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Dossier : 2014‑1578(IT)I

ENTRE :

SUCCESSION DE FREDA WICKHAM,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 22 octobre 2014, à Nanaimo (Colombie‑Britannique)

Devant : L’honorable juge B. Paris


Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

M. Keith Sanders

Avocate de l’intimée :

Me Whitney Dunn

 

JUGEMENT

          L’appel de la nouvelle cotisation établie à l’égard de l’appelante pour l’année d’imposition 2011 est accueilli : l’appelante a droit à une déduction de 32 000 $ en vertu de l’alinéa 20(1)bb) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

Des dépens de 200 $ sont adjugés à l’appelante.

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de décembre 2014.

« B. Paris »

Juge Paris

 

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de janvier 2015.

S. Tasset


 

Référence : 2014 CCI 352

Date : 20141201

Dossier : 2014‑1578(IT)I

ENTRE :

SUCCESSION DE FREDA WICKHAM,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Paris

[1]             Il s’agit d’un appel d’une nouvelle cotisation établie à l’égard de l’appelante pour l’année d’imposition 2011. Par cette nouvelle cotisation, le ministre du Revenu national a refusé une déduction de 40 000 $ dans le calcul des revenus tirés de biens de Mme Wickham.

[2]             Cette somme avait été payée à Keith Sanders pour des services qu’il a fournis à titre de curateur de Mme Wickham, avant le décès de cette dernière en 2011. Par voie d’ordonnance datée du 12 mai 2005, la Cour suprême de la Colombie‑Britannique avait nommé M. Sanders curateur de Mme Wickham, parce que celle‑ci souffrait d’une déficience mentale.

[3]             Avant d’être nommé curateur, M. Sanders avait agi comme conseiller financier de Mme Wickham et de son défunt mari alors qu’il travaillait à la North Shore Credit Union. M. Sanders a pris sa retraite en 2005 et n’a ensuite fourni des services de gestion de placements à personne d’autre que Mme Wickham.

[4]             M. Sanders a affirmé qu’il avait promis au mari de Mme Wickham que, après son décès, il veillerait à ce que l’on prenne soin de Mme Wickham.

[5]             En sa qualité de curateur, M. Sanders était habilité à voir à toutes les affaires de Mme Wickham : il prenait des dispositions pour qu’elle reçoive des soins à domicile et des soins de santé et il gérait sa situation financière.

[6]             Mme Wickham possédait un avoir important qui se composait en majeure partie d’un vaste portefeuille de placements et d’un fonds enregistré de revenu de retraite (FERR).

[7]             Le portefeuille de placements était détenu dans un compte d’investissement ouvert à la HSBC, et M. Sanders bénéficiait des services d’un conseiller en valeurs mobilières de cette institution financière pour l’aider à gérer le portefeuille. La HSBC prélevait des frais annuels avoisinant ¾ % de la valeur totale du portefeuille.

[8]             À mesure que la santé de Mme Wickham  s’est détériorée, les frais de soins de santé de celle‑ci ont augmenté considérablement. En 2010, ils s’élevaient à 137 411 $. M. Sanders a déclaré dans son témoignage qu’il devait s’assurer que l’avoir de Mme Wickham était investi de manière à produire suffisamment de revenus pour couvrir ces frais, qui ne cessaient d’augmenter. Il a affirmé qu’il passait en revue les titres détenus dans le compte de Mme Wickham régulièrement et qu’il avait demandé à la HSBC d’acheter un certain nombre de titres pour assurer la croissance des revenus. Certains de ces placements ont été faits de sa propre initiative et d’autres l’ont été sur avis du conseiller de la HSBC.

[9]             Mme Wickham a touché un revenu de placements de 73 892 $ en 2008, de 63 473 $ en 2009 et de 79 098 $ en 2010. Elle a également réalisé un gain en capital de 84 000 $ en 2010 par suite de la vente de certains titres du compte détenu à la HSBC.

[10]        En 2006, en 2008 et en 2010, M. Sanders a produit auprès du curateur public de la Colombie‑Britannique des rapports dans lesquels il fournissait des renseignements sommaires sur la situation personnelle et la santé de Mme Wickham et un bilan financier présentant les éléments d’actif et de passif de Mme Wickham, avec à l’appui les déclarations de revenus et les relevés de comptes bancaires et de placements. Ces rapports permettaient d’approuver les comptes de M. Sanders à titre de curateur et de déterminer les honoraires auxquels il avait droit pour les services rendus à ce titre.

