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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 

Date : 20110706

Dossier : IMM-4923-10

Référence : 2011 CF 824

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 6 juillet 2011

En présence de monsieur le juge Beaudry

 

 

ENTRE :

 

ZHALEH RABIEE

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, déposée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 26 (la LIPR), d’une décision rendue par un agent des visas (l’agent) le 11 juillet 2010, par laquelle la demande de résidence permanente au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés de la demanderesse a été rejetée.

 

[2]               Pour les motifs suivants, la présente demande sera rejetée.

 

Les faits

[3]               La demanderesse a déposé une demande de résidence permanente, au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés en tant que médecin spécialiste (classification nationale des professions [CNP] no 3111) en mars 2009.

 

[4]               La demanderesse a réalisé ses études en médecine en Iran, puis un internat de deux ans. Elle a par la suite suivi un programme de résidence de quatre ans à la fin duquel elle a obtenu le titre de spécialiste agréé. La demanderesse a présumé que l’obtention de la spécialité était similaire à celle d’un doctorat et, par conséquent, elle se verrait accorder 25 points en raison de ses études aux termes de l’alinéa 78(2)f) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement).

 

[5]               Lorsque la demande de la demanderesse a été évaluée en janvier 2010, elle a reçu 64 points d’appréciation. Puisque 67 points sont requis pour réussir la sélection, sa demande a été rejetée.

 

[6]               La demanderesse a contesté la décision défavorable en déposant une demande à la Cour fédérale. Dans cette demande, la demanderesse soutenait que l’agent avait fait trois erreurs susceptibles de contrôle : premièrement, l’agent avait évalué le dossier de la demanderesse selon la catégorie « omnipraticienne » (CNP no 3112) contrairement à la catégorie « spécialiste » (CNP no 3111). Deuxièmement, la demanderesse a allégué qu’il avait commis une erreur dans l’évaluation de ses capacités linguistiques et qu’elle aurait dû recevoir deux points supplémentaires. Troisièmement, la demanderesse a prétendu que l’agent lui avait accordé 22 points pour ses études, en tenant pour acquis que tous ses diplômes étaient du premier cycle universitaire. La demanderesse a soutenu qu’elle aurait dû recevoir 25 points en raison de la spécialité qu’elle a obtenue en dermatologie.

 

[7]               Après avoir examiné le dossier de la demande, l’avocat pour le défendeur, M. Joseph, a écrit à l’avocat de la demanderesse pour lui faire part de l’offre de règlement suivante :

 

                                                               i.      La demanderesse met fin à sa demande de contrôle judiciaire;

                                                             ii.      Le dossier sera réévalué par un autre agent;

                                                            iii.      Aucune des parties n’aura droit aux dépens.

 

[8]               La demanderesse a accepté cette offre et a déposé un avis de désistement relativement à sa demande de contrôle judiciaire. Il n’y a pas eu d’autre discussion concernant les conditions de règlement.

 

[9]               La demande de la demanderesse a été réévaluée par une autre agente qui lui a accordé 66 points, ce qui est encore inférieur aux 67 points requis. Les deux points additionnels qui lui ont été accordés étaient dans la catégorie des études en raison du sous‑alinéa 78(2)e)(ii).

 

La décision contestée

[10]           L’agente a évalué la demande de la demanderesse selon la catégorie de « médecin spécialiste » (CNP no 3111) et a tiré les conclusions suivantes :

 

Points accordés

Maximum

Âge

8

10

Études

22

25

Expérience

21

21

Emploi réservé

0

10

Compétences linguistiques dans les langues officielles

6

24

Adaptabilité

9

10

Total

66

100

 

Les études

[11]           Tel qu’il est présenté précédemment, l’agente a accordé à la demanderesse 22 points à la catégorie des études. L’agente a pris en note l’allégation de la demanderesse selon laquelle elle possède un doctorat en médecine, mais l’agente a estimé que, dans le contexte canadien et le cadre légal de la LIPR, elle ne pouvait accorder à la demanderesse l’équivalent d’un doctorat.

 

[12]           L’agente a jugé que l’essence même du terme « doctorat » sous‑entend des études supérieures à la maîtrise. Étant donné que la demanderesse n’avait jamais obtenu de maîtrise, elle ne pouvait être considérée comme ayant un doctorat. L’agente s’est servie de la définition d’un doctorat selon l’université du Wisconsin pour étayer son argument [traduction] : « Un doctorat ou un diplôme équivalent désigne des études de deuxième cycle réalisées en plus de celles nécessaires à l’obtention de la maîtrise. »

 

[13]           En conséquence, l’agente a accordé 22 points parce qu’elle « a obtenu au moins deux diplômes universitaires de premier cycle et a accumulé un total d’au moins quinze années d’études ».

