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Dossier : 2014-999(IT)I

ENTRE :

TRUDY HAUSER,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Appel entendu le 17 septembre 2014 à Calgary (Alberta)

Devant : L’honorable juge Judith Woods

Comparutions :

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

 

Avocate de l’intimée :

Me Mary Softley

 

JUGEMENT

          L’appel relatif à une cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2012 est rejeté.

          Signé à Toronto (Ontario), le 7e jour de novembre 2014.

« J.M. Woods »

Juge Woods

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour de novembre 2014.

 

S. Tasset


Référence : 2014 CCI 328

Date : 20141107

Dossier : 2014-999(IT)I

ENTRE :

TRUDY HAUSER,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Woods

[1]             Trudy Hauser a déménagé de Cochrane à Calgary vers le mois d’août 2012 afin de pouvoir raccourcir la distance à parcourir pour son nouvel emploi. La question à trancher consiste à savoir si son déménagement remplit les conditions nécessaires pour lui donner droit à la déduction pour frais de déménagement visée à l’article 62 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). Les frais de déménagement en cause sont d’environ 17 000 $.

[2]             Selon l’article 62 de la Loi, pour donner droit à une déduction de frais de déménagement liés au travail, le déménagement doit satisfaire aux exigences d’une « réinstallation admissible », au sens où cette expression est définie au paragraphe 248(1) de la Loi. Voici la partie applicable de cette définition :

« réinstallation admissible » Réinstallation d’un contribuable relativement à laquelle les faits ci-après s’avèrent :

[…]

d)         la distance entre l’ancienne résidence et le nouveau lieu de travail est supérieure d’au moins 40 kilomètres à la distance entre la nouvelle résidence et le nouveau lieu de travail;

[3]             L’alinéa d) précité requiert que la nouvelle résidence soit plus proche d’au moins 40 kilomètres du travail que ne l’était l’ancienne résidence.

[4]                  Les parties conviennent que la distance entre la nouvelle résidence et le nouveau lieu de travail est de 15 kilomètres.

[5]                  Le litige a trait à la distance qui sépare l’ancienne résidence du nouveau lieu de travail. Le ministère public considère que cette distance est de 40 kilomètres, et Mme Hauser est d’avis qu’elle est d’environ 60 kilomètres.

[6]                  Le ministère public soutient que la distance doit être mesurée par une route urbaine principale qui représente une longueur d’environ 40 kilomètres. Il s’agit, selon lui, de la route normale la plus courte. S’il s’agit là de la mesure de distance appropriée, la nouvelle résidence n’est plus proche que de 25 kilomètres du nouveau lieu de travail.

[7]                  Mme Hauser soutient que les personnes se déplaçant entre l’ancienne résidence et le nouveau lieu de travail au cours de l’année d’imposition 2012 n’auraient pas emprunté la route urbaine. Ces personnes, allègue-t-elle, emprunteraient une autoroute pratique faisant le tour de la ville (une route périphérique) de façon à éviter les détours et les retards causés sur la route urbaine par la construction d’une voie pour train léger sur rail. Le trajet passant par la route périphérique est d’une longueur d’environ 60 kilomètres. Si l’on se sert de cette route pour calculer la distance, la nouvelle résidence est plus proche de 45 kilomètres du nouveau lieu de travail.

[8]                  La question à trancher consiste à savoir si la distance, pour l’application de l’article 62, doit être mesurée par la route urbaine ou par la route périphérique. Les principes à appliquer ont été énoncés dans l’arrêt Giannakopoulos v MNR, 95 DTC 5477 (CAF), par le juge Marceau :

7          En vertu du paragraphe 62(1), le contribuable peut déduire ses frais de déménagement lorsqu’il se rapproche de son nouveau lieu de travail. L’employé doit résider à une distance raisonnable de son travail. Lorsqu’il accepte un nouvel emploi, il peut se voir forcé de déménager afin de demeurer à une distance pratique de son travail. Au paragraphe 62(1), on reconnaît que la réinstallation constitue une dépense légitimement liée au travail. Pour fermer la porte aux tentatives d’un contribuable d’invoquer la disposition lorsqu’il désire simplement changer de résidence, la disposition requiert que le déménagement rapproche le contribuable de son travail d’au moins 40 kilomètres. En temps normal, le contribuable se rend au travail en empruntant les voies publiques normales, c’est-à-dire les routes, les autoroutes et les voies ferrées. Il est donc logique, pour déterminer si, par son déménagement, le contribuable s’est réellement rapproché de quarante kilomètres de son travail, de mesurer la distance en question en utilisant une méthode réaliste de calcul du trajet. La méthode de la ligne droite ne tient aucunement compte de la façon dont un employé se rend au travail. Il serait illogique d’appliquer cette méthode dans le cadre d’une disposition dont l’objet est de reconnaître les frais de réinstallation liés au travail. Il en découlerait des absurdités dans les cas où l’ancienne résidence et le nouveau lieu de travail sont séparés par une étendue d’eau. Le contribuable qui déménage d’une rive à l’autre d’un cours d’eau pour se rapprocher de son travail peut ne s’être [sic] de quelques milles « à vol d’oiseau », alors qu’il peut en fait s’être rapproché de plusieurs douzaines de milles de son travail. C’est en fait exactement ce qui s’est produit dans l’affaire Cameron (D.) c. M.R.N., où le contribuable a quitté Aylmer (Québec) pour déménager de l’autre côté de la rivière des Outaouais, à Kars (Ontario). La Cour canadienne de l’impôt a conclu qu’il ne pouvait déduire ses frais de déménagement parce que la distance franchie était inférieure à 40 kilomètres suivant un calcul effectué en ligne droite.