[11]        Le curateur public a approuvé le rapport de M. Sanders pour 2010 et a fixé sa rémunération à 45 208,62 $ pour la période allant du 13 mai 2008 au 31 mai 2010. La rémunération comportait deux volets : des honoraires de 19 424,80 $ pour la gestion des revenus et des honoraires de 25 783,82 $ pour la gestion de l’avoir. M. Sanders a pris seulement 40 000 $ de la rémunération approuvée, et ce montant a été prélevé dans le compte de Mme Wickham le 11 janvier 2011. La Cour ne dispose pas de la formule employée pour calculer les honoraires, mais, selon M. Sanders, ceux‑ci étaient basés en partie sur le revenu gagné durant la période en question et en partie sur la valeur totale de l’avoir géré.

[12]        L’avocate de l’intimée a avancé que, étant donné que M. Sanders était chargé de voir à toutes les affaires de Mme Wickham, y compris les soins personnels et médicaux, les honoraires étaient principalement rattachés aux soins prodigués à Mme Wickham, et non au gain ou à la production d’un revenu tiré d’une entreprise ou d’un bien.

[13]        L’avocate a également soutenu que ces frais ne sont pas déductibles en vertu de l’alinéa 20(1)bb) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), qui traite de la question des honoraires versés à un courtier en placement, parce que les frais ne remplissent pas les conditions prévues par cette disposition. L’alinéa 20(1)bb) est rédigé de la façon suivante :

20.(1) Déductions admises dans le calcul du revenu tiré d’une entreprise ou d’un bien Malgré les alinéas 18(1)a), b) et h), sont déductibles dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d’une entreprise ou d’un bien pour une année d’imposition celles des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qu’il est raisonnable de considérer comme s’y rapportant :

[…]

bb) Honoraires versés à un conseiller en placement —une somme, autre qu’une commission, versée par le contribuable au cours de l’année à une personne :

(i) soit pour obtenir son avis sur l’opportunité d’acheter ou de vendre certaines actions ou valeurs mobilières,

(ii) soit pour la prestation de services relativement à l’administration ou à la gestion d’actions ou de valeurs mobilières du contribuable,

si l’activité d’entreprise principale de cette personne consiste :

(iii) soit à donner des avis sur l’opportunité d’acheter ou de vendre certaines actions ou valeurs mobilières,

(iv) soit, entre autres choses, à assurer des services relatifs à l’administration ou à la gestion d’actions ou de valeurs mobilières;

[14]        Plus particulièrement, il est affirmé que M. Sanders n’exerçait pas une activité commerciale lorsqu’il agissait à titre de curateur de Mme Wickham, qu’il n’avait pas du reste exercé d’activité commerciale durant la période en question et que, par conséquent, il ne remplissait pas les conditions énoncées au sous‑alinéa 20(1)bb)(iii) ou (vi).

[15]        L’avocate de l’intimée s’est appuyée sur la décision Bond, succession[1], où la Cour a tranché que les honoraires payés au curateur public de la Saskatchewan pour la gestion et l’administration des actions et des valeurs mobilières détenues par un adulte frappé d’incapacité mentale n’étaient pas déductibles en vertu de l’alinéa 20(1)bb). La Cour était d’avis que l’activité d’entreprise principale du curateur public ne consistait pas à conseiller autrui sur l’opportunité d’acheter ou de vendre certaines actions ou valeurs mobilières ni à assurer des services relatifs à l’administration ou à la gestion d’actions ou de valeurs mobilières.

[16]        Enfin, l’avocate de l’intimée a fait valoir que l’alinéa 18(1)u) de la Loi interdit la déduction des honoraires payés à M. Sanders s’ils sont liés à la gestion du FERR de Mme Wickham.

[17]        L’alinéa 18(1)u) est rédigé de la façon suivante :

18. (1) Exceptions d’ordre général — Dans le calcul du revenu du contribuable tiré d’une entreprise ou d’un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles :

[…]

u) Fraisrégimes d’épargne personnelsles sommes payées ou payables par le contribuable pour des services relatifs à un régime d’épargne‑retraite, à un fonds de revenu de retraite ou à un compte d’épargne libre d’impôt dont il est le rentier ou le titulaire;

[…]

Analyse

[18]        Si l’on se fie à la lettre du curateur public qui autorise M. Sanders à prélever les honoraires, le paiement était fait pour la gestion de l’actif et des revenus. Rien n’indique que M. Sanders a été payé pour d’autres services que ceux qu’il a fournis à Mme Wickham ou en son nom. Par conséquent, les honoraires n’étaient pas versés à titre personnel, mais bien dans l’objectif de tirer un revenu d’un bien.

