fiducie a acquis quatre immeubles locatifs dans la région de Montréal;

f)      en juin 2007, la Fiducie a acquis un immeuble locatif dans la région de Montréal;

g)      le prétexte lié au déménagement prévu ou non dans les Cantons de l'est n'a pas arrêté l'appelante relativement à ses activités d'achat-revente de biens immobiliers;

h)      l'appelante prétend vouloir détenir des immeubles dans le but d'en tirer des revenus de location et un revenu d'appoint à la retraite, alors que :

         i)    ses pertes de location s'élèvent à 24 734 $ pour les années 2004 et 2009;

         ii)   l'appelante n'a conservé aucun immeuble à long terme.

i)       un des arguments pour la revente des immeubles dans un court délai est les loyers trop bas, alors que l'appelante :

         i)    a beaucoup d'expérience et ne pouvait ignorer que le prix des immeubles à revenus est déterminé en fonction des loyers;

         ii)   réalise des profits à chaque disposition des immeubles à revenus;

         iii)  a déclaré des gains en capital de 224 858 $ pour les années d'imposition 2005 à 2009;

j)              un des agents d'immeuble de l'appelante est M. Paul-André Huard, associé du conjoint de l'appelante et de la Fiducie dans plusieurs transactions immobilières;

k)            M. Huard est un négociateur en immobilier et le conjoint de l'appelante est un gestionnaire en immobilier;

l)              dans une entrevue avec le vérificateur, M. Huard a reconnu que son rôle est de trouver des opportunités d'achats d'immeubles qui présentent de bons potentiels de profit à la revente;

m)          considérant le marché florissant, l'intention de revendre à profit a joué un rôle important dans la décision de l'appelante d'acquérir des immeubles;

n)            à la lumière de ce qui précède, le ministre a déterminé que les transactions immobilières réalisées par l'appelante avait un caractère commercial et que les revenus générés par ces transactions sont des revenus d'entreprise.

75, rue de l'Érablière

o)            le 2 mai 2007, l'appelante a acquis 50 % d'un terrain à Eastman au Québec de l'ex-conjointe de monsieur Vincent Beauregard dont lui-même détient l'autre 50 %;

p)            l'appelante a fait construire un chalet sur le terrain et la construction du chalet s'est terminée en mai ou juin 2007;

q)            le chalet a été vendu le 28 juin 2007;

r)             les prétendus annonces de location du chalet ont été publiées en février et mai 2007 soit durant la construction du chalet;

s)             le prix de vente du chalet est représentatif des prix de vente des propriétés similaires dans cette localité;

t)             dans une entrevue avec le vérificateur, M. Vincent Beauregard a mentionné qu'il n'avait pas les moyens de conserver le chalet;

u)            l'appelante avait l'intention de vendre cette propriété dès le début de la construction du chalet;

v)            dans le cadre de la vérification, le ministre a révisé le calcul tiré de la disposition du chalet comme suit:

 

Déclaré

Révisé

Produit de disposition

250 000 $

250 000 $

Prix de base rajusté

213 784 $

194 739 $

Revenu d'entreprise net totale [sic]

0 $

55 261 $

Revenu d'entreprise net pour l'appelante

0 $

27 631 $

Gain en capital

36 216 $

0 $

Gain en capital imposable

18 108 $

0 $

Part de l'appelante

9 504 $

0 $

w)          à l'étape des oppositions, le ministre a accordé des dépenses additionnelles de 18 946 $ pour le 75, rue de l'Érablière représentant une diminution du revenu d'entreprise de 9 473 $;

x)            conséquemment le bénéfice tiré de cet immeuble est révisé à 18 158 $;

3135–3141, Laurier Est

y)            le 12 avril 2006, l'appelante a acquis l'immeuble pour un prix de 150 000 $;

z)            le 5 mars 2007, soit 11 mois après l'acquisition du triplex, l'immeuble est vendu pour un prix de 255 000 $;

aa)         les dépenses relatives à la disposition s'élèvent à 46 175 $ dont 41 042 $ pour les dépenses de commissions payées pour l'achat et la vente de l'immeuble;

bb)        à l'étape des oppositions, le ministre a accepté de réviser à la baisse le prix de vente de l'immeuble d'une somme de 35 706 $;

cc)         Conséquemment, le bénéfice tiré de cet immeuble est révisé à 23 119 $;

