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Dossier : 2012-5116(IT)I

ENTRE :

DONNA JANE ROSS,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 16 avril 2014 à Edmonton (Alberta)

Devant : L’honorable juge Valerie Miller


Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocat de l’intimée :

Me Gergely Hegedus

 

JUGEMENT

          L’appel relatif aux nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’impositions 2003, 2004, 2005 et 2006 de l’appelante est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de novembre 2014.

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de décembre 2014.

 

Claude Leclerc, LL.B.

 


Référence : 2014 CCI 317

Date : 20141106

Dossier : 2012-5116(IT)I

ENTRE :

DONNA JANE ROSS,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 


MOTIFS DU JUGEMENT

La juge V.A. Miller

[1]             Le présent appel concerne les années d’imposition 2003, 2004, 2005 et 2006 de l’appelante pour lesquelles le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé certaines sommes qu’elle avait déduites à titre de dépenses d’emploi et de frais médicaux. L’appelante a demandé aussi qu’on l’autorise à déduire les dépenses qu’elle avait engagées en vue de remettre en état un bâtiment de ferme.

[2]             Pendant la période en cause, l’appelante vivait à Camrose (Alberta) et travaillait comme professeure à distance auprès du University of Maryland University College (l’« Université »), situé à Adelphi (Maryland). Elle exerçait à la fois les fonctions de professeure et d’administratrice du programme virtuel de maîtrise en administration des affaires (« MBA ») de l’Université. D’après son témoignage, il s’agissait du premier programme de MBA d’envergure mondiale, et les conditions de son emploi exigeaient non seulement qu’elle enseigne mais aussi qu’elle développe le programme.

[3]             Pour exercer ses fonctions, l’appelante recourait à des téléconférences, à Internet ainsi qu’à de nouvelles technologies avec ses étudiants et les professeurs. Elle était normalement tenue d’exécuter ses fonctions ailleurs qu’à l’Université,  ainsi qu’à des endroits différents.

Les dépenses d’emploi

[4]             Le contrat de travail de l’appelante l’obligeait à assister à des conférences et à se rendre à l’Université au moins trois fois par année. Pour ses déplacements entre l’Université et son lieu de résidence ainsi que pour les conférences, ses frais de voyage lui étaient remboursés.

[5]             Elle était tenue d’engager des dépenses pour les éléments suivants :

(i)                les ordinateurs, les imprimantes et les logiciels informatiques;

(ii)             les cours de perfectionnement professionnel et le matériel pédagogique autre que celui fourni par l’Université;

(iii)           l’assurance juridique et professionnelle;

(iv)           les affiliations professionnelles;

(v)             l’automobile;

(vi)           le lieu de travail à domicile;

(vii)         les frais directs liés aux recherches portant sur d’autres programmes offerts en ligne;

(viii)      les frais d’expédition et de poste;

(ix)           les fournitures, telle que le papier, les cartouches d’imprimante, les stylos, le téléphone, ainsi que l’accès par câble et par Internet à des programmes d’études;

(x)             les déplacements additionnels.

[6]             Pendant la période en cause, les dépenses d’emploi qui ont été demandées, autorisées et refusées sont les suivantes :

 

Demandées

Autorisées

Refusées

2003

31 555,01 $

16 510,54 $

15 044,47 $

2004

 39 737,72

 17 009,25

 22 728,47

2005

 25 984,85

 12 308,45

 13 676,40

2006

 21 277,53

 13 779,95

 7 497,58

 

[7]             Les détails relatifs aux dépenses d’emploi refusées sont les suivants :

 

2003

2004

2005

2006

Aliments et boissons

336,58 $

2 433,92 $

234,28 $

1 204,03 $

Taxes d’affaires

-25,24

1 031,13

 

 

Loyer de bureau

-900,00

5 916,96

629,49

4 165,36

Intérêts

4 306,39

4 309,15

4 784,77

 

DPA - Ordinateur

849,51

1 444,16

1 010,92

 

Autres frais de déplacement

7 755,15

5 453,60

3 454,46

-1 204,02

Publicité et promotion

 

 

 

-965,29

Lieu de travail à domicile

2 722,08

2 139,55

3 562,48

4 297,50

 

Total

15 044,47 $

22 728,47 $

13 676,40 $

7 497,58 $

 

[8]             L’appelante n’a produit aucune preuve montrant qu’il faudrait lui accorder des dépenses autres que celles que le ministre avait déjà autorisées.

