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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110609

Dossier : IMM-4106-10

Référence : 2011 CF 668

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 9 juin 2011

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

 

MICHAL KALEJA

DAGMAR KALEJOVA

TEREZIE KALEJOVA

LUCIE KALEJOVA

MICHAELA KALEJOVA

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), datée du 17 juin 2010, dans laquelle il a été statué que les demandeurs n’avaient ni qualité de réfugié au sens de la Convention ni qualité de personne à protéger suivant les articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR).

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, la présente demande est rejetée.

 

I.          Le contexte

 

A.        Le contexte factuel

 

[3]               Les demandeurs sont des citoyens de la République tchèque. Le père, Michal Kaleja, est rom. Son épouse, Dagmar Kalejova, est caucasienne. Ils ont trois filles, Michaela, Terezie et Lucie, qui sont perçues comme rom. Les demandeurs craignent d’être persécutés en raison de leur race et de leur appartenance à un groupe social particulier.

 

[4]               Les demandeurs allèguent qu’ils ont subi des formes variées et continues de discrimination à cause de leur ethnicité rom. Le formulaire de renseignements personnels (FRP) du père relate le harcèlement, l’intimidation et les autres formes de persécution qu’il a subies dans son enfance, puis à l’âge adulte, aux mains de skinheads, de néo-nazis et de caucasiens. Les demandeurs ont régulièrement été l’objet de discrimination de la part de leurs voisins. Les enfants ont été harcelés à l’école.

 

[5]               Le FRP énumère plusieurs incidents précis. Ainsi, par exemple, des néo-nazis ont lancé un cocktail Molotov par la fenêtre des demandeurs en 2001. Le père soutient que des skinheads l’ont sauvagement attaqué en 2006. Il a été poignardé lors de cet incident. En 2002, des enfants caucasiens voisins ont menacé de tuer Lucie au moyen d’une pierre. Terezie a été faussement accusée d’avoir volé un téléphone cellulaire à l’école en 2000. On a appelé sa mère. La situation s’est envenimée, et la mère de Terezie a dû appeler la police.

 

[6]               Selon le FRP, la police a été appelée après chacun de ces incidents, mais le résultat a toujours été le même. La police interrogeait des gens, mais il n’arrivait jamais rien d’autre. Cependant, à au moins une occasion, le père a admis avoir eu trop peur pour porter des accusations.

 

[7]               Michaela a quitté le foyer familial en 2008 et n’y est pas retournée. Quelques semaines plus tard, des hommes russes ou ukrainiens seraient entrés chez les demandeurs et ils auraient attaqué la famille et l’auraient menacée de mort si elle cherchait à retrouver Michaela. La famille croyait que les jeunes hommes avaient des liens avec le copain ukrainien de Michaela. Peu de temps après cela, tous les membres de la famille, à l’exception de Michaela, ont pris des mesures pour quitter le pays, et ils sont arrivés au Canada le 12 mai 2008.

 

[8]               Michaela est arrivée seule à Toronto le 5 décembre 2008. Elle était enceinte. Elle a affirmé qu’elle avait séjourné en Ukraine avec son copain, le père de son enfant. Lors de l’entrevue au point d’entrée, elle a expliqué qu’elle s’était enfuie pour être avec son copain parce qu’elle avait peur de dire à ses parents qu’elle était enceinte. Son copain l’a mise à la porte cinq mois plus tard. À l’audience, le témoignage a révélé que le copain de Michaela était violent, et les demandeurs ont soutenu qu’ils avaient peur de lui et des autres hommes ukrainiens qui les avaient attaqués.

 

B.        La décision contestée

 

[9]               La Commission a statué que les éléments de preuve relatifs à l’ex-copain violent de Michaela n’étaient pas fiables et qu’il n’y avait pas de possibilité sérieuse que l’ex-copain en question risque de causer préjudice aux demandeurs.

