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Date : 20111107


Dossier : IMM-261-11

Référence : 2011 CF 1267

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 7 novembre 2011

En présence de monsieur le juge Scott

 

 

ENTRE :

MARTIN ROCHA CASTOR

MARIA GUADALUPE PINA CRUZ

DAYANE PAOLA ROCHA PINA

 

demandeurs

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de la part de Martin Rocha Castor (M. Castor), le demandeur principal, de Mme Maria Guadalupe Pina Cruz (Mme Cruz), la demanderesse associée, et de Mlle Dayane Paola Rocha Pina (Mlle Pina), la fille mineure des demandeurs (tous appelés, collectivement, les demandeurs); cette demande a été présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001 (la LIPR) en vue de soumettre à un contrôle judiciaire la décision que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rendue le 14 décembre 2010.

 

[2]               La Commission a conclu que les demandeurs n’avaient ni la qualité de réfugiés au sens de la Convention ni celle de personnes à protéger au sens des articles 96 et 97 de la LIPR.

 

[3]               Pour les motifs qui suivent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

I.          Les faits

 

[4]               Le 10 mars 2005, à 2 heures du matin, M. Castor rentrait chez lui après le travail quand il a aperçu trois hommes se trouvant sur le toit de la maison et de l’entreprise de son voisin. Les voleurs ont rapidement pris la fuite, mais M. Castor les a reconnus. Il a ensuite réveillé ses parents et s’est présenté chez le voisin. Le lendemain, il a signalé le vol à la police en compagnie de son voisin. Il a identifié les trois hommes comme étant Carlos Cobarrubias, Jesus Sabala Cruz et Pedro Ruiz.

 

[5]               Le 12 mars 2005, vers 20 heures, les trois hommes impliqués dans la tentative de vol commise deux jours plus tôt se sont présentés devant la maison de M. Castor, et ils ont pointé des armes et crié des menaces de mort à son intention. Le lendemain, M. Castor s’est présenté à la police pour signaler les menaces de mort.

 

[6]               Le même jour, M. Castor et ses parents sont allés aux domiciles des trois hommes en vue de négocier une trêve. Ils y sont arrivés avec Carlos Cobarrubias et Jesus Cruz. Cependant, aucune entente n’a été conclue avec Pedro Ruiz. Ce dernier avait un casier judiciaire et il était sous le coup d’un mandat d’arrestation. Après le dépôt du second rapport de police, Pedro Ruiz a été arrêté et condamné à cinq ans de prison. Quelques mois plus tard, Pedro Ruiz a envoyé à M. Castor des messages de menaces depuis la prison.

 

[7]               M. Castor a rencontré par hasard, à quelques occasions, le frère de Pedro, Rojelio Ruiz. Chaque fois, ce dernier lui a lancé des insultes et des menaces.

 

[8]               Le 14 avril 2005, les menaces se sont transformées en coups. Rojelio a assommé M. Castor d’un coup de bâton. Ce dernier dit avoir repris conscience deux jours plus tard dans un hôpital où il avait été admis. L’hôpital a signalé l’incident à la police, mais, quand cette dernière s’est présentée pour interroger M. Castor, celui-ci a dit qu’il avait été heurté par une pierre qui était tombée. À l’audience, M. Castor a expliqué qu’il n’avait voulu rien dire à la police de crainte que cela aggrave sa situation.

 

[9]               Par la suite, M. Castor a déménagé sa famille dans une nouvelle maison, située à une dizaine de minutes en automobile de leur précédente demeure.

 

[10]           Le 5 mars 2006, les demandeurs ont quitté le Mexique pour le Canada, à la suite d’une invitation du frère de Mme Cruz, résident canadien.

 

[11]           En septembre 2006, Rojelio Ruiz a été assassiné au Mexique et son frère, Alberto Ruiz, a juré de se venger contre les ennemis de la famille, dont M. Castor.