[9]             Elle a déclaré qu’elle était tenue d’assister à des conférences dans le cadre de ses fonctions, mais que seule une partie des dépenses qu’elle engageait était remboursée par l’Université. Cependant, elle n’a pas pu fournir de détails sur les conférences auxquelles elle avait assisté, sur les dépenses engagées ou sur les montants remboursés pour des conférences. Sa preuve était vague et non étayée par des éléments documentaires.

[10]        Aucune preuve testimoniale ou documentaire n’a été présentée sur les dépenses effectuées au titre des « aliments et boissons » ou des « taxes d’affaires ». L’intimée a produit des documents montrant que l’Université avait remboursé à l’appelante pour ses déplacements des montants de 8 106,36 $, 3 910,55 $, 6 192,39 $ et 4 084,55 $ en 2003, 2004, 2005 et 2006, respectivement. Rien ne prouvait que ces remboursements s’appliquaient à des déplacements liés à des conférences ou à des déplacements entre l’Université et son lieu de résidence, ou les deux.

[11]        En 2003, 2004 et 2005, l’époux de l’appelante a vécu et travaillé aux Émirats arabes unis, dans la ville de Sharjah. L’appelante a fait des voyages pour aller voir son époux et a déduit ces dépenses de déplacement de son revenu d’emploi. Toutes les dépenses de déplacement refusées s’appliquaient aux voyages que l’appelante avait faits pour se rendre à Sharjah.

[12]        L’appelante a déclaré que pour financer ses voyages à Sharjah, elle avait dû se servir de sa carte de crédit et emprunter de l’argent à la banque. Le montant des intérêts qu’elle a déduit au cours de cette période était les intérêts accumulés sur sa carte de crédit et l’emprunt bancaire. Le ministre a refusé à juste titre les autres dépenses de déplacement et les dépenses d’intérêts en tant que dépenses d’emploi. Il s’agissait de dépenses personnelles de l’appelante.

[13]        Le matériel informatique que l’appelante a acheté était une dépense en capital, et son coût n’est pas déductible parce que l’appelante était une employée : Emmons c R, 2006 CCI 269.

Le lieu de travail à domicile

[14]        L’appelante a convenu que sa maison avait une superficie de 1 850 pieds carrés en 2003 et de 2 540 pieds carrés en 2004, 2005 et 2006, et que son bureau avait une superficie de 600 pieds carrés en 2003 et de 800 pieds carrés en 2004, 2005 et 2006. Nul ne conteste que l’appelante était tenue par son contrat de travail d’engager des dépenses pour un bureau à domicile et que ces dépenses ne lui ont pas été remboursées. La question à trancher consiste à savoir si l’appelante pouvait inclure dans le calcul de ces dépenses une partie du coût des frais d’assurance, des taxes foncières et des intérêts hypothécaires applicables à sa maison.

[15]        Les passages applicables du sous-alinéa 8(1)i)(ii) et du paragraphe 8(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») sont les suivants :

8 (1) Éléments déductibles –– Sont déductibles dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu’il est raisonnable de considérer comme s’y rapportant :

[…]

(i) les sommes payées par le contribuable au cours de l’année, ou les sommes payées pour son compte au cours de l’année si elles sont à inclure dans son revenu pour l’année, au titre :

[…]

(ii) du loyer de bureau ou du salaire d’un adjoint ou remplaçant que le contrat d’emploi du cadre ou de l’employé l’obligeait à payer,

(2) Restriction générale –– Seuls les montants prévus au présent article sont déductibles dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi.

