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Federal Court

 

Cour fédérale

 

 


Date : 20110204

Dossier : T-2159-09

Référence : 2011 CF 133

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 4 février 2011

En présence de monsieur le juge Mandamin

 

 

ENTRE :

 

ALLAN ARTHUR CRAWSHAW

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

défendeur

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur, M. Allan Arthur Crawshaw, sollicite le contrôle judiciaire du rejet par le sous-commissaire principal (le commissaire), le 27 octobre 2009, du grief qu'il avait présenté au sujet de l'implantation du dénombrement debout à l’Établissement de Mission de la Colombie-Britannique, établissement où le demandeur purge sa peine.

 

[2]               Le demandeur a déposé un grief au sujet de l'implantation du dénombrement debout effectué à 22 h 40. Pour un « dénombrement debout », comme le nom le laisse entendre, les prisonniers doivent être debout pour être dénombrés par les agents du Service correctionnel. Le demandeur soulevait un certain nombre d’objections dans son grief au sujet du dénombrement debout de 22 h 40. Étant donné que le grief porte sur une politique adoptée par le commissaire, elle a été examinée au palier le plus élevé du mécanisme de griefs, à savoir le troisième palier. Le commissaire a rejeté le grief.

 

[3]               Le demandeur sollicite maintenant le contrôle judiciaire en invoquant un seul motif : le commissaire n’a pas tenu compte du fait que le dénombrement debout de 22 h 40 affecte de façon préjudiciable et disproportionnée les autres détenus âgés et lui.

 

[4]               Pour les motifs qui suivent, je rejette la présente demande de contrôle judiciaire.

 

Contexte

[5]               Le demandeur est âgé de 62 ans; il est détenu dans l’Établissement Mission, un établissement à sécurité moyenne. Il purge une peine d’emprisonnement à perpétuité et n’aura pas le droit de demander la libération conditionnelle avant 25 ans, soit avant le 17 mai 2015. En raison de son âge et des diverses activités qu’il exerce en prison, notamment l’étude et le tutorat, le demandeur se couche habituellement entre 20 h 30 et 21 h.

 

[6]               Le « dénombrement debout » est défini de la façon suivante dans la Directive du commissionnaire 566-4 – Dénombrement des détenus et patrouilles de sécurité :

Dénombrement officiel des détenus, qui doivent se tenir debout en faisant face à l'employé procédant au dénombrement afin de permettre leur identification physionomique, sauf dans les cas où des exemptions pour des raisons médicales ou à cause de limitations physiques ont été signalées.

 

[7]               Le Bulletin a été publié en réaction aux recommandations d’une enquête du coroner et d’un rapport de l’Enquêteur correctionnel concernant les décès en établissement. Les recommandations qu’avait formulées le jury au cours de l’Enquête du coroner sur le décès d’un détenu à l’établissement de Collins Bay comprenaient ce qui suit :

1.      Nous recommandons que le Service correctionnel du Canada (SCC) réalise une étude de faisabilité visant à déterminer s’il est possible d’effectuer un dénombrement debout au moment de verrouiller les cellules pour la nuit.

 

2.      Il est recommandé que le SCC émette un bulletin de sécurité renforçant l’exigence actuelle selon laquelle le personnel de correction doit confirmer qu’un détenu est bel et bien en vie lors des dénombrements officiels et précise la façon dont cette vérification a été effectuée.

 

3.      Nous recommandons que l’agent de correction vérifie que tous les détenus sont en vie et qu’ils respirent, et ce, lors de chaque dénombrement.

 

Le rapport du bureau de l’Enquêteur correctionnel sur les décès en établissement examine également l’omission de la part de l’agent de correction de vérifier si les détenus sont encore vivants dans leur cellule et mentionne que cette question a été fréquemment soulevée dans l’examen des décès en établissement survenus entre 2001 et 2005.