 

[12]           M. Castor travaillait au Canada à titre de travailleur étranger temporaire; il a demandé que l’on prolonge la durée de son permis de travail, mais sa demande a été rejetée. Les demandeurs sont rentrés au Mexique en février 2007.

 

[13]           Les demandeurs ont passé les quatre mois suivants à Torreon. M. Castor a appris qu’Alberto Ruiz s’était joint aux Zetas, un groupe de trafiquants de drogue.

 

[14]           En mai 2007, alors que M. Castor était en route vers le domicile de ses parents, le camion qu’il conduisait a été atteint de plusieurs balles tirées par Alberto Ruiz, qui était debout dans la rue et qui pointait une arme dans sa direction. Il a porté plainte et a indiqué que c’était Alberto Ruiz qui était responsable de l’incident. M. Castor soutient que la police n’est pas intervenue.

 

[15]           En juin 2007, M. Castor est revenu au Canada en tant que touriste et, en décembre 2007, Mme Cruz et Mlle Pina l’ont rejoint au pays. Les demandeurs ont tenté d’obtenir un statut officiel au Canada et, en janvier 2009, Mme Cruz et Mlle Pina ont séjourné au Mexique durant quatre mois, pendant que Mme Cruz attendait que l’on traite sa demande dans la catégorie des aides familiaux. C’est durant ce séjour que Mme Cruz a donné naissance à leur second enfant.

 

[16]           Mme Cruz a témoigné que des membres des Zetas se sont présentés à l’école que fréquentait sa fille en vue de rançonner les élèves. L’incident lui a fait peur et elle a retiré sa fille de l’école, craignant que cette dernière soit une cible des Zetas.

 

[17]           Le 25 avril 2009, Mme Cruz et Mlle Pina sont entrées au Canada. Les demandeurs ont présenté leurs demandes d’asile le 27 avril suivant.

 

[18]           La Commission a conclu que les demandeurs n’avaient pas la qualité de réfugiés au sens de la Convention. Elle a également conclu qu’ils ne seraient pas exposés à une menace à leur vie, à un risque de traitements ou peines cruels et inusités ou à un risque de torture s’ils retournaient au Mexique.

 

[19]           Par ailleurs, la Commission a conclu qu’il existait une possibilité de refuge intérieur (la PRI) raisonnable à Guadalajara et à Monterrey. En évaluant la preuve, elle a pris en considération le fait que M. Castor détenait un diplôme d’études secondaires et qu’il avait de l’expérience comme technicien en électronique industrielle. Elle a également conclu que les demandeurs ressentaient une crainte généralisée à l’égard des Zetas, une crainte que partageait la population dans son ensemble.

 

[20]           La Commission a rejeté leurs demandes.

 

II.        Les dispositions législatives applicables

 

[21]           Les articles 96 et 97 de la LIPR sont rédigés en ces termes :

Définition de « réfugié »

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

Personne à protéger

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

 

Personne à protéger

 

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

 

 

III.       Les questions en litige et la norme de contrôle applicable

 

A.        Les questions en litige

 

·                    La Commission a-t-elle commis une erreur en omettant de prendre en considération des documents pertinents quand elle a conclu que les demandeurs bénéficiaient d’une protection de l’État?

 

·                    La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que les demandeurs n’avaient pas la qualité de personnes à protéger au sens de l’article 97 de la LIPR?

 

·                    La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que les demandeurs bénéficiaient d’une PRI viable à Guadalajara et à Monterrey?

 

B.        La norme de contrôle applicable

 

[22]           Les questions relatives au caractère adéquat de la protection de l’État sont des questions mixtes de fait et de droit, et elles sont susceptibles de contrôle selon la norme de la raisonnabilité.

 

[23]           L’interprétation d’une exclusion à l’alinéa 97(1)b) de la LIPR est une question d’application du droit aux faits d’une affaire, et cette question est susceptible de contrôle selon la norme de la raisonnabilité (voir M.A.C.P. c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 81, [2011] ACF no 92, aux paragraphes 27 et 28 [M.A.C.P.]).