[16]        La Cour a confirmé que la somme déduite au titre d’un loyer de bureau dans le cas d’un employé ne peut inclure le coût des frais d’assurance, des taxes foncières et des intérêts hypothécaires qui s’appliquent au domicile de cet employé. Voir les décisions Horbay v R, [2003] 2 CTC 2248 (CCI) et Lester v R, [2011] GSTC 153 (CCI), dans lesquelles le juge s’est fondé sur l’extrait suivant pour interpréter le sous-alinéa 8(1)i)(ii) de la Loi :

La Cour accepte l'interprétation proposée par le juge McNair, de la Cour fédérale, dans l'affaire Thompson c. Canada (Ministre du Revenu national) [1989] 3 C.F. 492, (89 DTC 5439), un appel reposant sur des motifs identiques. Le juge McNair a cité le jugement du juge Rip, de la C.C.I., dans l'affaire Felton c. M.R.N., 89 DTC 233 (C.C.I.), en affirmant aux pages 5443 et 5444 :

Le motif formel du jugement est exposé aux pages 234 et 235 :

[traduction] Les mots « loyer » et « rent » utilisés au sous‑alinéa 8(1)i)(ii) envisagent le cas d'un paiement effectué par un locataire à un propriétaire qui est propriétaire du bureau en contrepartie de la possession exclusive du bureau, le bien loué à celui-ci par celui-là.

Les paiements faits par M. Felton à un prêteur d'argent pour les intérêts dus sur un prêt d'argent, à un fournisseur de services publics pour ces services, à des employés d'entretien pour l'entretien, à un assureur pour les assurances et à une municipalité pour ce qui concerne les taxes ne constituent pas des paiements effectués par un locataire à un propriétaire. Aucun de ces paiements n'a été effectué par M. Felton pour l'utilisation, l'occupation ou la possession d'un bien qui était la propriété d'une autre personne.

Manifestement, les juges de la Cour de l'impôt ont, dans les deux affaires Phillips et Felton, appliqué la règle d'interprétation législative fondée sur le sens ordinaire des mots pour déterminer que les frais de bureau à domicile d'un employé n'étaient pas déductibles à titre de loyer de bureau en vertu du sous-alinéa 8(1)i)(ii), malgré l'injustice illogique que crée cet article en permettant la même déduction dans le cas des entreprises ou des professionnels.

Cette règle moderne d'interprétation des lois fiscales a été admirablement exposée par le juge Estey dans l'arrêt Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536; 84 DTC 6305. Le juge a rappelé la règle d'interprétation législative stricte invoquée pendant nombre d'années, selon laquelle toute ambiguïté apparaissant dans les dispositions d'une loi fiscale qui imposent une charge devait être tranchée en faveur du contribuable. Il a signalé que le contraire était vrai lorsqu'un contribuable tentait de s'appuyer sur une exemption ou une déduction prévue précisément dans la toi [sic]. Dans cette affaire-là, la règle stricte exigeait que la réclamation de la contribuable soit clairement visée par les dispositions prévoyant une déduction, et tout doute à cet égard devait être tranché en faveur de la Couronne. En effet, il percevait l'adoption d'exemptions et de déductions comme marquant "le début de la fin du règne de l'interprétation stricte". Le juge a formulé la conclusion suivante, à la page 578 du recueil de la Cour suprême (voir DTC à la page 6323) :

Dans l'article précité, le professeur Willis prévoit fort justement l'abandon de la règle d'interprétation stricte des lois fiscales. Comme nous l'avons vu, le rôle des lois fiscales a changé dans la société et l'application de l'interprétation stricte a diminué. Aujourd'hui, les tribunaux appliquent à cette loi la règle du sens ordinaire, mais en tenant compte du fond, de sorte que si l'activité du contribuable relève de l'esprit de la disposition fiscale, il sera assujetti à l'impôt. Voir Whiteman et Wheatcroft, précité, à la p. 37.

