Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2013-886(IT)I

ENTRE :

IRAJ RASULI,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Khorshid Rasuli (2013-887(IT)I) le 17 septembre 2014, à Vancouver (Colombie‑Britannique).

Devant : L’honorable juge Robert J. Hogan


Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocates de l’intimée :

Me Selena Sit

Me Christa Akey

 

JUGEMENT

          Les appels interjetés à l’encontre des nouvelles cotisations établies au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2004, 2005, 2006 et 2009 sont rejetés conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de novembre 2014.

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de décembre 2014.

 

Johanne Matte, LL.L, D.D.N., B.A. Trad.


 

 

 

 

Référence : 2013-887(IT)I

ENTRE :

KHORSHID RASULI,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appels entendus sur preuve commune avec les appels d’Iraj Rasuli (2013‑886(IT)I) le 17 septembre 2014, à Vancouver (Colombie‑Britannique).

Devant : L’honorable juge Robert J. Hogan

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocates de l’intimée :

Me Selena Sit

Me Christa Akey

 

JUGEMENT

          Les appels interjetés à l’encontre des nouvelles cotisations établies au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition  2004, 2005, 2006, 2007 et 2009 sont rejetés conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18jour de novembre 2014.

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de décembre 2014.

 

Johanne Matte, LL.L, D.D.N., B.A. Trad.


Référence : 2014 CCI 346

Date : 20141118

Dossiers : 2013-886(IT)I

2013-887(IT)I

ENTRE :

IRAJ RASULI,

KHORSHID RASULI,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Hogan

I.       Aperçu

[1]             Les appelants, Iraj Rasuli et Khorshid Rasuli, qui sont mari et femme, interjettent appel à l’encontre de nouvelles cotisations par lesquelles le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé les montants déduits au titre de dons de bienfaisance de la manière suivante :  

Iraj Rasuli

Année d’imposition

Montants déduits au titre de dons de bienfaisance

Montants refusés au titre de dons de bienfaisance

2004

5 000 $

5 000 $

2005

4 415 $

4 415 $

2006

9 290 $

9 290 $

2009

13 600 $

13 600 $

Khorshid Rasuli

Année d’imposition

Montants déduits au titre de dons de bienfaisance

Montants refusés au titre de dons de bienfaisance

2004

5 005 $

5 005 $

2005

1 625 $

1 625 $

2006

7 790 $

7 790 $

2007

977 $

977 $

2009

13 582 $

13 582 $

[2]             Les appels ont été entendus sur preuve commune.

[3]             Le ministre soutient que les appelants ont acheté de faux reçus pour dons de bienfaisance auprès de leurs comptables, Fareed Raza et Saheem Raza (les « frères Raza »). Les frères Raza fournissaient des services de comptabilité et des services en matière fiscale sous les noms commerciaux Fareed Raza & Co. Inc. et F & A Accounting Corporation (le cabinet « FA »). Les frères Raza ont été accusés de fraude pour avoir fait de faux énoncés dans les déclarations de revenus qu’ils avaient établies pour leurs clients.

[4]             Il incombe aux appelants de réfuter les hypothèses formulées par le ministre, sauf en ce qui concerne les années d’imposition 2004, 2005, 2006 et 2007, pour lesquelles de nouvelles cotisations ont été établies après la période normale de nouvelle cotisation visée au paragraphe 152(4) de la Loi de l’impôt sur le Revenu (la « Loi »). Il incombe à l’intimée de prouver que les appelants ont fait une présentation erronée des faits dans les circonstances prévues au sous‑alinéa 152(4)a)(i) de la Loi.

II.      Contexte factuel

[5]             M. Rasuli a témoigné en son nom et au nom de Mme Rasuli.  

[6]             M. Rasuli a immigré au Canada en 1990. Le couple a six enfants, dont trois ont des besoins spéciaux et sont à la charge de leurs parents. Les enfants ont aujourd’hui entre 22 et 35 ans.   