 

[14]           L’agente a aussi cité le guide opérationnel de traitement des demandes à l’étranger OP 6 (le guide) qui prévoit que les diplômes professionnels, tels que les diplômes en médecine, sont considérés comme des diplômes universitaires pour lesquels on accorde 20 points.

 

Les questions en litige

[15]           Les questions à trancher dans la présente demande sont les suivantes :

a.       Est‑ce que l’agente a commis une erreur susceptible de contrôle lors de l’évaluation du nombre de points d’études à accorder à la demanderesse?

b.      Y a-t-il eu une admission antérieure de la part de M. Joseph que la demanderesse devrait recevoir 25 points en raison de ses études?

c.       Dans l’affirmative des questions précédentes, la demanderesse a-t-elle droit à des dépens?

 

La norme de contrôle

[16]           En l’espèce, il faut trancher des questions mixtes de faits et de droit. Par conséquent, la norme de la raisonnabilité sera appliquée (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, paragraphe 47).

 

a. Est-ce que l’agente a commis une erreur susceptible de contrôle lors de l’évaluation du nombre de points d’études à accorder à la demanderesse?

Les arguments de la défenderesse

[17]           La demanderesse affirme que la question principale est de savoir si les trois diplômes d’études qu’elle a obtenus (1- le premier diplôme de médecine, 2- l’internat 3- le titre de spécialiste) sont tous des diplômes universitaires de premier cycle.

 

[18]           La demanderesse prétend qu’en plus de son diplôme de médecine, son internat et sa licence pour pratiquer la médecine, elle a acquis quatre années supplémentaires de formation afin d’obtenir son diplôme de spécialiste. Elle affirme que ces quatre années supplémentaires doivent représenter quelque chose de similaire à la maîtrise ou au doctorat, qui dans les deux cas lui accorderait 25 points pour ses études.

 

[19]           Elle fait référence aux descriptions des deux catégories du CNP qu’elle croit que l’agente a mélangées : la première est la catégorie omnipraticiens et médecins en médecine familiale (CNP no 3112) qui exige le baccalauréat, le diplôme d’une faculté de médecine reconnue et la réalisation de deux ou trois années de médecine familiale en résidence ou la réussite des examens du Conseil médical du Canada et l’obtention d’une licence décernée par une province ou un territoire. La demanderesse souligne que cette description mentionne aussi qu’ « [u]ne formation supplémentaire permet aux omnipraticiens et aux médecins de médecine familiale de devenir médecins spécialistes ».

 

[20]           À l’opposé, la demanderesse allègue que la catégorie des médecins spécialiste (CNP no 3111) exige que les demandeurs aient un baccalauréat ès sciences, un diplôme d’une faculté de médecine reconnue et une formation dans une spécialité particulière (4 à 5 années de formation de spécialité en résidence).

 

[21]           Elle prétend que le guide auquel a fait référence l’agente ne fournissait malheureusement qu’une explication au sujet des « docteurs » sans spécifier la distinction entre un omnipraticien et un médecin spécialiste. Elle soutient que les deux agents ont ignoré la section du guide qui stipule que « [s]’il s’agit d’un diplôme de deuxième cycle et s’il est délivré par une faculté des Études supérieures, par exemple, 25 points pourraient être accordés ».

 

[22]           Elle cite la partie suivante du guide : « Si le baccalauréat est un prérequis, mais que le diplôme en soi est considéré comme un diplôme de premier cycle, 22 points seront accordés ». La demanderesse prétend que son diplôme en médecine et son diplôme de spécialiste ne peuvent être obtenu en même temps, par exemple, un diplôme en psychologie de l’enfant et un diplôme en psychologie expérimentale, parce que les diplômes ne sont pas considérés comme étant du même cycle. La demanderesse allègue aussi que si on ne peut affirmer que les diplômes universitaires sont du même cycle, alors l’agent doit suivre le Règlement et accorder 25 points en vertu de l’alinéa 78(2)f).

 

[23]           La demanderesse soutient que l’erreur de l’agente démontre sa mauvaise foi. L’agente possédait toutes les observations présentées à la première demande (lesquelles avaient été acceptées par l’avocat du défendeur).

 

[24]           Elle souligne que les documents fournis à l’agente contenaient la preuve que le bureau des visas avait traditionnellement et continuellement reconnu un diplôme de deuxième cycle en dermatologie comme faisant partie de la catégorie valant 25 points. La demanderesse prétend que ce renseignement n’a pas été mentionné par l’agente.

 

[25]           Elle allègue finalement que l’agente s’était fiée à des définitions de Wikipédia et de l’université du Wisconsin, et soutient que le guide requiert que les évaluations des études soient réalisées selon les normes relatives aux études qui s’appliquent au bureau des visas donné.

