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Référence : 2005CCI507

Date : 20050823  

Dossier : 2004-3455(GST)I

ENTRE :

R. MARCOUX & FILS INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

MOTIFS DE JUGEMENT

(Prononcés oralement le 6 mai 2005, à Montréal (Québec).)

 

La juge Lamarre Proulx

 

[1]     Il s'agit d'un appel par voie de la procédure informelle concernant trois cotisations établies en vertu de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi »).

 

[2]     La première cotisation est en date du 28 avril 2003. Elle couvre la période du 1er février 1999 au 31 juillet 2002. L'avis porte le numéro 22022.

 

[3]     La deuxième cotisation est en date du 6 mai 2003. La période couverte est du 1er août 2002 au 31 octobre 2002.

 

[4]     La troisième cotisation est également du 6 mai 2003. La période couverte est du 1er novembre 2002 au 31 janvier 2003. L'avis porte le numéro 22027.

 

[5]     La ratification des cotisations est en date du 26 mai 2004.

 

[6]     Ces documents ainsi que quelques documents émanant de l'appelante ont été produits comme pièce I‑1.

 

[7]     La question en litige est de savoir si certaines fournitures de biens meubles corporels effectuées par l'appelante l'ont été à des acquéreurs autres que des consommateurs.

 

[8]     Il s'agit plus particulièrement d'une application de la partie introductive de l'article 1 de la Partie V de l'Annexe VI de la Loi et de la définition des termes « acquéreur » et « consommateur » au paragraphe 123(1) de la Loi.

 

[9]     L'annexe VI décrit les fournitures détaxées au sens du paragraphe 123(1) de la Loi. La partie introductive de l'article 1 de la Partie V de l'Annexe VI se lit ainsi :

 

[Bien meuble corporel] — La fourniture d'un bien meuble corporel, sauf un produit soumis à l'accise, effectuée par une personne au profit d'un acquéreur, autre qu'un consommateur, qui a l'intention d'exporter le bien, si à la fois :

 

...

 

[10]    Pour les fins de ces motifs, l'alinéa a) de la définition du terme « acquéreur » au paragraphe 123(1) de la Loi suffit. Cet alinéa se lit ainsi :

 

« acquéreur »

 

a)         Personne qui est tenue, aux termes d'une convention portant sur une fourniture, de payer la contrepartie de la fourniture;

 

...

 

[11]    Le terme « consommateur » au même paragraphe de la Loi est ainsi défini :

 

« consommateur » Particulier qui acquiert ou importe un bien ou un service, à ses frais, pour sa consommation ou son utilisation personnelles ou pour celles d'un autre particulier. La présente définition exclut le particulier qui acquiert ou importe le bien ou le service pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales ou d'activités dans l'exercice desquelles il effectue des fournitures exonérées.

 

[12]    L'avocate de l'appelante, au début de cette audition, a fait les admissions suivantes. Les alinéas 33a) à 33g) de la Réponse à l'avis d'appel amendé (la « Réponse ») ont été admis. Ces alinéas se lisent comme suit :

 

a)         l'appelante est un inscrit aux fins de la Partie IX de la L.T.A.;

 

b)         l'appelante exploite une entreprise de fournitures par vente de portes et fenêtres avec une seule et unique place d'affaires au Canada, soit à Coaticook au Québec;

 

c)         les acquéreurs des fournitures effectuées par l'appelante sont tant des Canadiens que des Américains;

 

d)         les acquéreurs américains se divisent en deux catégories, soit la personne qui acquiert les biens fournis pour sa consommation ou utilisation personnelle (cela exclut l'acquisition pour utilisation, consommation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales), c'est‑à‑dire un consommateur, soit la personne qui acquiert les biens fournis pour une toute autre fin, c'est‑à‑dire un entrepreneur ou un commerçant;

 

e)         les biens fournis par l'appelante à des acquéreurs américains, qu'ils soient consommateurs, entrepreneurs ou commerçants, ont été livrés aux dits acquéreurs au Canada, c'est‑à‑dire qu'ils en ont pris possession à la place d'affaires de l'appelante;

 

f)          l'appelante n'expédie pas elle‑même à l'extérieur du Canada les biens fournis aux acquéreurs américains ni de mandate un transporteur public, qu'elle aurait elle‑même payé, pour expédier à l'extérieur du Canada les biens fournis aux acquéreurs américains;

 

g)         l'appelante n'a pas perçu la TPS lors des fournitures qu'elle a effectuées par vente des biens acquis par les acquéreurs américains se qualifiant de consommateurs et lesdits acquéreurs américains n'ont pas payé ladite TPS à l'appelante;

 

[...]

