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Date : 20070920

Dossier : IMM-892-07

Référence : 2007 CF 939

Ottawa (Ontario), le 20 septembre 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE DE MONTIGNY

 

ENTRE :

ASHRAF EBADI GHAVIDEL

demanderesse

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue le 22 février 2007 par laquelle l’agente d'examen des risques avant renvoi (l’agente), A. Bremner, a rejeté la demande d’examen des risques avant renvoi (l’ERAR) de la demanderesse. Cette dernière a présenté le 6 mars 2007 une demande de sursis à l’exécution de son renvoi, laquelle a été rejetée le 17 avril 2007. La demanderesse a donc été renvoyée du Canada le 29 avril 2007.

 

[2]               Après avoir examiné attentivement les dossiers déposés par les parties, ainsi que leurs observations écrites et orales, je conclus que la présente demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée pour les motifs qui suivent.

 

FAITS

 

[3]               Mme Ghavidel est une citoyenne de l’Iran qui est arrivée au Canada munie d’un visa de visiteur en septembre 2002 pour venir voir son fils. Le 14 février 2003, soit environ un mois avant l’expiration de son visa de visiteur, elle a déposé une demande d’asile en alléguant qu’elle était exposée à un risque en Iran en raison des activités politiques de son fils et du fait qu’elle était propriétaire d’un salon de coiffure. En janvier 2005, la Section de la protection des réfugiés (la SPR) a rejeté sa demande d’asile, et la Cour fédérale a rejeté sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire le 15 avril 2005. La SPR a jugé que Mme Ghavidel n’était pas crédible et qu’elle n’appartenait pas à un groupe social en particulier. Elle a également souligné que Mme Ghavidel n’avait pas allégué qu’elle avait été victime de violence conjugale et que son époux l’avait aidée dans sa démarche pour venir au Canada.

 

[4]               Le 14 juin 2005, Mme Ghavidel a donc présenté une première demande d’examen des risques avant renvoi fondée sur les mêmes motifs que ceux qu’elle avait exposés devant la SPR, ainsi que sur son engagement au sein de l’Église chrétienne pendant son séjour au Canada. Le 28 décembre 2006, sa demande d’ERAR a été rejetée sur le fondement que les risques allégués avaient déjà été évalués par la SPR. Quant à l’argument relatif à son engagement au sein de l’Église chrétienne, l’agente d’ERAR ne l’a pas accepté car  elle a jugé que cet engagement se limitait à un intérêt général. La demanderesse a effectivement été baptisée le 26 novembre 2006 mais n’a pas présenté à l’agente d’ERAR d’observations supplémentaires à cet égard en raison de renseignements erronés qu’elle avait reçus de Citoyenneté et Immigration Canada.

 

[5]               Le 13 février 2007, la demanderesse a présenté une deuxième demande d’ERAR fondée sur sa conversion au christianisme et sa crainte d’être maltraitée par un mari violent, laquelle demande a été rejetée par l’agente dans une décision rendue le 22 février 2007.

 

DÉCISION CONTESTÉE

[6]               Relativement à l’allégation de violence conjugale, l’agente a conclu que la question avait été examinée par la SPR et qu’aucune nouvelle preuve n’avait été présentée dans le cadre de la demande d’ERAR. Elle a donc jugé qu’il n’y avait aucune raison d’en arriver à une conclusion différente de celle de la SPR. La demanderesse ne conteste pas cette conclusion.

 

[7]               Pour ce qui est du risque auquel serait exposée la demanderesse en raison de sa conversion au christianisme, l’agente a tiré deux conclusions, d’une part, que le risque auquel s’exposent les personnes converties au christianisme en Iran touche seulement celles qui font connaître publiquement leur conversion et, d’autre part, que la demanderesse ne fait pas partie de cette catégorie de personnes puisqu’elle ne pratiquerait pas sa religion publiquement.