Bien que les remarques de E.A. Dreidger dans son ouvrage Construction of Statutes (2 éd. 1983), à la p. 87, ne visent pas uniquement les lois fiscales, il y énonce la règle moderne de façon brève :

[traduction] Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution : il faut lire les termes d'une Loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la Loi, l'objet de la Loi et l'intention du Législateur.

Reste la question suivante : Les montants réclamés pour les frais de bureau à domicile pour les années d'imposition 1980 et 1981 sont-ils déductibles à titre de "loyer de bureau" en vertu du sous‑alinéa 8(1)i)(ii) de la Loi de l'impôt sur le revenu? À mon avis, le sens ordinaire des mots de la disposition législative interprétée dans le contexte de l'esprit de la Loi dans son ensemble exclut toute possibilité d'une réponse affirmative. Ce fut l'approche que les juges de la Cour canadienne de l'impôt ont adoptée dans les affaires Phillips et Felton et à laquelle je souscris entièrement. Par conséquent, j'estime que le ministre a eu raison d'établir comme il l'a fait les nouvelles cotisations concernant le revenu du défendeur pour les années d'imposition 1980 et 1981, à l'exception seulement des montants réclamés pour les services publics, le chauffage et l'électricité en 1980.

[17]        Conformément aux décisions Horbay et Lester, le ministre a autorisé à juste titre l’appelante à déduire une partie des dépenses relatives aux services d’utilité publique applicables à son domicile et refusé les frais d’assurance, de taxes foncières et d’intérêts hypothécaires qu’elle avait déduits.

Les frais médicaux

[18]        En 2004, 2005 et 2006, l’appelante s’est prévalue d’un crédit d’impôt pour frais médicaux pour des dépenses qu’elle avait engagées à l’égard de sa mère, qui était à sa charge. Le ministre n’a fait droit qu’à quelques-uns des montants déduits à titre de frais médicaux, mais l’appelante ne conteste plus le fait que l’on ait rejeté les montants relatifs à sa mère.

[19]        L’appelante s’est également prévalue d’un crédit d’impôt pour frais médicaux pour son époux et elle. Les frais médicaux déduits ont été de 19 871,32 $, 10 629,57 $, 9 205,87 $ et 11 819,84 $ en 2003, 2004, 2005 et 2006, respectivement, et le ministre a rejeté les montants de 19 355,19 $, 7 944,98 $, 7 846,37 $ et 11 438,52 pour 2003, 2004, 2005 et 2006, respectivement.

[20]        Comme il a été mentionné plus tôt, l’appelante n’a produit aucun document à l’appui de son appel. L’intimée a toutefois produit des copies de certains des documents que l’appelante avait antérieurement fournis au ministre. Selon ces documents, l’appelante avait déduit à titre de frais médicaux le coût d’une Chi‑machine et d’accessoires, d’un écran d’ordinateur Viasonic LCD, d’un oreiller ergonomique, d’un ensemble chauffant Thermophore, d’une thérapie par biorétroaction, de remèdes homéopathiques, de suppléments, de traitements ayurvédiques, de traitements Reiki, de caplets Advil Rhume et Sinus, de traitements faciaux, de messages corporels, de massages des mains, de massages du cou, de cours de culture physique ainsi que de primes versées au Régime d’assurance-maladie de l’Alberta.