 

[13]    Les témoins en cette affaire ont été madame Colleen Matthews, vérificatrice du dossier, et monsieur Richard Marcoux, président et propriétaire de l'appelante.

 

[14]    Madame Matthews a témoigné en premier pour expliquer la base de la cotisation.

 

[15]    Elle a expliqué que l'appelante a été vérifiée car depuis le début, cette entreprise a présenté des comptes de taxe nette négative. Elle était toujours créancière.

 

[16]    Les autres faits pris en compte par le ministre du Revenu national (le « Ministre ») sont :

 

h)         pour la première période visée, le montant de TPS que l'appelante n'a pas perçu lors de fournitures qu'elle a effectuées par vente de biens acquis par les acquéreurs américains se qualifiant de consommateurs est de 21 626,38 $;

 

i)          pour la seconde période visée, le montant de TPS que l'appelante n'a pas perçu lors de fournitures qu'elle a effectuées par vente de biens acquis par les acquéreurs américains se qualifiant de consommateurs est de 5 218,21 $;

 

j)          pour la troisième période visée, le montant de TPS que l'appelante n'a pas perçu lors de fournitures qu'elle a effectuées par vente de biens acquis par les acquéreurs américains se qualifiant de consommateurs est de 763,27 $;

 

k)         le montant total de TPS que l'appelante n'a pas perçu lors de fournitures qu'elle a effectuées par vente de biens acquis par les acquéreurs américains se qualifiant de consommateurs pour les première, seconde et troisième périodes visées est de 27 607,86 $ (21 626,38 $ + 5 218,21 $ + 763,27 $), montant que l'appelante n'a pas inclus dans le calcul de sa taxe nette qu'elle a déclarée au Ministre pour l'ensemble des trois (3) périodes visées;

 

l)          l'appelante est redevable au Ministre du montant des ajustements apportés à sa taxe nette déclarée pour les première, seconde et troisième périodes visées, plus l'intérêt net et les pénalités;

 

[17]    Le paragraphe 34 de la Réponse doit également être reproduit :

 

34.       Subsidiairement, et à titre informatif uniquement, pour la première période visée, le véritable montant de TPS que l'appelante n'a pas perçu lors de fournitures qu'elle a effectuées par vente de biens acquis par les acquéreurs américains se qualifiant de consommateurs est de 22 045,80 $ et non de 21 626,38 $ tel que cotisé, soit une différence de 419,42 $ que le Ministre a oublié de cotiser, montant que la Cour ne devrait tenir compte uniquement que si elle accueille l'appel et renvoie la cotisation en cause au Ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation

 

[18]    C'est à l'automne 2002 que la vérificatrice a commencé son enquête. Elle a demandé à voir les factures de vente et le grand livre. Les ventes aux américains ont commencé surtout depuis le printemps 2000.

 

[19]    Elle a fait la liste des acheteurs. S'il s'agissait d'entrepreneurs en construction, de sociétés corporatives ou de particuliers en affaires comme des propriétaires de motels, elle a considéré qu'il s'agissait d'acquéreurs autres que des consommateurs. Les particuliers pour lesquels elle ne pouvait déceler aucun motif d'activités commerciales, elle les a classés dans la catégorie des consommateurs.

 

[20]    Au cours de l'audition, elle a accepté quelques autres ventes comme étant des fournitures détaxées. La taxe relative à ces ventes est au montant de 1 033,62 $.

 

[21]    Monsieur Marcoux a expliqué que les particuliers à 80 ou 90 p. 100 venaient accompagnés d'entrepreneurs en construction, que certains particuliers étaient des employés d'entrepreneurs en construction et que les noms de certains particuliers paraissaient fréquemment ce qui pouvait être un indice d'achat pour activités commerciales.

 

[22]    Il a aussi relié quelques particuliers à des entreprises qui avaient été acceptées par la vérificatrice. Quand la question lui a été posée à savoir pourquoi les factures étaient faites au nom des particuliers plutôt qu'au nom corporatif, il a répondu que ces particuliers s'étaient chacun construit une maison.