 

[8]               Pour ce qui est du premier point, l’agente a effectué un long examen détaillé des renseignements objectifs sur la situation en Iran pour étayer sa conclusion selon laquelle seules les personnes converties qui font du prosélytisme, qui sont des chefs de mouvements ou qui sont engagées dans des campagnes d’évangélisation sont susceptibles d’être exposées à un risque en Iran. Après avoir examiné sur huit pages la preuve documentaire fournie par la demanderesse, l’agente a examiné les renseignements objectifs sur la situation en Iran, principalement la situation vécue par les chrétiens dans ce pays. C’est en se fondant sur cet examen approfondi que l’agente a conclu que les personnes exposées à un plus grand risque étaient les suivantes : 1) un apostat converti de l’islamisme au christianisme qui ne cache pas sa conversion, surtout s’il est aussi pasteur; 2) un chef de maison-église; 3) un membre d’une église évangélique; 4) un prosélyte.

 

[9]               Pour ce qui est du second point, l’agente a apprécié les éléments de preuve propres à la demanderesse, ses déclarations personnelles sur la manière dont elle pratique sa religion, ainsi que la déclaration sous serment de son pasteur quant à l’engagement religieux qu’elle observe. Elle a conclu que Mme Ghavidel ne faisait pas partie du groupe de personnes converties au christianisme qui courent notoirement un risque en Iran. Elle a résumé son évaluation du risque de la façon suivante :

[traduction]

 

La demanderesse a été convertie par une Église membre d’une alliance évangélique. L’Église a atteint son but qui était de la convertir. La demanderesse, elle-même, ne m’a pas présenté de preuve qui me permettrait de conclure qu’elle fait elle-même de l’évangélisation et qu’elle joue un rôle au sein de l’Église qui l’obligerait à sortir publiquement et à recruter avec zèle des adeptes en vue de les convertir à sa nouvelle religion. Rien au dossier ne permet d’établir qu’elle est considérée comme une chef spirituelle par son Église. Son pasteur n’a pas indiqué qu’elle devait faire la promotion de sa foi à son retour en Iran, ou même au Canada. Toute la preuve touche personnellement la demanderesse à qui on a donné l’occasion de prouver qu’elle serait exposée à un risque si elle retournait en Iran. J’ai lu sa déclaration dans laquelle elle mentionne qu’elle a parlé de son Église à un voisin en Iran. La preuve dont je dispose révèle que la demanderesse est une femme réservée et discrète quant à sa foi. Je ne crois pas que la demanderesse afficherait sa conversion au christianisme publiquement en Iran, en faisant preuve d’un zèle de croisade qui attirerait sur elle l’attention des autorités dans l’éventualité où elle retournerait dans ce pays. Quant au fait qu’elle est une musulmane convertie au christianisme, la preuve montre que ces personnes s’exposent à un risque si elles font connaître leur conversion publiquement. La demanderesse n’a pas fourni d’éléments de preuve établissant qu’elle manifesterait publiquement sa conversion.

 

 

QUESTIONS EN LITIGE

 

[10]           La demanderesse a soulevé quatre questions en litige que j’ai reformulées de la façon suivante :

·           L’agente a-t-elle commis une erreur dans son appréciation de la preuve objective relative à la situation des personnes converties au christianisme en Iran?

·           L’agente a-t-elle mal interprété la preuve en concluant que la demanderesse ne serait pas recherchée par les autorités iraniennes puisqu’elle ne fait pas partie de la catégorie des personnes converties exposées à un risque?

·           L’agente a-t-elle commis une erreur en refusant d’accorder une entrevue à la demanderesse?

·           L’agente a-t-elle commis une erreur en ne fournissant pas de motifs pour justifier son refus d’accueillir la demande d’entrevue présentée par la demanderesse?

 

 

ANALYSE

 

[11]           Il est bien établi dans la jurisprudence qu’une décision d’un agent d’ERAR examinée dans sa totalité est assujettie à la norme de contrôle de la décision raisonnable simpliciter : voir, par exemple, les décisions Figurado c. Canada (Solliciteur général), 2005 CF 347; Covarrubias c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1193; Aivani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1231. Cela dit, chaque conclusion en particulier doit être distinguée des autres et sera assujettie à la norme pertinente selon qu’elle soulève des questions de fait, de droit ou des questions mixtes de fait et de droit : voir Kim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 437. Lorsque le demandeur n’est pas d’accord avec les constatations et conclusions factuelles tirées par l'agent d’ERAR, la Cour ne substituera pas son appréciation à celle de l’agent à moins qu’on réussisse à établir que ces conclusions factuelles ont été tirées de façon abusive, arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve. Ainsi, les deux premières questions énoncées précédemment doivent être examinées selon la norme de la décision manifestement déraisonnable.