[7]             En 2006, les appelants ont acheté un supermarché en utilisant leur marge de crédit hypothécaire. M. Rasuli a témoigné qu’ils payaient environ 1 000 $ d’intérêts par mois à cet égard. Selon le témoin, ce n’est que récemment que le supermarché a généré suffisamment d’argent pour couvrir les dépenses liées à cette entreprise. M. Rasuli a déclaré qu’avant d’acheter le supermarché en 2006, il travaillait comme conducteur de camion salarié, et que sa femme, Mme Rasuli, travaillait à l’aéroport.  

[8]             M. Rasuli a rencontré Fareed Raza (« M. Raza ») en 2005, lorsqu’il a retenu les services de celui-ci pour établir les déclarations de revenus du couple pour l’année 2004. Selon le témoin, M. Raza a expliqué que le couple pouvait réduire sa facture fiscale s’il faisait des dons de bienfaisance par son entremise. 

[9]             M. Rasuli a admis que lui et sa femme n’avaient pas versé les 5 000 $ et 5 005 $ pour lesquels ils avaient respectivement demandé une déduction dans leurs déclarations lorsqu’ils avaient produit celles-ci pour l’année d’imposition 2004. Selon le témoin, M. Raza a fait les dons aux noms de M. et Mme Rasuli, étant entendu que ceux-ci le rembourseraient au cours de l’année. M. Rasuli a fait valoir que le couple avait remboursé M. Raza au moyen de versements au comptant durant l’année.

[10]        M. Rasuli a soutenu que le couple avait suivi le même processus pour les années d’imposition subséquentes visées par les appels. M. Rasuli a également déclaré que le couple n’avait pas lu les déclarations de revenus établies par M. Raza avant de les signer.   

[11]        Mme Jane Yang, une enquêteuse de la Division de l’exécution du Bureau des services fiscaux de Vancouver de l’Agence de revenu du Canada (l’« ARC »), a témoigné pour le compte de l’intimée. En octobre 2008, alors qu’elle assistait à une séance de formation interne à Toronto, Mme Yang a appris qu’un de ses collègues à Toronto avait réussi à découvrir des stratagèmes utilisés par des spécialistes en déclarations de revenus pour vendre de faux reçus pour dons de bienfaisance à leurs clients.   

[12]        À son retour à Vancouver, Mme Yang a découvert qu’un certain nombre de clients du cabinet FA semblaient avoir fait des dons importants à la Mehfuz children Welfare Trust (la « fiducie Mehfuz »). La façon dont les dons étaient faits semblait anormale. Les contribuables faisaient don d’une partie importante de leur revenu net à la fiducie Mehfuz.   

[13]        Une enquête criminelle a été ouverte et, le 14 juillet 2010, une saisie a été effectuée aux bureaux du cabinet FA. Les documents saisis comprenaient des reçus provenant de la fiducie Mehfuz, que Mme Yang croyait être des faux, et un calendrier de bureau de M. Raza. Le calendrier comportait des annotations qui laissaient croire que M. Raza consignait des montants qu’il recevait en échange de reçus pour la fourniture de soins et pour dons de bienfaisance. Mme Yang a pu établir que, dans de nombreux cas, le montant figurant sur le calendrier à côté du nom d’un client représentait 8 % à 11 % du montant déduit dans la déclaration de revenus du client en tant que don fait à la fiducie Mehfuz. Mme Yang a également remarqué que les reçus de la fiducie Mehfuz saisis aux bureaux du cabinet FA étaient différents des reçus officiels délivrés par la fiducie Mehfuz.

[14]        Au terme de son enquête, Mme Yang a conclu que les frères Raza avaient contrefait des reçus pour dons de bienfaisance totalisant environ 12 000 000 $. Mme Yang a estimé que ce stratagème avait occasionné une perte de revenus fiscaux d’environ 4 700 000 $.

[15]        M. Mashud Miah, président et fondateur de la fiducie Mehfuz, a également témoigné pour le compte de l’intimée. M. Miah est né au Bangladesh et s’est établi au Canada en 1985. En plus des fonctions qu’il exerçait à la fondation Mehfuz de 2001 à 2009, M. Miah travaillait comme nettoyeur.