 

[10]           Le reste de la demande a été évalué en fonction du risque de préjudice fondé sur l’ethnicité rom des demandeurs. La Commission a estimé que la question déterminante au regard de la demande d’asile était la protection de l’État. Elle a admis que les demandeurs avaient obtenu des résultats mitigés en ce qui avait trait à la capacité et la volonté de l’État de les protéger, mais la Commission a constaté que lorsque les demandeurs avaient alerté la police, celle-ci avait répondu à l’appel. La protection offerte n’avait pas toujours été efficace, mais la Commission a conclu, selon le critère du caractère adéquat de la protection, que les demandeurs n’avaient pas réussi à réfuter la présomption de protection de l’État. Les demandeurs ont été incapables de présenter une preuve claire et convaincante que l’État tchèque ne voulait ni ne pouvait assurer une protection adéquate. La Commission a ensuite examiné les efforts que la République tchèque avait déployés pour protéger les Rom, et le résultat de ces efforts. La Commission a conclu que les demandeurs « n’[avaient] pas tant connu l’échec de la protection de l’État que l’échec des mentalités de la société en République tchèque » et qu’il n’y avait aucun élément de preuve indiquant que les demandeurs ne pourraient pas raisonnablement s’attendre à obtenir une protection adéquate de l’État en cas de besoin.

 


II.        Les questions en litige

 

[11]           La présente demande soulève les questions suivantes :

(a)       La Commission a-t-elle tiré une conclusion déraisonnable quant à la crédibilité?

(b)       La Commission a-t-elle commis une erreur dans le cadre de son analyse relative à la protection de l’État?

(c)        La Commission a-t-elle méconnu l’allégation de persécution cumulative des demandeurs?

(d)        La Commission a-t-elle commis une erreur en ne procédant pas à une analyse distincte au regard de l’article 97?

 

III.       La norme de contrôle

 

[12]           Il est bien établi que les décisions de la Commission concernant la crédibilité ainsi que l’interprétation et l’appréciation des éléments de preuve par la Commission sont toutes susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Lawal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 558, au paragraphe 11; NOO c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1045, [2009] ACF no 1286, au paragraphe 38).

 

[13]           La question déterminante en l’espèce était celle de la protection de l’État. Il s’agit d’une question mixte de faits et de droit, qui relève du champ d’expertise de la Commission et qui est aussi susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Zupko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1319, au paragraphe 5).

 

[14]           Conformément à l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, le caractère raisonnable oblige à examiner la justification de la décision, la transparence et l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi que l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

IV.       Arguments et analyse

 

A.        La Commission a-t-elle tiré une conclusion déraisonnable quant à la crédibilité?

 

[15]           La Commission a conclu que le copain de Michaela ne constituait pas une menace à l’endroit de la famille, et, même si la Commission a erré à cet égard, elle a conclu à l’absence de crainte objective justifiée de préjudice ou de risque futur. La Commission a fondé cette première conclusion sur le caractère non fiable, selon elle, des éléments de preuve relatifs au copain. Michaela a affirmé dans son témoignage que son copain avait commencé à la frapper lorsqu’elle avait refusé de l’épouser, et pourtant, cette information n’avait pas été communiquée lors de l’entrevue au point d’entrée (l’EPO) ni dans le FRP. La conclusion concernant le risque pour l’avenir était fondée sur l’absence de preuve persuasive que le copain en question avait un pouvoir ou une influence quelconque qui lui permettrait de découvrir que l’un quelconque des demandeurs serait retourné en République tchèque, le cas échéant.

 

[16]           Les demandeurs soutiennent que la Commission a commis plusieurs erreurs. Premièrement, la Commission aurait dû considérer que le copain avait un intérêt à trouver Michaela puisqu’il a des droits et des obligations susceptibles d’exécution forcée à l’égard de l’enfant. Deuxièmement, la Commission a commis une erreur lorsqu’elle a tiré une inférence défavorable du manque de cohérence du témoignage de Michaela concernant la relation de violence. Troisièmement, la Commission a commis une erreur lorsqu’elle a omis d’expliquer pourquoi elle n’avait pas tenu compte des éléments de preuve selon lesquels le copain avait appelé Michaela et l’avait menacée au Canada.