 

[24]           La conclusion que tire la Commission au sujet de la viabilité d’une PRI proposée est une question mixte de fait et de droit qui doit être tranchée en fonction de la norme de la raisonnabilité (voir la décision M.A.C.P., précitée, au paragraphe 29).

 

[25]           Selon la jurisprudence de la Cour, les conclusions de fait que tire la Commission et, plus précisément, son évaluation de la preuve, sont également assujetties à la norme de la raisonnabilité. Il n’appartient pas à la Cour de substituer son évaluation de la preuve à celle de la Commission, ni de soupeser de nouveau les éléments de preuve qui ont été soumis à la Commission. La Cour n’interviendra que si la Commission a tiré ses conclusions de manière abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve (voir Martinez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 798, [2009] ACF no 933).

 

IV.       Les observations des parties

 

A.        Les observations des demandeurs

 

[26]           Les demandeurs soutiennent que la Commission a commis une erreur en concluant à l’existence d’une protection de l’État au Mexique.

 

[27]           Les demandeurs sont également d’avis que la Commission a commis un manquement à l’équité procédurale et à la justice naturelle en omettant de prendre en considération des éléments de preuve illustrant le caractère inadéquat de la protection de l’État au Mexique. La Commission, soutiennent-ils, a fait abstraction d’éléments de preuve pertinents présentés et a pris en compte des documents périmés qui figuraient dans le Cartable national de documentation (le CND) sur le Mexique.

 

[28]           D’après les demandeurs, la Commission a commis une erreur en appliquant le mauvais critère pour déterminer s’ils bénéficiaient d’une protection de l’État au Mexique. Ils allèguent qu’elle a pris en considération ce que l’État du Mexique s’efforce de corriger, et non ce qui se passe dans la réalité. De ce fait, soutiennent-ils, elle n’a pas tenu compte de l’efficacité de la protection dont ils bénéficiaient et a arbitrairement fait abstraction d’éléments de preuve pertinents qui appuyaient leur position.

 

[29]           En outre, les demandeurs soutiennent que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle en n’analysant pas le risque auquel ils étaient exposés et en concluant qu’ils n’avaient pas la qualité de personnes à protéger au sens de l’article 97 de la LIPR.

 

[30]           Les demandeurs disent qu’ils ne sont pas victimes d’actes indistincts ou aléatoires. Ils craignent précisément Pedro et Alberto Ruiz, qui sont associés aux Zetas.

 

[31]           Les demandeurs allèguent que la Commission a commis une erreur car elle n’a pas procédé à une analyse personnalisée du risque actuel ou prospectif auquel ils sont exposés, ainsi que le reconnaît la jurisprudence de la Cour (voir Prophète c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 31, [2009] ACF no 143 [Prophète]).

 

B.        Les observations du défendeur

 

[32]           Le défendeur soutient que la conclusion de la Commission quant à la protection de l’État était raisonnable.

 

[33]           Selon lui, quand ils demandent l’asile au Canada, les demandeurs sont obligés de « confirmer d’une façon claire et convaincante » l’incapacité de leur propre pays de leur assurer une protection adéquate (voir Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689, [1993] ACS no 74, au paragraphe 50 [Ward]).

 

[34]           En l’espèce, la Commission a conclu que les demandeurs n’avaient pas épuisé tous les recours dont ils disposaient au Mexique, et cela minait donc sérieusement la confirmation claire et convaincante que le Mexique était incapable de les protéger.

 

[35]           Le défendeur soutient également que la Commission n’est pas obligée de commenter dans sa décision la totalité des éléments de preuve fournis. Elle avait le droit de choisir les éléments de preuve qu’elle privilégiait pour arriver à sa conclusion, dans la mesure où ceux‑ci étaient raisonnables et convenablement étayés. De plus, tous les documents dont la Commission a fait état ont été communiqués aux demandeurs en temps utile.