 

[12]           Cependant, les deux autres questions soulevées par la demanderesse ne commandent pas une analyse pragmatique et fonctionnelle puisqu’elles portent sur l’obligation d’agir équitablement en matière de procédure. Lorsque de telles questions sont soulevées, il revient à la Cour de déterminer si le processus qui a été suivi satisfait aux exigences de l'obligation d’équité procédurale, en tenant compte des facteurs pertinents établis par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817 : voir l’arrêt Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404. Comme l’a exposé ma collègue la juge Dawson dans ses commentaires sur la norme de contrôle applicable lorsque le demandeur allègue qu’un agent d’ERAR aurait dû tenir une audience :

[5] En ce qui concerne ces arguments, c'est à la Cour qu'il revient de se prononcer sur la teneur de l'obligation d'équité. Aucune norme de contrôle déterminée en fonction de l'analyse pragmatique et fonctionnelle n'est applicable. Voir l'arrêt Ha c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] 3 R.C.F. 195 (C.A.F.), aux paragraphes 42 à 44. L'interprétation et l'application de l'article 167 du Règlement est une question de droit et la norme d'examen est la décision correcte.

 

Voir : Demirovic c. Canada (Ministre de la Ciotyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1284 [Demirovic].

 

 

A) La situation des personnes converties au christianisme en Iran et la situation personnelle de la demanderesse

 

[13]           La décision de l’agente repose sur deux conclusions distinctes. L’agente a d’abord conclu que le risque auquel s’exposent les personnes converties au christianisme en Iran touche seulement celles qui font connaître publiquement leur conversion, et ensuite que la demanderesse ne serait pas exposée à ce risque puisqu’elle ne pratiquerait pas sa religion publiquement à son retour dans ce pays.

 

[14]           Il y a peu de désaccord entre les parties relativement à la première conclusion. L’analyse effectuée par l’agente est complète, et cette dernière avait le droit d’accorder une grande importance aux renseignements objectifs sur la situation en Iran : voir Sedarat c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 805. En effet, la Cour a récemment jugé que le risque d’être puni pour apostasie dans ce pays vise seulement les personnes converties au christianisme qui font du prosélytisme ou qui s’adonnent à des activités qui attireront sur elles l’attention des autorités iraniennes : voir par exemple, Saiedy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1367; Kazemian c. Canada (Solliciteur général), 2004 CF 874.

 

[15]           Le principal désaccord entre les parties concerne la conclusion de l’agente selon laquelle la demanderesse ne serait pas exposée à un risque étant donné qu’elle ne ferait pas connaître publiquement sa conversion et qu’elle ne ferait pas du prosélytisme. Pour parvenir à sa conclusion, l’agente a tenu compte des facteurs suivants : a) la demanderesse a affirmé qu’elle avait parlé de son Église à un voisin qui a commencé à assister aux services de l’Église et qu’elle entendait continuer de faire connaître sa foi; b) la demanderesse n’a produit aucune preuve permettant d’établir qu’elle fait du prosélytisme; c) la demanderesse n’a pas indiqué qu’elle avait fait du prosélytisme auprès de ses plus proches parents au Canada, c’est-à-dire son fils et son frère; d) le pasteur de la demanderesse a indiqué dans son affidavit qu’il craignait pour la sécurité de la demanderesse en Iran compte tenu que [traduction] « des actes de persécution sont actuellement commis contre les chrétiens en Iran, en particulier ceux convertis de l’islamisme », et non en raison des activités de prosélytisme de la demanderesse; e) le pasteur de la demanderesse n’a pas précisé dans son affidavit que la demanderesse était tenue de faire du prosélytisme et qu’elle le ferait à son retour en Iran.

 

[16]           La demanderesse conteste cette conclusion en alléguant que l’agente s’est montrée insensible à la situation générale relative aux droits de la personne en Iran. Elle soutient que l’agente a commis une erreur en s’appuyant sur les définitions des termes « prosélytisme » et « évangélisme » tirées des dictionnaires pour conclure que les activités qu’elle exerce ne peuvent être considérées comme l’exposant à un risque en Iran. Elle n'est pas d'accord non plus avec l’agente lorsque celle-ci la qualifie de [traduction] « femme réservée », car elle prétend que cette conclusion n’est pas fondée et ne tient pas compte du fait qu’elle a été baptisée en public et qu’elle ferait connaître sa foi.