 

[17]           Soit dit avec respect, je ne relève aucune erreur susceptible de révision relativement aux questions susmentionnées. La Commission a examiné, lors de l’audience, la possibilité que le copain veuille obtenir la garde de l’enfant. L’extrait qui suit démontre que les demandeurs ne se soucient pas véritablement d’une dispute éventuelle concernant la garde :

[TRADUCTION]

Q : Bon. Donc, le père et la mère ont tous deux des droits à l’égard de l’enfant, mais l’un d’entre eux, s’ils sont séparés, habituellement, l’un d’entre eux obtient la garde, ce qui signifie qu’il obtient de pouvoir prendre soin de l’enfant et de le garder et de l’élever, et ainsi de suite, et parfois, il faut qu’un tribunal intervienne pour décider lequel du père ou de la mère obtient la garde, et parfois, c’est la mère qui obtient l’enfant, tandis que le père est censé leur fournir un certain soutien financier et peut voir l’enfant de temps à autre, et parfois, c’est l’inverse qui se produit.

 

Y a-t-il un tribunal en République tchèque auquel vous ou votre fille pouvez vous adresser à cette fin? Si vous le savez.

 

R : Oui, c’est possible, mais cet enfant ne porte pas le nom de son père, et il ne figure pas sur le certificat de naissance comme enfant. (Dossier certifié du tribunal, à la page 602)

 

[18]           Pour ce qui concerne les conclusions concernant la crédibilité, la Commission pouvait raisonnablement, d’ailleurs conformément à une pratique habituelle bien admise, fonder ses conclusions à cet égard sur des omissions et des contradictions entre les notes consignées lors de l’EPO, les FRP et le témoignage d’un demandeur à l’audience. Le défendeur a porté à mon attention un énoncé concis du droit concernant les omissions dans les FRP, que j’admets, et qui consiste dans les propos suivants du juge Max Teitelbaum dans la décision Basseghi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 52 ACWS (3d) 165, [1994] A.C.F. no 1867 (QL), au paragraphe 33 :

[33]     Il n'est pas inexact de dire que les réponses fournies dans un FRP devraient être concises, mais il est inexact de dire que ces réponses ne devraient pas contenir tous les faits pertinents. Il ne suffit pas à un requérant d'affirmer que ce qu'il a dit dans son témoignage oral était un développement. Tous les faits pertinents et importants devraient figurer dans un FRP. Le témoignage oral devrait être l'occasion d'expliquer les informations contenues dans le FRP.

 

[19]           La Commission a expressément tenu compte des directives concernant la persécution fondée sur le sexe en rapport avec les éléments de preuve présentés par Michaela, et elle a affirmé, au paragraphe 11 de ses motifs :

Même si j’accepte et comprends que certaines femmes pourraient ne pas révéler immédiatement l’existence de mauvais traitements dans leur relation; dans ce cas-ci, l’ensemble des notes prises lorsqu’elle a pour la première fois présenté sa demande d’asile révèle une autre histoire.

 

[20]           Lors de l’EPO, Michaela a refusé de révéler le nom de son copain parce qu’elle ne voulait pas qu’il ait des ennuis avec les autorités tchèques. Elle a dit ne pas connaître son nom de famille ni savoir comment il gagnait sa vie. Elle a affirmé qu’il ne s’intéressait plus à elle. Elle a changé sa version des faits à l’audience. Il était loisible à la Commission d’en tirer une inférence défavorable, et la Cour doit confirmer cette conclusion dans la mesure où elle est raisonnable, ce que j’estime être le cas.

 

[21]           La Commission a tenu compte dans ses motifs de l’appel téléphonique menaçant, qu’elle mentionne expressément au paragraphe 14. La Commission n’en a pas mis l’existence en doute. Elle n’a toutefois pas été convaincue que le copain risquait de causer un préjudice à la famille à l’avenir. Compte tenu des éléments de preuve, cette conclusion était raisonnable.

 

[22]           Comme le soutient le défendeur, les observations des demandeurs au sujet des conclusions concernant la crédibilité ne constituent rien de plus qu’une invitation faite à la Cour d’apprécier de nouveau des éléments de preuve que la Commission a déjà évalués de manière raisonnable. Je dois donc décliner l’invitation à inventer un raisonnement différent puisque cela déborde du cadre des fonctions de la Cour lors d’un contrôle judiciaire.

 

B.        La Commission a-t-elle commis une erreur dans le cadre de son évaluation relative à la protection de l’État?

 

[23]           La question déterminante au regard de la présente demande d’asile était celle de la protection de l’État. La Commission a conclu que les demandeurs n’avaient pas présenté de preuve convaincante qu’ils ne pourraient pas raisonnablement s’attendre à ce que l’État leur offre une protection adéquate en cas de besoin.