1460, rue Cabana

o)            le 2 mai 2007, l'appelante et monsieur Vincent Beauregard ont acquis à parts égales l'immeuble pour un prix de 194 500 $;

p)            le 2 juin 2008, soit 9 mois après l'acquisition, l'immeuble est vendu pour un prix de 235 000 $;

q)            les dépenses relatives à la disposition s'élèvent à 22 305 $;

1591–1595, Montarville

o)         le 20 juin 2008, l'appelante est devenue l'unique propriétaire de l'immeuble pour un prix de 226 500 $;

p)         le 20 mai 2009, soit 11 mois après l'acquisition du triplex, l'immeuble est vendu pour un prix de 329 000 $;

q)         les dépenses relatives à la disposition s'élèvent à 15 110 $;

r)          à l'étape des oppositions, le ministre a accepté de réviser à la baisse le prix de vente de l'immeuble d'une somme de 66 000 $;

s)          conséquemment, le bénéfice tiré de cet immeuble est révisé à 21 390 $;

1631, rue Delorimier

t)       le 18 août 2008, l'appelante et la Fiducie ont acquis à parts étales l'immeuble pour un prix de 242 500 $;

u)      le 19 mai 2009, soit 9 mois après l'acquisition du triplex, l'immeuble est vendu pour un prix de 359 000 $;

v)      les dépenses relatives à la disposition s'élèvent à 21 308 $;

w)     à l'étape des oppositions, le ministre a accepté de réviser à la baisse le prix de vente de l'immeuble d'une somme de 71 000 $;

x)      conséquemment, le bénéfice tiré de cet immeuble est révisé à 12 096 $.

561–565, rue Longtin, Laprairie

y)            le 15 février 2008, l'appelante et son conjoint ont acquis à parts égales l'immeuble pour un prix de 220 000 $;

z)            le 25 juin 2009, soit 16 mois après l'acquisition, l'immeuble est vendu pour un prix de 292 000 $;

aa)         l'appelante n'a déclaré aucun revenu relatif à la disposition de cet immeuble;

bb)        à l'étape des oppositions, le ministre a calculé un revenu d'entreprise sur disposition de l'immeuble comme suit :

Produit de disposition

292 000 $

 

Moins : montant remis aux acheteurs

1 440 $

290 560 $

Prix de base rajusté

229 176 $

 

Dépenses relatives à la disposition

21 383 $

250 559 $

Revenu d'entreprise net totale [sic]

 

40 001 $

Revenu d'entreprise net pour l'appelante

 

20 000 $

            cc)    le ministre a accordé une perte locative de 1 740 $ que l'appelante a réclamée à l'étape des oppositions;

            dd)   conséquemment, le bénéfice tiré de cet immeuble est de 18 260 $.

[7]             Madame Constantin a témoigné à l'audience. Elle est, depuis 2011, co-propriétaire avec monsieur Vincent Beauregard d'une entreprise de revêtement de plancher à Magog. De 2001 à 2010, madame Constantin était conseillère à la formation pour le Groupe Investors. Elle a déclaré faire l'acquisition d'immeubles pour s'assurer d'un revenu à la retraite et pour acquérir une indépendance financière. Elle est la conjointe de fait de monsieur Patrice Hébert depuis une trentaine d'années. Ce dernier possédait une compagnie de construction dont une partie de ses activités consistait à acheter et à vendre des immeubles dans la région de Magog en Estrie. De 2007 à 2010, monsieur Hébert gérait lui-même ses immeubles.

[8]             Au cours des années en litige, madame Constantin et son conjoint demeuraient à Saint-Lambert. La mère de madame Constantin vivait également à Saint-Lambert à trois minutes de chez elle. Madame Constantin a fourni comme raison pour la vente des immeubles le fait qu'elle voulait déménager en Estrie.