 

[8]               Le 10 juillet 2009, le Service correctionnel du Canada (SCC) a publié un Bulletin de la direction de la sécurité qui signalait un changement dans les dénombrements debout effectués dans les établissements fédéraux. Le Bulletin énonçait que les dénombrements debout devaient être effectués de la façon suivante :

·        Deux dénombrements debout dans les établissements à sécurité moyenne, maximale ou à niveaux multiples, y compris les établissements de délinquantes;

 

·        Un des deux dénombrements doit être effectué entre 18 h et minuit.

 

[9]               Après avoir reçu le Bulletin, le personnel du SCC de l’Établissement Mission a consulté le Comité des détenus. Le 16 juillet 2009, la directrice adjointe Corinne Justason a annoncé qu’il avait été décidé qu’il serait plus pratique d’intégrer le dénombrement debout au dénombrement effectué au moment du verrouillage de l’unité à 22 h 40.

 

[10]           Le demandeur a déposé un grief de troisième palier, le 17 juillet 2009, en réponse à l’adoption du dénombrement debout de 22 h 40, dans lequel il soulève un certain nombre d’objections et demande que le dénombrement debout de 22 h 40 soit supprimé parce qu’il est arbitraire, vexatoire et sans base légale.

 

[11]           Le demandeur soutient que le Bulletin n’a pas force de loi parce qu’il s’agit uniquement d’une directive administrative. Il affirme que le SCC doit prendre en considération l’état de santé de tous les prisonniers âgés, renvoyant à l’article 87 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, dont il cite le passage suivant : « Les décisions concernant un délinquant […] doivent tenir compte de son état de santé et des soins qu’il requiert […] ». Il compare le dénombrement debout à une peine prenant la forme d'une privation de sommeil. Il affirme que le SCC viole l’article 11 de la Charte canadienne des droits et libertés et invoque l’article 7 de la Charte qui garantit l’équité procédurale. Il soutient que le dénombrement debout ne permet pas d’assurer la sécurité d’un détenu, d’un membre du personnel ou d’un citoyen canadien. Il prétend faire l’objet de discrimination en raison de son âge. Il soutient enfin que les détenus n’ont pas été consultés. Bref, le demandeur soulève toute une série de questions dans son grief contre le dénombrement debout de 22 h 40.

 

[12]           Son grief a été rejeté par le commissaire le 27 octobre 2009.

 

La décision attaquée

[13]           Dans la réponse au grief du délinquant datée du 27 octobre 2009, le commissaire regroupe les questions soulevées par le demandeur en quatre grandes catégories. Étant donné que le demandeur a principalement invoqué un aspect, l’effet du dénombrement debout de 22 h 40 sur lui-même et sur les détenus âgés, j’ai extrait et résumé les parties de la décision du commissaire qui se rapportent à la question ainsi soulevée par le demandeur dans la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[14]           Question un : Bulletin de sécurité : Le commissaire note que la directive au sujet du dénombrement debout effectué la nuit contenue dans le Bulletin fait suite aux recommandations qui figurent dans le rapport d’enquête du coroner et dans le Rapport sur les décès en établissement. Ce règlement ne constitue pas une peine, mais reflète plutôt le souci d’épargner des vies. En outre, il existe des exemptions au dénombrement debout; il faut invoquer des raisons médicales ou des limitations physiques.

 

[15]           Question deux : Danger du réveil : Le commissaire souligne que le paragraphe 11 de la DC 566‑4 prévoit que les détenus qui, pour des raisons médicales ou à cause de limitations physiques, ne sont pas en mesure, selon le chef des Services de santé ou le titulaire d’un poste équivalent, d’obéir à l'ordre de se tenir debout donné dans le cadre d’un dénombrement ne sont pas tenus de le faire. Le cas échéant, le détenu doit toutefois être éveillé et doit signaler sa présence au personnel d’une autre façon, habituellement par un signe de la main. Rien n’indique que le dénombrement de 22 h 40 mette gravement en danger la santé de l’ensemble de la population carcérale.