 

[24]           Les demandeurs soutiennent que la Commission n’a pas appliqué le bon critère et qu’elle a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption de la protection de l’État. Dans leurs observations écrites, les demandeurs citent de longs extraits de jurisprudence au soutien de ces prétentions.

 

[25]           J’admets les observations du défendeur sur ce point. La Commission a appliqué le bon critère. La Cour a récemment confirmé à plusieurs reprises la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Carillo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 94, 69 Imm LR (3d) 309, selon laquelle le critère relatif à la protection de l’État tient au caractère adéquat de cette protection, et non à son efficacité comme telle. Le juge Richard Mosley l’a fait remarquer dans la décision Flores c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 723, où il a également affirmé qu’« [i]l ne suffit pas que le demandeur démontre que son gouvernement n’a pas toujours réussi à protéger des personnes dans sa situation » (au paragraphe 10).

 

[26]           La Commission n’est pas tenue de prouver que la République tchèque peut offrir une protection adéquate aux demandeurs; ce sont plutôt les demandeurs qui ont le fardeau légal de réfuter la présomption selon laquelle l’État peut leur fournir une protection adéquate, en présentant une preuve claire et convaincante qui convainc la Commission selon la prépondérance de la preuve (Carillo, précité, au paragraphe 30). La qualité de la preuve sera fonction du niveau de démocratie de l’État en cause (Avila c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 359, 295 FTR 35, au paragraphe 30).

 

[27]            La Commission a procédé à un examen approfondi des efforts que déployait actuellement la République tchèque pour protéger les Rom. La Commission a noté qu’il y avait des réserves quant au caractère adéquat de ces efforts, mais que la prépondérance des éléments de preuve indiquait que l’État prenait des mesures contre les extrémistes, qu’il ne tolérait pas les actes extrémistes ni n’y acquiesçait, et que ces mesures étaient efficaces. La Commission a noté en outre que la discrimination contre les Rom en République tchèque était largement répandue. Cependant, la République tchèque prend des mesures pour aider les Rom de plusieurs façons afin qu’ils puissent participer à la société tchèque. Ainsi, par exemple, l’État a créé une agence chargée de lutter contre l’exclusion sociale des Rom et d’améliorer leurs conditions socio-économiques en améliorant leur accès à l’emploi et à l’éducation ordinaire.

 

[28]           Les demandeurs n’ont présenté aucune preuve claire et convaincante que la République tchèque continuait de ne pas pouvoir ni vouloir les protéger. De fait, le père a relaté dans son FRP un incident lors duquel la police avait dit à une famille qui harcelait les demandeurs [TRADUCTION] « d’être reconnaissante que la famille Kaleja ne porte pas d’accusation et n’intente pas de poursuites. » Le père a ajouté qu’ils avaient peur de porter des accusations parce qu’ils craignaient d’être l’objet de représailles. Toutefois, la réticence à demander la protection de l’État ne prouve pas que cette protection n’existe pas.

 

[29]           Je conclus que la conclusion de fait de la Commission concernant la protection de l’État en République tchèque était raisonnable, et qu’elle a établi que la protection de l’État, bien que parfois inefficace, était adéquate.

 

C.        La Commission a-t-elle méconnu la prétention de persécution cumulative des demandeurs?

 

[30]           Les demandeurs soutiennent que la Commission a commis une erreur dans le cadre de son analyse en ne tenant pas compte des effets de la persécution cumulative. Je ne trouve pas cet argument persuasif. La théorie de la persécution cumulative admet la possibilité que des actes ne constituant pas de la persécution s’accumulent et suscitent une crainte justifiée de persécution. Dans la présente affaire, il n’a jamais été contesté que le harcèlement et la discrimination que les demandeurs avaient subis constituaient de la persécution fondée sur leur ethnicité. La Commission n’en a pas conclu autrement. Cependant, elle a conclu que l’État était capable d’offrir une protection adéquate aux demandeurs, et cela a déterminé le sort de la demande d’asile des demandeurs.