[9]             À l'automne 2006, madame Constantin et son conjoint prennent la décision de déménager dans l'Estrie, au plus tard en juillet 2008. Suite à cette décision, madame Constantin allègue avoir vendu l'immeuble sis au 3135-3141, rue Laurier à Montréal. Ledit immeuble, un triplex, a été acquis en avril 2006 au prix de 150 000$. L'immeuble nécessitait d'importants travaux de rénovation mais elle ne les a pas réalisés. Elle a plutôt décidé de mettre l'immeuble en vente dans son état actuel. L'immeuble fut vendu le 5 mars 2007 pour un prix de 255 000 $. L'appelante a dû dédommager l'acheteur pour les travaux d'électricité et de plomberie qu'il a dû effectuer suite à l'acquisition de l'immeuble. Le prix de vente de l'immeuble a été abaissé d'une somme de 35 706 $ pour tenir compte du dédommagement à l'acheteur.

[10]        Suite à la décision de déménager dans l'Estrie, madame Constantin a décidé de faire construire un chalet pour location dans le Domaine Orford-sur-le-lac, soit au 75, rue de l'Erablière. Le 2 mai 2007, l'appelante a acquis de l'ex-conjointe de monsieur Vincent Beauregard, un ami de la famille, 50% du terrain sur lequel un chalet était en construction. La construction du chalet s'est terminée au mois de mai ou de juin 2007. Le chalet fut équipé avec le nécessaire pour une location. Selon l'appelante, une seule location était prévue au mois de juillet 2007, et ce, pour une période de deux semaines seulement. Le chalet a été vendu le 28 juin 2007 pour un prix de 250 000 $ en vertu d'une offre d'achat non-sollicitée de la part d'un ami d'un résident du Domaine.

[11]        Le 2 mai 2007, soit le même jour au cours duquel madame Constantin a acquis un intérêt de 50% dans le terrain au Domaine Orford-sur-le-lac, madame Constantin a acquis à parts égales avec monsieur Vincent Beauregard, un immeuble sis au 1460, rue Cabana à Sherbrooke. L'immeuble comprenait quatre appartements qui étaient loués à des étudiants. Le prix payé pour faire l'acquisition de l'immeuble était de 194 500 $ et il a été revendu le 2 juin 2008 pour un prix de 235 000 $. L'appelante a justifié la vente de cet immeuble et de celle du chalet par le fait que sa mère soit tombée gravement malade au cours du mois d'octobre 2007, ce qui a entraîné l'annulation de la décision du déménagement en Estrie. La vente de l'immeuble sis au 1460, rue Cabana à Sherbrooke a été confié à un agent d'immeuble.

[12]        Suite à la décision de ne pas déménager en Estrie, l'appelante a décidé de rebâtir son portefeuille immobilier sur la Rive-Sud de Montréal. En 2008, l'appelante a acheté deux immeubles de trois unités de logement chacun sis au 1591-1595 et au 1597-1601, rue Montarville à Longueuil et deux autres immeubles, l'un situé au 1631, rue Delorimier à Longueuil et l'autre au 561-565, rue Longtin à Laprairie.

[13]        Les immeubles situés sur la rue Montarville ont été acquis par l'appelante le 20 juin 2008 pour un prix de 226 500 $. Il s'agissait en fait de deux triplex rattachés appartenant au même propriétaire. Le triplex sis au 1591-1595, rue Montarville a été revendu le 20 mai 2009 au prix de 329 000 $, lequel prix de vente a été révisé à la baisse d'une somme de 66 000 $. L'autre triplex a été vendu en 2010, soit après les années en litige. Un mandat de vente des deux immeubles a été confié à un agent d'immeuble. Selon l'appelante, la décision de déménager dans l'Estrie en 2010 était la raison pour laquelle elle s'est départie de ses immeubles de la Rive-Sud de Montréal.

[14]        L'immeuble sis au 1631, rue Delorimier, un triplex, a été acquis le 18 août 2008 au prix de 242 500 $ par l'appelante et la fiducie François Hébert à parts égales. Monsieur Hébert est un cousin du conjoint de l'appelante qui s'occupait de la comptabilité de l'appelante. L'immeuble a été vendu le 19 mai 2009 pour un prix de 359 000 $, lequel prix de vente a été révisé à la baisse d'une somme de 71 000 $ au stade des oppositions. L'appelante a confirmé avoir octroyé un mandat de vente de l'immeuble à un agent d'immeuble.