 

[16]           Question trois : Ciblage des personnes âgées : Le commissaire a écrit : [traduction] « Rien n'indique pourquoi vous estimez que les dénombrements debout punissent davantage les personnes âgées que les autres délinquants. Le Bulletin s’applique à tous les détenus et ne contient pas de disposition précisant quelles sont les personnes qui doivent participer au dénombrement. »

 

[17]           Question quatre : Participation du délinquant : Le commissaire note que le Comité des détenus a été consulté. Un certain nombre d’autres moments ont été envisagés et il a été décidé que le dénombrement de 22 h 40 était le plus efficace et le moins dérangeant. Les cellules sont déverrouillées le matin à 7 h, ce qui donne une période de huit heures entre les dénombrements.

 

[18]           Le commissaire a rejeté le grief du demandeur sur chacune des quatre catégories de questions ci-dessus, et a examiné l’ensemble des points soulevés dans le grief. Les passages de la réponse reproduits ci-dessus tirés des catégories que l’on retrouve dans la décision du commissaire concernent la question que le demandeur a soulevée dans la présente demande de contrôle judiciaire.

 

Dispositions législatives

[19]           Pour ce qui est de la santé et de la sécurité des détenus, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, 1992, ch. 20 (LSCMLC) dispose :

 

 

 

 

3. Le système correctionnel vise à contribuer au maintien d’une société juste, vivant en paix et en sécurité, d’une part, en assurant l’exécution des peines par des mesures de garde et de surveillance sécuritaires et humaines, et d’autre part, en aidant au moyen de programmes appropriés dans les pénitenciers ou dans la collectivité, à la réadaptation des délinquants et à leur réinsertion sociale à titre de citoyens respectueux des lois.

 

 

4. Le Service est guidé, dans l’exécution de ce mandat, par les principes qui suivent :

 

d) les mesures nécessaires à la protection du public, des agents et des délinquants doivent être le moins restrictives possible;

e) le délinquant continue à jouir des droits et privilèges reconnus à tout citoyen, sauf de ceux dont la suppression ou restriction est une conséquence nécessaire de la peine qui lui est infligée;

g) ses décisions doivent être claires et équitables, les délinquants ayant accès à des mécanismes efficaces de règlement de griefs;

h) ses directives d’orientation générale, programmes et méthodes respectent les différences ethniques, culturelles et linguistiques, ainsi qu’entre les sexes, et tiennent compte des besoins propres aux femmes, aux autochtones et à d’autres groupes particuliers;

 

70. Le Service prend toutes mesures utiles pour que le milieu de vie et de travail des détenus et les conditions de travail des agents soient sains, sécuritaires et exempts de pratiques portant atteinte à la dignité humaine.

 

 

87. Les décisions concernant un délinquant, notamment en ce qui touche son placement, son transfèrement, son isolement préventif ou toute question disciplinaire, ainsi que les mesures préparatoires à sa mise en liberté et sa surveillance durant celle-ci, doivent tenir compte de son état de santé et des soins qu’il requiert.

3. The purpose of the federal correctional system is to contribute to the maintenance of a just, peaceful and safe society by

(a) carrying out sentences imposed by courts through the safe and humane custody and supervision of offenders; and

(b) assisting the rehabilitation of offenders and their reintegration into the community as law-abiding citizens through the provision of programs in penitentiaries and in the community.

 

 

4. The principles that shall guide the Service in achieving the purpose referred to in section 3 are

(d) that the Service use the least restrictive measures consistent with the protection of the public, staff members and offenders;

(e) that offenders retain the rights and privileges of all members of society, except those rights and privileges that are necessarily removed or restricted as a consequence of the sentence;

 

(g) that correctional decisions be made in a forthright and fair manner, with access by the offender to an effective grievance procedure;

(h) that correctional policies, programs and practices respect gender, ethnic, cultural and linguistic differences and be responsive to the special needs of women and aboriginal peoples, as well as to the needs of other groups of offenders with special requirements;

 

 

70. The Service shall take all reasonable steps to ensure that penitentiaries, the penitentiary environment, the living and working conditions of inmates and the working conditions of staff members are safe, healthful and free of practices that undermine a person’s sense of personal dignity.