 

Arguments

 

[23]    L'avocate de l'appelante fait valoir que je devrais accepter que certains particuliers ont acquis non à titre de consommateurs quand on peut les relier à des entrepreneurs, soit qu'ils étaient accompagnés de ces derniers, ou qu'ils étaient leurs employés, ou vu le nombre de transactions.

 

[24]    L'avocat de l'intimée a fait valoir qu'il n'y avait eu aucune lettre ou aucune déclaration assermentée provenant des acquéreurs, classés comme consommateurs par la vérificatrice, à l'effet qu'ils avaient acquis les biens corporels dans le cadre d'activités commerciales. Il fait aussi valoir que la preuve qu'il s'agit d'acquéreurs autres que des consommateurs doit être faite par l'appelante. En ce qui concerne le montant supplémentaire de taxe qui devrait être enlevé du montant total des cotisations à la suite d'acceptation par la vérificatrice que certaines autres ventes étaient détaxées, l'avocat soutient qu'il devrait être réduit du montant non inclus dans le total des cotisations par erreur de calcul, tel que mentionné au paragraphe 34 de la Réponse, ci‑dessus.


Conclusion

 

[25]    Ainsi que je l'ai mentionné à la fin de l'audience, je ne trouve pas et ne trouve toujours pas plausible que des employés acquièrent à leur propre compte des fournitures pour le compte de leurs employeurs. Il faudrait une explication provenant des employeurs et des employés corroborant cette proposition.

 

[26]    En ce qui concerne les particuliers accompagnés d'entrepreneurs en construction, si ce sont les particuliers qui achètent, les acquéreurs sont les consommateurs. Un entrepreneur peut venir avec le particulier pour lequel il construit une maison pour lui indiquer les choix. L'entrepreneur peut acquérir lui‑même et charger le montant au particulier dans les coûts totaux de la maison. À ce moment, l'acquéreur n'est pas le consommateur. Mais si c'est le particulier qui achète, il est un acquéreur qui est le consommateur.

 

[27]    Un particulier peut acheter pour des fins d'activités commerciales. C'est à l'appelante à faire la démonstration à partir des biens acquis et des activités du particulier, que c'est sûrement pour des activités commerciales que ces biens ont été acquis.

 

[28]    Les lettres ou les déclarations assermentées des particuliers peuvent aussi être utiles.

 

[29]    La preuve n'était pas suffisante pour me convaincre que les cotisations du Ministre ont été faites de façon erronée.

 

[30]    En ce qui concerne le dernier point de l'avocat de l'intimée voulant que je prenne en compte l'erreur de calcul faite par le Ministre dans l'établissement de la cotisation, je ne crois pas cette proposition en accord avec la décision Harris v. M.N.R., 64 DTC 5332, 66 DTC 5189. Il s'agit d'un principe établi depuis longtemps dans la jurisprudence fiscale que le Ministre ne peut pas en appeler de ses propres cotisations. Il a le pouvoir de faire des cotisations additionnelles. S'il ne le fait pas, les cotisations sont présumées valides, cela vaut d'un côté comme de l'autre. La Cour d'appel fédérale dans Petro‑Canada c. Canada, [2004] A.C.F. no 734, (Q.L.), aux paragraphes 65 à 69, a récemment confirmé cette position en concluant que le Ministre ne peut faire indirectement ce qu'il ne peut faire directement.

 

[31]    L'appel est accordé, sans frais, pour permettre une déduction d'un montant de taxe de 1 033,62 $. Autrement, les cotisations du Ministre sont confirmées.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour d'août 2005.

 

 

 

« Louise Lamarre Proulx »

Juge Lamarre Proulx


RÉFÉRENCE :

2005CCI507

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2004-3455(GST)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

R. Marcoux & Fils Inc. et La Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

le 4 mai 2005

 

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'hon. juge Louise Lamarre Proulx

 

DATE DU JUGEMENT:

le 10 mai 2005

 

DÉCISION RENDUE

ORALEMENT :

 

le 6 mai 2005

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

le 23 août 2005

 

COMPARUTIONS :

 

Avocate de l'appelante :

Me Agathe Cavanagh

Avocat de l'intimée :

Me Benoit Denis

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER:

 

Pour l'appelante :

 

Nom :

Me Agathe Cavanagh

 

Étude :

Ravinsky Ryan

Montréal (Québec)

 

Pour l'intimé(e) :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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