[21]        L’appelante a déclaré qu’en 2003 elle s’est blessée à la tête quand, voyageant à bord d’un avion de la société Northwest Airlines, une lourde valise lui est tombée sur la tête. Le coup lui a causé de graves migraines, des douleurs musculaires et un dysfonctionnement endocrinien. Elle a déclaré qu’elle n’a pas eu besoin de médicaments; elle a dû obtenir des soins de santé parallèles, qui ont atténué sa douleur et lui ont permis de se remettre sur pied après un an et demi. Elle a continué de faire de la culture physique et de prendre des remèdes parallèles pour éviter de tomber malade et pour favoriser sa santé physique et mentale. Cela, a-t-elle dit, concorde avec les dispositions de la Loi canadienne sur la santé et la politique canadienne de la santé.

[22]        Aux termes de l’article 3 de la Loi canadienne sur la santé, l’objectif premier de la politique canadienne de la santé est de protéger, de favoriser et d’améliorer le bien-être physique et mental des habitants du Canada et de permettre un accès satisfaisant aux services de santé, sans obstacles d’ordre financier ou autre. Cependant, un contribuable ne peut déduire les dépenses qu’il a engagées pour favoriser et améliorer son état physique et mental que si la Loi le permet. Malheureusement pour l’appelante, la Loi n’est pas calquée sur l’objectif général de la Loi canadienne sur la santé.

[23]        Par souci de commodité, j’ai regroupé certains des frais médicaux déduits. J’appellerai la Chi-machine et ses accessoires, l’écran d’ordinateur Viasonic LCD, l’oreiller ergonomique et l’enveloppe chauffante Thermophore des « dispositifs »; la thérapie de biorétroaction, les traitements ayurvédiques et les traitements Reiki des « traitements », et les suppléments, les caplets Advil Rhume et Sinus et les remèdes homéopathiques des « substances ». Quant aux traitements faciaux et aux massages du corps, des mains et du cou, je les qualifierai de « massages ». J’examinerai séparément les cours de culture physique et les primes versées au Régime d’assurance-maladie de l’Alberta.

[24]        La définition des « frais médicaux » que donne le paragraphe 118.2(2) de la Loi énumère les types particuliers de frais qui sont admissibles au crédit d’impôt pour frais médicaux. Cette liste est exhaustive et seul le coût des articles énumérés peut être considéré comme des frais médicaux : Roberts c La Reine, 2012 CCI 319. C’est ce que la Cour d’appel fédérale a clairement indiqué dans l’arrêt Ali c Canada, 2008 CAF 190, au paragraphe 17 :

En ce qui concerne l’économie de la loi en cause en l’espèce, la définition de « frais médicaux » au paragraphe 118.2(2) de la LIR comporte une énumération des types particuliers de coût qui sont admissibles au CIFM, ce qui indique que la loi avait pour but de limiter le CIFM à une liste d’éléments particuliers.

Les dispositifs et les cours de culture physique

[25]        Le coût d’un dispositif ou de l’équipement qu’utilise un patient est assimilable à des frais médicaux si le dispositif ou l’appareil en question répond aux conditions énoncées à l’alinéa 118.2(2)m) de la Loi :

(2)      Frais médicaux –– Pour l’application du paragraphe (1), les frais médicaux d’un particulier sont les frais payés :

m) [Prescrit par règlement] –– pour tout dispositif ou équipement destiné à être utilisé par le particulier, par son époux ou conjoint de fait ou par une personne à charge visée à l’alinéa a) et qui répond aux conditions suivantes, dans la mesure où le montant payé ne dépasse pas le montant fixé par règlement, le cas échéant, relativement au dispositif ou à l’équipement :

(i) il est d’un genre visé par règlement,

(ii) il est utilisé sur ordonnance d’un médecin,

(iii) il n’est pas visé à un autre alinéa du présent paragraphe,

(iv) il répond aux conditions prescrites quant à son utilisation ou à la raison de son acquisition;

[26]        L’article 5700 du Règlement de l’impôt sur le revenu (le « Règlement ») dispose que, pour l’application de l’alinéa 118.2(2)m) de la Loi, tout dispositif ou équipement est prescrit s’il est décrit dans l’un des nombreux paragraphes que comporte cet article. Aucun des dispositifs que l’appelante a achetés n’y est énuméré.