87. The Service shall take into consideration an offender’s state of health and health care needs

(a) in all decisions affecting the offender, including decisions relating to placement, transfer, administrative segregation and disciplinary matters; and

(b) in the preparation of the offender for release and the supervision of the offender.

 

[20]           La procédure de grief applicable aux détenus est prévue dans le Règlement concernant le système correctionnel, la mise en liberté sous condition et le maintien en incarcération (DORS/92-620), et est reproduite en annexe au présent jugement.

 

Les questions en litige

[21]           Le demandeur soutient que le commissaire n’a pas examiné la question centrale qu’il soulevait dans son grief, à savoir que le dénombrement debout de 22 h 40 a un effet préjudiciable et disproportionné sur le demandeur et sur les autres détenus âgés. Le demandeur soutient que le commissaire a refusé de façon irrégulière d’exercer sa compétence.

 

[22]           Le défendeur soutient que les questions en litige consistent à déterminer si le demandeur a bénéficié ou non de l’équité procédurale et si le commissaire a commis une erreur susceptible d’être révisée en fonction de la norme de contrôle applicable.

 

[23]           À mon avis, les questions en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire sont les suivantes :

a)      Le commissaire a-t-il omis d’examiner la question de savoir si le dénombrement debout touchait de façon préjudiciable et disproportionnée le demandeur et les autres détenus âgés, commettant ainsi une violation de l’équité procédurale?

b)      La réponse du commissaire était-elle raisonnable?

 

Norme de contrôle

[24]           Il existe désormais deux seules normes de contrôle : la norme de la décision raisonnable et celle de la décision correcte. Une analyse détaillée de la norme applicable dans une affaire donnée n’est pas exigée si la jurisprudence l’a déjà précisée. Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9.

 

[25]           La norme de contrôle applicable aux décisions prises aux termes de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition a été examinée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Sweet c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 51 (Sweet).

 

[26]           Dans Sweet, la Cour d’appel fédérale a jugé que la norme de la décision correcte s’appliquait aux questions de droit touchant l’équité procédurale, alors que c’est la norme de la décision raisonnable qui régit l’application des principes juridiques aux faits et que la norme de la décision manifestement déraisonnable (maintenant la raisonnabilité) s’applique aux conclusions de fait. Le paragraphe 14 de la décision Sweet confirme l’application de ces normes à la procédure de grief du SCC :

Pour déterminer la norme de contrôle qui s'applique aux décisions relatives aux griefs des prisonniers, la juge des demandes a adopté l'analyse décrite par le juge Lemieux dans Tehrankari c. Service correctionnel du Canada (2000), 188 F.T.R. 206 (1re inst.), au paragraphe 44. Après avoir effectué une analyse pragmatique et fonctionnelle, le juge Lemieux a conclu dans cette affaire que c'est la norme de la décision correcte qui s'applique si la question porte sur la bonne interprétation de la loi et celle de la décision raisonnable simpliciter si la question porte sur l'application des principes juridiques appropriés aux faits. La norme de la décision manifestement déraisonnable s'applique quant à elle aux pures questions de fait.

 

[27]           Par conséquent, les conclusions de fait et les conclusions mixtes de fait et de droit du commissaire s'apprécient en fonction de la norme de la décision raisonnable. La Cour examinera les décisions attaquées suivant la norme de la décision raisonnable et décidera si ces décisions constituent des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Dunsmuir au paragraphe 47.