 

Les arguments du défendeur

[26]           Le défendeur soutient que la demanderesse détient un diplôme en médecine, ce qui est considéré comme un diplôme de premier cycle. Il affirme qu’en tant que tel, le diplôme sans spécialisation aurait valu à la demanderesse 20 points en application du sous‑alinéa 78(2)d)(ii) (un diplôme universitaire de premier cycle nécessitant deux années d’études et […] un total d’au moins quatorze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein).

 

[27]           Puisque la demanderesse a aussi effectué une spécialisation en dermatologie, elle peut prétendre à deux points additionnels comme le prévoit le sous‑alinéa 78(2)e)(ii) (deux diplômes universitaires de premier cycle). En conséquence, le défendeur allègue qu’il était raisonnable pour l’agente d’accorder 22 points à la demanderesse.

 

[28]           Le défendeur soutient de plus que l’agente n’était pas convaincue que le diplôme en spécialisation de la demanderesse n’était pas un diplôme de maîtrise ou de doctorat puisqu’il n’y avait pas d’élément de preuve satisfaisant que la spécialisation remplissait les conditions d’un diplôme de deuxième cycle comme l’exige l’alinéa 78(2)f) du Règlement.

 

Analyse

[29]           La décision de l’agente appartient aux issues raisonnables (Dunsmuir, paragraphe 47). L’agente a justifié sa décision que le diplôme en spécialisation de la demanderesse ne constituait pas un diplôme de même cycle que la maîtrise ou le doctorat. Étant donné qu’il n’y avait pas d’élément de preuve démontrant que la spécialisation en question équivalait à des études de deuxième cycle, la décision était soumise au pouvoir discrétionnaire de l’agente et la Cour n’est pas convaincue que cette conclusion était déraisonnable. Il ne revient pas à la Cour de réévaluer la preuve (Yu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1263).

 

[30]           La demanderesse cite l’affaire Rabeya c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 370 [2011] ACF no 479, pour étayer sa prétention selon laquelle elle aurait dû recevoir 25 points pour ses études. Les faits de cette affaire sont très différents de l’espèce. Dans l’affaire Rabeya, la demanderesse avait obtenu une maîtrise en administration des affaires (M.B.A. en marketing) après qu’elle ait eu une maîtrise ès arts (M.A.). La Cour est arrivée à la conclusion qu’il était déraisonnable pour l’agent d’ignorer le deuxième diplôme (M.B.A. en marketing) parce qu’il était du même cycle que le premier (M.A.).

 

[31]           L’agente dans la présente affaire a expliqué clairement aux paragraphes 9 et 10 de son affidavit qu’elle avait accordé à la demanderesse 22 points sur une possibilité de 25 pour les études de la demanderesse. Il n’y a pas d’erreur susceptible de contrôle.

 

 

b. Y a-t-il eu une admission antérieure de la part de M. Joseph que la demanderesse devrait recevoir 25 points en raison de ses études?

[32]           La demanderesse maintient que M. Joseph (l’avocat du défendeur), en souscrivant au fait que l’évaluation faite par le premier agent devait faire l’objet d’une réévaluation, est une indication que M. Joseph était convaincu qu’il y avait une présumée erreur dans les points accordés pour les études. La deuxième agente aurait dû reconnaître cette admission et accorder 25 points à la demanderesse.

 

[33]            Rien n’indique que le défendeur a reconnu une erreur commise par l’agent dans l’évaluation des points pour les études. L’offre de règlement a été présentée « sans préjudice » et, par conséquent, les arguments de la demanderesse ne peuvent être retenus par la Cour.

 

[34]           Compte tenu des conclusions de la Cour sur les deux questions précédentes, la troisième question ne requiert pas d’examen.

 

[35]           La demanderesse soumet la question suivante aux fins de certification :

1.                                           Est-ce qu’un diplôme de spécialiste en dermatologie, soit le critère d’études présenté qui correspond à la CNP n3111, doit être évalué selon le sous‑alinéa 78(2)e)(ii) ou l’alinéa 78(2)f) lorsqu’il n’y a pas d’élément de preuve direct que le diplôme en dermatologie a été délivré par une faculté d’études de deuxième cycle.

 

[36]           Le défendeur s’oppose à une telle question, car elle est trop spécifique et elle n’est pas de portée générale. La Cour souscrit à cette position et conclut que la question ne traite que des faits en l’espèce et que, par conséquent, elle ne devrait pas être certifiée.

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que :

1.                  La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. 

2.                  Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Michel Beaudry »

Juge

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme,

Evelyne Swenne, traductrice‑conseil


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4923-10

 

INTITULÉ :                                       Zhaleh Rabiee et MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 27 juin 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE BEAUDRY

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 6 juillet 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Cecil L. Rotenberg, c.r.

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

Martin Anderson

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Cecil L. Rotenberg, c.r.

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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