8          Dans l’affaire Bernier (J.-C.) Succession c. M.R.N., le juge Lamarre Proulx de la Cour canadienne de l’impôt s’est estimée liée par les décisions antérieures, mais seulement après avoir exprimé son opinion dissidente :

À mon sens, la solution de droit que le paragraphe 62(1) apporte doit s’interpréter dans le contexte des travailleurs et la distance dont il y est question doit se mesurer selon la route normale du travailleur ou celle qui devrait être normalement sa route parcourue pour se rendre de sa résidence à son lieu de travail.

9          Si la notion de route normale est plus réaliste et sert davantage l’objectif de l’article en question, je n’irais pas aussi loin que le juge Lamarre Proulx paraissait disposée à aller, c’est-à-dire jusqu’à accepter un calcul fondé simplement sur la route normale qu’emprunte le travailleur ou celle qu’il emprunterait normalement pour se rendre de sa résidence à son lieu de travail. Une méthode aussi subjective serait source d’incertitude et risquerait ainsi de devenir un « piège à litiges ». C’est exactement la raison que les juges ont invoquée pour expliquer leur adhésion à la méthode de la ligne droite. Il y a lieu de faire davantage preuve d’objectivité. La notion de la route la plus courte que l’employé emprunte pour se rendre au travail devrait être jointe à celle de la route normale pour le voyageur. Par conséquent, le critère de la route normale la plus courte est préférable à la méthode de la ligne droite, puisqu’il est à la fois réaliste et précis. Il sert également l’objectif de la disposition. Suivant ce critère, on ne s’attendrait pas à ce que le contribuable emprunte une route inhabituelle, comme une route non entretenue ou non pavée. Il laisserait également plus de latitude pour considérer le transport non seulement sur les routes, mais également sur les traversiers et les voies ferrées.

[9]             Le principe qu’il convient d’appliquer est donc le suivant : la distance doit être déterminée par la route la plus courte qu’il est possible de prendre pour se rendre au travail, dans la mesure où cette route ordinaire est utilisée par le public voyageur.

[10]             Dans ce cas-ci, la route urbaine est manifestement plus courte. La question est de savoir si, à cause des travaux de construction qui y sont réalisés, il ne s’agit pas de la route ordinaire qu’utilise le public voyageur.

[11]             À mon avis, pour l’application de l’article 62, il est approprié de déterminer la distance à parcourir en utilisant une route qui fait l’objet de travaux de construction, dans la mesure où ces travaux ne sont pas d’une durée excessive.

[12]             Je signale que la loi envisage une règle arbitraire qui est déterminée par la « distance ». La notion de la « route normale pour le voyageur » est une approche jurisprudentielle logique vis-à-vis de cette exigence.

[13]             Il est nécessaire d’interpréter le mot « distance » en recourant à une approche fondée sur l’objet visé. Si l’on applique cette approche, il ne convient pas selon moi d’élargir le sens du mot « distance » au point d’exclure les routes qui font l’objet de travaux de construction. L’article 62 de la Loi prévoit une déduction pour frais de déménagement qui, de façon générale, est censée profiter au contribuable pendant un certain nombre d’années. À mon avis, il y aurait distorsion de l’objet de la loi s’il fallait qu’un projet de construction temporaire permette d’utiliser une route plus longue.

[14]             La dernière question consiste à savoir si les retards subis sur la route urbaine ont duré assez longtemps pour que le bon sens dicte qu’il faille en tenir compte.

[15]             Selon la preuve documentaire de Mme Hauser, les retards subis sur la route urbaine ont débuté en 2010 et, à ce moment-là, les travaux de construction étaient censés prendre fin en novembre 2012. Mme Hauser a déménagé vers le mois d’août 2012.

[16]        Mme Hauser a déclaré que les travaux de construction ont duré plus longtemps que cela. Je conviens que ces travaux ont duré plus longtemps que prévu, mais la preuve ne me convainc pas que les retards et les détours ont duré si longtemps que la route urbaine n’était pas une route appropriée pour l’application de l’article 62.

[17]             J’ai conclu que la route urbaine est celle qu’il convient d’utiliser en vue de mesurer la distance, pour l’application de l’article 62. L’appel est rejeté sur ce fondement.

          Signé à Toronto (Ontario), le 7e jour de novembre 2014.

« J.M. Woods »

Juge Woods

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour de novembre 2014.

 

S. Tasset

 


RÉFÉRENCE :

2014 CCI 328

No DE DOSSIER DE LA COUR :

2014-999(IT)I

INTITULÉ :

TRUDY HAUSER et SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Calgary (Alberta)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 17 septembre 2014

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable Judith Woods

DATE DU JUGEMENT :

Le 7 novembre 2014

 

COMPARUTIONS

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

 

Pour l’intimée :

Me Mary Softley

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

        Pour l’appelante :

Nom :

S.O.

 

Cabinet :

S.O.

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

 

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