[19]        Comme les services de gestion fournis par M. Sanders se rapportaient à des actifs immobilisés détenus par Mme Wickham, les honoraires seraient des dépenses en capital non déductibles, à moins d’indication contraire dans la Loi.

[20]        Je suis d’accord avec l’appelante pour dire que l’alinéa 20(1)bb) de la Loi permet la déduction des honoraires. La preuve révèle que M. Sanders exerçait une activité commerciale lorsqu’il fournissait des services de gestion de placements à titre de curateur de Mme Wickham. Même s’il se peut que M. Sanders ait eu des motifs personnels pour aider Mme Wickham, je suis d’avis qu’il s’attendait à être rémunéré pour ses services. Le fait qu’il a demandé à être rémunéré au moment de l’approbation des comptes en 2006, en 2008 et en 2010 en est la preuve. Il n’est pas non plus contesté que M. Sanders possédait une expérience professionnelle pertinente, qu’il a consacré temps et énergie à la gestion du portefeuille de Mme Wickham et qu’il a exercé ces activités de manière organisée, comme un homme d’affaires l’aurait fait.

[21]        À mon avis, les faits de l’affaire Bond sont très différents de ceux qui caractérisent la présente affaire. Dans l’affaire Bond, la Cour a conclu que le curateur public n’était pas une entreprise commerciale et ne prétendait pas offrir des services de conseiller en placement. En l’espèce, j’ai conclu que M. Sanders exerçait une activité commerciale.

[22]        Je suis également d’avis que les services fournis par M. Sanders en ce qui a trait à l’administration et à la gestion des actions et des valeurs mobilières détenues par Mme Wickham constituaient sa seule activité commerciale durant la période visée et que, par conséquent, il s’agissait de son « activité d’entreprise principale ».

[23]        M. Sanders a déclaré qu’il n’avait exercé aucune autre activité commerciale que celle de fournir des services de gestion de placements à titre de curateur de Mme Wickham. La preuve révèle que le rôle de M. Sanders consistait essentiellement à gérer et à administrer le portefeuille de valeurs mobilières.

[24]        Je conviens toutefois avec l’avocate de l’intimée qu’une partie des honoraires payés se rapportaient au FERR de Mme Wickham. Les volets « gestion de l’actif » et « gestion des revenus » des honoraires établis par le curateur public se fondaient sur la valeur totale des actifs et des revenus de Mme Wickham, y compris la valeur du FERR et le revenu tiré de celui‑ci. Il est évident que l’alinéa 18(1)u) interdirait la déduction des honoraires payés relativement au FERR. En l’absence de preuve concernant le revenu tiré du FERR dans la période pour laquelle les honoraires en question ont été payés, je crois que la démarche la plus logique à adopter pour fixer la proportion des honoraires payés relativement au FERR consisterait à la baser sur la valeur du FERR par rapport à la valeur du portefeuille de valeurs mobilières. En 2010, la valeur approximative du portefeuille de valeurs mobilières se chiffrait à 1,4 million de dollars et celle du FERR à 360 000 $. Par conséquent, les honoraires payés relativement au FERR représenteraient environ 20 % du total des honoraires payés, soit 8 000 $.

[25]        Pour les motifs exposés précédemment, je suis d’avis d’accueillir l’appel : l’appelante a droit à une déduction de 32 000 $ en vertu de l’alinéa 20(1)bb) de la Loi pour l’année d’imposition 2011. Les dépens, que je fixe à 200 $, sont adjugés à l’appelante.

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de décembre 2014.

« B. Paris »

Juge Paris

 

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de janvier 2015.

S. Tasset


RÉFÉRENCE :

2014 CCI 352

NO DE DOSSIER DE LA COUR :

2014‑1578(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

SUCCESSION DE FREDA WICKHAM ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Nanaimo (Colombie‑Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 22 octobre 2014

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge B. Paris

DATE DU JUGEMENT :

Le 1er décembre 2014

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

M. Keith Sanders

Avocate de l’intimée :

Me Whitney Dunn

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

 

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1]           [1999] 1 C.T.C. 2181, [1998] A.C.I. n  838. 

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