[15]        L'immeuble sis au 561-564, rue Longtin à Laprairie, un triplex, a été acquis le 15 février 2008 au prix de 220 000 $ par l'appelante et François Hébert à parts égales. L'immeuble a été vendu le 25 juin 2009 au prix de 292 000 $.

[16]        Lors de son témoignage, madame Constantin a reconnu avoir utilisé les services de monsieur Paul-André Huard afin d'identifier les possibilités d'achat d'immeubles et de s'occuper de la gestion des immeubles situés sur la Rive-Sud de Montréal. Madame Constantin a affirmé qu'elle n'avait pas de contrat avec monsieur Huard et qu'elle lui versait de 3 000 $ à 4 000 $ par année par immeuble pour les services de gestion qu'il rendait. Madame Constantin lui versait également une commission de l'ordre de 4% à 5% lors de l'acquisition d'un immeuble.

[17]        Madame Constantin a également expliqué que, lors de l'acquisition d'un immeuble, elle versait comptant au moins 25% du prix d'achat pour éviter d'être obligée d'assurer le prêt hypothécaire auprès de la Société canadienne d'hypothèques et de logement et qu'elle privilégiait une hypothèque fermée d'une durée d'une année.

[18]        Madame Constantin a effectivement déménagé en Estrie au mois de juin 2010 et ce, malgré le fait que sa mère ne soit décédée qu'en 2011. Elle a déclaré avoir vendu en 2010 la résidence de Saint-Lambert qui avait été achetée en 1996 ainsi que le chalet qu'elle possédait avec son conjoint depuis 2002, sis au 18, rue Du Ruisseau au Domaine d'Orford-sur-le-lac, et avoir acquis au cours de la même année une nouvelle résidence et un immeuble locatif, tous deux situés à Eastman.

[19]        Concernant la fiducie Hébert Trust dont elle était co-fiduciaire avec son conjoint, madame Constantin a déclaré n'avoir jamais été impliquée dans la gestion de la fiducie et n'avoir jamais eu connaissance des transactions immobilières effectuées par la fiducie. Elle n'était pas un bénéficiaire de la fiducie et, selon elle, son conjoint pouvait la remplacer à sa guise. L'intimée a déposé en preuve les documents suivants : a) l'acte de donation et la convention fiduciaire de la fiducie Hébert Trust datée du 26 mai 2000; b) la procuration sous seing privé datée du 27 mai 2000 de Nathalie Constantin agissant en sa qualité de fiduciaire de Fiducie Hébert Trust en faveur de Patrice Hébert, le rendant son procureur et mandataire avec pouvoir d'exercer pour elle et en son nom à titre de fiduciaire, tous les pouvoirs prévus à l'acte de fiducie, et c) la procuration notariée de Nathalie Constantin à titre de fiduciaire de Fiducie Hébert Trust nommant et constituant Patrice Hébert son procureur et mandataire avec pouvoir d'exercer pour elle et en son nom à titre de fiduciaire, de signer tout contrat d'achat, de vente, de tout immeuble, de signer toute hypothèque, tout contrat de crédit, de signer toute quittance ou mainlevée d'hypothèque, etc. laquelle procuration était datée du 10 décembre 2007.

Analyse et conclusion

[20]        Comme je l’ai indiqué dans l’arrêt Ayala c. La Reine, 2010 CCI 206, aux paragraphes 9, 10 et 11, les principes applicables lorsqu’un bien immobilier est vendu sont les suivants :

[9]        […] la Loi ne contient aucun critère permettant de distinguer un gain en capital d’un revenu d’entreprise (y compris un revenu résultant d’une affaire de caractère commercial), ce qui oblige la Cour à référer aux critères élaborés par la jurisprudence. Par contre, il n’existe aucun critère permettant de déterminer avec certitude si une transaction donne lieu à la réalisation d’un gain en capital ou d’un revenu d’entreprise. Chaque situation constitue donc un cas d’espèce à analyser à la lumière des faits.

 

[10]      Parmi les critères élaborés par la jurisprudence, il y a lieu de mentionner les suivants :

 

i.    la nature des biens vendus;

ii.   la durée au cours de laquelle le contribuable est demeuré propriétaire des biens;

iii.                la fréquence et le nombre de transactions réalisées par le contribuable;

iv.  les travaux réalisés par le contribuable sur les biens;

v.   les circonstances entourant la vente des biens; et

vi.  l’intention du contribuable lorsqu’il a fait l’acquisition des biens, telle que révélée [sic] par sa conduite.