 

Analyse

[28]           Le demandeur soutient que le processus de traitement des griefs vise à faire en sorte que le système correctionnel soit sécuritaire, humain et légal, et qu'il devrait accorder aux détenus la possibilité d’être entendu et de demander réparation selon un processus équitable et direct.

 

[29]           Le demandeur soutient que le commissaire n’a pas abordé une des questions centrales qu’il soulevait dans son grief, à savoir que lui et les autres détenus âgés étaient touchés de façon préjudiciable et disproportionnée par le dénombrement debout de 22 h 40, et qu’il demandait que soient prises des mesures d’adaptation pour tenir compte de son âge. Au lieu de rechercher s’il était possible de prendre des mesures d’adaptation pour les personnes âgées, le commissaire a uniquement recherché, soutient le demandeur, si les personnes âgées étaient directement ciblées.

 

[30]           Le demandeur affirme que le fait que le commissaire ait omis d’aborder directement la question centrale de son grief constitue une omission délictuelle d’exercer des compétences et des pouvoirs d’origine législative. Voilà comment il avait formulé son argument sur ce point :

[traduction] De nombreux prisonniers âgés, tout comme moi, seront touchés par ce dénombrement tardif et inutile. Très souvent, à cause du stress que cause la vie quotidienne en prison, j’ai été obligé de me mettre au lit très tôt pour réduire le stress et l’anxiété et pour pouvoir me reposer suffisamment pour vivre le jour stressant suivant et je fais maintenant l’objet de discrimination en raison de mon âge.

 

[31]           Le demandeur soutient maintenant que le point essentiel de son grief n’est pas de savoir si les personnes âgées sont « directement ciblées », mais s’il y a lieu de prendre des mesures d’adaptation pour les personnes âgées.

 

Le commissaire a-t-il omis d’examiner les questions soulevées par le demandeur?

[32]           Le demandeur affirme aujourd’hui que la question de savoir s’il y a lieu de prendre des mesures d’adaptation pour les personnes âgées est la question centrale, mais son grief de troisième palier n’indique aucunement qu’il s’agit là de la question centrale. Dans ce grief de troisième palier, le demandeur soulève une myriade de questions. Il ne demandait pas seulement des mesures d’adaptation pour lui-même et pour les autres détenus âgés à l’égard du dénombrement debout de 22 h 40, mais il demandait carrément la suppression du dénombrement debout de 22 h 40.

 

[33]           Dans sa réponse, le commissaire explique que le dénombrement debout vise à sauver des vies. Le commissaire explique également que la politique ne vise pas directement les personnes âgées et que le demandeur n’a pas expliqué pourquoi il estimait que les dénombrements debout étaient plus pénibles pour les personnes âgées que pour les autres délinquants.

 

[34]           Le demandeur admet, dans ses observations, que les personnes âgées ne sont pas visées particulièrement par rapport à la population carcérale, étant donné que le Bulletin s’applique à tous les détenus. Le demandeur soutient aujourd’hui qu’il est touché de façon disproportionnée par le dénombrement debout effectué de nuit en raison de son âge et que le commissaire n’a pas examiné son grief pour ce qui est de l’effet préjudiciable du dénombrement debout de 22 h 40.

 

[35]           À mon avis, le commissaire a examiné correctement le grief du demandeur en ce qui touche les effets préjudiciables de la façon suivante : premièrement, il a fait remarquer que le dénombrement debout a été implanté pour répondre à des recommandations visant à sauver des vies; deuxièmement, il a constaté l’absence d’éléments établissant que le dénombrement debout de 22 h 40 avait un effet préjudiciable sur les autres détenus âgés et troisièmement, il a mentionné qu’il était possible d’obtenir une exemption au dénombrement debout pour des raisons médicales ou à cause de limitations physiques.

 

La réponse du commissaire était-elle raisonnable?