[27]        Dans le même ordre d’idées, les cours de culture physique ne sont pas énumérés au paragraphe 118.2(2), et cela veut dire, selon moi, que le coût des dispositifs et celui des cours de culture physique ne sont pas considérés comme des frais médicaux pour l’application de la Loi.

Les traitements

[28]        Selon l’alinéa 118.2(2)l.9), le coût d’un traitement peut être assimilé à des frais médicaux. Comme l’indique, en partie, cette disposition :

(2) Frais médicaux –– Pour l’application du paragraphe (1), les frais médicaux d’un particulier sont les frais payés :

(l.9) [Traitement] –– à titre de rémunération pour le traitement administré au particulier, à son époux ou conjoint de fait ou à une personne à charge visée à l’alinéa a) en raison de sa déficience grave et prolongée, si les conditions suivantes sont réunies :

(i) en raison de la déficience du particulier, de l’époux ou conjoint de fait ou de la personne à charge, un montant peut être déduit en application de l’article 118.3 dans le calcul de l’impôt payable en vertu de la présente partie par un particulier pour l’année d’imposition au cours de laquelle la rémunération est payée,

(ii) le traitement est prescrit par l’une des personnes suivantes et est administré sous sa surveillance générale :

(A) un médecin en titre ou un psychologue, dans le cas d’une déficience mentale,

(B) un médecin en titre ou un ergothérapeute, dans le cas d’une déficience physique,

[29]        D’après les faits présentés dans le présent appel, l’appelante ne souffre pas d’une déficience grave et prolongée au sens de l’article 118.3 de la Loi et les traitements n’ont pas été administrés sous la surveillance générale d’un médecin en titre ou d’un ergothérapeute. Manifestement, le coût des traitements administrés à l’appelante ne peut pas être considéré comme des frais médicaux.

Les substances

[30]        Les frais médicaux qui s’appliquent aux substances sont autorisés à l’alinéa 118.2(2)n) :

(2) Frais médicaux –– Pour l’application du paragraphe (1), les frais médicaux d’un particulier sont les frais payés :

(n) [Médicaments] –– pour ce qui suit :

(i) les médicaments, les produits pharmaceutiques et les autres préparations ou substances, sauf s’ils sont déjà visés à l’alinéa k), qui répondent aux conditions suivantes :

(A) ils sont fabriqués, vendus ou offerts pour servir au diagnostic, au traitement ou à la prévention d’une maladie, d’une affection ou d’un état physique anormal, ou de leurs symptômes, ou en vue de rétablir, de corriger ou de modifier une fonction organique,

(B) ils ne peuvent légalement être acquis afin d’être utilisés par le particulier, par son époux ou conjoint de fait ou par une personne à charge visée à l’alinéa a) que s’ils sont prescrits par un médecin ou un dentiste,

(C) leur achat est enregistré par un pharmacien,

(ii) les médicaments, les produits pharmaceutiques et les autres préparations ou substances qui sont visés par règlement;

[31]        Il ressort clairement des arrêts de la Cour d’appel fédérale Ali c R, 2008 CAF 190, Tall c R, 2009 CAF 342 et Ray c R, 2010 CAF 17 que, pour l’application du sous-alinéa 118.2(2)n)(i), le coût d’une substance ne constitue des frais médicaux que si son achat est « enregistré par un pharmacien ». Aucune des substances en question ne répond à cette condition.

[32]        Le sous-alinéa 118.2(2)n)(ii) de la Loi ne s’applique pas au présent appel. Il n’est valable que pour les dépenses engagées après le 26 février 2008.