 

[17]           Bien qu’il ne fasse aucun doute que les notions de prosélytisme et de faire connaître sa foi publiquement puissent être interprétées différemment en Iran et au Canada, la demanderesse a fourni, au mieux, des éléments de preuve limités quant aux manifestations publiques de sa nouvelle religion auxquelles elle aurait participé activement pendant son séjour au Canada. La seule preuve produite permettant d’établir que la demanderesse a fait connaître sa foi est le fait qu’elle a parlé de l’Église chrétienne à un voisin. De même, la demanderesse conteste l’inférence défavorable tirée par l’agente qui repose sur l’omission du pasteur de mentionner qu’elle ferait du prosélytisme à son retour en Iran, et elle réplique en faisant valoir que [traduction] « aux yeux d’un pasteur membre d’une Église évangélique, un chrétien engagé est tenu de faire du prosélytisme ».

 

[18]           Toutefois, les suppositions sur lesquelles s’appuie la demanderesse ne sont pas étayées par la preuve. Le fait que l’agente n’a pas tenu compte des hypothèses de fait proposées par la demanderesse ne constitue pas une erreur susceptible de révision. En effet, le pasteur ne dit rien à propos des activités de prosélytisme dans son affidavit, malgré les précisions qu’il donne au sujet de la demanderesse. Sur le fondement de la preuve dont disposait l’agente, il n’était pas manifestement déraisonnable de la part de celle-ci de conclure que faire connaître sa foi à des voisins ne correspond pas au genre d’activités qui exposeraient la demanderesse à un risque en Iran, même en tenant compte de la situation très difficile en matière de droits de la personne qui règne dans ce pays et de la situation précaire des minorités religieuses, surtout des personnes converties de l’islamisme au christianisme.

 

B) Les exigences relatives à l’obligation d’agir équitablement en matière de procédure et l’absence d’audience

[19]           Selon l’article 113 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), la décision de tenir une audience est laissée à la discrétion du ministre. L’alinéa b) de cet article est ainsi rédigé :

113. Il est disposé de la demande comme il suit :

 

 

[…]

 

b) une audience peut être tenue si le ministre l’estime requis compte tenu des facteurs réglementaires;

 

 

113. Consideration of an application for protection shall be as follows:

 

(…)

 

(b) a hearing may be held if the Minister, on the basis of prescribed factors, is of the opinion that a hearing is required

 

[20]           Les facteurs dont l’agent d’ERAR doit tenir compte avant de rendre sa décision sont énumérés à l’article 167 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le RIPR) :

 

167. Pour l’application de l’alinéa 113b) de la Loi, les facteurs ci-après servent à décider si la tenue d’une audience est requise :

a) l’existence d’éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur;

b) l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection;

c) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection.

 

 

167. For the purpose of determining whether a hearing is required under paragraph 113(b) of the Act, the factors are the following:

(a) whether there is evidence that raises a serious issue of the applicant's credibility and is related to the factors set out in sections 96 and 97 of the Act;

(b) whether the evidence is central to the decision with respect to the application for protection; and

(c) whether the evidence, if accepted, would justify allowing the application for protection.

 

 

 

[21]           Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que la conclusion de l’agente, selon laquelle la demanderesse n’a pas réussi à établir qu’elle s’exposerait à un risque si elle retournait en Iran, ne repose pas sur une conclusion défavorable quant à sa crédibilité. En fait, l’agente reconnaît l’authenticité de la conversion de la demanderesse et de la preuve qu’elle a produite sur la façon dont elle exprime sa foi. Cependant, l’agente refuse de déduire de ces constatations de fait que la demanderesse s’exposerait à un risque en Iran. Cette conclusion ne repose pas sur la crédibilité de la demanderesse. Comme le soutient cette dernière, bien qu’il puisse être vrai que sa demande aurait été acceptée si l’agente avait cru qu’elle pratiquerait sa religion publiquement et qu’elle recruterait des adeptes en vue de les convertir à son retour en Iran, il s’agit là d’une hypothèse qui n’était pas étayée par la preuve dont disposait l’agente. La demanderesse n’a jamais affirmé qu’elle entendait, à son retour en Iran, recruter des adeptes en vue de les convertir ou prêcher manifestement sa nouvelle religion, voire même,  jouer un rôle officiel au sein de son Église. Elle a seulement dit qu’elle ferait connaître sa foi en Iran. L’agente l’a crue mais n’a pas jugé qu’une activité de ce genre suffirait pour lui faire courir un risque d’après la preuve documentaire objective.