[36]           Le demandeur cite la décision Wild c. Canada, 2004 CF 942, pour appuyer son argument selon lequel un détenu a le droit de dormir la nuit pour se reposer sans être réveillé inutilement. En l’espèce, dans cette affaire, le demandeur détenu était délibérément réveillé deux ou trois fois par nuit. Ce n’est pas la situation dans laquelle se trouve le demandeur actuellement puisque le dénombrement debout s’effectue régulièrement à l’heure prévue, soit 22 h 40.

 

[37]           Le commissaire a noté qu’il y a une période de huit heures entre le dénombrement debout de 22 h 40 et le dénombrement du déverrouillage des cellules le matin effectué à 7 h. J’estime que la conclusion du commissaire selon laquelle le dénombrement debout de 22 h 40 accorde aux détenus une période de sommeil appropriée est raisonnable.

 

[38]           Le commissaire savait que les détenus peuvent obtenir des exemptions pour des raisons médicales s’ils le demandent et s’ils répondent à certaines conditions. Le demandeur ne s’est jamais prévalu de la possibilité de demander une exemption personnelle pour des raisons médicales ou à cause de limitations physiques.

 

[39]           Il incombait au demandeur d’apporter des preuves indiquant que le dénombrement debout fait courir aux détenus âgés un risque important pour leur santé. Il est possible que le demandeur ne soit pas personnellement satisfait du moment choisi pour effectuer le dénombrement debout, mais il n’existe aucun élément établissant que d’autres détenus âgés ont été touchés de façon négative, en particulier compte tenu du fait que les détenus bénéficient d’une période ininterrompue de huit heures de sommeil et qu’ils peuvent obtenir des exemptions pour des raisons médicales ou à cause de limitations physiques.

 

Conclusion

[40]           Je conclus que la réponse fournie par le commissaire au grief du demandeur abordait de façon appropriée la question que le demandeur soulève maintenant dans le cadre du présent contrôle judiciaire.

 

[41]           J’estime également que la réponse du commissaire est conforme aux exigences de la raisonnabilité, à savoir que la décision est justifiée, transparente et intelligible et fait manifestement partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier, tel qu’exposé dans l’arrêt Dunsmuir, au par. 47. La réponse que le commissaire a fournie au grief de troisième palier du demandeur est raisonnable.

 

[42]           Je rejette la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[43]           Je ne rends aucune ordonnance quant aux dépens.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune ordonnance n’est rendue quant aux dépens.

 

 

 Leonard S. Mandamin »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


ANNEXE

 

 

Règlement concernant le système correctionnel, la mise en liberté sous condition et le maintien en incarcération (DORS/92-620) (le Règlement)

 

74. (1) Lorsqu'il est insatisfait d'une action ou d'une décision de l'agent, le délinquant peut présenter une plainte au supérieur de cet agent, par écrit et de préférence sur une formule fournie par le Service.

 

(2) Les agents et le délinquant qui a présenté une plainte conformément au paragraphe (1) doivent prendre toutes les mesures utiles pour régler la question de façon informelle.

 

(3) Sous réserve des paragraphes (4) et (5), le supérieur doit examiner la plainte et fournir copie de sa décision au délinquant aussitôt que possible après que celui-ci a présenté sa plainte.

(4) Le supérieur peut refuser d'examiner une plainte présentée conformément au paragraphe (1) si, à son avis, la plainte est futile ou vexatoire ou n'est pas faite de bonne foi.

 

(5) Lorsque, conformément au paragraphe (4), le supérieur refuse d'examiner une plainte, il doit fournir au délinquant une copie de sa décision motivée aussitôt que possible après que celui-ci a présenté sa plainte.

 

 

 

75. Lorsque, conformément au paragraphe 74(4), le supérieur refuse d'examiner la plainte ou que la décision visée au paragraphe 74(3) ne satisfait pas le délinquant, celui-ci peut présenter un grief, par écrit et de préférence sur une formule fournie par le Service :

a) soit au directeur du pénitencier ou au directeur de district des libérations conditionnelles, selon le cas;

b) soit, si c'est le directeur du pénitencier ou le directeur de district des libérations conditionnelles qui est mis en cause, au responsable de la région.