[16]        M. Miah a expliqué qu’il avait donné à la fondation Mehfuz le nom de son fils, Mehfuz, qui était né prématurément à un hôpital de Vancouver. Il croit que, si son fils était né prématurément au Bangladesh, il n’aurait vraisemblablement pas survécu. En 1997, M. Miah a eu deux accidents de voiture graves, et, en raison des soins qu’il avait reçus alors qu’il était hospitalisé, il avait encore une fois pris conscience de la qualité des soins de santé offerts dans les hôpitaux canadiens. Ces événements l’ont motivé à créer la fondation Mehfuz en 2000 2001, avec l’aide de Fareed Raza, comme moyen de lever des fonds au Canada dans le but de construire et d’exploiter une clinique médicale au Bangladesh. Selon M. Miah, la clinique a été construite et, de 2003 à 2009, elle a offert des soins de santé à des enfants pauvres et handicapés. La clinique a cessé ses activités en 2009, lorsque la fiducie Mehfuz a été éclaboussée par la controverse entourant les agissements des frères Raza.

[17]        M. Miah soutient qu’en 2008, il a découvert Saheem Raza en train de falsifier des reçus pour dons de bienfaisance de la fiducie Mehfuz lorsqu’il était entré dans le bureau de M. Saheem Raza, qu’il devait nettoyer relativement à une entente qu’il avait conclue avec le cabinet FA concernant des services de nettoyage. Il a témoigné qu’il avait vu M. Saheem Raza signer son nom (celui de M. Miah) sur un reçu. Par la suite, il a vu des reçus contrefaits qui traînaient dans le bureau. Au printemps 2008, après avoir consulté un avocat, il a signalé à l’ARC qu’il soupçonnait que les frères Raza falsifiaient des reçus pour dons de bienfaisance au nom de la fiducie Mehfuz. M. Miah a témoigné qu’il avait arrêté d’avoir recours aux services de comptabilité du cabinet FA en 2007, en raison des soupçons qu’il avait eus concernant les irrégularités commises par les frères Raza.

III.     Analyse

[18]        L’intimée a présenté une preuve commune dans les présents appels et dans les appels de Jose Vekkal (2013-882(IT)I), de Remmy Vekkal (2013-883(IT)I), de Martin Izkendar (2013-220(IT)I), de Ruben Nocon (2013-635(IT)I), d’Azim Bani (2012-3541(IT)I), de Ladan Abootaleby-Pour (2013‑1779(IT)I) et d’Oleg Komarynsky (2013-3354(IT)I).

[19]        À l’issue de l’audience des présents appels, on a soulevé la question de savoir si les éléments de preuve présentés par les sept autres appelants ou obtenus par l’intimée au moyen du contre-interrogatoire de ces appelants devraient faire partie du dossier des appelants dans les présents appels. Je signale que le juge responsable de la gestion de l’instance n’a pas traité de cette question procédurale dans son ordonnance fixant l’audition de ces appels. Je souligne également que les actes de procédures des autres appels n’ont pas été signifiés aux appelants, et que ceux-ci n’ont pas pris part à l’interrogatoire ou au contre‑interrogatoire des autres appelants.

[20]        Par conséquent, je ne tiendrai pas compte des éléments de preuve des autres appelants pour statuer sur les présents appels.

[21]        En tout état de cause, cela n’est pas important en l’espèce, car je n’ai pas trouvé que les éléments de preuve en question étaient particulièrement pertinents quant à l’issue des présents appels.

[22]        De nouvelles cotisations ont été établies pour les années d’imposition 2004 à 2007 des appelants après la période normale de nouvelle cotisation. Par conséquent, il incombe à l’intimée de prouver que les appelants ont effectué une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire en ce qui concerne les montants déduits au titre de dons de bienfaisance pour ces années d’imposition. Les appelants font valoir que l’intimée ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait à l’égard de ces années d’imposition. 

[23]        Par souci de concision, j’intègre par renvoi les conclusions que j’ai tirées sur la crédibilité concernant les témoignages de Mme Jane Yang et de M. Miah, qui figurent aux paragraphes 24, 25, 26 et 27 des motifs du jugement rendus dans les appels de Jose Vekkal (2013‑882(IT)I) et de Remmy Vekkal (2013‑883(IT)I), lesquels ont été rendus le même jour que les présents motifs du jugement.