[11]      En plus de ces critères, les tribunaux canadiens ont développé le critère de "l’intention secondaire" qui peut s’appliquer même lorsqu’il est établi que le contribuable avait comme intention principale de réaliser un investissement à long terme. Ce critère s’applique, si au moment de l’acquisition du bien, le contribuable avait à l’esprit la possibilité de vendre le bien à profit si son projet d’investissement à long terme ne pouvait se réaliser pour quelque raison que ce soit.

[21]        Dans le cas présent, l'appelante a de l'expérience en affaires de même que des antécédents commerciaux. En tant que conseillère à la formation pour le Groupe Investors, l'appelante traitait des techniques de vente, de l'utilisation du matériel informatique, de la planification des affaires fiscales et successorales et de l'utilisation des outils de marketing. L'appelante côtoyait également plusieurs personnes impliquées dans de nombreuses transactions immobilières dont son conjoint, un entrepreneur en construction, la Fiducie Hébert Trust dont elle était co-fiduciaire, monsieur François Hébert, son comptable et cousin de son conjoint, monsieur Paul-André Huard, qui s'occupait d'identifier les immeubles à acquérir et de la gestion de ces immeubles, et monsieur Vincent Beauregard, son partenaire d'affaires. L'appelante a réalisé des transactions avec chacune de ces personnes, sauf avec la Fiducie Hébert Trust.

[22]        Au cours des années d'imposition 2007, 2008 et 2009, l'appelante a effectué six transactions, dont la durée de détention des immeubles, a varié entre 2 mois et 16 mois. Dans un seul cas, la durée de détention de l'immeuble a été supérieure à 11 mois. Sauf pour ce qui est de l'immeuble situé au 75, rue de l'Érablière, les immeubles étaient tous des immeubles à logement.

[23]        L'examen des critères applicables, indiqués ci-dessus, m'amène à conclure qu'il est beaucoup plus probable et vraisemblable que l'appelante ait acquis les immeubles dans le but de les revendre à profit à la première occasion plutôt que de les considérer comme un investissement à long terme.

[24]        Dans les faits, je ne vois rien qui me permette de croire la version de l'appelante à l'effet qu'elle avait l'intention de se constituer un portefeuille de retraite diversifié à l'aide de deux ou trois immeubles à revenus. Les faits et gestes de l'appelante tendent plutôt à démontrer que l'intention première de l'appelante était de réaliser des investissements à court terme. Règle générale, l'appelante finançait ses acquisitions d'immeubles au moyen d'une hypothèque fermée d'un terme d'une année seulement.

[25]        L'autre argument présenté par l'appelante à l'effet qu'elle s'est résignée à vendre les immeubles acquis en Estrie à cause de la maladie de sa mère ne tient pas la route parce qu'elle ne faisait pas elle-même la gestion de ces immeubles. La gestion desdits immeubles était effectuée par monsieur Vincent Beauregard. L'appelante aurait pu facilement garder lesdits immeubles comme elle l'a fait pour son chalet situé au 18, Du Ruisseau à Orford-sur-le-Lac qu'elle possédait depuis 2002.

[26]        Pour la même raison, je ne crois pas que la décision prise en 2008 de déménager en Estrie soit la véritable raison de la vente des immeubles situés sur la Rive-Sud de Montréal puisque l'appelante ne s'occupait pas de la gestion de ces immeubles. La gestion des trois immeubles était confiée à monsieur Paul‑André Huart.

[27]        Pour ces motifs, les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de novembre 2014.

« Juge Favreau »

Juge Favreau

 


RÉFÉRENCE :

2014 CCI 327

Nº DES DOSSIERS DE LA COUR :

2013-3528(IT)I, 2013-3529(IT)I, 2013‑3530(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Nathalie Constantin et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L’AUDIENCE :

Sherbrooke (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

le 18 juillet 2014

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Réal Favreau

DATE DU JUGEMENT :

le 6 novembre 2014

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelante :

L'appelante elle-même

Avocate de l'intimée :

Me Christina Ham

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant:

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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