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Dossier : 2008-413(IT)I

 

ENTRE :

CAMILLE BOUCHARD,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 14 janvier 2009, à Vancouver (Colombie‑Britannique).

 

Devant : L’honorable juge Judith Woods

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me Eugene Kung

 

Avocate de l’intimée :

Me Whitney Dunn

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JUGEMENT

 

L’appel interjeté par l’appelant à l’encontre de la décision prise à son égard relativement à la Prestation fiscale pour enfants pour les années de base 2004 et 2005 est accueilli, et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse de  nouvelles cotisations en tenant compte du fait que l’appelant avait le droit de recevoir la Prestation fiscale pour enfants jusqu’au moment où sa fille a atteint l’âge de 18 ans.

 

          L’appelant a droit aux dépens.

 

 

          Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 16e jour de janvier 2009.

 

 

 

« J. Woods »

Juge Woods

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de janvier 2009.

 

 

Alya Kaddour‑Lord, traductrice

 


 

 

Référence : 2009CCI38

Date : 20090116

Dossier : 2008-413(IT)I

 

 

ENTRE :

CAMILLE BOUCHARD,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

(Rendus oralement à l’audience le 16 janvier 2009.)

 

La juge Woods

 

[1]     Voici les motifs du jugement rendus oralement dans la cause opposant Camille Bouchard à Sa Majesté la Reine.

 

[2]     En l’espèce, la question à trancher est de savoir si M. Bouchard avait le droit de recevoir la Prestation fiscale pour enfants pendant la période où il était en prison. La période en cause s’étend du 1er octobre 2005 au 7 avril 2007, date à laquelle la fille de M. Bouchard a atteint l’âge de 18 ans.

 

[3]     Dans sa réponse à l’avis d’appel, le ministre du Revenu national (le « ministre »), pour justifier son refus d’accorder la prestation à l’appelant, a invoqué le fait que M. Bouchard ne résidait pas avec sa fille pendant la période de son incarcération. Je me limiterai à analyser cette question, en tenant pour acquis que les autres exigences de la loi ont été remplies.   

 

[4]     Pendant plusieurs années avant son emprisonnement, M. Bouchard s’est occupé de sa fille à titre de chef de famille monoparentale. Juste avant son incarcération, ils vivaient dans un appartement comprenant deux chambres à coucher à Nanaimo, en Colombie‑Britannique.

 

[5]     En septembre 2005, M. Bouchard a été incarcéré dans une prison fédérale, où il a passé 20 mois. Au moment de son emprisonnement, sa fille était âgée de 17 ans.

 

[6]     Sa fille a continué de résider dans l’appartement de Nanaimo pendant deux mois environ après l’incarcération de son père. Elle a ensuite quitté l’appartement pour emménager chez une famille qu’elle connaissait. Pendant que M. Bouchard était en prison, sa fille a vécu avec trois familles différentes.

 

[7]     Pendant tout ce temps, M. Bouchard a maintenu un contact régulier tant avec sa fille qu’avec les familles chez qui elle habitait. Il a aussi envoyé de l’argent pour payer un loyer aux familles et régler les autres dépenses de sa fille. Je dois toutefois souligner que les trois premiers mois de l’incarcération de M. Bouchard font exception; à cette époque, il lui a été difficile d’entrer en contact avec sa fille.

 

[8]     En l’espèce, la question à trancher est de savoir si l’incarcération de M. Bouchard a eu pour effet de le priver de son droit à la Prestation fiscale pour enfants, du fait qu’il ne résidait pas avec sa fille pendant cette période.

 

[9]     Pour les raisons qui suivent, je conclus des faits en cause que la période d’incarcération ne devrait pas priver M. Bouchard de son droit à la Prestation fiscale pour enfants

 

[10]    Je commencerai par décrire le régime de la Prestation fiscale pour enfants. Depuis 1993, le gouvernement offre une aide financière aux familles à faible ou moyen revenu grâce à un système de subventions régi par la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). Les dispositions législatives en question sont venues remplacer l’ancien système de prestations, qui était connu sous le nom d’allocations familiales. En vertu du régime de la Prestation fiscale pour enfants, une prestation mensuelle est versée au parent qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de l’enfant. En l’espèce, il n’est pas contesté qu’il s’agissait de M. Bouchard. 