 

[36]           Quant à l’article 97 de la LIPR, le défendeur souligne dans son exposé des arguments que [traduction] « les règles d’équité procédurale exigent que la Commission soulève expressément la question d’une PRI […] Il appartient alors au demandeur d’asile de montrer qu’il serait déraisonnable pour lui de chercher refuge dans son propre pays. » (Voir le paragraphe 16 de l’exposé des arguments du défendeur.)

 

[37]           Le défendeur allègue que la Cour d’appel fédérale a fixé un seuil très élevé pour ce qui est du critère du caractère déraisonnable d’une PRI (voir Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 589, [1993] ACF no 1172, aux paragraphes 12 et 13 [Thirunavukkarasu]). Dans Thirunavukkarasu, la Cour d’appel écrit : « [C]ompte tenu de la persécution qui existe dans sa partie du pays, on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’il [le demandeur] cherche refuge dans une autre partie plus sûre de son pays avant de chercher refuge au Canada ou ailleurs. » Selon le défendeur, les conclusions que la Commission a tirées au sujet d’une PRI étaient raisonnables.

 

[38]           Le défendeur allègue que cette conclusion suffit à elle seule pour rejeter la présente demande au regard de l’article 97 de la LIPR.

 

[39]           Dans son exposé additionnel, le défendeur souligne que les demandeurs n’ont pas fourni une preuve réelle et concrète de l’existence de conditions les empêchant de s’installer ailleurs dans leur pays.

 

V.        L’analyse

 

[40]           La Cour conclut que la décision de la Commission selon laquelle les demandeurs bénéficiaient d’une protection de l’État est raisonnable.

 

[41]           Au paragraphe 50 de l’arrêt Ward, précité, la Cour suprême du Canada indique qu’« il y a lieu de présumer que les nations sont capables de protéger leurs citoyens ».

 

[42]           Cette présomption ne peut être réfutée que si les demandeurs fournissent une preuve « claire et convaincante » de l’incapacité de l’État de leur assurer une protection efficace (voir l’arrêt Ward, au paragraphe 50).

 

[43]           La Commission se devait de prendre en considération la situation générale au Mexique, les efforts faits par les demandeurs pour solliciter une protection, de même que la relation de ces derniers avec les autorités (voir Leon c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 34, [2011] ACF no 57, au paragraphe 25).

 

[44]           La Cour conclut que la Commission a évalué la preuve de manière raisonnable. Le Mexique est un pays démocratique qui dispose d’un « appareil étatique suffisant pour offrir des mesures de protection à ses citoyens » (voir le paragraphe 27 de sa décision).

 

[45]           La Commission a tenu compte du fait que M. Castor s’était présenté à trois reprises au commissariat de police pour porter plainte. Il avait eu aussi une quatrième occasion de le faire, mais avait décidé de ne pas faire part à la police du motif de ses blessures parce qu’il avait peur de Rojelio Ruiz (voir le paragraphe 32 de la décision de la Commission).

 

[46]           La Commission a souligné que si M. Castor était mécontent des efforts que faisait la police, il aurait pu chercher une solution de rechange, comme le programme de protection des témoins qui existe au Mexique.

 

[47]           La Cour reconnaît que la décision de la Commission comporte des erreurs d’écritures en ce qui concerne les références faites à des documents qui figuraient dans le CND sur le Mexique au moment où l’audience a eu lieu, c’est-à-dire le 9 novembre. Mais ces erreurs n’entachent pas de nullité la décision de la Commission (voir Miranda c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 63 FTR 81, [1993] ACF no 437; Earl c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 312, [2011] ACF no 392, aux paragraphes 26 et 27). L’évaluation de la situation au Mexique que l’on trouve dans le CND ne dispense pas les demandeurs d’avoir à produire une preuve claire et convaincante de l’incapacité dans laquelle se trouve le Mexique de leur assurer une protection adéquate.