 

[31]           Les demandeurs ont invoqué l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Munderere, 2008 CAF 84, 291 DLR (4th) 68, au soutien de leur argument fondé sur la persécution cumulative. Cependant, comme le soutient le défendeur, l’arrêt Munderere réaffirme que, comme la Commission l’a statué en l’espèce, la disponibilité de la protection de l’État est cruciale lorsqu’il s’agit de déterminer si le demandeur a une crainte justifiée de persécution. La Cour a affirmé au paragraphe 45 :

[45]     Il n’en demeure pas moins que, peu importe que le demandeur d’asile invoque un seul incident ou sur une série d’événements considérés globalement, il a l’obligation de convaincre la Commission qu’au moment de l’audience, il a raison de craindre d’être persécuté dans le pays à l’égard duquel il cherche la protection. Il doit démontrer que, du fait d’un des motifs prévus par la Convention, il ne peut pas ou ne veut pas se réclamer de la protection de ce pays. Ainsi, dans le cas qui nous occupe, peut-on affirmer que les intimés ne peuvent pas ou ne veulent pas se réclamer de la protection du Rwanda? En d’autres termes, le Rwanda est-il en mesure de protéger les intimés s’ils retournent dans ce pays?

 

 

D.        La Commission a-t-elle commis une erreur en omettant de procéder à une analyse distincte au regard de l’article 97?

 

[32]           Voici l’essentiel de l’analyse de la Commission au regard de l’article 97 :

Outre l’information examinée ci-dessus, il ne reste aucune information à prendre en considération pour trancher au sujet d’une demande d’asile présentée suivant cet article. Par conséquent, je conclus que les demandeurs d’asile n’ont pas qualité de personne à protéger, et leurs demandes d’asile fondées sur l’article 97 de la LIPR sont rejetées.

 

 

[33]           Le demandeur soutient que les demandeurs ont droit à une analyse distincte au regard de l’article 97 s’il y a des éléments de preuve crédibles.

 

[34]           La jurisprudence sur cette question est partagée, mais, selon le juge Mosley, au paragraphe 22 de la décision Soleimanian c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1660, 135 ACWS (3d) 474 :

[22]     La Cour semble être arrivée à un consensus selon lequel une analyse séparée de l'article 97 n'est pas requise lorsqu'il n'y a pas de preuve pouvant démontrer que le demandeur a la qualité de personne à protéger […]

 

[35]           Dans cette affaire, la Cour a conclu que la Commission ne disposait d’aucun autre élément de preuve indiquant que le demandeur avait qualité de personne à protéger. De même, dans la présente affaire, la demande des demandeurs fondée sur l’article 97 reposait entièrement sur l’affirmation selon laquelle les demandeurs seraient persécutés parce qu’ils étaient rom. Le seul autre motif pour lequel la Commission aurait pu statuer que les demandeurs avaient qualité de personne à protéger en vertu de l’article 97 tenait à leur crainte de l’ex-copain de Michaela. Cependant, une conclusion défavorable quant à la crédibilité en rapport avec une demande fondée sur l’article 96 élimine la nécessité d’examiner la demande au regard de l’article 97 (Mejia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 410). Les éléments de preuve au regard des deux articles étaient les mêmes, et ils ont été présentés ensemble en vue de l’obtention d’une décision favorable en vertu de l’un ou l’autre article, mais ils ont été considérés comme insuffisants à cette fin.

 

V.        Conclusion

 

[36]           L’avocat du demandeur a proposé la question suivante à des fins de certification :

[TRADUCTION]

Compte tenu de l’arrêt F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53, le critère de la preuve « claire et convaincante » a-t-il été éliminé relativement à la qualité de la preuve requise pour réfuter la présomption de protection de l’État?

 

J’ai examiné les observations formulées pour le compte du demandeur et du défendeur, et je conclus que la question énoncée ci-dessus ne devrait pas être certifiée. Je ne vois aucune contradiction entre l’arrêt F.H. c. McDougall, qui traitait de la norme de preuve applicable dans des affaires civiles, et l’exigence faite à un demandeur de présenter une « preuve claire et convaincante » afin de réfuter la présomption de la protection de l’État, de sorte que j’estime que la question proposée n’est pas une question ayant des conséquences importantes.

 

[37]           Compte tenu des conclusions qui précèdent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice‑conseil


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4106-10

 

INTITULÉ :                                       KALEJA ET AL. c. MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 17 FÉVRIER 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 9 JUIN 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Micheal Crane

 

POUR LES DEMANDEURS

Alex Kam

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Michael Crane

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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