 

[11]    Toutefois, la Loi exige non seulement du parent qu’il s’occupe de l’enfant, mais également qu’il réside avec lui. C’est cette dernière exigence qui est en cause en l’espèce.

 

[12]    Dans une situation telle que celle‑ci, il est bon de se demander pourquoi la Loi impose deux conditions distinctes, soit une condition de résidence et une condition relative à la responsabilité pour le soin de l’enfant. Pourquoi cette dernière condition ne serait‑elle pas suffisante?

 

[13]    Il me semble que la condition de résidence vient étoffer la Loi, parce qu’elle clarifie le fait que la prestation doit être versée au parent qui a la garde de l’enfant après un divorce.

 

[14]    Toutefois, l’interprétation de la condition de résidence peut s’avérer difficile dans certaines situations.

 

[15]    Un exemple des difficultés d’interprétation que cette condition soulève a été étudié dans la décision Fiogbe. Dans cette cause, le juge O’Connor a remarqué de façon incidente que le fait qu’un enfant ait effectué un séjour prolongé à l’hôpital ne devait pas nécessairement priver un des parents de son droit à la prestation. 

 

[16]    La décision Penner nous donne une autre illustration. Dans cette affaire, la Cour a dû se pencher sur la question de savoir si la condition de résidence était remplie quand un enfant vivait en dehors de la résidence familiale afin de pouvoir aller à l’école. Le juge Beaubier a conclu qu’une telle situation ne devait pas priver le parent de son droit à la prestation.

 

[17]    Il s’agit d’exemples de situations dans lesquelles un enfant a quitté la résidence familiale pendant un certain temps. Doit‑on parvenir à une conclusion différente si c’est le parent qui quitte la maison? Qu’arrive‑t‑il si un parent ayant la garde doit s’absenter pour son travail de façon prolongée et qu’il engage quelqu’un pour s’occuper de son enfant? Et qu’en est‑il si le parent ayant la garde s’absente pendant un certain temps parce qu’il a été incarcéré? 

 

[18]    Je suis d’avis qu’il faut faire preuve de compassion lorsque l’on interprète les dispositions portant sur la Prestation fiscale pour enfants dans de telles circonstances, de manière à ne pas aller à l’encontre de l’intention évidente du législateur, qui était d’aider les familles à faible revenu.

 

[19]    Quand un parent a la garde d’un enfant et s’en occupe, ce parent devrait généralement avoir droit à la Prestation fiscale pour enfants, et ce, même s’il arrive que ce parent ne réside pas physiquement sous le même toit que l’enfant pendant une certaine période

 

[20]    La situation dans laquelle la fille de l’appelant s’est retrouvée n’était pas facile pour une jeune fille de 17 ans. Refuser au parent qui en avait la garde et qui s’en occupait son droit à la prestation irait radicalement à l’encontre de ce que le législateur avait à l’esprit en adoptant le régime de prestations familiales.

 

[21]    D’après moi, en l’espèce, il convient de donner un sens large à l’expression « réside avec ». La fille de l’appelant ne s’est pas installée de façon permanente dans une autre résidence pendant que son père était en prison, et ce dernier a continué d’assumer la responsabilité pour le soin de sa fille. Je conclus que la fille de l’appelant n’a pas abandonné le lieu de résidence habituelle qu’elle partageait avec son père, et ce, même si elle s’en est éloignée pendant une période assez longue.

 

[22]    L’appel est accueilli, avec dépens.

 

 

          Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 16e jour de janvier 2009.

 

 

 

« J. Woods »

Juge Woods

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de janvier 2009.

 

 

Alya Kaddour‑Lord, traductrice

 

 


 

RÉFÉRENCE :                                  2009CCI38

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2008-413(IT)I

 

INTITULÉ :                                       Camille Bouchard et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 14 janvier 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge J. Woods

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 16 janvier 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me Eugene Kung

 

Avocate de l’intimée :

Me Whitney Dunn

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

          Pour l’appelant :                      

 

                        Nom :                        Me Eugene Kung

 

                    Cabinet :                        The British Columbia Public Interest Advocacy Society

                                                          Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

           Pour l’intimée :                        John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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