 

[48]           Quant au paragraphe 97(1) de la LIPR et à la question d’une PRI viable, il est reconnu que « les conclusions de la Commission concernant la crainte objective et l’existence d’une PRI sont toutes deux déterminantes en ce qui a trait à la demande d’asile. En conséquence, pour que la Cour annule la décision de rejeter la demande d’asile, elle doit conclure que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle à l’égard des deux questions. » (Voir Butt c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 28, [2010] ACF no 77, au paragraphe 9 [Butt]; Guzman Lopez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 990, [2010] ACF no 1352, au paragraphe 14.)

 

[49]           La Cour conclut que la Commission n’a pas procédé à une analyse personnalisée de la nature du risque auquel les demandeurs sont exposés. La jurisprudence de la Cour d’appel est claire à cet égard : les demandes présentées en vertu du paragraphe 97(1) exigent que l’on procède à une analyse personnalisée au sujet de la nature du risque auquel les demandeurs sont exposés (voir l’arrêt Prophète, au paragraphe 7). Aux yeux de la Cour, il ressort manifestement de la décision de la Commission qu’une telle analyse n’a pas été faite. Les demandeurs craignent, s’ils retournent au Mexique, d’être victimes de représailles de la part des frères Ruiz qui restent et qui, disent-ils, sont maintenant associés aux Zetas.

 

[50]           La Commission n’a pas procédé à l’analyse requise (voir l’arrêt Prophète, au paragraphe 7, et la décision Munoz c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 238, [2010] ACF no 268, aux paragraphes 29 à 34). Selon la preuve que les demandeurs ont produite, comme M. Castor avait été témoin d’un vol et avait dénoncé Pedro Ruiz et, par la suite, le frère de ce dernier, Alberto Ruiz, pour représailles à son endroit, il s’exposait à un risque personnalisé, un risque auquel n’était pas exposée la population mexicaine en général. Il aurait fallu que la Commission traite de cet aspect important.

 

[51]           La Cour conclut néanmoins que la décision de la Commission sera maintenue car la conclusion de cette dernière au sujet de l’existence d’une PRI viable est raisonnable.

 

[52]           Les demandeurs n’ont pas établi selon la prépondérance de la preuve que leurs vies seraient menacées ou qu’ils seraient victimes de peines cruelles et inusitées à Guadalajara ou à Monterrey. La crainte qu’ils ont de vivre à ces deux endroits est de nature conjecturale. La crainte qu’ils ont des Zetas est de nature généralisée et ressemble à celle que ressent la population en général, car aucune preuve n’a été présentée à la Commission pour établir clairement que les frères Ruiz poursuivraient les demandeurs à Guadalajara ou à Monterrey et que ces deux hommes sont associés aux Zetas.

 

[53]           La Commission a également conclu que M. Castor est titulaire d’un diplôme d’études secondaires et qu’il a de l’expérience comme technicien en électronique industrielle. Le niveau d’instruction et les antécédents professionnels de M. Castor ne créeraient pas de difficultés aux demandeurs s’ils s’installaient à Guadalajara ou à Monterrey.

 

[54]           La Commission n’a pas commis d’erreur dans sa conclusion concernant l’existence d’une PRI viable à Guadalajara ou à Monterrey.

 

VI.              La conclusion

 

[55]           La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Il n’y a pas de question de portée générale à certifier.

 

 

« André F.J. Scott »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-261-11

 

INTITULÉ :                                       MARTIN ROCHA CASTOR
MARIA GUADALUPE PINA CRUZ
DAYANE PAOLA ROCHA PINA
et
LE MINISTRE DE
LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 12 octobre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Scott

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 7 novembre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Andrea de Rocquigny

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Thy My Dung Tran

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Andrea de Rocquigny

Montréal (Québec)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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