 

76. (1) Le directeur du pénitencier, le directeur de district des libérations conditionnelles ou le responsable de la région, selon le cas, doit examiner le grief afin de déterminer s'il relève de la compétence du Service.

(2) Lorsque le grief porte sur un sujet qui ne relève pas de la compétence du Service, la personne qui a examiné le grief conformément au paragraphe (1) doit en informer le délinquant par écrit et lui indiquer les autres recours possibles.

 

77. (1) Dans le cas d'un grief présenté par le détenu, lorsqu'il existe un comité d'examen des griefs des détenus dans le pénitencier, le directeur du pénitencier peut transmettre le grief à ce comité.

(2) Le comité d'examen des griefs des détenus doit présenter au directeur ses recommandations au sujet du grief du détenu aussitôt que possible après en avoir été saisi.

 

(3) Le directeur du pénitencier doit remettre au détenu une copie de sa décision aussitôt que possible après avoir reçu les recommandations du comité d'examen des griefs des détenus.

 

78. La personne qui examine un grief selon l'article 75 doit remettre copie de sa décision au délinquant aussitôt que possible après que le détenu a présenté le grief.

 

 

79. (1) Lorsque le directeur du pénitencier rend une décision concernant le grief du détenu, celui-ci peut demander que le directeur transmette son grief à un comité externe d'examen des griefs, et le directeur doit accéder à cette demande.

 

 

(2) Le comité externe d'examen des griefs doit présenter au directeur du pénitencier ses recommandations au sujet du grief du détenu aussitôt que possible après en avoir été saisi.

(3) Le directeur du pénitencier doit remettre au détenu une copie de sa décision aussitôt que possible après avoir reçu les recommandations du comité externe d'examen des griefs.

 

80. (1) Lorsque le délinquant est insatisfait de la décision rendue au sujet de son grief par le directeur du pénitencier ou par le directeur de district des libérations conditionnelles, il peut en appeler au responsable de la région.

(2) Lorsque le délinquant est insatisfait de la décision rendue au sujet de son grief par le responsable de la région, il peut en appeler au commissaire.

 

 

(3) Le responsable de la région ou le commissaire, selon le cas, doit transmettre au délinquant copie de sa décision motivée aussitôt que possible après que le délinquant a interjeté appel.

 

 

 

 

81. (1) Lorsque le délinquant décide de prendre un recours judiciaire concernant sa plainte ou son grief, en plus de présenter une plainte ou un grief selon la procédure prévue dans le présent règlement, l'examen de la plainte ou du grief conformément au présent règlement est suspendu jusqu'à ce qu'une décision ait été rendue dans le recours judiciaire ou que le détenu s'en désiste.

(2) Lorsque l'examen de la plainte ou au grief est suspendu conformément au paragraphe (1), la personne chargée de cet examen doit en informer le délinquant par écrit.

 

 

 

82. Lors de l'examen de la plainte ou du grief, la personne chargée de cet examen doit tenir compte :

 

a) des mesures prises par les agents et le délinquant pour régler la question sur laquelle porte la plainte ou le grief et des recommandations en découlant;

 

b) des recommandations faites par le comité d'examen des griefs des détenus et par le comité externe d'examen des griefs;

c) de toute décision rendue dans le recours judiciaire visé au paragraphe 81(1).

74. (1) Where an offender is dissatisfied with an action or a decision by a staff member, the offender may submit a written complaint, preferably in the form provided by the Service, to the supervisor of that staff member.

(2) Where a complaint is submitted pursuant to subsection (1), every effort shall be made by staff members and the offender to resolve the matter informally through discussion.

(3) Subject to subsections (4) and (5), a supervisor shall review a complaint and give the offender a copy of the supervisor's decision as soon as practicable after the offender submits the complaint.