[24]        Après avoir examiné l’ensemble de la preuve, je conclus que les explications des appelants au sujet des circonstances entourant leurs dons de bienfaisance allégués à la fiducie Mehfuz sont invraisemblables.  

[25]        Premièrement, je ne crois pas que les appelants avaient les moyens de faire les prétendus dons. Pour ce qui est des années d’imposition en cause, M. Rasuli a déclaré les revenus nets et déduit les dons en faveur de la fiducie Mehfuz qui figurent dans le tableau suivant :   

Année d’imposition

Revenu net déclaré

Prétendus dons

% du revenu net

2004

44 272 $

5 000 $

11,3 %

2005

48 476 $

4 415 $

9,1 %

2006

43 702 $

9 290 $

21,3 %

2009

55 229 $

13 600 $

24,6 %

[26]        Pour sa part, Mme Rasuli a déclaré les revenus nets et déduit les dons en faveur de la fiducie Mehfuz qui suivent :   

Année d’imposition

Revenu net déclaré

Prétendus dons

% du revenu net

2004

30 902 $

5 005 $

16,2 %

2005

33 081 $

1 625 $

4,9 % 

2006

48 906 $

7 790 $

15,9 %

2007

29 749 $

977 $

3,3 %

2009

39 804 $

13 582 $

34,1 %

[27]        Comme on peut le constater ci-dessus, les prétendus dons des appelants représentent une part importante de leur revenu net pour chacune des années en cause. Le montant total des dons déduits pour les années d’imposition 2004 à 2009 était de plus de 60 000 $, et pourtant les appelants reconnaissent n’avoir jamais rencontré des représentants de l’organisme de bienfaisance pour se renseigner de première main sur ses activités.

[28]        Les appelants font valoir qu’ils ont remboursé M. Raza au moyen de paiements en argent comptant n’excédant pas 2 000 $ en ce qui a trait aux montants que celui-ci avait donné en leurs noms. Ils n’ont pas fourni de documents pour montrer la façon dont ils tenaient compte des sommes qu’ils devaient à M. Raza et dont étaient établies les modalités de remboursement.

[29]        Les appelants ont reconnu qu’ils avaient trois enfants qui vivaient à la maison et qui étaient entièrement à leur charge. Leur résidence personnelle était grevée d’une hypothèque. En outre, leur supermarché n’était pas une entreprise très rentable.  

[30]        Les prétendus dons d’un montant élevé ne concordent pas non plus avec ceux que les appelants ont faits auparavant. De plus, j’ai peine à croire que le couple aurait fait don de milliers de dollars à M. Raza sur une base régulière sans demander qu’il lui remette quelque accusé de réception que ce soit. Je trouve également invraisemblable que les appelants se soient engagés à faire don d’une part importante de leurs revenus mensuels sans rencontrer des représentants de la fiducie Mehfuz pour s’informer de première main des activités de cet organisme au Bangladesh.

[31]        Je suis convaincu que les appelants ont acheté de leurs comptables de faux reçus pour dons qu’ils ont utilisés pour demander des crédits d’impôt auxquels ils n’avaient pas droit. Par conséquent, les appelants ont fait sciemment des présentations erronées des faits à l’égard des dons que le ministre a refusés pour les années d’imposition 2004 à 2007. Ce dernier était donc fondé à établir à leur endroit de nouvelles cotisations pour ces années après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation.

[32]        Enfin, en ce qui concerne les autres années d’imposition visées par les appels, les appelants n’ont pas montré qu’ils avaient fait des dons de bienfaisance à la fiducie Mehfuz.  

[33]        En conséquence, les nouvelles cotisations sont confirmées et les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de novembre 2014.

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de décembre 2014.

 

Johanne Matte, LL.L, D.D.N., B.A. Trad.


RÉFÉRENCE :

2014 CCI 346

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2013-886(IT)I

2013-887(IT)I

INTITULÉ :

IRAJ RASULI et KHORSHID RASULI c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 17 septembre 2014

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Robert J. Hogan

DATE DU JUGEMENT :

Le 18 novembre 2014

 

COMPARUTIONS :

 

Pour les appelants :

Les appelants eux-mêmes

Avocates de l’intimée :

Me Selena Sit

Me Christa Akey

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l’appelant :

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.