Les massages

[33]        Le coût des massages ne constitue des frais médicaux que si les massothérapeutes sont considérés comme des médecins, ainsi que l’exige l’alinéa 118.2(2)a) de la Loi :

(2) Frais médicaux –– Pour l’application du paragraphe (1), les frais médicaux d’un particulier sont les frais payés :

a) [Services médicaux et dentaires] –– à un médecin, à un dentiste, à une infirmière ou un infirmier, à un hôpital public ou à un hôpital privé agréé, pour les services médicaux ou dentaires fournis au particulier, à son époux ou conjoint de fait ou à une personne à la charge du particulier (au sens du paragraphe 118(6)) au cours de l’année d’imposition où les frais ont été engagés;

[34]         Pour l’application de l’alinéa 118.2(2)a), un massothérapeute ne peut être considéré comme un médecin que s’il est autorisé à exercer sa profession par la législation applicable là où il rend ses services. Voir le paragraphe 118.4(2) de la Loi.

[35]        Certains des reçus concernant les services de massage ne contenaient pas d’adresse. D’après ceux qui en contenaient une, l’appelante a reçu des massages à Dubaï, à Sharjah et en Alberta. Il n’y avait aucune preuve qu’un massothérapeute à Dubaï et à Sharjah est un médecin.

[36]        Dans la décision Pagnotta v The Queen, [2001] 4 CTC 2613 (CCI), le juge Campbell Miller a conclu qu’un massothérapeute de l’Alberta ne peut pas être considéré comme un médecin pour l’application de l’alinéa 118.2(2)a) de la Loi. Dans son analyse, il s’est reporté à la fois à la Medical Professions Act et à la Health Disciplines Act de l’Alberta. Je signale que la première de ces deux lois a été abrogée et remplacée par la Health Professions Act, RSA 2000, c H‑7, mais que cela n’a eu lieu que le 15 décembre 2009. La totalité de la Health Disciplines Act, à l’exception de l’annexe, a elle aussi été remplacée par la Health Professions Act, et cela eu lieu le 31 décembre 2001.

[37]        Selon la Medical Professions Act, un medical practitioner (praticien en médecine) est une personne inscrite auprès du Medical Register (Registre médical) de l’Alberta. L’article 21 de cette loi dispose que seules les personnes détenant un certificat d’enregistrement du Conseil médical du Canada et répondant aux exigences en matière d’études et de formation qui sont énoncées dans le règlement satisfont aux conditions nécessaires pour être inscrites dans le Registre médical de cette province.

[38]        Aucune preuve n’a été produite sur les différents massothérapeutes ou sur le fait de savoir si ces derniers étaient inscrits au Registre médical de l’Alberta ou remplissaient les conditions nécessaires pour y être inscrits. J’ai conclu que ces personnes n'étaient pas inscrites au Registre médical de l’Alberta et qu’elles ne remplissaient pas les conditions nécessaires pour y être inscrites.

[39]        L’avocat de l’intimée a invoqué la Health Professions Act. Cependant, cette loi n’emploie pas l’expression « medical practitioner » (praticien en médecine). Il y est question de « professional service » (service professionnel), de « regulated member » (membre réglementé) et de « regulated profession » (profession réglementée). Ces termes sont définis au paragraphe 1(1) :

[traduction
ff) « service professionnel » Service fourni dans le cadre de l’exercice d’une profession réglementée;

ll) « membre réglementé » Personne inscrite à titre de membre aux termes de l’alinéa 33(1)a);

mm) « profession réglementée » – Profession réglementée par la présente loi;

[40]        Comme l’indique l’alinéa 33(1)a) de la Health Professions Act :

[traduction
33(1) Le conseil :

a) établit, conformément au règlement, un registre de membre réglementés pour une ou plusieurs catégories de membres qui fournissent des services professionnels dans le cadre de la profession réglementée et […]

[41]        En Alberta, il existe trente professions de la santé différentes qui sont réglementées par vingt-huit ordres, conformément aux dispositions de la Health Professions Act. La massothérapie n’en fait pas partie. Elle n’est pas non plus désignée comme une discipline de santé à l’annexe, qui demeure en vigueur par rapport à l’ancienne Health Disciplines Act.