(4) A supervisor may refuse to review a complaint submitted pursuant to subsection (1) where, in the opinion of the supervisor, the complaint is frivolous or vexatious or is not made in good faith.

(5) Where a supervisor refuses to review a complaint pursuant to subsection (4), the supervisor shall give the offender a copy of the supervisor's decision, including the reasons for the decision, as soon as practicable after the offender submits the complaint.

 

75. Where a supervisor refuses to review a complaint pursuant to subsection 74(4) or where an offender is not satisfied with the decision of a supervisor referred to in subsection 74(3), the offender may submit a written grievance, preferably in the form provided by the Service,

(a) to the institutional head or to the director of the parole district, as the case may be; or

 

(b) where the institutional head or director is the subject of the grievance, to the head of the region.

 

 

 

76. (1) The institutional head, director of the parole district or head of the region, as the case may be, shall review a grievance to determine whether the subject-matter of the grievance falls within the jurisdiction of the Service.

(2) Where the subject-matter of a grievance does not fall within the jurisdiction of the Service, the person who is reviewing the grievance pursuant to subsection (1) shall advise the offender in writing and inform the offender of any other means of redress available.

 

77. (1) In the case of an inmate's grievance, where there is an inmate grievance committee in the penitentiary, the institutional head may refer the grievance to that committee.

 

(2) An inmate grievance committee shall submit its recommendations respecting an inmate's grievance to the institutional head as soon as practicable after the grievance is referred to the committee.

(3) The institutional head shall give the inmate a copy of the institutional head's decision as soon as practicable after receiving the recommendations of the inmate grievance committee.

 

78. The person who is reviewing a grievance pursuant to section 75 shall give the offender a copy of the person's decision as soon as practicable after the offender submits the grievance.

 

79. (1) Where the institutional head makes a decision respecting an inmate's grievance, the inmate may request that the institutional head refer the inmate's grievance to an outside review board, and the institutional head shall refer the grievance to an outside review board.

(2) The outside review board shall submit its recommendations to the institutional head as soon as practicable after the grievance is referred to the board.

(3) The institutional head shall give the inmate a copy of the institutional head's decision as soon as practicable after receiving the recommendations of the outside review board.

 

80. (1) Where an offender is not satisfied with a decision of the institutional head or director of the parole district respecting the offender's grievance, the offender may appeal the decision to the head of the region.

(2) Where an offender is not satisfied with the decision of the head of the region respecting the offender's grievance, the offender may appeal the decision to the Commissioner.

(3) The head of the region or the Commissioner, as the case may be, shall give the offender a copy of the head of the region's or Commissioner's decision, including the reasons for the decision, as soon as practicable after the offender submits an appeal.

 

81. (1) Where an offender decides to pursue a legal remedy for the offender's complaint or grievance in addition to the complaint and grievance procedure referred to in these Regulations, the review of the complaint or grievance pursuant to these Regulations shall be deferred until a decision on the alternate remedy is rendered or the offender decides to abandon the alternate remedy.

(2) Where the review of a complaint or grievance is deferred pursuant to subsection (1), the person who is reviewing the complaint or grievance shall give the offender written notice of the decision to defer the review.

 

82. In reviewing an offender's complaint or grievance, the person reviewing the complaint or grievance shall take into consideration

(a) any efforts made by staff members and the offender to resolve the complaint or grievance, and any recommendations resulting therefrom;

(b) any recommendations made by an inmate grievance committee or outside review board; and

 

(c) any decision made respecting an alternate remedy referred to in subsection 81(1).

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-2159-09

 

 

INTITULÉ :                                       ALLAN ARTHUR CRAWSHAW c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 4 AOÛT 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

  ET JUGEMENT :                            LE JUGE MANDAMIN

 

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 4 FÉVRIER 2011

 

 

 

 

COMPARUTINONS :

 

M. Christopher C. Darnay

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Mme Keitha Elvin-Jensen

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Christopher Darnay

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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