 

[22]           La demanderesse allègue aussi qu’elle avait le droit à une entrevue étant donné que les questions soulevées dans son ERAR n’étaient pas des questions que la SPR avait examinées. À mon avis, cette allégation est insuffisante pour donner le droit à une entrevue. Il ne s’agit pas de l’un des critères énumérés à l’article 167 de la LIPR, qui codifie l’obligation d’équité procédurale reconnue par la common law : voir, par analogie, la décision Demirovic.

 

[23]           La demanderesse avait-t-elle le droit de savoir pourquoi on avait refusé de lui accorder une entrevue, malgré ses demandes répétées en vue d’en obtenir une? La demanderesse estime qu’elle était en droit de savoir, et elle s’est en grande partie appuyée sur la décision de mon collègue le juge Kelen dans l’affaire Zokai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1103, dans laquelle il a écrit :

[11] Je reconnais avec le demandeur que les faits de l’espèce indiquent qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale. Dans sa demande ERAR, le demandeur a présenté une demande détaillée en vue d’obtenir une audience, en faisant référence expressément aux facteurs énumérés à l’article 167 du Règlement. L’agent ERAR n’a toutefois aucunement mentionné ces facteurs, ni les autres facteurs qui l’ont amené à décider de ne pas tenir une audience, malgré la demande en ce sens présentée par écrit. En fait, il n’existe aucun élément qui indique que l’agent a examiné l’opportunité de tenir une audience.

 

 

[24]           Je suis d’avis que les faits de la présente affaire se distinguent d’avec ceux de l’affaire Zokai, étant donné que la conclusion du juge Kelen était fondée non seulement sur le fait qu’une audience avait été demandée, mais aussi sur le fait que la crédibilité était essentielle à l’issue de l’affaire, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. La demanderesse elle-même semble avoir demandé une audience parce qu’elle craignait que l’agente conteste sa crédibilité. Dans les observations à l’appui de sa demande d’ERAR, la demanderesse a écrit : [traduction] « Si l’agente a des doutes quant à ma crédibilité, je demande qu’on m’accorde une entrevue pour que je puisse répondre directement à ces doutes. » Les craintes de la demanderesse, relevant de sa crédibilité, ne se sont donc pas concrétisées.

 

[25]           Il aurait été sans doute préférable d’expliquer à la demanderesse pourquoi on avait refusé de lui accorder une audience, compte tenu des nombreux motifs exposés dans l’arrêt Via Rail Canada Inc. c. Lemonde, [2000] A.C.F. no 1685 (QL) de la Cour d’appel fédérale, aux paragraphes 16 à 22. Cependant, j’hésite à rendre une telle explication obligatoire et ainsi ajouter au fardeau déjà lourd des agents d’ERAR, surtout lorsqu’une lecture attentive des motifs indique clairement que la question de la crédibilité n’était pas en cause. De toute façon, je ne crois pas que l’omission d’avoir fourni des explications en l’espèce justifie l’annulation de la décision et le renvoi de l’affaire à un autre agent d’ERAR, étant donné que l’exécution d’une telle obligation n’aurait aucune incidence sur l’issue de l’affaire.

 

[26]           Pour les motifs susmentionnés, je suis d’avis de rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Les parties n'ont proposé aucune question aux fins de certification, et la présente affaire n’en soulève aucune de toute manière.


ORDONNANCE

 

 

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

« Yves de Montigny »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif, LL.B., trad.


COUR FÉDÉRALE

 

                                        AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

DOSSIER :                                                                            IMM-892-07

 

INTITULÉ :                                                                           ASHRAF EBADI GHAVIDEL

                                            c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     VANCOUVER (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   LE 11 SEPTEMBRE 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                                           LE JUGE DE MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS :                                                          LE 20 SEPTEMBRE 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lobat Sadrehashemi                                                                  POUR LA DEMANDERESSE

 

Liliane Bantourakis                                                                   POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Pivot legal LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)                                             POUR LA DEMANDERESSE 

                                                    

 

John H Sims, c.r.                                                                        POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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