[42]        J’ai conclu que les massothérapeutes ne sont pas assimilables à des médecins au sens de l’alinéa 118.2(2)a) et que le coût des massages ne constitue pas des frais médicaux.

Les primes d’assurance-maladie

[43]        Le coût des primes d’assurance-maladie est considéré comme faisant partie des frais médicaux si ces primes sont versées à un régime privé d’assurance‑maladie. Comme l’indique l’alinéa 118.2(2)q) :

Pour l’application du paragraphe (1), les frais médicaux d’un particulier sont les frais payés :

q) [Primes d’assurance-maladie] – à titre de prime, cotisation ou autre contrepartie à l’égard du particulier, de son époux ou conjoint de fait ou […]

[44]        Dans le présent appel, les primes ne constituent pas des frais médicaux car elles ont été versées au Régime d’assurance-maladie de l’Alberta, qui est de nature publique.

La remise en état d’un bâtiment de ferme

[45]        L’avocat de l’intimée a déclaré que l’appelante n’a pas déduit dans ses déclarations de revenus une dépense liée à la remise en état d’un bâtiment de ferme. L’appelante dit qu’elle l’a fait. L’avis d’appel ne fait pas état de la remise en état, contrairement à la réponse à l’avis d’appel. Toutefois, le coût de ces travaux n’est pas indiqué. Les hypothèses formulées dans la réponse sont les suivantes :

[traduction
10 w) l’appelante n’a pas exploité une entreprise agricole au cours des années d’imposition 2003, 2004, 2005 et 2006;

10 x) les sommes engagées par l’appelante pour remettre en état des bâtiments de ferme ne l’ont pas été en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien.

[46]        L’appelante a reconnu qu’au cours des années en cause elle n’a pas exploité une entreprise agricole.

[47]        Elle a déclaré qu’un bâtiment de ferme, construit par ses parents il y a de nombreuses années de cela, était sur le point de s’effondrer et qu’elle a pu obtenir l’autorisation de le faire déplacer. Elle a payé pour qu’il soit rattaché à sa maison et remis en état. Son conjoint a installé son bureau au rez-de-chaussée de ce bâtiment et l’étage est devenu une partie du bureau de l’appelante.

[48]        L’appelante n’a pas pu me dire combien les travaux de remise en état avaient coûté, sinon que le montant avait été de [traduction] « 3 000 $ par mois pendant x nombre de mois au principal ouvrier ».

[49]        Quel que soit le coût, le montant dépensé pour la remise en état du bâtiment de ferme est une dépense personnelle et il n’est pas déductible.

La pénalité pour production tardive

[50]        L’appelante a déclaré avoir fait affaire avec le cabinet d’avocats fiscalistes DiGirolamo & Company pour établir ses déclarations de revenus. Elle lui a remis tous les documents nécessaires pour que sa déclaration de 2006 puisse être produite dans le délai prescrit. Elle a toutefois été produite en retard.

[51]        Il s’agit là, selon moi, d’une affaire qui concerne l’appelante et ses spécialistes en déclarations, et non d’une question que je puis régler.

[52]        Pour tous les motifs qui précèdent, l’appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de novembre 2014.

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de décembre 2014.

 

Claude Leclerc, LL.B.


RÉFÉRENCE :

2014 CCI 317

No DE DOSSIER DE LA COUR :

2012-5116(IT)I

INTITULÉ :

DONNA JANE ROSS ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :

Edmonton (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 16 avril 2014

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Valerie Miller

DATE DU JUGEMENT :

le 6 novembre 2014

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocat de l’intimée :

Me Gergely Hegedus

 

  AVOCATS INSCRITS
              AU DOSSIER :

          Pour l’appelante :

                             Nom :

 

 

                        Cabinet :

 

              Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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